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Idir où l’oeuvre porteuse d’espoir et de renouveau

Hommage anniversaire

Idir où l’oeuvre porteuse d’espoir et de renouveau

Ton ami Lounis Ait Menguellet disait:

        «Hetsebgh ussan    J’égrenne les jours

        Dqiqa tughal dh asugwas  La minute devient année

        Rwigh urfan    Je cumule les soucis

        Ul a dh isebr i tlufa s»  Mon coeur supportera sa peine

Pour nous, tes admirateurs mais aussi pour tes proches, parents et amis, on pourrait plutôt écrire:

« N hetseb ussan   Nous égrennons les jours 

Asugwas yughal dh dqiqa  L’année devient minute

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 Idhelli kan   Hier seulement 

 Igh d cnidh «Vava inuva»  Tu nous chantais « Avava inuva »

On croyait tous que le temps est éternel. Or il semble de plus en plus éphémère. La vie nous paraît alors courte. 

Et comme dirait Mouloud Feraoun, je m’en souviens, (nous nous souvenons tous), comme si c’était hier. Mais toi aussi tu l’avais si bien dit et chanté : 

«Cfigh amzun dh idhelli 

Nek terridh iyi gher dduh  A yemma ur ttisagh ara»

Voilà une année que tu nous as quittés, que nous sommes orphelins. Mais es-tu vraiment parti ? Je n’en suis pas sûr. Je suis même persuadé que tu ne l’es pas du tout. Tu es toujours là parmi nous, bien présent.

«Hier encore», comme l’e chantait ton ami Charles Aznavour, encore Lhachemi Guerrouabi (El Barah) ou encore Takfarinas (Idhelli kan) j’ai revisionné et réécouté ton spectacle , le dernier dans cette salle mythique, la coupole du 5 juillet, celle qui t’a vu naître et éclore sur la scène artistique.

Comme bon nombre de tes fans, je n’y étais pas, mais hier j’avais l’impression d’y avoir été, de t’avoir vu, écouté et approché. Et tout au long du spectacle, j’étais habité par cette sensation de ta présence, là devant moi, devant nous sous les youyous entonnés par ton public.

Hier encore, j’ai vécu une sensation forte d’une énergie inexplicable qui traversait la pièce où je me trouvais. Tu étais, non tu es encore là,  en parfaite symbiose avec tes fans, avec nous. J’avais l’impression que je pouvais t’approcher, te toucher.

Une fois le spectacle terminé, les images n’ont pas disparu; elles ont persisté et ont défilé dans ma tête pendant une partie de la nuit. Un moment revenait en boucle. C’est cet instant spontané où ton public, réglé tel un métronome,  te reprend à chacun de tes silences. 

Les lumières s’éteignaient pour laisser place aux petites lueurs des portables des milliers de personnes présentes t’accompagnant tantôt d’un «Ssendu uuu tefkedh d udhi dh amellal, tantôt de « A vava i nuva,» Pas une fausse note ne venait rompre l’atmosphère olympienne régnait dans cette immaculée coupole algéroise.

Cette harmonie n’a jamais été le fruit du hasard. Elle a toujours été et reste, dans nos esprits, le fruit de ta volonté, d’une recherche permanente de cette proximité, de cette intense relation entre toi et nous, tes admirateurs.

Proche de nous, tu l’as été et tu le resteras pour toujours car depuis ton apparition, en 1973, sur cette scène algéroise, tu t’es assigné comme mission de puiser la sève nourricière de toute ton œuvre dans ton terroir, dans les entrailles de notre culture kabyle.

Le village kabyle et le Djurdjura majestueusement enracinés, comme preuve et témoignages de cette culture ancestrale, dont tu es devenu, non seulement le défenseur, mais aussi l’emblématique ambassadeur.

Le proverbe kabyle dit:«Sani it tseddudh ay adhar, yenna y as s azar – Pas, quelle est ta destination? – Je me dirige vers mes racines». Et à l’image de l’olivier et du figuier, notre majestueuse montagne, que tu as si merveilleusement chantée dans «Adrar, adrar inu» est la preuve tangible que nul ne peut effacer ou nier l’existence de notre culture, de notre langue et de notre identité, kabyle berbère. 

Et c’est bien de cet imposant Djurdjura, qui  fait notre fierté comme l’a si bien chanté Dda Cherif Kheddam ,que nous tirons racines. Le silence olympien du Djurdjura n’est-t-il pas simplement la réponse à ton interrogation, quand tu t’adressais à lui en ces mots : 

« Inid xas inid  Dis, tu peux dire

Ma sghure k id n fruri Si c’est de toi qu’on tire racine»

Comme tu le disais si bien, nous n’avons pas à revendiquer notre culture, notre langue, notre identité et notre berbérité est un état de fait que nul ne peut nous nier. 

Oui, comme toi, nous voulons tout simplement être nous même, être comme tu n’a cessé de le répéter, être des algériens à part entière et non des algériens à part. 

Ainsi, telles ces abeilles qui butinent inlassablement les fleurs pour nous offrir le meilleur miel, toi, Idir, tu t’es consacré à cultiver notre culture, notre langue, notre identité avec constance et exigence, avec amour et humilité, et dans le respect de nos différences. Et du fin fond de ton village natal, At Lahcen, en passant par Alger, Paris, et bien d’autres villes encore, ton œuvre a donné à notre culture tant de force et de lumière, et tu l’as ainsi élevée si haut et placée sur l’orbite de l’universalité.

«A vava inuva, Ssendu, Azwaw» comme toute ton œuvre ont rayonné et rayonnent encore aux quatre coins de la planète.

Et aujourd’hui, à l’ère du numérique et des réseaux sociaux, le temps est tel un éclair. En quelques fractions de secondes, ton œuvre, notre culture et notre langue traversent des milliers voire des millions de kilomètres pour parvenir aux oreilles de tes admirateurs qu’ils soient Kabylophones, Berbérophones ou non. 

Hier encore, tard dans la soirée, je pense que des millions d’amoureux de ton œuvre, ont, comme moi, revue ton dernier spectacle – pardon ont revécu ce spectacle- comme s’ils y étaient. Ils l’ont, comme moi, vécu au présent, car pour nous, tu es encore là, en chacun d’entre nous, dans chaque empan de notre Kabylie de notre Algérie.

Et comme moi, je suis persuadé qu’ils ont vibré et frissonné à l’écoute  de l’acewiq de «Ufigh duru» si merveilleusement chanté par ta fille Tanina, en qui, nos divas voient ou auraient vu, sans doute, une belle et digne héritière.     

Oui, hier, j’ai vu, à l’écoute de «A vava inuva» défilé des tableaux magiques de ces belles veillées d’hiver autour du kanun. Oui, quant que tu as chanté «Ssendu, tulawin» j’ai eu des frissons à l’évocation de nos mamans, nos grands-mères et nos sœurs de combats, à qui tu as toujours rendu un vibrant hommage.

Hier quand j’ai réécouté «Izumal», j’ai eu un gros pincement au coeur. J’ai repensé à tes amis Smail, tahar, Lwenas et bien d’autres encore, mais aussi à tous ces jeunes, qui comme toi, pacifiquement, veulent une Algérie débarrassée de ses démons et enfin réconciliée avec elle-même. L’histoire malheureusement se répète. Nos gouvernants ne sont pas prêts de céder mais comme le dit Dda Lmulud Maameri, «Nul ne peut arrêter le peuple sur le chemin de son destin. » et nul ne peut arrêter un peuple dans son combat pour une cause juste. 

Comme toi, tes « Izumal» ont sacrifié leur vie pour une cause juste. Oui, ce pouvoir, finira par être vaincu, non par les armes et la violence qu’il sait bien utiliser, mais par le dialogue et la non-violence de tous ces jeunes pousses d’Algériens qui depuis 115 vendredis lui tiennent tête et résistent à toutes ses exactions.

Oui Idir, ce pouvoir n’a pas entendu et ne veut pas entendre la voix de la sagesse. Il refuse d’entendre le cri des ancêtres qui redouble de férocité silencieuse, pacifique, assoiffée de paix et de justice.   

L’espoir que tu as toujours porté est là. 115 vendredis de marches joyeuses, pacifiques et responsables ont montré au monde que le peuple décidé, auquel vous avez montré le chemin de la voix non violente, le pouvoir est en train d’user ses dernières cartouches. Il finira par abdiquer et la juste cause finira par triompher de toutes les injustices.

Toute ton œuvre est porteuse d’espoir et d’espérance. Et quelle autre chanson que «Ay alxir inu» peut exprimer cet espoir, porté par la venue d’un nouveau né, porteur de joie et de bonheur.

        Ay alxir inu 

        Fukenimettawen

          A tejra llehlu 

        Tesgemd afriwen         

        Yewwet d u behri llehna   

        Yezzuzen ulawen 

        Ay alxir inu  

        Sligh i laayadh dh arqaq  

        Gher tama ufella  

        Sligh i llufan yujjaq 

        I lul dhi lhara 

        Ay alxir inu 

        Dhsan w udhmawen  

        A snegh tameghra  

        Ay alxir inu

L’Algérie dont tu as tant rêvée est à notre portée. L’espoir renaît et il est là, perceptible en chaque vendredi de Hirak. La flamme est vivante. Elle est alimentée par l’énergie naissante et non violente de toute une jeunesse et de tout un peuple. Oui le peuple algérien finira par vaincre ses bourreaux et il accédera à la dignité de vie dont il a été privée depuis plus de 60 ans. 

Puisse ton vœux et ton souhait s’accomplir. Continue de la où tu es à nous adresser ton message de paix et nous guider dans ce chemin vers la justice et la dignité.

Certes tu es physiquement loin de nous, mais ton âme plane au dessus de nos têtes, ton œuvre continue de résonner en nous et le souffle profond, sorti de tes entrailles, ce souffle que ton instrument  préféré «l’ajuwaq – la flûte»  continue de nous insuffler  était là hier et continuera de nous transporter à travers les champs d’oliviers et de figuiers. Il continuera de nous enchanter en écoutant la chanson de l’insouciance, de la jeunesse «Hay hay a mumi».

Paix à ton âme.

Auteur
Arezki Khouas 

 




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