24 avril 2024
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Idir, le parcours lumineux d’un gentleman artiste

Idir

Cette biographie fera date. Idir, un Kabyle du monde, de Farid Alilat avec un cahier de photos inédites, paru récemment, en France, aux éditions du Rocher, est, à bien des égards, un livre événement.

Farid Alilat a longuement discuté avec des proches de Hamid Cheriet, Idir, paix à son âme, pour construire son récit avec intelligence et un esprit de synthèse qui est allé à l’essentiel. Né sur les hauteurs majestueuses des At Lahsen, aux At Yenni, en 1945, Hamid Cheriet est aimé par les siens dont les moyens sont considérables à une époque où la majorité des Algériens vivait dans une effroyable misère.

Ainsi ses parents construisent une bâtisse moderne et impressionnante en cette fin des années 1940. L’enfant commence son cursus scolaire en Kabylie avant de partir à Alger où ses parents gèrent un commerce. Dès son plus jeune âge, Hamid Cheriet est captivé par la musique ; il confectionne une flûte de roseau, il écoute les femmes de son village chanter, il sait, déjà, qu’il y a des chanteurs kabyles qui ont fait des disques : Slimane Azem, son idole, cheikh El Hasnaoui et d’autres.

Farid Alilat nous apprend que durant l’été 1967, Hamid Cheriet, lycéen, est sous les drapeaux durant 45 jours, il se retrouve dans une caserne à Teleghma, à cause de la guerre au Moyen-Orient. C’est son frère Châavane, qui lui offre sa première vraie guitare, arrivée d’Espagne ; dans l’appartement de Diar-es-sâada, à Alger, Hamid Cheriet peut également jouer au piano, acheté par son père.

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Mais ses parents veulent que leur fils obtienne surtout son bac, d’abord. Hamid Cheriet ne le réussit qu’au second essai pour s’inscrire en licence de géologie à l’université d’Alger. Durant l’été 1969, Hamid Cheriet monte pour la première fois sur scène dans un village des Iwadiyen et chante la première version de son immortelle A Vava Inuva mais il ne veut pas que cela se sache, surtout dans son village.

Entre sa bande de copains à l’université et autour de la chaîne 2, Hamid Cheriet agrandit son univers musical sans avoir une idée précise de son avenir. En 1973, hasard ou cristallisation d’un destin hors pair, il est poussé à chanter en direct à la radio sa chanson Arsed ay iddas car la chanteuse Nouara est malade.

Idir vient de voir le jour. Dans la même année, il enregistre son premier 45 tours chez Oasis disques à Alger. Le succès est foudroyant. Il part tout de suite après faire son service militaire à Blida où il rencontre Hachemi Bellali, paix à son âme : une extraordinaire amitié va lier les deux musiciens jusqu’à la mort de l’enfant de Guenzet.

Lorsqu’Idir se produit à la salle Atlas, à Bab El Oued, le père de Hachemi Bellali décède. Mais le bassiste revient jouer le lendemain et ne fera pas part de la triste nouvelle à ses amis que plus tard. Farid Alilat aime les précisions : ainsi, il signale que le 8 septembre 1975, à 14h15, Idir débarque à Paris ; une semaine après, le groupe Abranis chante au stade de Sidi-Aïch après un grand mouvement de contestation pacifique suite à la volonté des autorités d’interdire ce gala. En haut lieu, on avait préféré que le groupe de rock se produise au lieu de voir les choses dégénérer.

Avec ses amis, Idir jouera, ici et là, et terminera l’enregistrement de son premier 33 tours qui va émerveiller des générations et des générations. Farid Alilat suit l’évolution de la carrière du chanteur tout en n’oubliant le contexte politique. L’éveil amazigh est ainsi raconté dans cette période difficile de la mainmise de la SM, la sécurité militaire. Une mainmise encore plus accentuée aujourd’hui en l’an 2022.

C’est avec Djamila, une Bretonne-Kabyle, que Hamid Cheriet se marie en 1981 ; le couple se sépare à l’amiable en 1986. Deux autres femmes viendront, par la suite, remplir la vie de l’artiste, Fatiha qui lui donnera deux enfants, Yanis et Tanina, et Ferroudja qui l’accompagnera jusqu’au grand départ. Farid Alilat raconte, dans ce précieux livre, toutes les aventures artistiques, musicales d’Idir ; il met en exergue également son combat pour l’identité amazighe, pour la justice sociale, pour toutes les causes justes.

Au final, le lecteur comprend que Hamid Cheriet est un Monument, un homme simple et joyeux, un blagueur attitré, un génie de la musique, un artiste merveilleux à l’écoute des autres qui a porté très haut les couleurs de son peuple. C’est pour cela qu’Idir est éternel !

Youcef Zirem

Idir, un Kabyle du monde de Farid Alilat, éditions du Rocher, 2022, 347 pages

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