26 avril 2024
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La Guerre d’Algérie est « métaphysique», selon l’Université d’Alger

Algérie 2 

Cinq professeurs et huit maîtres de conférences se sont regroupés au sein d’un comité scientifique au nom du département de français de l’université d’Alger-2, pour annoncer que le 7 décembre 2022 prochain, il sera question de « La guerre d’Algérie » revisitée par les textes du XXIe siècle.

Il faudrait fatalement attendre la fin de cette année afin que nous puissions saisir qu’un bilan de fin de siècle est en train de s’élaborer au campus de Bouzaréah.

C’est à travers un argumentaire dont la langue est traversée de bévues, nous saisissons qu’il est bien question de la guerre populaire armée d’indépendance, malgré une « histoire tumultueuse, violente, originale et étrangement présente/absente », précisent les rédacteurs du texte.

Comptant dans le comité scientifique une vice-rectrice nommée par décret présidentiel, une doyenne de faculté et une cheffe de département, l’équipe rédactrice de l’appel désirent étudier « la manière dont la Guerre d’Algérie est convoquée, interrogée et réactualisée dans les productions récentes ». Ceci, en une seule journée, il sera question de « la représentation des figures de la révolte algérienne (acteurs, victimes, témoins,…) », en rapport notamment, « avec la capacité de résilience du peuple algérien, sa volonté d’adaptation et de dépassement des circonstances historiques » très dures « vers un présent et un avenir ouverts ». La perspective de cette journée-bilan vise à ouvrir des horizons multiples, « puisque la mémoire de la Guerre d’Algérie est aussi une mémoire commune et en partage entre deux nations ».

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Le long des 2 pages composées de six paragraphes et de quelque 3165 caractères, nous serions plus attentifs au public visé par ce mégaprojet touchant une « Guerre » très vite réduite à une « révolte ».

S’adresse-t-on à un public d’outre-rive ou tente-t-on à redéfinir une  lutte populaire armée à des batailles rangées entre deux armées d’Etats souverains ? S’exprimant au nom d’une institution algérienne d’Etat – à moins que ! – les organisateurs officiels et officieux de cette journée semblent errer dans la nomenclature d’une classe et d’un système colonial de reproduction du discours idéologique de l’impérialisme colonial bien français.

A l’heure des décolonisations des territoires et des imaginaires, certains préfèrent déambuler dans l’immense continent de la culture politique en se confinant sous la tente de ramas et qui ignorent que Ferhat Abbas, alors délégué permanent du GPRA à Damas faisait déjà état le 14 février 1960 de 800 000 à 1 million d’Algériens tués ou portés disparus depuis le début des hostilités.

La plupart des victimes sont des femmes et des enfants « tués au cours de raids aériens ou de pilonnages d’artilleries » (Ferhat Abbas) (1). Il est bien clair que cette « Guerre d’Algérie» n’a pas été celle d’Algériens ayant envahi «des départements français en métropole », mais ce sont les habitants autochtones d’Algérie, qui subirent une campagne programmée d’extermination raciale. Une déclaration qui précédait de loin celle du colonel Nasser d’Egypte faite à Alger devant Ben Bella.

Doit-on rappeler aux scribes de cet argumentaire universitaire, qu’en septembre 1959, un capitaine de l’armée coloniale qui intervenait au cours de l’opération « Jumelle », déclarait à un journaliste ultra : « Rien ne sert de tuer un homme s’il s’en trouve un autre pour le remplacer, si l’organisation de base, l’OPA, qui fournit autant d’homme que la rébellion en a besoin, reste en place ». (2)

Dans le jargon de la contre-guérilla militaire française, une Organisation politico-administrative est ce réseau complexe de soutiens à la lutte populaire armée que les Algériens nomment OC-FLN. C’est ce qui a aussi permis à ce que la France négocie « avec ceux qu’elle considère jusqu’à la négociation comme des criminels à liquider » (Edgar Morin, dans son Twitte du 20/3/2022), ce « révolté » de la sociologie et de la philosophie française, bien qu’ayant exprimé clairement et en son temps, sa dénonciation de l’assaut du FLN-ALN contre les partisans de Messali Hadj, s’est toujours gardé d’exprimer que c’était bien « une guerre en Algérie » contre une population civile désarmée et non cette « Guerre d’Algérie » qui sort tout droit du campus de Bouzaréah après que le président Macron ne revoit sa copie, bien après Jacques Chirac.

Usant et à deux reprises du terme « révolte », la texture de l’argumentaire n’a pas certainement pas eu le temps de consulter le dictionnaire Robert – pourtant Paul Robert est « Algérien » – autour de sa définition du mot. Révolte est bien cette action collective qui s’accompagne de violences, par laquelle un groupe « refuse l’autorité politique existante, la règle sociale établie ». Veut-on insinuer par là que l’ordre colonial est bien une institution étatique et sociale qu’il ne fallait à aucun moment, mettre en cause ? Où est-ce une simple erreur de frappe ?

Soixante ans après « la Guerre d’Algérie » des organisateurs de la journée d’étude universitaire, ne pourrions-nous pas oser de poser cette question : si le martyr Krim Belkacem, spécialement lui, revenait en ce mois de décembre 2022, il aurait vite saise qu’il y a urgence de refaire un tout autre type de révolution politique au sein même des institutions qui se mettent derrière l’hombre des populations déshéritées.

Il n’aurait pas, surtout oublié de témoigner que cette Révolution populaire armée a aussi tenue tête à quelques 35 000 ou 40 000 soldats allemands qui, après avoir passer par la Corée et le Vietnam, sont venus en Algérie en « dignes » héritiers de l’Abwehr nazi. Il aurait aussi, enseigné l’art et la langue de ne pas confondre la révolte d’un instinct, d’un désir en nette opposition avec la raison et la nécessité historique de balayer l’impérialisme coloniale qui refusait l’instruction à quelques 7 millions d’enfants algériens.

L’institution universitaire qui s’apprête à mettre sur pied ce projet idéologique, est celle qui apparaît au classement de l’Ecole supérieurs des sciences et techniques de l’informatique et du numérique de Bejaïa (ESTIN) à la 45e place sur le plan national.

Une « fabrique » conceptuelle qui se place au rang mondial de 8170 et 56e du classement de sa tutelle, alors que lors de son dernier Conseil scientifique d’université du 18/10/2022, elle célébra positivement les 37 revues universitaires quelle publie, dont 11 classées en C et une seule, basée à l’Etranger, est classé en B. il est bien regrettable de voir que le campus qui accueilli durant le régime compradore du chadlisme, Kateb Yacine, Mouloud Mammeri et bien d’universitaires et intellectuels militants, se réduit en un chantier d’avant 1958 du temps de l’Ecole annexe Militaire d’Air de France (EMAT).

Mohamed-Karim Asouane, universitaire.

Note

1) Marcel, Egretaud. Réalité de la nation algérienne, Editions Sociales. Paris, 1960, p. 229.

(2) Idem, p. 226.

 

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