29 mars 2024
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Le pouvoir, le pétrole et les interdits de la politique et de l’économie

 

Pétrole
L’économie algérienne dépend totalement de sa production en hydrocarbures.

L’humain reste en fait ce qu’il est : ni un animal de meute, ni un prédateur solitaire mais quelque chose entre les deux. Il tentera éventuellement de reconstituer la meute avec sa famille ou s’offrira des moments intenses de communion collective mais au prix le plus souvent d’y souffrir de la perte des contours de son identité.

Il pourra aussi, surtout s’il s’agit d’un intellectuel, s’enfermer dans sa tour d’ivoire entourée de ses animaux de compagnie. Un animal domestique est un animal qui se fait servir par son maître. Affames-le, il te suit ; rassasie-le il te fuit.

Le partage qui s’établit avec lui est complexe et lourds d’enjeux surtout si l’on considère qu’il s’agit d’engagements qui vont durer jusqu’à parfois deux décennies. Cependant l’assemblage humain/animal, objet d’attentes idéales, n’est pas pour autant toujours idyllique.

Les passions agitent souvent les protagonistes jusqu’à y partager voire y échanger diverses pathologies psychiques et somatiques. Un ventre plein rend la tête vide. L’idée finalement admise voulait que les hydrocarbures devaient assurer les ressources financières et ensuite de les mettre à la disposition de l’Etat qui se chargera ensuite de les répartir entre les différents secteurs économiques pour être finalement utilisées par les entreprises publiques et les administration centrales.

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L’équilibre socio-économique a pu être préservé parce que les problèmes financiers étaient résolus soit par la nationalisation des hydrocarbures, soit par la hausse des prix des hydrocarbures sur le marché mondial. Sur le plan social, les gains qui ont résulté sont considérables que ce soit en matière de développement de l’éducation et des installations sanitaires qu’en amélioration de logements des services publics de transports ainsi qu’en accroissement de la consommation.

De tels effets n’auraient jamais eu l’occasion de se réaliser si l’exploitation des réserves algériennes étaient abandonnées à des intérêts étrangers. C’est là qu’apparaissent les nécessités d’appropriation nationale de ces ressources et l’utilité d’un plan d’utilisation volontaire et efficace de ces ressources. Certes le pétrole n’a pas eu que des effets positifs puisqu’il a également « pollué » nos esprits, nos corps et nos institutions. Il a créé le droit à la paresse des ouvriers, au déracinement des paysans, à la médiocrité des gestionnaires, à la faillite des entreprises publiques et au gain facile des entreprises privées.  En fait, ce laxisme dans la gestion n’est pas le résultat de l’intervention étatique, il semble être le passage obligé de toute société qui n’a pas atteint un niveau d’éducation sociale, scientifique et politique au sens large, à même de s’autogérer dans le domaine de la vie sociale. « En effet, la colonisation, en excluant les Algériens du système économique, social et politique, a empêché la formation d’une bourgeoisie nationale dynamique. La bourgeoisie capitaliste autochtone, de par sa position subordonnée et sa faiblesse ne pouvait jouer un rôle fondamental dans le processus de construction de l’Algérie indépendante. Ce rôle incombe à l’Etat, c’est à dire à l’administration.

Face à la désorganisation de la société civile, à son manque de dynamisme tributaire de la colonisation, seul l’Etat constitue une entreprise structurée, rationnelle, efficace, capable de relever le défi de la modernisation économique  » L’Etat apparait dans ces conditions comme le seul instrument de gestion et se substituant aux individus et au groupe, leur impose sa propre conception des choses par les décisions qu’il prend à leur place.

L’organisation sociale étant ainsi faite favorise la dynamique d’un processus de transfert des pouvoirs de la base et de leur centralisation au sein des appareils de l’Etat. N’ayant pas d’autres moyens d’intervention que par la transmission d’ordres formels, l’Etat multiplie les lois, les décrets, les circulaires et les organes de contrôle créant de toute pièce un système tentaculaire administratif : la bureaucratie. De plus, « les hommes ont l’Etat qu’ils méritent ».

Dans un pays évolué, économiquement développé où les citoyens « libérés de la peur et de la tyrannie » participent légalement et individuellement à leur destin collectif, l’Etat correspond à leur état, à leur degré d’évolution physique et mentale.

C’est la suite des générations, avec leur histoire, leurs ambitions, leurs exigences ou leurs lâchetés, leurs égoïsmes ou leurs vertus, leurs révolutions ou leurs réactions qui sont responsables de l’héritage institutionnel.

L’Etat, en tant que tel n’est jamais responsable de l’organisation collective, de ses pouvoirs de gestion ou de disciplines, de ses moyens de contraintes ou de progrés, mais bien les hommes qui l’ont conduit là où il en est, qui le fabriquent, le consolident ou l’affaiblissent, le supportent ou le condamnent. L’Etat vaut ce que valent les citoyens.

Les réflexes et les ambitions de la puissance publique sont toujours le reflet de la nature des hommes qui en ont la charge, lesquels, sauf exceptions provisoires, sont l’émanation naturelle de la communauté nationale qui les délègue à leur poste ou tout simplement qui les y maintient ; à y regarder de près, il ne saurait donc exister de divorce prolongé entre le comportement de l’Etat et celui des citoyens qui le composent.

Si l’Etat est apparemment amoral voire immoral dans son action, c’est à dire dans ses lois, dans ses procédures et dans les fins qu’il poursuit, c’est que les hommes tour à tour responsables de ces lois, de ces procédures et de ces fins y ont projeté leur propre égoïsme, leur appétit de puissance et leur propres carences ».

De plus l’Etat bénéficiaire des revenus pétroliers est de toute façon sur déterminé dans ses rapports avec la société par l’origine étrangère de ses revenus. Quel que soit la politique choisie, il tend à s’autonomiser par rapport à la société et à l’intérieur de la société par rapport à l’appareil productif local en aval duquel il se situe.

L’échec de la construction étatique  est manifeste. Un taux d’inflation à deux chiffres par an avec une tendance vers la hausse. Les rendements dans l’agriculture sont dérisoires par rapport à ceux enregistrés pas nos voisins.

L’alternance du pouvoir et l’exercice de la souveraineté populaire, des vœux pieux. Pourquoi les institutions de l’Etat sont-elles ce qu’elles sont ? Pourquoi ne finissent-elles pas par déboucher sur le développement et la démocratie ? Parce que, nous semble-t-il,  les détenteurs du pouvoir dans ce pays sont imbus de la volonté de puissance, ils aiment le pouvoir pour les privilèges qui s’y rattachent ; cela donne du prestige et de l’importance, il faut croire qu’ils en éprouvent un grand besoin.

C’est par l’économique et grâce à lui que la population de ce pays est tenue constamment en échec par un pouvoir politique dictatorial. « …Aucun individu ne peut jouir d’un revenu en dehors des sphères que contrôle l’Etat. Tant qu’un individu dépend de l’Etat pour sa subsistance, le moyen existe pour faire taire en lui toute velléité de contestation… » écrit Lehaouri. Addi (*).

Dr A. Boumezrag

(*) L. Addi,  « L’impasse du populisme » publié en 1990 par l’Entreprise Nationale du Livre

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