L’ancien sénateur algérien Abdelkader Djedia a comparu, lundi, devant une juridiction nationale espagnole à Madrid dans le cadre d’une audience préliminaire consacrée à la demande d’extradition formulée par les autorités algériennes.
Cette procédure, qui soulève des questions à la fois politiques et juridiques, met en lumière les tensions persistantes entre liberté d’expression parlementaire et poursuites pénales en Algérie.
L’affaire remonte à décembre 2019, lorsque Abdelkader Djedia, élu de la wilaya de Ouargla, avait pris la parole au Conseil de la nation pour dénoncer la gestion jugée « défaillante » des régions du Sud et appeler à une participation accrue des populations locales dans la politique énergétique, notamment autour de l’exploitation du gaz de schiste.
Ces propos, relayés par plusieurs médias, ont été perçus par les autorités comme des déclarations portant atteinte à l’intérêt national. Poursuivi pour outrage à corps constitué, publication d’enregistrements portant atteinte à l’intérêt national et diffusion de nouvelles susceptibles de troubler l’ordre public, le parlementaire a vu son immunité levée en octobre 2023, une décision entérinée par la Cour constitutionnelle en février 2024.
Jugé par contumace, Abdelkader Djedia a été condamné à trois ans de prison ferme et à une amende de 500 000 dinars algériens (environ 3 320 euros). Peu après, il a quitté l’Algérie pour l’Espagne, où il a sollicité la protection des autorités judiciaires.
L’audience de Madrid marque le premier acte d’une procédure qui s’annonce sensible. L’Espagne, liée à l’Algérie par des accords de coopération judiciaire, devra déterminer si les accusations visant Djediat relèvent du droit commun ou s’inscrivent dans un contexte politique. Cette distinction sera déterminante dans la décision finale sur l’extradition.
La défense de l’ancien sénateur soutient que les poursuites ont une nature éminemment politique, visant à sanctionner un discours critique à l’intérieur d’une institution parlementaire. Plusieurs organisations de défense des droits humains ainsi que l’Union interparlementaire (UIP) ont exprimé leurs inquiétudes à ce sujet. L’UIP a d’ailleurs adressé une demande de clarification au Parlement algérien concernant les conditions dans lesquelles l’immunité de Djediat a été levée et les garanties offertes à la défense.
La décision de l’Audience nationale espagnole, dont la date de délibération n’a pas encore été fixée, pourrait constituer un précédent important. Au-delà du cas personnel de l’ancien sénateur, le verdict sera observé comme un indicateur de la manière dont la justice espagnole évalue les garanties judiciaires offertes en Algérie et la compatibilité des demandes d’extradition avec les principes européens relatifs à la liberté d’expression et à la protection des élus.
Samia Naït Iqbal

