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samedi 28 juin 2025
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Karim Irbah : écrire pour se souvenir, pour transmettre

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Karim Irbah n’est pas un écrivain comme les autres. Son parcours, fait de ruptures, de migrations et de silences habités, est à lui seul une matière romanesque. 

Né et grandi à Bouhamza, en Kabylie, il y a vécu jusqu’à ses 28 ans, traversant les tumultes de l’histoire contemporaine algérienne. L’un des premiers tournants marquants de sa jeunesse fut le Printemps noir de 2001, un mouvement de révolte qui secoua la région et interrompit brièvement sa dernière année de lycée. Malgré le tumulte, il décroche son baccalauréat en lettres et langues étrangères, une étape fondatrice pour celui qui ne tardera pas à faire de la langue un terrain d’expression personnelle et professionnelle.

C’est dans les amphithéâtres des universités de Tizi-Ouzou puis de Béjaïa que son parcours universitaire prend forme : une licence en anglais, qui deviendra un sésame pour une première expérience d’enseignement à l’université de Béjaïa. 

Mais très vite, le jeune diplômé sent poindre l’envie de changement. Il part alors pour le Grand Sud algérien, dans le désert, où il exerce pendant deux ans comme formateur en anglais et en français au service de diverses entreprises pétrolières. Cette immersion dans un monde rude et singulier élargit ses horizons, forge sa résilience et nourrit déjà, en sourdine, sa fibre de conteur.

En 2009, son rêve de longue date se concrétise : Karim obtient un visa d’études pour la France. À Paris, il intègre une licence 3 en littérature anglaise, une discipline qui affine son regard critique et sa sensibilité esthétique. Mais au-delà des bancs de la fac, c’est une rencontre déterminante qui va changer sa trajectoire : celle d’une journaliste passionnée de littérature. Elle lui ouvre sa bibliothèque, partage son amour des mots, mais surtout, elle l’écoute. En lui, elle décèle un talent brut, un potentiel de narrateur capable de transmettre une mémoire collective à travers une voix intime. Elle l’encourage à écrire, à raconter, à témoigner.

C’est dans ce contexte, durant une période où ses obligations professionnelles sont allégées, qu’il commence à écrire. Loin du tumulte de la vie active, dans le silence d’un exil apaisé, il trouve le temps et l’élan d’accoucher d’un premier livre. Un livre né de la solitude, des voyages, des rencontres, mais surtout d’un besoin profond de transmission.

Ce premier ouvrage, intitulé Fils d’un émigré, est bien plus qu’une autobiographie. C’est une plongée dans une enfance kabyle marquée par l’absence d’un père parti gagner sa vie à l’étranger. Ce père, comme tant d’autres dans l’Algérie post-coloniale, a fait le choix de l’exil pour offrir un avenir à sa famille, laissant derrière lui des enfants à qui il manquera, mais ce père ne reviendra pas. 

À travers ce récit, Karim Irbah explore cette relation pudique, souvent silencieuse, entre un père et un fils. Il y interroge les sacrifices, les incompréhensions, mais aussi les liens invisibles qui unissent malgré tout.

Invité par Youcef Zirem au café littéraire de l’Impondérable pour présenter et parler de son livre Fils d’un émigré, il a ému l’assistance par son récit. Il raconte un vécu déchirant. S’en est suivi un échange avec le public des plus chaleureux. Karim Irbah est apparu comme un conteur où chaque mot prononcé résonne dans l’espace-temps. L’émotion était à son paroxysme. Pour finir, il a dit que la clé salvatrice était le pardon.

Le livre résonne profondément avec l’histoire de nombreuses familles kabyles et algériennes. Il donne une voix à cette génération « entre deux rives », tiraillée entre un ici et un ailleurs, un passé de l’absence et un présent de reconstruction. Plus qu’un témoignage, Fils d’un émigré est une œuvre de mémoire, une tentative de réconciliation avec l’histoire personnelle et collective.

La passion de Karim Irbah pour l’écriture ne date pas d’hier. Elle remonte à ses années de lycée, passées en internat. Dans un quotidien austère, sans distractions, il découvre la lecture comme échappatoire. Il lit avec avidité, en arabe comme en français, et se met à écrire ses premiers poèmes, ses premiers textes. Cette passion grandissante se nourrit ensuite de multiples influences : les écrivains algériens comme Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri ou Yasmina Khadra, mais aussi des auteurs internationaux tels que Paulo Coelho, Marc Levy ou Elif Shafak.

Aujourd’hui, après une décennie au sein de la fonction publique française, Karim Irbah continue d’écrire. Deux projets de romans l’habitent déjà. L’un, purement fictionnel, prend racine dans son imaginaire ; l’autre, inspiré de faits réels, explore une histoire vécue qu’il souhaite transposer en littérature. Deux récits qu’il porte avec conviction et qu’il espère mener à terme.

Karim Irbah incarne cette voix singulière, à la croisée des cultures et des langues, capable de transformer l’expérience intime en récit universel. Son parcours, entre la Kabylie, le désert, Paris et le monde, résonne comme une ode aux racines, à la transmission, et à la puissance des mots.

Brahim Saci

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