25 avril 2024
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 Les appels à l’Histoire ne suffisent pas à créditer une Révolution

TRIBUNE

 Les appels à l’Histoire ne suffisent pas à créditer une Révolution

À l’origine de la décongélation du bloc de l’Est et, par extension, du démantèlement de l’empire soviétique, la chute du Mur de Berlin (novembre 1989) incluait-elle « La fin de l’Histoire ? » ; tel était l’intitulé interrogatif d’un article dans lequel l’américain Francis Fukuyama prédisait quatre mois plus tôt que la démocratie libérale orchestrera partout.

« L’évolution idéologique de l’humanité » et les systèmes de gouvernement. Théorisée en 1992, avec cette fois le livre La fin de l’histoire et le Dernier Homme (The End of history abd the last man), la question liminaire annonçait donc à l’avance la victoire du capitalisme sur l’économie collectiviste et planifiée du communisme, soit une financiarisation mondialisée du marché à laquelle n’échappera pas l’Algérie. Trois décennies après la désintégration de l’ex-URSS, le peuple du pays des « zones franches » refusait de proroger le règne du Premier mandataire d’un libéralisme sauvage phagocytant l’intelligence créative au bénéfice de prédateurs adeptes du clientélisme clanique et de leurs circuits internationaux.

Engagée au sein d’un processus de contestation-refondation, la population algérienne tente désormais de corriger les errements et détournements du passé en apostrophant les anciennes figures révolutionnaires, c’est-à-dire justement l’Histoire. Le retour de celle-ci transparait à travers les visages de héros qu’exhibent à bout de bras des marcheurs se référant à l’insurrection de Novembre qu’incarne Djamila Bouhired. Rejetant le tournage de son Biopic, celle-ci vilipendait le 20 juin 2017 les commanditaires de ce long métrage, fustigeait à l’occasion l’encarté Ahmed Rachedi (réalisateur officiel de films de propagande à gros budgets), dénonçait l’instrumentalisation de la Guerre de libération nationale par des faussaires occupés à se tailler une légitimité sur mesure et à moindre frais.

L’égérie se démarquait ainsi d’une opération d’arrière-garde visant à pianoter sur les rimes du temps glorieux pour mieux asseoir des privilèges et conforter le régime autoritaire de hauts gradés. Ceux-ci ne cessent de convoquer la mémoire des Martyrs mais refusent de se confronter directement aux derniers survivants du conflit armé, en l’occurrence à Djamila Bouhired, portrait vivant de la Révolution intérieure usurpée par les troupes amassées aux frontières et à ce titre choisie en guise de tour de contrôle d’une concertation frontale avec les décideurs en place. Au centre des attentions et intentions, l’égérie aurait été (selon notre plan de table délivré au sein du webzine Lematindalgerie) entourée de huit interlocuteurs (les professeurs Louisa Dris-Aït Hamadouche, Nacer Djabi, Rachid Tlemçani, Madjid Benchikh, les avocats Mustapha Bouchachi, Mokrane Aït Larbi puis les militants Amira Bouraoui et Hakim Addad) interpellés pour avoir, à un moment donné, alimenté ou incubé la conscientisation générale aboutissant à l’actuel soulèvement populaire. Seulement, la peur, l’absence de rapprochement, voire le manque d’envergure de certains d’entre eux laissent désormais le champ libre aux médiateurs professionnels, lesquels souhaitent récupérer Djamila Bouhired en l’invitant à l’ambitieuse « Conférence nationale du dialogue », réunion consensuelle du 06 juillet prévue initialement le 29 juin, date anniversaire de l’assassinat de l’un des cinq historiques, Mohamed Boudiaf. Un concours de circonstances, voudra qu’intervienne ce même jour l’arrestation de Lakhdar Bouregâa, cela à la suite de sa sortie médiatique du jeudi 27 juin portant sur nombre de suspicions. L’ancien chef de la Wilaya IV s’exprimait en effet au sujet du « plan B » d’un pouvoir qui aurait déjà inscrit en Lettres d’or le patronyme du futur président et « Cherche un moyen de le légitimer ». Sa précision suivante, « (…) on ne peut participer à une comédie politique dont l’issue est connue d’avance », concerne à fortiori directement Djamila Bouhired, personne attachante que nous convions à regarder à deux fois avant de rejoindre une énième théâtralisation scénarisée au nom de l’impasse politique, de la relance économique et du rétablissement d’une stabilité attendue chez les investisseurs étrangers.

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En prévenant des dangers ou velléités susceptibles d’impacter la situation sociale et de nourrir les ingérences extérieures, le bureau politique de « Talaie El-Houriyet » (parti d’Ali Benflis) mettait ce même samedi 29 juin l’accent sur l’impérative conciliation à mener en vue d’une rapide élection présidentielle, marchait de la sorte dans la voie que préconise le généralissime Gaïd-Salah.

L’adepte de la théorie du complot et du chaos n’est pas la tête pensante de la hiérarchie militaire mais le simple relais d’une « autre bande passante » en quête de solutions et conditions arrangeantes garantissant le maintien des monopoles. Rétifs à toute forme de transition à même d’identifier les principaux canaux corrupteurs et de casser les ponts entre les intérêts partagés, le pôle directeur de l’Armé affiche des convictions auxquelles semblent se soumettre des arrangeurs en eaux troubles dont fait, peut-être, partie intégrante le dénommé Abdelaziz Rahabi. Le coordinateur dudit « Forum national » assertait d’ailleurs fin octobre 2018 (à un journaliste du quotidien Al-Quds Al-Arabi) qu’Abdelaziz Bouteflika lâchera prise « En raison d’un corps chancelant et de l’absence de motivations ».

Nous connaissons tous la suite : sans la réprobation d’un majorité d’Algériens, l’héritier du clan d’Oujda rempilait pour un cinquième tour de manège précieusement huilé par un vice-ministre de la Défense enclin à sauver, en ultime recours, sa peau et à perdurer en acquiesçant maintenant l’enfermement du commandant Lakhdar Bouregâa, le Témoin de l’assassinat de la Révolution, comme le mentionnait le titre d’un tapuscrit paru en 1990. L’incarcération du fervent opposant à la « dictature boumedièniste » démontre que les gardiens du temple ne veulent pas tourner la page de l’Histoire dévoyée, encore moins que les semelles des manifestants la réécrivent en battant le pavé des « Vendredires ».

Auteur
Saâdi-Leray Farid. Sociologue de l’art

 




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