Vendredi 9 avril 2021
H’sissen : une vie éphémère, un répertoire extraordinaire
Encore un géant du terroir tombé dans les oubliettes qu’il est de notre devoir d’honorer. Si son répertoire est composé essentiellement de chaâbi dont il avait une grande maîtrise, H’sissen a aussi chanté en kabyle des chansons immortelles.
Parmi ses chefs d’œuvre on peut citer « A ṭṭir lqafs », repris par feu Djamel Allam, Abdelkader Chaou, et Ali Idaflawen, entre autres. Sans oublier « R-fdaɣ tabaliz », une chanson récemment reprise et modernisée par Ali Amran, ou encore « Axzou sheitan » et « Ay-ul izegran lebḥar ».
La plupart des titres chantés en arabe sont dédiés à « Yum elkiyama » (jour du jugement dernier), avec « Netleb rebbi yaɛfou ɛliya », « Ellahi yelt’ha b’hemmou », « Ya dif Allah », et le classique « Etfekkar lmout ya insan», etc. À croire que dans son subconscient, il savait sa disparition proche en extrapolant souvent ses productions à la vie après la mort.
Pour les néophytes en musique chaâbi, un must à découvrir est le sublime « Fessem qala », même si côté chaâbi, toute son œuvre est d’une qualité exceptionnelle.
L’originalité des interprétations de H’sissen réside dans le fait qu’il semble chanter sans pression, avec quiétude et une diction limpide et fluide. Il faut peut-être aussi relever le fait que l’essentiel de son œuvre est sa propre composition.
Biographie
H’sissen, de son vrai nom Ahcène Larbi Benameur est né le 8 décembre 1929 à La Casbah d’Alger. Il est mort le 29 septembre 1959 à Tunis.
Il est issu d’une famille modeste, originaire du village Tizi-Ameur Boumahni, commune d’Aïn-Zaouia, non loin de Draâ El-Mizan (wilaya de Tizi Ouzou). Son père travaillait chez un Français. Comme toutes les femmes kabyles, sa mère s’occupait du foyer.
La misère et le chômage causés par le colonialisme n’ont pas été tendres avec son père qui eut beaucoup de mal à subvenir aux besoins de sa petite famille. Conscient de la dureté de la vie, H’sissen s’adonna à la vente de journaux dans les ruelles d’Alger, tôt le matin, avant de se rendre à l’école. Faute d’argent, il mettra fin à ses études après avoir décroché son certificat d’étude primaires (C.E.P). Ce qui était un exploit pour son époque.
Il reprend le travail et, comme son père, il est embauché par un Français. Dans les rares moments de répit, il s’entraîne à la mandole et à la percussion. Très vite, il réussit à maîtriser ces instruments. Il avait à peine 15 ans, lorsque Cheikh Amraoui Missoum, méticuleux dans le choix de ses musiciens, fut subjugué par les qualités artistiques de ce prodige. Il n’a pas hésité à l’intégrer au sein de son orchestre comme percussionniste. Au bout de quelques années passées avec cheikh Missoum, H’sissen en apprit beaucoup sur les secrets de la musique chaâbi.
Pour mettre au profit tous les conseils prodiguées par son maître, H’sissen, doté d’une voix splendide et jouissant d’une mémoire prodigieuse, lui permettant de retenir un long poème après l’avoir lu une ou deux fois, se mit à chanter et à se produire dans toute la Casbah. Il se mit très vite au diapason de grands ténors de l’époque. En un temps relativement court, H’sissen est devenu l’un des cheikhs reconnus de la musique chaâbi.
« Si tous les fils d’Algérie étaient des fils uniques qui prendrait alors les armes ? »
Quelques années avant le déclenchement de la révolution, il forme son premier orchestre.
Parallèlement à son art, H’sissen mène une activité politique dans les rangs du FLN qu’il intègre en 1955. Sa mère, inquiète à son sujet, lui rappelait sans cesse, qu’il était fils unique et qu’elle ne voulait pas le perdre. Ce à quoi, il lui rétorquait : «Si tous les fils d’Algérie étaient des fils uniques qui prendrait alors les armes ? ».
Sentant la menace peser sur lui, il décide de s’exiler en France. En compagnie de Missoum, qu’il retrouva à Paris, il animera des soirées pour émigrés dans des cafés. Dès l’annonce de la création de la troupe artistique du FLN, en avril 1957 à Tunis, H’sissen est sollicité avec Alilou (percussionniste) pour y prendre part. Il retrouve ainsi ses amis Ahmed Wahby, Mustapha Kateb, Mustapha Sahnoun, Farid Ali, Ouafia, Boualem Rais et bien d’autres, avec lesquels il va sillonner une partie du monde arabe pour faire connaître la culture algérienne.
En 1959, H’sissen tombe gravement malade. Il meurt, alors qu’il n’avait pas encore fêté ses 30 ans, des suites d’une maladie pulmonaire, à Tunis où il est inhumé.
Ci-après la transcription et la piste audio de « A ṭṭir lqefs ».
A tṭiṛ lqefs
Ay ul-iw yefna-k ssber
Γas ili-k d lḥerr
Teḍra yid-k am umejruḥ
Win εzizen am ass-a ad t-nẓer
Yid-s ad nqesser
Aql-aɣ nettraju lfuttuḥ
A ṭṭir lqefs, a ṭṭir lqefs
Yak atan wul-iw d amejruḥ
Di lɣerba nerwa aḥewwes
A nettxemmim melmi ara ad nruḥ
Siweḍ sslam i ṭṭir lqefs
In-as ar d ak-in-ḥkuɣ
Ad tafeḍ-t mačči weḥd-s
Fell-asen merra ttruɣ
Atta-ya ssura-w tenqes
Am wassa ncallah ad ḥluɣ
A ṭṭir lqefs, a ṭṭir lqefs
Yak atan wul-iw d amejruḥ
Di lɣerba nerwa aḥewwes
A nettxemmim melmi ara ad nruḥ
Ma d Rebbi lexber ɣur-s
S lɛun-is ara leḥḥuɣ
Ayen i d-yefka merra ines
Lmektub ad t-ttrajuɣ
Lehlak ar d at-yekkes
Lemḥayen ar d asent-cfuɣ
A ṭṭir lqefs, a ṭṭir lqefs
Yak atan wul-iw d amejruḥ
Di lɣerba nerwa aḥewwes
A nettxemmim melmi ara ad nruḥ
Ah ya ṭṭir fhem ḥesses
Deg ubrid-ik ara leḥḥuɣ
Cced n cciṭan yeqqers
Kul ssbeḥ ad t-ttxezzuɣ
Ma d tura atan yefles
Ur yeẓri s wayes i yuɣ
A ṭṭir lqefs, a ṭṭir lqefs
Yak atan wul-iw d amejruḥ
Di lɣerba nerwa aḥewwes
A nettxemim melmi ara ad nruḥ
Atan wul-iw yerqaqes
Netta d rray-iw yennuɣ
Wi llan d lfahem iḥesses
Mazel-iyi ad ssefruɣ
Am lebḥer ur ineqqes
Ah acḥal ara d-rnuɣ
A ṭṭir lqefs, a ṭṭir lqefs
Yak atan wul-iw d amejruḥ
Di lɣerba nerwa aḥewwes
A nettxemmim melmi ara ad nruḥ