29 juin 2024
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La volonté de vivre ensemble et le séparatisme

La Constitution dispose dans son article premier que l’Algérie « est une et indivisible ». Toute tentative pratique de démembrer le pays est frappée d’inconstitutionnalité et soumet ses auteurs aux sanctions prévues par le code pénal pour atteinte à l’intégrité territoriale.

En règle générale, la justice sanctionne les actes et les appels à les commettre. Mais l’opinion même minoritaire existe. Faut-il l’ignorer ? Il n’existe malheureusement pas d’études sur l’opinion séparatiste. C’est encore un tabou. Le climat répressif n’est pas étranger à cet état de fait.

En assimilant le séparatisme au terrorisme, les autorités ont du même coup confondu l’opinion séparatiste et l’action séparatiste. Mais l’opinion séparatiste et l’action séparatiste appartiennent à deux ensembles joints mais non identiques.

Comme pour tout mouvement d’idées, une distinction s’opère entre ceux qui veulent agir et ceux qui s’en tiennent seulement à l’expression de leurs idées et sentiments.

Certains diront que des différences de conviction séparent les éléments de ces deux ensembles. D’autres affirmeront que l’opinion séparatiste exprime un ressentiment et ne conduit pas forcément à l’action. Contentons-nous de considérer que cette différenciation est une réalité tangible et vérifiable.

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Dès lors, il est utile de constater que les éléments de l’ensemble « opinion séparatiste » appartiennent à un ensemble bien plus important. Appelons ce grand ensemble, les populations kabyles. Il implique un intérêt pour les interactions inévitables entre des citoyens appartenant à un même grand ensemble.

Il n’est pas indifférent alors de suivre l’évolution des opinions au sein de ce grand ensemble. Les échanges sont inévitables. La répression est impuissante à ce niveau et peut même favoriser l’expansion de l’opinion séparatiste.

Il est admis que l’État central porte une responsabilité dans l’émergence de cette opinion séparatiste. En persistant dans la centralisation administrative et politique et en se présentant comme la seule forme d’existence de l’État unitaire, les autorités favorisent la propagation de l’idée suivant laquelle il n’existe aucune perspective d’affirmation d’une personnalité régionale dans l’État unitaire.

Cette dernière considération implique que des réformes structurelles devraient intervenir qui promouvraient la décentralisation et les libertés individuelles et politiques. Malheureusement, le pouvoir en place ne semble pas inscrire cette perspective dans son agenda.

Dans tous les cas, la question de l’État unitaire et du séparatisme relève de la conscience et de la responsabilité de tous les Algériens dans la pluralité de leurs opinions.

C’est pourquoi, le débat contradictoire s’impose car il a la vertu de confronter les opinions, d’enrichir la réflexion et de permettre la formation de consensus.

Pour l’instant, le débat contradictoire semble bloqué. Il est certes contrarié par l’option répressive privilégiée par le pouvoir. Mais l’ensemble des forces politiques, toutes tendances confondues, abordent avec la même vision le phénomène du séparatisme.

En dehors des accusations de subversion et de complots extérieurs, la revendication séparatiste ne reçoit que condamnations. Elle paraît inconcevable. C’est certainement la raison pour laquelle, elle est vouée, pour l’instant, à ne pas gagner les faveurs du débat.

Un pas vers un débat contradictoire vient d’être fait par l’ancien président du RCD Saïd Sadi. Il affirme ne pas croire à la démarche indépendantiste. Il invoque pour cela « la nécessité de réfléchir préalablement sur les données démographiques, géopolitiques, économiques et institutionnelles ». Ce sont là des éléments réels de débat.

Mais les recommandations qu’il formule en direction des jeunes Kabyles ne se rapportent pas directement à la question fondamentale : État unitaire ou séparatisme ?

Deux grandes difficultés contribuent à maintenir les prises de position dans la seule condamnation ou dans des réserves conjoncturelles. Ces deux grandes difficultés se localisent dans la définition de la Nation et dans la compréhension du concept de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

La première difficulté est relative à la définition de la Nation. Le nationalisme algérien traine avec lui un dualisme dont il oppose les termes selon la conjoncture ou le domaine de réflexion.

Sur le plan politique, le nationalisme algérien a constitué, surtout depuis le 1er novembre 1954, un mouvement volontariste de grande intensité. Sa fraction révolutionnaire, celle qui a engagé la lutte armée, se présentait minoritaire. Elle a rencontré les plus grandes difficultés pour s’implanter dans le pays et gagner la confiance des populations.

Elle a dû recourir dans certaines localités aux méthodes les plus violentes pour contraindre des populations au soutien ou pour neutraliser celles sous pression de l’armée coloniale.

Le massacre du village de Melouza en 1957 témoigne de la réalité de cet aspect de la guerre d’indépendance. Sans être réductible à ces abus et erreurs, la guerre de libération a comporté ces faits incontestables. Tout donc concourt à considérer que, par l’exemple et le travail d’explication ou par la contrainte, il s’agit de gagner les Algériens à la cause nationale.

C’est ce que résume un passage de la Plateforme de la Soummam d’août 1956 : « C’est un fait indéniable que l’action de l’ALN a bouleversé le climat politique en Algérie. Elle a provoqué un choc psychologique qui a libéré le peuple de sa torpeur, de la peur, de son scepticisme. Elle a permis au peuple algérien une nouvelle prise de conscience de sa dignité nationale ». Le nationalisme algérien se pose bien comme un mouvement de conscience.

Sur le plan de la construction d’une histoire nationale, le nationalisme se présente comme l’aboutissement d’une histoire fédérative qui trouve ses racines dans l’islamisation et l’arabisation de l’Algérie. En les déclarant constitutionnellement comme des constantes, le nationalisme considère que la conscience des contemporains n’intervient plus.

Elle échappe aux évolutions intellectuelles, culturelles et technologiques de notre temps caractérisé par le désenclavement des territoires et l’essor de la communication et des échanges internationaux.

Le nationalisme entreprend ainsi une opération d’objectivation. Il transforme des facteurs historiques subjectifs en des facteurs objectifs qui s’imposent aux Algériens indépendamment de leur volonté.

D’autre part, le nationalisme recourt à l’histoire d’une manière discriminatoire. Il a longtemps exclu le passé antique pour finalement l’admettre sous la pression du mouvement identitaire kabyle. Il continue d’exclure la période coloniale comme moment d’interrelations des cultures. Il n’hésite pas à se livrer à un affaiblissement des capacités intellectuelles et culturelles du pays par un nihilisme linguistique. Il inflige ainsi une forme d’exclusion à l’intelligentsia algérienne francophone.

Ainsi, le nationalisme algérien profondément volontariste dès ses origines, se dogmatise. Il fige des facteurs identitaires historiques évolutifs par nature. Il renie pour ainsi dire son volontarisme qui est malgré tout un appel à la conscience.

Mais prisonnier de sa démarche autoritaire, il ne comprend pas qu’une Nation se nourrit certes de son histoire partagée mais elle exprime en même temps une volonté de vivre ensemble. Quand cette volonté faiblit, elle laisse place au séparatisme.

Une partie de l’émigration que connaît l’Algérie et le choix d’autres nationalités par des Algériens constituent par certains aspects des formes individuelles de séparatisme.

Même faiblement présent dans la population kabyle, le séparatisme exprime un recul de la volonté de vivre ensemble.

Le nationalisme dominant à la différence d’un nationalisme plus ouvert, mais encore marginalisé en Algérie, présente donc un handicap idéologique pour aborder correctement la question du séparatisme.

La deuxième difficulté pour aborder correctement la question du séparatisme se rapporte à la compréhension de la notion de « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».

La définition du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes inclut deux dispositions sans lesquelles ce droit serait vidé de son contenu essentiel.

En premier lieu, ce droit s’étend à « tous les peuples », comme le dispose l’alinéa 1 de l’article 1 du « Pacte international relatif aux droits civils et politiques » adopté par l’Assemblée générale des Nations unies en 1966. Ce droit n’appartient pas seulement aux peuples sous occupation coloniale.

Toutefois, il soulève la question de la reconnaissance d’une communauté d’un État indépendant comme peuple admissible au droit à la séparation. Généralement, de nombreux États avancent des objections d’ordre géopolitique à la reconnaissance d’un peuple ou d’une nation.

Dans les pays de la démocratie libérale, particulièrement en Europe, la Catalogne espagnole, l’Écosse britannique et la Corse française constituent des exemples toujours en débat et soumis aux barrières constitutionnelles des métropoles et aux choix démocratiques des populations locales.

L’échec du séparatisme dans ces provinces de vieux pays européens résulte de la capacité de leurs États à entreprendre les réformes structurelles visant à accorder une autonomie politique aux régions.

L’Espagne constitue le niveau le plus évolué de décentralisation avec un important transfert de compétences aux régions. C’est de ces expériences que devrait s’inspirer l’Algérie pour répondre à la nécessité d’une évolution vers un État décentralisé dans une prise en compte de ses particularismes.

En second lieu, mais plus fondamentalement, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes apparait un droit collectif. Or, un droit collectif est abstrait. Sa réalisation se rattache indubitablement à l’expression individuelle. C’est pourquoi, ce droit collectif est inséparable de la libre disposition individuelle. Il faut rappeler que le 1er juillet 1962, les Algériens se sont prononcés dans le référendum organisé à cet effet pour l’indépendance de l’Algérie.

Ils ont répondu « oui » à 99,72% des suffrages exprimés avec un taux de participation de 91,9%. Mais, ce qui n’est pas suffisamment mis en évidence, c’est que les Algériens se sont exprimés individuellement. Le recours au référendum d’autodétermination implique donc la libre disposition individuelle, autrement dit la libre opinion individuelle.

Il est indéniable que l’Algérie n’est nullement préparée à subir un quelconque séparatisme de quelque région qu’elle soit. La défense de l’État unitaire reste un impératif pour tous ceux qui veulent préserver l’Algérie de l’instabilité et de l’instrumentalisation de ses problèmes internes.

Ce rappel invite à considérer à sa juste valeur l’opinion individuelle des Algériens et à investir dans le débat contradictoire pour affermir la volonté de vivre ensemble.

En fin de compte, la préservation de l’État unitaire algérien appelle des réformes structurelles visant la décentralisation administrative et politique. Elle appelle également la promotion des libertés individuelles et politiques.

Ce sont ces deux conditions qui favoriseront l’essor culturel, économique et social des régions. La vitalité de l’Algérie en dépend. Le président Tebboune a récemment parlé devant les cadres de l’ANP de la nécessité d’avoir une économie forte et une armée forte. Ces deux impératifs ressortent en dernière analyse du renforcement de la volonté des Algériens de vivre ensemble.

Saïd Aït Ali Slimane

Cette tribune a été publiée par son auteur sur son réseau social

4 Commentaires

  1. « … La Constitution dispose dans son article premier que l’Algérie « est une et indivisible ». Toute tentative pratique de démembrer le pays est frappée d’inconstitutionnalité et soumet ses auteurs aux sanctions prévues par le code pénal pour atteinte à l’intégrité territoriale. … »

    La gonsdidution de boukharouba ou de quelle salope ???

  2. «volonté de vivre ensemble» vs «séparatisme», le titre part déjà d’un parti qui fausse la discussion.
    Exprimer de façon aussi simpliste une situation aussi complexe, c’est amplifier les slogans martelés quotidiennement avec des moyens énormes depuis des décennies.
    Sinon qu’appelle-t-on au juste «vivre ensemble» au delà du hasard de l’histoire qui a fait que la colonisation nous ait ligoté ensemble pendant un peu plus d’un siècle ?
    Nous avons deux cultures qui ont divergé pour des raisons historiques et géographiques. Inutile de chercher la bonne ou la mauvaise, ça n’a pas de sens. Les deux ont droit d’exister et exister par des institutions propres et c’est tout ce qui compte. Au delà des crimes commis par l’école pour casser les uns et renforcer les autres, nos divergences sont d’ordre civilisationnelle. C’est une réalité dont il faut être intéressé et borné en même temps pour nier.
    D’un côté, vous avez une société qui s’accommode parfaitement du despotisme pourvu que le despote soit bon. Le gouvernement n’est contesté que si la personne du gouverneur est considérée comme mauvaise. La légitimité du pouvoir ici n’est vu qu’à travers la personne de celui qui l’accapare. Bon prince, mauvais prince en somme. Boumediene est ainsi l’archétype du bon gouverneur.
    Vous avez, de l’autre côté, une société ou le despotisme lui même qui est rejeté par sa nature même. Ce trait est constant à tel point que l’ostracisme antique est conservé dans les usages des cités jusqu’à maintenant : celui qui prétend au despotisme n’a d’avenir que l’exile et l’errance. Le gouvernement est ici l’émanation du groupe; c’est cela le bon gouvernement. Boumediene a beau être éclairé, image parfaite du bon père aux yeux du premier peuple, il est, aux yeux du deuxième, l’incarnation du mauvais système.
    Il est difficile d’imaginer en quoi consiste le «vivre ensemble» de l’auteur de la contribution hormis un voisinage harmonieux comme c’est le cas jusqu’à la colonisation, du moins si l’on exclue l’argument de la terreur, la contrainte et du mal faire tout court; comme depuis un siècle et demi.

  3. « Ce rappel invite à considérer à sa juste valeur l’opinion individuelle des Algériens et à investir dans le débat contradictoire pour affermir la volonté de vivre ensemble.
    Mais c’est pas toi qui vas les obliger a vivre ensemble non ?
    moi aime-je pas les rats de zigoux !!! La khawtekation ne marche pas avec les izerman(mousques et sepents) – La preuve: Regardez ce qui se passe chez les rejetons de brahim, c.a.d. Palestiniens et Judeens. Il s’avere que c’est la meme espece, race et famiglia . . . les uns aiment taper la tete par-terre et les autres sur le mur.

    Les Touaregs sont un Peuple et une civilisation en danger et a proteger, surtout leur territoire et sous-territoire.

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