Mardi 19 mai 2020
L’espagnole Naturgy va en arbitrage contre Sonatrach, et après ?
Le journal espagnol Cinco Dias, il faut le reconnaître, fondé en 1978 sous ce titre qui veut dire « cinq jours », est considéré comme un doyen des quotidiens économique de l’Espagne.
Comme tous les journaux européens, il souffre d’une fragilité financière mais selon de nombreux témoignages reste une référence en matière de crédibilité des informations qu’il rapporte. Ce titre rappelle-t-on appartient au groupe Prisa qui édite en même temps le fameux quotidien El Pais. Il a rapporté dans sa livraison du lundi 18 mai 2020 le compte rendu de la réunion de Naturgy Group soit près de trois semaines après l’annonce faite, le 29 avril, lors de la présentation des résultats du premier trimestre de l’année, le président de Naturgy, Francisco Reynés , a adressé un avis clair aux navigateurs: la société aurait recours à tout instrument juridique pour adapter ses contrats internationaux de gaz naturel aux circonstances actuelles du marché.
Cela est dû à la profonde dépression des prix des matières premières dérivées, d’une part, de l’offre excédentaire enregistrée depuis l’année dernière en raison du ralentissement de l’économie et, d’autre part, de l’effondrement de la demande pour les mesures de confinement pour lutter contre la pandémie de coronavirus.
L’analyse de Carmen Monforte, la rédactrice de l’article s’est « focalisée » sur le fournisseur traditionnel Sonatrach pour laquelle «il n’est plus question de continuer à payer Sonatrach et partant l’Algérie du gaz naturel qui viendrait par Medgaz à des prix très élevés par rapport aux prix pratiqués dans les marchés internationaux.» Il estime la chute à 30% depuis le début de la pandémie du Covid-19 (01).
Selon, ce que rapporte ce journal, Naturgy qui conteste tous ces contrats avec ses principaux fournisseurs avait entamé des négociations depuis le début de l’amorce de cette chute selon toute vraisemblance en vain, d’où le recours à l’arbitrage international conformément aux clauses contractuelles.
Le premier, rapporte le journal et le plus pertinent de tous, celui qu’il va dénoncer à son principal fournisseur, l’Algérie, via le colosse d’État Sonatrach, est déjà en cours. Il sera suivi d’autres arbitrages similaires contre le Nigeria, les États-Unis ou la Russie, qui s’ajouteraient à celui que la société espagnole maintient actuellement contre le Qatar.
Le président de Naturgy et cela se comprend devant ses actionnaires devait exposer sa démarche par étapes. La première consisterait à embaucher un cabinet d’avocat « de poids international et de prestige reconnu »pour lutter pour une révision « extraordinaire des prix »des contrats avec l’Algérie qui représente un volume global entre 8 et 9 milliards de m3 par an. Des sources juridiques ont révélé à « Cinco Dias » les trois cabinets qui vont défendre ce dossier devant le tribunal arbitral de Paris « ou de Genève » surtout « contre le colosse algérien de l’énergie. » Ce sont les sociétés Three Crowns, King & Spalding et Herbert Smith. Cette situation est prévisible et tout à fait logique, un va-t-en-guerre inutile.
Il est compréhensible que le président de Naturgy, devant ses actionnaires veut montrer qu’il est garant comme ont fait la plupart des multinationales, de garantir leur dividendes face à une baisse d’activité drastique mais le but visé et les moyens utilisés ne serviront à rien sinon un procs à caractère commercial qui ne sera pas du tout en sa faveur. Rappelons pour mémoire que cette société a déjà fait face à l’Algérie dans un long procès, qui a abouti à une sentence qui lui a coûté près de 1,9 milliard de dollars en 2010 .De ce conflit est né un accord, après quoi Sonatrach a pris une participation dans le capital, dont il détient actuellement 4,1%.
Pourquoi cette situation est prévisible ?
L’analyse le dit elle-même, les contrats de cette stature en général prévoient une clause de révision des prix: la conventionnelle, tous les trois ans, qui permet de les adapter quand il n’y a pas beaucoup de variation, et les extraordinaires, quand, comme actuellement, des changements se produisent profondément dans le marché. Des indices comme le Henry Hub ont enregistré cette année le niveau le plus bas de son histoire et comparé à un prix habituel de sept dollars par million de BTU, il a atteint un maximum de 14 dollars au moment où il se situe à 2 dollars. Les pires présages indiquent également qu’il pourrait tomber à zéro dollar s’il les activités ne reprennent pas pour éponger le surplus d’offre dans les stocks. Il s’agit uniquement de reconsidérer le contexte pour renégocier cette clause pour un prix consensuel. Il est impossible que Sonatrach rechigne sur une révision des prix raisonnable sauf si lors des négociations, l’espagnole aurait poussé le bouchon trop loin soit passer de 7 dollars le millions de BTU à moins d e2 dollars comme l’exige le contexte conjoncturel.
Pourquoi elle est aussi logique ?
Parce que l’union européenne est une entité toute puissante, elle est doté d’un pouvoir supérieur à celui des Etats membres et donc celui d’imposer les règles quand bien ceux-ci s’y opposeraient. C’est certainement sur cette fibre que le président de Naturgy « pompe sa poitrine » car la directive européenne donne raison systématiquement à ses membres lorsque les prix d’achat du gaz est jugé plus cher que celui du marché. Mais ce scenario rentre dans le cadre de cette révision triennal sans espoir d’espérer un gaz à zéro euro.
Rabah Reghis
Renvoi
(01)- https://cincodias.elpais.com/cincodias/2020/05/16/companias/1589648423_919328.html