La coopération sécuritaire entre la France et l’Algérie est aujourd’hui au point mort. Céline Berthon, directrice générale de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), a confirmé mercredi 12 mars sur Franceinfo que les échanges entre les services de renseignement des deux pays sont actuellement « réduits à leurs plus simples expressions ».
Une coopération fragilisée par les tensions diplomatiques et politiques
« La situation avec l’Algérie est complexe », a déclaré Céline Berthon, sans détailler davantage l’état des échanges entre les services de renseignement. Cette déclaration s’inscrit dans un contexte diplomatique tendu entre Paris et Alger, marqué par plusieurs différends ces derniers mois.
L’un des principaux points de friction réside dans la position française sur le Sahara occidental. En juillet 2024, la France a officiellement soutenu le plan d’autonomie marocain pour ce territoire disputé, une décision qui a provoqué la colère de l’Algérie, soutien historique du Front Polisario.
Par ailleurs, la question migratoire demeure un sujet sensible. Alger a exprimé son mécontentement face aux obligations de quitter le territoire français (OQTF) visant certains ressortissants algériens, refusant dans plusieurs cas de les réadmettre.
Enfin, la détention à Alger depuis novembre 2024 de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, considérée comme arbitraire par Paris, a contribué à détériorer encore davantage les relations bilatérales. Cet écrivain fait partie des quelque 140 détenus d’opinion qui éclabousse la république du pays.
Bruno Retailleau, un ministre jugé hostile par Alger
Mais au-delà de ces différends, un autre élément complique particulièrement la coopération en matière de renseignement : la personnalité clivante du ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Considéré à Alger comme hostile à l’Algérie, Retailleau a adopté une ligne dure sur plusieurs dossiers sensibles, notamment en matière migratoire et de lutte contre l’islamisme radical.
Son approche a renforcé la méfiance des autorités algériennes, qui voient en lui un acteur du durcissement des positions françaises à leur égard. ll est vrai que ce ministre a entretenu, depuis son arrivée à l’Intérieur, le front contre l’Algérie. Ambitieux, il entend, par ce biais, jouer les premiers plans à la prochaine présidentielle. Bruno Retailleau sait que la question algérienne est le meilleur atout pour braconner sur les terres de l’extrême droite.
Le chef de l’Etat algérien Abdelmadjid Tebboune, dans une interview accordée à L’Opinion début février, a confirmé cette perception en affirmant que le rattachement de la DGSI au ministère de l’Intérieur compliquait les relations avec la Direction du renseignement intérieur (DRI) française. En revanche, il a souligné que la coopération restait plus fluide avec la Direction du renseignement extérieur (DRE), qui dépend du ministère des Armées, un ministère jugé moins politisé dans ses relations avec l’Algérie.
Un avenir incertain pour la coopération sécuritaire
Interrogée sur l’impact de ces tensions sur la collaboration entre les services de renseignement, Céline Berthon a reconnu que la situation était « difficile ». « Aujourd’hui, les orientations politiques pèsent beaucoup sur ce que les services peuvent faire ou pas en Algérie », a-t-elle précisé.
Malgré ces obstacles, elle a exprimé l’espoir d’un apaisement des tensions, qui permettrait une reprise du dialogue sécuritaire entre les deux pays. Toutefois, tant que le climat diplomatique restera aussi tendu et que des figures politiques comme Bruno Retailleau continueront d’être perçues comme hostiles par Alger, une relance de la coopération semble peu probable.
Sofiane Ayache