4 décembre 2024
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AccueilChronique« Houris » de Kamel Daoud : le courage de braver l’interdit

« Houris » de Kamel Daoud : le courage de braver l’interdit

Le but de cette chronique n’est pas de nous jeter dans l’arène du combat qui fait rage entre les partisans de Kamel Daoud et ses détracteurs, mais de donner un avis sur « Houris », le livre qui lui a valu le prix Goncourt.

Ce que d’aucuns semblent ignorer, c’est qu’en osant traiter d’un sujet lié à la décennie 1990, Kamel tombe sous le coup d’une loi qui le condamnerait à cinq ans de prison ferme si jamais l’idée folle de rentrer au pays le prenait. Par cette œuvre, Kamel sait qu’il se condamne à l’exil. Il devient ainsi le porte-voix lucide de nos coups de gueule contre le pouvoir et les islamistes.

Comme on s’en doutait, « Houris » est un rétroviseur ajusté sur « la guerre contre les civils » et non pas la guerre civile comme il est coutumier de la désigner. Le nombre de 200 000 morts ne donne pas la distribution entre les victimes. Combien de militaires sont tombés et combien de tangos ont été éliminés ? On ne le saura jamais ! car ces deux belligérants se sont adonnés à un jeu de massacre des civils, chacun essayant de les faire endosser à l’autre. Il est quasiment impossible que le nombre de militaires tués dépasse quelques milliers, comme il est tout aussi improbable que le décompte des victimes islamistes dépasse la dizaine de milliers. L’écrasante majorité des victimes sont des civils. Et là se pose l’éternel question « qui a tué qui ». Se réfugier dans la sempiternelle formule « ceux sont des Algériens qui ont tué d’autres Algériens » ne suffit pas, ne suffit plus !

Même si, on a un peu de mal (je parle pour moi, évidemment) à s’accrocher à l’histoire dès les premières pages, on est vite rattrapé par le style poétique de notre intellectuel. À tel point que le livre se dévore d’une traite.

À travers l’histoire d’Aube, le personnage principal, c’est le destin peu enviable de la femme musulmane, en général, et de l’Algérienne, en particulier, qui est superbement décrit.

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Non seulement Kamel réussit à nous replonger dans toutes les horreurs de la décennie noire, mais il le fait en ciselant les mots avec une précision d’horloger. Même les scènes les plus cruelles sont mises en relief avec une phraséologie poétique. Seul le verbe égorger (par ce qu’il n’a pas de synonyme) domine tout au long du texte. Mais ne faut-il pas appeler un chat, un chat après tout ? Nous le savons tous, et qui peut décemment l’oublier, des rivières de sang ont coulé, des jeunes filles violées, des femmes éventrées, des vieux, des jeunes, des femmes, des enfants, des bébés ont été trucidé san états d’âme. Toutes les composantes de la société ont payé le prix fort dans cette guéguerre stupide.

Alors comment diable ose-t-on nous interdire de nous souvenir en faisant en sorte de faire semblant que la décennie 1990 n’a jamais existé dans l’histoire du pays ? À l’allure où vont les choses, on va bientôt la supprimer du calendrier en la faisant enjamber par les années 1980 ! Ils en sont capables !

Pour dire un mot sur les polémiques, certains de nos intellectuels les plus respectés se sont lancés dans des diatribes inimaginables contre l’auteur sans même, de leurs propres aveux, avoir lu ou feuilleté le livre, allant jusqu’à traiter l’auteur « d’indigéniste » ! ?

Ce n’est pas sérieux ! Et, à mon avis, le sens donné par notre intellectuel à ce qualificatif est diamétralement opposé à son sens absolu !

« Houris » est une symphonie mélancolique angoissante par sa justesse de ton sur fond de perfection syntaxique !

Bravo et Félicitations Kamel ! Merci de la fierté que tu distille en nous chaque fois que tu dénonces la bêtise des hommes !

D’aucuns te reprochent certains dérapages, mais après tout, qui peut prétendre à une dialectique linéaire en permanence ? Surtout dans ce monde virtuel où la moindre information est noyée dans un océan d’intox.

Kacem Madani

2 Commentaires

  1. « Même si, on a un peu de mal (je parle pour moi, évidemment) à s’accrocher à l’histoire dès les premières pages… »
    J’ai la même impression avec le pastaga, je n’aime pas , mais il se boit facilement .
    C’est du kabichou tout craché : kharhegh gma kharhagh wa tyiwten. Je n’aime pas K.D mais je n’aime pas qu’on le critique.
    Moua aussi , je n’ai pas le courage de descendre dans l’arène mais au risque de me faire moucher violemment par Madani, yetsghadit lhal kter inou, je vais kamim y mettre mon grain de celles.
    Ohqarbi que difwa je doute que sois complètement idiot car ceux qui me connaissent disent que je ne le suis qu’à moitié. Jusque-là je doutais de mon opinion sur KD non l’homme mais l’écrivain. A vrai dire l’homme aussi, cela dépend quand qui est qui. Mais comme Madani s’y met je suis rassuré. Ce n’était donc pas si grave qu’il n’y paraissait. Désormais je ne requerrai plus contre KD car ses défenseurs se chargeront de l’accabler.
    Putain ! K.D n’a pas osé dire ce qu’on lui fait dire y a Boundyou !
    C’est la curée nom de Dieu ! On dirait la chasse au trésor. Il ne manque que le sémioticien qui est expert en langage des signes pour nous traduire Maud et achever la révélation du sens caché dans « Houris ».
    Avec cependant un chouia de mauvaise foi savamment dosée en laissant comprendre que eux aussi savaient mais comme s’il n’avaient rien su car ils avaient oublié. Ou qu’eux ne savaient pas le dire comme K.D .
    Avouant à peine que s’il n’y a rien dans le roman c’est parce que tout est dans l’exégèse. On a donc habillé K.D de toutes les vertus cardinales et nous l’a fait prophète exilé parce qu’il n’a pu l’être en son pays.
    Voila donc un roman ou K.D se fait effaceur des mémoires aidé par une intelligentsia parisienne qui feint de n’avoir jamais rien su de la décennie noire et par un gotha intellectuel de chez nous un chouia partisan du kituki qui lui emboite le pas pour déculpabiliser, comme si tout ceux qui ont été assassinés pendant la décennie noir sont morts de ne pas avoir su parler comme Maud le personnage de K.D
    .
    Iben moua je dis que KD qui a compris la décennie noire comme il compris Camus a dans Houris sous prétexte que tout le monde s’est tu à propos de la décennie noire profité pour s’ériger en oracle. Alors pour surcharger la bourrique il crée un personnage muet pour lui prêter ses propres pensées.
    Même si on accrédite pas complètement cette thèse les laudateurs de K.D font comme si c’était vrai. On aurait donc massacré pendant une décennie en cachette et tous les témoins de la tragédie ont fait comme s’ils n’avait rien vu.
    On nous dit : oui c’est vrai que ce n’est pas vrai mais il s’agit d’une critique du pouvoir donc il faut apprécier.

  2. Là où on voit la volonté de réduire Daoud à moins que rien, c’est quand on passe au grès des commentaires d’un supposé passé islamiste (comme si ce n’était, d’ailleurs, pas un exploit en soi de revenir de chez Hades), à redondance des thèmes, à confrontation- comparaison avec d’autres auteurs, au teint basané, etc. Des commentaires sans lien avec le sujet. Tout ça n’est pas objectif.

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