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Le constitutionnaliste Massensen Cherbi déterre le projet de Constitution de la Fédération de France du FLN

Le constitutionnaliste Massensen Cherbi vient de publier, et c’est heureux, un article fort intéressant pour les juristes travaillant sur le droit constitutionnel en Algérie, et au-delà, sur « Le Projet de Constitution de la Fédération de France du FLN (mai 1962) : une autre indépendance algérienne », paru dans la Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée (REMMM) en 2024.

La réflexion de Massensen Cherbi est éclairée notamment par la consultation des archives militaires de Vincennes, des archives diplomatiques du Quai d’Orsay et des débats de l’Assemblée nationale constituante algérienne (1962-1963).

Dans ce Projet programme de la Fédération de France du FLN infléchi vers une perspective socialiste, il n’est pas prévu l’élection d’un président de la République, mais d’un présidium collégial de onze membres, la femme y est l’égale de l’homme « dans tous les domaines », y compris en matière successorale.

Quant au statut de l’armée, sujet d’une brûlante actualité, ce texte a prévu sa soumission « au pouvoir civil désigné par le peuple », en rupture avec la militarisation que l’Algérie a connue depuis 1962.

S’agissant du culte, le projet envisage la séparation de la religion de l’État et garantit « la liberté du culte ».

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En ce qui concerne la représentation nationale et l’exercice de la souveraineté nationale, le projet a écarté la possibilité de l’exercer par voie référendaire, mais selon le principe du « mandat électif est impératif », c’est-à-dire que les élus peuvent être révoqués par leurs électeurs avant l’expiration de leurs mandats. 

Pour les concepteurs de ce projet, l’Algérie appartient à l’Afrique du Nord, définie comme « un tout indissoluble par la géographie, l’histoire, la langue, le devenir », une formulation empruntée à la charte de la Soummam.

Le Projet s’attache à une « culture nationale authentique » indéfinie et non sclérosée, c’est-à-dire en « formation » et évolutive, il reconnaît une place à l’« arabe algérien » et à d’« autres langues », au pluriel.

En somme la contribution de la Fédération de France défend un projet politique d’une Algérie différente, libre et ouverte dans le cadre d’un État socialiste.

Preuve en est que le FLN post-indépendance était loin d’être homogène et monolithique, il était traversé par des courants politiques contradictoires, prolongement du multipartisme qui a caractérisé le mouvement national dès sa naissance au cours des années 1920, irréductibles à de simples luttes de pouvoir quand bien même celles-ci avaient fait aussi partie de son histoire très mouvementée. Le FLN ne pouvait donc échapper aux lois de l’histoire et au substrat politique qui lui a donné naissance.

En publiant cet article, Massensen Cherbi a fait œuvre utile en éclairant d’un jour nouveau le contexte peu connu pour les jeunes générations notamment de l’après indépendance.  Raison de plus pour le remercier de nous livrer un travail aussi riche et éclairant, qui contribuera très certainement à une meilleure connaissance du contexte brumeux et conflictuel des premières années d’indépendance et des courants politiques qui l’ont traversé.

T. Khalfoune

3 Commentaires

  1. Pour comprendre la dichotomie entre cette constitution élaborée par l’émigration et la direction qu’on prise les choses, il est indispensable de connaître la composante de cette émigration, la représentativité au sein de la fédération du FLN.
    Ne pas prendre en compte ce paramètre, c’est comme essayer de comprendre l’orientation du FLN 54 en matière, orientation – clarifiée et amplifiée au congrès de Tripoli – sans prendre en compte la répression des berberistes en 1949.

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