Samedi 9 mai 2020
Gaz de schiste : Tebboune n’en voit pas le besoin mais Arkab le négocie déjà ?
Dans le cadre de sa rencontre avec la presse nationale, le président de la république semble en faire une tradition pour qu’à chaque occasion il s’exprime en direct sur les sujets qui intéressent les citoyens et relatifs aux divers volets économiques, sociaux, sociétaux et accessoirement celui politique.
Le jeudi 30 avril, il a répondu aux questions de quatre organes de presse qui ont fait chacun de son côté un commentaire sur son journal en rapportant fidèlement sous forme d’un compte-rendu la vision du président de la république sur l’ensemble des axes évoqués lors de cet entretien.
Celui du nouveau directeur du quotidien national El Watan, Tayeb Belghiche (01) devait dérouter plus d’un lorsqu’il décrit la conception du président de la république de la future démarche pour l’exploitation des ressources fossiles. Ainsi il rapporte que le président de la république «a ajouté à propos de l’énergie que l’Algérie n’a pas besoin d’exploiter le gaz et le pétrole de schiste car elle a d’autres richesses, tels que les métaux rares, comme le diamant, l’or, le tungstène, etc., qui ont été délaissées et pour lesquelles les cahiers des charges sont déjà prêts en vue de leur exploitation, peut-être avant même la fin de l’année. Il s’est également montré optimiste en ce qui concerne l’agriculture.»
Et il reprend sa déclaration : «Nous produisons pour l’équivalent de « 2,5 » milliards de dollars/an et de ce fait, nous sommes devenus auto-suffisants.»
Rappelons juste que les terres rares constituant un ensemble de 15 à 17 éléments métalliques du tableau parodique de Mendeleïev avec une propriété chimique très voisine qui se trouvent pratiquement toujours associés dans la nature en deux groupes principaux dits : Lanthanides et Yttrium dont les applications sont multiples et extrêmement demandés dans l’industrie à travers le monde.
L’Algérie selon un géologue de renom professeur Kazi Tani Nasreddine dans le cadre d’une rencontre à l’Observatoire citoyen algérien (OCA), avait mis en exergue cette richesse dans ce domaine, évaluée à plus de 3000 milliards de dollars.
Le 24 avril 2019 une dépêche de l’agence Reuters avait affirmé que des milliards de dollars d’or et d’autres ressources minérales sont exportés en contrebande d’Afrique en direction des Émirats arabes unis (EAU) et de la Chine. L’agence de presse britannique va plus loin, en affirmant que ce commerce, particulièrement lucratif, quoique parfaitement illégal, alimenterait certains conflits dont celui qui tue des dizaines de milliers de Yéménites depuis 2015. Il violerait les droits humains et mettrait en péril l’environnement des pays dans lesquels ces ressources sont extraites dans l’irrespect total des règles internationales du commerce et du droit international.
Donc il était clair que le président de la république ne l’a pas évoqué par défaut mais doit être au courant de ce dossier qui a fait couler beaucoup d’encre durant les années 2018 /2019. Mais là n’est pas la question qui nous préoccupe pour le moment.
Quel est le chardon que soulève ce compte rendu d’El Watan ?
La vidéo de cet entretien a été diffusée à la télévision publique, privée et les réseaux sociaux (02) et là où cela cloche c’est que le président de la république à partir de la 17e minute avait effectivement insisté sur l’utilisation de cette richesse qui dort, dite terres rares, mais n’a à aucun moment prononcé un mot sur le gaz de schiste comme ressource de comparaison pour l’exclure de toute possibilité d’exploitation comme c’est rapporté par le directeur du quotidien El Watan. Mais en même temps en tant journaliste chevronné de l’ancienne génération, qualifié par certains de ses paires de grand reporter par sa visite en Nouvelle Calédonie il y a de cela plus de 20 ans, il n’aurait pas pu faire dire au président ce qu’il n’a pas « dit » d’une manière crue s’il ne l’avait pas entendu ou ronronne dans ses oreilles. Probablement il l’aurait entendu en aparté ou hors camera ? Peut-être qu’on ne l’aurait pas entendu nous-mêmes non plus ?
Le lecteur pourrait se demander en quoi c’est important que Tebboune le dise ou pas ?
Il faut reconnaître que le président Tebboune, à travers sa longue carrière comme commis de l’Etat, a montré une certaine rigueur dans la démarche collégiale avec ses collaborateurs surtout dans le secteur de l’habitat dans lequel il a passé plusieurs années. Il n’aime pas servir d’appuie-main puisqu’il a même instruit ses différents départements de ne plus utiliser l’expression « sur instruction du président », certainement pour les impliquer dans le processus de prise de décision une fois cette dernière arrêtée collégialement par l’équipe gouvernementale.
Or, la veille de cet entretien jugé dans l’ensemble très productif, le ministre de l’Energie, Mohamed Arkab disait tout autre chose. En effet, rapporté par Maghreb Emergent (03), ce responsable a révélé que l’Algérie négociait en ce moment même avec « les nouveaux producteurs de gaz de schiste pour maintenir sa position sur le marché.»
Face à cette confusion qui va-t-on croire ?
R.R.
Notes
(01)- https://www.elwatan.com/edition/actualite/une-revolution-economique-en-preparation-02-05-2020
(02)-https://www.youtube.com/watch?v=DKnCq4ZHNIY&feature=share