29 mars 2024
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Hirak : force intacte et goulue, ardeur désarmée

Opinion

Hirak : force intacte et goulue, ardeur désarmée

Debout au seuil d’un pays qu’il a remis en ordre, net et lumineux, en tout point opposé aux jours enfouis et aux longs crépuscules, il concilie les points écartés de l’histoire et les rapproche du cœur granitique de la patrie. Ce jour, l’histoire n’hésite plus. Ne tourne plus sur elle-même. Une voix puissante et triste.

Grâce et majesté en des instants étranges, quasi légendaires. Ce jour d’un pays constamment prêt à craquer sous le poids des lois scélérates et encombré de nuits qui tombent semblables au chaos.

À la mémoire de Djamel Bensmail l’artiste, l’altruiste, l’humaniste

Dans une tenace grisaille jalonnée d’aubes exaltées, temps ouverts, irrécupérables, le présent lointain vibrant à la rencontre du fond de l’avenir, Djamel Bensmail voulait atteindre à une heure neuve de la journée ce point où la réalité est à la fois un champ immense et une terre proche infusée de rêve. Très proche qu’il pourrait à tout moment ramasser, faire couler dans ses doigts avec une très grande attention, comme son attention aux autres, ses semblables, aux grandes choses et aux petits bonheurs. Son ultime passion. Son inépuisable passion.

À la mémoire des victimes de la pandémie, à celle des victimes des incendies

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Nos grandes pensées à nos morts. Ces morts, ces pauvres morts sont nos grandes douleurs. On pense aux humbles. On pense aux flammes où brulèrent des humains. On pense à l’infini et aux cendres noires de l’espace noir dépourvu de toute nuance d’où monte la complainte des braves.

Aux détenus du Hirak à qui nous devons solidarité

Fraternité et amitié pour les entourer, les aider à tenir, à se tenir debout et les soutenir.

En toute urgence, de toutes nos forces pour leur libération.

Jusque-là on ignorait de quoi avait l’air la folie ordinaire de  »l’Algérie nouvelle ». À présent on le sait. Depuis la sourde prose du défunt ex-chef de l’Armée et son jusqu’au-boutisme, elle se décline sous la forme d’un autoritarisme amateur, encore maladroit. Une sorte d’impatience à en finir avec le Hirak et avec toute résistance populaire. Anciens et nouveaux repères se juxtaposent et incarnent des lieux d’un pouvoir lent à mourir, excessivement mesquins, cyniques et misérables.

Le pays en sort exsangue, littéralement asphyxié et brulé, essoré mais frémissant et combatif, ayant vécu une violence d’une ampleur sidérale. C’est au moment où la vie, rude et cruelle, exige des réponses plus urgentes que le pouvoir projette sa violence et ses éclats au dehors dans la société, avec son langage replié sur soi, un langage de cauchemar hermétique.

Au plus fort de la pandémie -aux alentours des derniers jours juillet 2021-, la gestion -calamiteuse- de l’oxygène aux mains d’une obscure cellule du ministère de la santé est brutalement et sans aucune explication confiée, dans l’impréparation et la confusion totale, à des structures locales déjà décadentes et désemparées devant l’ampleur de la catastrophe sanitaire. Les responsables de la décision politique se défaussent, et de la débâcle s’en lavent les mains et ne rendent compte à qui que ce soit. Un parfait dosage d’incompétence, d’autoritarisme et de cynisme. Et au bout le désastre vécu.

Les incendies, un désastre encore pire, littéralement tragiques. Reddition totale de la machine étatique. Tout serait calciné sans la solidarité des citoyens venus à la rescousse de tous les coins du pays pour sauver ce qui était possible d’être sauvé. Fraternité humaine et solidarité. Tout est là.

Vivant et activé. Tout et toujours. Ce qui compte, l’histoire et la route parcourue à pas si menus pour faire destin commun. Un pays. Un présent qui s’étale et un avenir que l’on croit posséder et que l’on imagine sur le point de découvrir. C’est cela qui compte. Toujours.

Dans les deux tragédies vécues, la propagande et la manipulation officielles sont maniées et relayées jusqu’à la nausée. Le venin de l’offense et des haineux amplifié par les antennes factices du pouvoir, passant des plus faibles aux plus crétins et magnifié partout où grenouillent des fascistes en herbe. Le pouvoir a utilisé tout le catalogue des agissements inacceptables. Il offre un visage plus féroce encore sous l’étreinte infernale des multiples injustices qu’il inflige à un peuple déjà abimé, et révèle son affreuse logique et sa laideur calculatrice. Attiré par la seule perspective du butin derrière laquelle il y a une immense prédation. On découvre à mains nues que ce pouvoir n’est qu’un leurre adossé à des fortunes dissimulées au regard collectif. Et derrière les fortunes, une immense prédation mondiale.

Le pouvoir vit de dérèglements, va d’égarement en aveuglement et fait dériver le pays au fond d’un cauchemar énorme. Le pays se retrouve avec des institutions pulvérisées, à l’état de poussière, grouillantes de laideur qui remontent d’une déroute totale et épouvantable.

Son appareil judiciaire, infirmité destructrice, menace de tout engloutir et d’attirer tout dans son gouffre jusqu’à ce que jaillisse le chaos. Son action est mécanique, machinale, inhumaine. Aucun aspirant à la citoyenneté ne peut traverser le pays sans être effroyablement brisé sous les rafales des arrestations, de la chasse à l’homme, des perquisition à toute heure de jour et de nuit.

Terrasser le courage du peuple tel est le but. Et jeter à terre ses belles volontés; le Hirak en est une.

Le Hirak. On pourrait croire qu’il est fini. On pourrait le croire. L’idée. L’idée du Hirak. Une idée justement par laquelle on peut s’élever, porter sa souffrance en creux, rêver plus haut et se battre pour y arriver. Une idée avec laquelle le peuple s’est arraché à la nuit profonde, balbutiante où il était plongé.

Cette idée postule que le système ne cohabite pas avec ce qui peut le nier victorieusement ni ne contemplera passivement sa sortie de la scène et de l’histoire. De l’intérieur, avec très peu ou pas du tout de possibilités. De l’intérieur du système, une cruelle désillusion. Hors et contre. Voilà. C’est du dehors et contre le système qu’il y aurait une fenêtre de tir, une possibilité pour le renverser et lui passer dessus. Le pouvoir a vu venir l’idée, le Hirak. À la menace sérieuse de celui-ci, la réponse furieuse du premier.

L’idée consiste à aménager des trouées, des brèches, des espaces assez vastes, faire entendre son cri radical pour y loger son devenir et y faire vivre toute son histoire. On y apprend que la solution vient du peuple, de son irréductibilité et de la volonté des masses. L’idée montre qu’une clarté existe dont il faut alimenter la flamme. Une braise qui longtemps tremble sous les cendres. Sans doute elle ne tardera pas à annoncer la suite de son histoire quand le peuple l’embrasse d’un seul coup d’œil saisissant. De maintenant. À l’ombre du monde et pourtant terriblement dans le monde et non loin de la flamme très belle du début. La pâleur de la colère prend toujours le dessus. Elle redevient froide. Rentrée. Précise.

Il faudra regagner les forces de la volonté. Parce qu’il n’est pas possible que le pouvoir arrive à tenir le peuple encore longtemps sous son talon. We can’t breathe! Le peuple a un génie pour la révolte et la révolution. On l’a effacé, assiégé, humilié, et quand on le croyait à terre, il se redresse, rebelle et généreux, défiant les vieux démons et appelant au delà des remparts au salut de la patrie.

De ce pays, on aime l’impossibilité, mais pas le désespoir. Ce qui a été essayé servira de source d’inspiration, ce qui a été raté, de leçon.

Radical et combatif, le Hirak ne sera pas un magnifique vaincu. Il vaincra.

Auteur
Amirouche Moussaoui

 




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