22 novembre 2024
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L’Algérie et le dévoiement de l’indépendance

Hirak

Qu’est-ce que l’indépendance d’un pays ?  Est-ce la continuité, la rupture ou le  legs de l’Etat colonial ? Tenter une réponse à ces questions est une opération bien périlleuse. L’acquisition de l’indépendance politique ne signifiait pas pour autant ni l’indépendance économique, ni l’abdication de la France coloniale. 

«L’indépendance est comme un pont Au départ, personne n’en veut ; à l’arrivée tout le monde l’emprunte ». C’est le syndicat des promus de l’indépendance, les parvenus politiques qui se transforment en corporation des bénéficiaires de l’Etat c’est-à-dire les héritiers du pouvoir colonial. Une indépendance à deux visages : celle des héritiers de l’Algérie de la France et celle des laissés pour compte de l’Algérie sans la France. 

Il est intéressant de savoir que le modèle nationaliste inspiré de la mystique soviétique a permis aux dirigeants algériens d’occulter au nom de l’idéologie socialiste ses apparences avec le modèle colonial français. La colonisation française prédisposait au développement de la fonction publique et au centralisme jacobin. 

C’est la colonisation qui a donné naissance aux classes dirigeantes qui à la suite d’un processus d’indépendance ont reproduit médiocrement le modèle des métropoles au dépens de la recherche d’une authentique socio-économique et culturelle propre. Le transfert du pouvoir perpétuait indirectement le système de dépendance économique et culturelle vis-à-vis de la métropole.

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Le nationalisme s’est révélé bien souvent qu’un acte illusoire de souveraineté. Le nationalisme illusoire, le socialisme spécifique et le libéralisme débridé, comme idéologies ont joué un rôle primordial dans cette stratégie. Ceci met en évidence, les liens existants entre les idéologies et la politique prébendier. Cette dernière est permise par le développement de la rente énergétique suivi de l’endettement qui sert autant à équiper l’armée, à acheter la paix sociale qu’à financer les infrastructures de base. 

De plus, la disponibilité de la rente pétrolière et les facilités d’endettement ont permis la stabilité globale du personnel politique car les options ne pouvaient jamais être radicalement remises en cause. Il est frappant d’ailleurs de constater l’absence de réflexions critiques sur les choix économiques internes. Si dans un premier temps, la politique appliquée eut un certain succès grâce à la rente pétrolière, elle a connu par la suite une évolution négative causée notamment par la censure imposée à l’information et par la cécité douteuse vis-à-vis de la corruption impliquant un certain nombre d’officiels. L’Etat étant toujours entre les mains de personnels qui ont tous des défauts et des qualités de l’espèce humaine.

Mais il est juste de dire que le « pouvoir absolu corrompt absolument ». Et que plus un Etat est dictatorial est violent, plus il affiche des prétentions de moralité. Car, ce qui différencie la corruption dans une démocratie et la corruption dans une dictature, c’est que dans la première, elle est connue, dans la seconde elle est secrète. L’erreur de Boumediene, le père fondateur du régime politique toujours en vigueur à ce jour, réside à notre sens dans l’automatisme qui consiste à vouloir se débarrasser de ce que l’on a (y compris  sa jeunesse) au lieu de l’employer productivement chez soi. 

La finalité de l’économie fut ainsi dévoyée ; car il ne s’agissait pas d’améliorer ses conditions de vie par son travail mais par celui des autres grâce à la nationalisation et au relèvement des termes de l’échange avec l’extérieur  et les revenus en devises concentrés entre les mains de l’Etat propriétaire des gisements pétroliers et gaziers. 

Le financement de l’Etat doit être assuré par la contribution financière des citoyens. La fiscalité pétrolière et gazière doit céder à la fiscalité ordinaire sur les patrimoines et les revenus. Or, il nous semble qu’une amélioration des termes de l’échange avec les pays développés ne peut être acquise que par une valorisation du travail autochtone. 

L’insertion dans le marché mondial fragilise l’Etat algérien soumis aux aléas de la conjoncture mondiale. Cette dépendance de l’économie aux hydrocarbures répond à une logique de conservation de pouvoir savamment orchestrée et patiemment mise en œuvre dans le seul but est de profiter des richesses du pays en toute impunité sans se soucier du sort des nouvelles générations. L’Algérie s’est trouvée livrée « pieds et poings liés » aux multinationales dont le but est le profit et non la création d’emplois ou la satisfaction des besoins d’une société pour des raisons  humanitaires. D’un point de vue capitaliste, les êtres humains se divisent en deux groupes : ceux qui peuvent payer et ceux qui ne le peuvent pas.

Les Occidentaux appellent les premiers les consommateurs. Et nous sommes, dit-on, une société de consommation sans une économie de production. Fabriquer des billets de banque dans une économie rentière mono exportatrice vivant des importations est une absurdité.

Le recours au crédit international s’imposera tôt ou tard et dans des conditions draconiennes n’ayant plus de gages à présenter et plus de crédit à consommer. 

Dans la mesure où la production et la reproduction des bases matérielles de ces sociétés reposent de plus en plus sur l’économie mondiale, la maîtrise de l’instance économique et politique échappe au contrôle des acteurs sociaux du tiers monde. A partir du moment où le rythme de croissance s’infléchit, les moteurs de la machine politique se grippent et les dysfonctionnements du système menacent la stabilité de l’Etat. 

Or il arrive que les exigences du système politique dépassent les capacités de l’économie, des failles se dessinent sur la façade du modèle qui ont pour noms chômage, affairisme, corruption, inégalités croissantes et régression de l’économie. 

Tout système qui prétend imposer d’en haut le bien de tous malgré toutes les résistances se transforme en oppression. Questions : Est-il certain que l’Etat autoritaire soit le meilleur constructeur de la nation ? Est-il certain que les populations sont incapables de voir où se trouvent leurs intérêts ? Est-il certain qu’elles sont incapables d’accepter les sacrifices que la construction de la nation exige ? Ces populations seront-elles nécessairement plus incapables que les élites qui prétendent être les authentiques interprètes de leurs intérêts ? 

Dr A. Boumezrag

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