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L’Algérie ou l’héritage colonial parfaitement maîtrisé

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Il existe une erreur d’analyse persistante sur le système algérien. On le décrit souvent comme un régime postcolonial défaillant, autoritaire par inertie, corrompu par accident, brutal par défaut. C’est faux. Le système algérien n’est pas une anomalie historique. Il est, au contraire, l’aboutissement d’une compréhension fine, méthodique et assumée de la logique coloniale. Une logique qu’il ne subit plus, mais qu’il applique avec une redoutable efficacité.

Hier, quelques familles de colons décidaient du sort de millions d’Algériens depuis les hauteurs administratives, foncières et politiques. Aujourd’hui, le décor a changé, les noms ont été arabisés, les discours nationalisés, mais le mécanisme demeure. Le pouvoir réel continue de graviter autour de cercles familiaux, de clans régionaux, de réseaux d’allégeance enracinés dans des territoires devenus des centres de décision informels. Peu importe l’origine exacte de ces cercles. Ce qui compte, c’est leur capacité à se renforcer par la loyauté, puis à se maintenir par le mépris du peuple.

La misère devait être effacée. Elle a été institutionnalisée. Elle est désormais un outil de gouvernement. Lorsqu’un ministre chargé du logement explique sans ciller qu’un citoyen doit réunir des dizaines de millions pour espérer accéder à un logement dit social, ce n’est pas une maladresse. C’est une déclaration idéologique. Elle acte que les plus démunis ne sont plus une priorité politique, mais une catégorie suspecte, sommée de payer pour sa survie. Le pauvre n’est plus une victime du système, il en devient la faute.

Ce mépris n’est pas accidentel. Il est systémique. Il traverse tous les domaines, à commencer par celui qui fonde toute souveraineté moderne : l’expression. Là où il n’y a pas de liberté d’expression, il n’y a pas de liberté tout court.

En Algérie, la parole est devenue le premier champ de contrôle. Journalistes, militants, citoyens ordinaires sont poursuivis non pour ce qu’ils font, mais pour ce qu’ils disent, écrivent ou pensent. Le silence est devenu la norme civique. La peur, un instrument de régulation.

La justice, censée être le dernier rempart, s’est progressivement muée en instrument de discipline. Des affaires récentes ont montré comment des magistrats peuvent user du mandat de dépôt avec brutalité, humiliation et mépris des procédures lorsqu’il s’agit de citoyens ordinaires, tout en restant eux-mêmes hors d’atteinte de toute reddition de comptes. D’un côté, une justice expéditive pour les faibles. De l’autre, une immunité quasi totale pour les proches du pouvoir. L’impunité n’est plus une dérive : elle est devenue une règle structurelle.

Dans ce système, la proximité n’a de valeur que par l’allégeance. La compétence, la méritocratie, l’éthique deviennent secondaires, parfois même suspectes. Un individu sans vision ni expertise peut devenir ministre, wali ou directeur stratégique, non parce qu’il sait, mais parce qu’il obéit. Il peut commettre des dégâts considérables, dilapider des fonds publics, désorganiser des secteurs entiers, puis ordonner que l’affaire soit étouffée. Le scandale devient une parenthèse administrative, vite refermée.

L’exemple d’un projet de parking dans une grande ville de l’Est du pays est, à ce titre, édifiant. Un wali, devant les caméras, reconnaît publiquement un « massacre » financier de plusieurs dizaines de milliards de dinars. Il ordonne l’arrêt du chantier. Jusque-là, le geste pourrait sembler responsable. Mais la suite révèle la logique profonde du système. L’entrepreneur est indemnisé. Le projet est requalifié en investissement privé. Des facilités de crédit sont promises. Les mêmes bureaux d’études à l’origine du désastre sont chargés d’accompagner une modification du projet et sont rémunérés pour cela. Personne n’est mis en cause. Ni le suivi, ni le contrôle, ni la chaîne de responsabilité. Les deniers publics sont gérés comme un patrimoine personnel.

Ce wali, comme tant d’autres responsables, ne tombera pas. Parce qu’il appartient au cercle. Parce que sa brutalité verbale, son autoritarisme théâtral et son ton martial donnent l’illusion d’un homme fort. Une partie du peuple, épuisée et confuse, applaudit les cris sans voir la poudre jetée aux yeux. Le spectacle remplace la justice. L’invective tient lieu de gouvernance.

C’est ainsi que l’Algérie a cessé d’être une république démocratique et populaire pour devenir un État de prédation. Un État verrouillé par une caste, où la loi protège ceux qui la violent et punit ceux qui la questionnent. Un État qui survit non par la production, la vision ou l’intelligence collective, mais par la rente des hydrocarbures et la peur organisée.

La comparaison avec d’autres pays autoritaires est cruelle mais éclairante. Certains, partis de situations économiques et sociales comparables, ont fait le choix stratégique de l’efficacité, de la compétence et de la projection à long terme. Ici, le choix a été inverse : celui de l’allégeance, de la reproduction clanique et de la gestion à courte vue.

L’indépendance a été transformée en héritage familial. De cercle en cercle, de réseau en réseau, la lumière reste confisquée.

Ce système ne tombera pas par hasard. Il ne s’effondrera pas par lassitude. Il se maintiendra tant qu’il ne sera pas nommé pour ce qu’il est : non pas un simple échec postcolonial, mais une reproduction internalisée des techniques de domination coloniale, maîtrisées et perpétuées par leurs héritiers locaux.

Nous avons connu un président et son entourage, dont la gestion du pouvoir a mené à une tragique rupture nationale. Puis un autre président, sa famille élargie et ses clans satellites, jusqu’à l’asphyxie complète de l’État. Aujourd’hui encore, les visages changent, mais le schéma demeure. Allez toucher aux ministres stratégiques. Allez remettre en cause les responsables des secteurs clés. Allez déplacer ceux qui contrôlent les ressources, les projets et les autorisations. C’est là que se mesure la réalité du pouvoir. Tant que ces figures restent intouchables, tant que les cercles d’allégeance survivent à tous les scandales, le système reste intact.

Et il restera intact tant que l’armée assurera la survie des personnes, des équilibres internes et des réseaux, plutôt que la survie politique d’un pays et la dignité d’un peuple. L’Algérie ne manque ni de ressources, ni d’intelligence, ni de courage. Elle manque d’un État capable de rompre enfin avec cette logique coloniale intériorisée. Sans cette rupture, l’histoire continuera de se répéter, toujours au détriment du peuple.

Zaim Gharnati

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2 Commentaires

  1. Belle redaction a l’exception de la conclusion a revoir: « Elle manque d’un État capable de rompre enfin avec cette logique coloniale intériorisée. Sans cette rupture, l’histoire continuera de se répéter, toujours au détriment du peuple. »

    La seule rupture dont il s’agit est celle de vos compatriotes algeriens avec la logique IMPERIALE interiorise’e. Iperiale et non-coloniale car il n’existe pas et n’a jamais existe’ de colonie Arabe en Algerie ou ailleur autour. L’ordre imperial suggere les colons francais. or, relatif a la france les colons sont les algerianistes qui colonisent la france. On n’internalise pas une population(coloie), mais des Ordres-valeurs(IMPERATIFS) et comportements attendus que vous decrivez avec finesse. Finesse car avec une superbe abilite’ languagiere vous arrivez a planter une ombiguite’ pharamineuse – celle de suggerer que toute cette catastrophe bien concue et gere’e ne peut etre repare’e qu’avec l’espoir qu’investiraient les Algeriens(victimes) en leurs bourreaux(la racaille). C’est le seul moyen affirmez-vous ! « Sans cette rupture, l’histoire continuera de se répéter, toujours au détriment du peuple. »

    Mais puisque vous avez suggere’ le colonialisme francais, pour valider(ou faire baisser la garde) la suite(alimenter la suite), continuez !!! Comment les Kabyles ont-ils sortis les leurs et les votres(algeriens) de l’emprise coloniale Francaise? La GUERRE DE LIBERATION ! Mais vous ne pouvez continuer sur cette piste verifiable et verife’e car elle aboutit a la necessite’ que les Algeriens se rebelent comme les Kabyles l’ont fait entre 1954 et 1962. La vous vous rendez a l’evidence, les Algeriens ne se sont JAMAIS LIBERE’s ni des Francais, ni des Turks ou des Ummistes, qui ne sont pas necessairement les Arabes, car avec une racaille pareille, c’est l’aplaventrisme devant quiconque et n’importe quoi ! Alors, vous abaqndonnez votre ligne droite, a la recherche des seuls parmis les algeriens qui soient capables de quoi que se soit, la clique-regime. Et la je vous rejoint et suis d’accord avec vous. Il n’y a RIEN a attendre des serviteurs volontaires et soumis agenouille’s.
    Pour un article, encore plus allechant, je vous suggere de poser le vrai probleme sous le theme « La soumission a genoux ne produit rien! » – La, vous n’arriverez pas tout-pres du vrai sujet seulement, vous e toucherez ! Et c’est la que vous deviendrez Kabyle, sans meme le savoir. Car etre Kabyle, ce n’est pas resider en Kabylie, mais une facon de respirer, de voir les choses et de vivre. Et c’estt pour ca que je n’ai pas cite’ tant d’autres villages et braves gens qui ont accompagne’ le Peuple Kabyle dans l’affrontement de la France, soient-il dans le pays Chawi, ou ailleur…Ne vous inquietez, des agenouille’s-soumis, il y en a en Kabylie(territoire) aussi. La difference c’est la proportion et la contrainte.
    Mais, si c’est l’ensemble des Peuples en Algerie(territoire trace’ par l’administration francaise) qui vous interesse, alors le sujet s’ecarte d’une gouvernance catastrophique et rentre dans l’incompatibilitte’ civilisationnelle en jeu impose’e par une clique mafieuse aux methodes mafieuses. Ce n’est meme pas la religion ou culture Arabo-Islamiques qui sont vise’es, mais la ratatouille qu’en a fait cette clique. Car, il n’y a pas besoin de s’effacer pour avoir interet en la Nation Arabe, son histoire, ses croyances, culture et civilisation. Cela, les Arabes(vrais) et les Musulmans(sinceres) le rejettent ! Ils ne vivent plus au 8eme siecle !

    Ceci, pas pour contrarier par principe, mais pour DESOMBIGUER – et separer les sujets en effet. Vous avez melange’ 2 questions(souverainete’ et gouvernance) et avance’ la reponse a une seulement(gouvernance), creant ainsi l’ombiguite’ que la question de souverainete’ est la meme que celle de la gouvernance – ce qui est faux. La question de gouvernance ne peut meme pas se poser avant d’avoir BIEN regle’ celle de la souverainete’.
    La jeunesse Maghrebine en generale se retrouve contrainte a aller s’empoisonner sur des sites parfois malveillants ou son histoire, culture, contribution a l’Humnaite’ sont debattues – a la recherche de reperes et dignite'(valide’s comme vivants de leur temps).
    J’attend le prochain.

  2. Vous avez tout compris. Dés le départ, le régime militaire n’a jamais eu d’autres intentions que de perpétuer l’ordre colonial sur les algériens. Jusqu’à l’arrivée de Tebboune, les hauts gradés de l’armée et leurs supplétifs civils essayaient quand même de ménager les apparences, de maquiller la vraie nature du régime, c’était une dictature à visage humain. Depuis Tebboune, ils assument ouvertement: c’est l’ordre colonial assumé et décomplexé, la tyrannie assumée et décomplexée. Passez en revue les lois promulguées par Tebboune et vous prendrez conscience avec horreur que Tebboune a restauré le code de l’indigénat en pire. Lisez la presse de Tebboune, on est au delà du mépris et de la haine vis à vis du peuple algérien, on est dans la négation même de l’existence du peuple algérien, de tout le peuple algérien. Les partis d’opposition en sont encore à quémander de petites ouvertures, un peu d’oxygène mais ils n’ont pas pris conscience de la gravité de notre situation : un homme médiocre, malade, haineux, revanchard s’est arrogé le droit de restaurer le code de l’indigénat. Tant que les partis d’opposition n’appelleront pas les choses par leur nom, nous n’avons aucune chance de voir le peuple en prendre conscience.
    Aux yeux des hauts gradés de l’armée, nous ne sommes que des indigènes tout juste tolérés sur notre propre terre.

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