6 mai 2024
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Lettre ouverte à Gaïd Salah : Lakhdar Bouregaâ est un symbole de la révolution

OPINION

Lettre ouverte à Gaïd Salah : Lakhdar Bouregaâ est un symbole de la révolution

Mon Général, 

C’est au titre de l’affection que j’ai pour vous et de ma conviction de votre sincérité quant à l’avenir de ce pays, que je me permets de vous adresser cette lettre ouverte qui s’article autour des cinq  points suivants : 

  1. Dans tous les cas et dans toutes les circonstances, l’institution militaire doit conserver son sang-froid, en dépit du poids très lourd  de la responsabilité qui pèse sur ses épaules depuis environ cinq mois. Elle ne doit pas adopter des décisions qui pourraient demain lui porter préjudice ou la fragiliser, dans le rôle de garant de la stabilité du pays et de la libre expression de la souveraineté nationale. Le commandant Bouregâa a qualifié l’ANP d’armée de miliciens, vous reproche d’être un affidé des Émirats Arabes Unis (EAU), enfin semble persuadé que vous avez déjà choisi la personnalité qui présidera aux destinées de l’Algérie. 

  2.  Au  commandant Lakhdar Bouregâa (sous l’autorité duquel a servi ma défunte mère, au sein de la Wilaya IV), je dirais que l’ANP n’est ni une armée de miliciens ni une armée de prétoriens, encore moins une armée de mercenaires. C’est une armée populaire qui émane des profondeurs de l’Algérie. 98% des officiers supérieurs et généraux sont sortis des rangs et un grand nombre issus de familles modestes ou des couches moyennes inférieures. Par ailleurs, Le Chef d’État-major n’est pas un obligé du Cheikh  Khalifa Ben Zayed al Nahyane, Président de la Fédération des EAU ni celui de Mohamed Ben Rachid El Maktoum, son vice-président, comme en témoignent les orientations de la politique étrangère algérienne en Libye et à l’égard du conflit israélo-palestinien. L’institution militaire ne peut pas briser des liens avec un Etat arabe dont les entreprises investissent en Algérie et qui demain mettra la main à la poche si d’aventure les difficultés financières de notre pays devenaient insurmontables. L’Algérie entretient des relations avec tous les États arabes, car s’isoler d’eux dans le contexte géostratégique actuel serait suicidaire pour nous. Pour le surplus, les décisions concernant le devenir du peuple algérien se prennent à Alger et non à Abou Dhabi. Enfin, s’agissant du choix du candidat à l’élection présidentielle, l’Armée n’a aucun intérêt, sauf à compromettre définitivement sa crédibilité, à susciter en son sein une candidature à la magistrature suprême, à adouber une candidature suggérée par telle ou telle force politique ou encore à soumettre au futur locataire d’El Mouradia une feuille de route et un agenda qu’il se verrait contraint de suivre à la lettre. L’armée algérienne est en train d’accomplir sa mue et celle-ci passe par l’obligation pour elle de travailler avec le Président de la République choisi par les Algériens et qui exercera toutes les prérogatives que lui confèrera la constitution.

  3. Ceci posé, le moudjahid de moins de 17 ans qui est monté au maquis ne peut pas faire procéder à l’inculpation du moudjahid, futur commandant de la Wilaya IV, qui rejoint le maquis à 18 ans, abandonnant sa famille et ses études. Lakhdar Bouregâa est un illustre combattant de l’ALN qui a souffert de la répression coloniale (qui fut impitoyable à l’égard des  wilayas de l’intérieur) et de celle de Ben Bella dont le commandant Bouregâa et d’autres historiques n’avaient jamais admis l’intronisation par l’Armée des frontières. L’ancien patron de la Wilaya IV a toujours été un électron libre, au service de ses seules convictions et de son seul idéal. Il n’appartient à aucun clan, faction ou coterie. Ce qui signifie qu’il ne peut pas porter préjudice ni à l’Etat ni aux institutions de la République. De plus, Lakhdar Bouregâa est un homme de 86 ans, atteint de plusieurs pathologies chroniques dont le traitement est incompatible avec une détention dans une maison d’arrêt, fût-elle adoucie par la sollicitude d’un personnel de santé compétent et avisé. S’il venait à décéder en détention, ce serait une tragédie.

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  4. Il conviendra également de libérer tous les jeunes sans exception qui ont brandi le drapeau amazigh durant les manifestations. Pour ces jeunes, la composante berbère de l’identité nationale est prédominante ; la composante arabe n’en est qu’un résidu, produit d’un accident de l’histoire. L’Algérie ne forme pas encore une nation, au sens où le vouloir-vivre ensemble n’existe pas. C’est à l’école d’apprendre aux jeunes qu’Abane Ramdane et le Colonel Amirouche sont morts pour l’indépendance de l’Algérie, que seul le drapeau vert et blanc frappé de l’étoile et du croissant doit être sacralisé et que l’identité de ce pays est plurielle avec sa composante berbère, sa composante arabe et sa composante musulmane ; ces composantes ont vocation à être en résonance chacune avec les autres. Mettre en détention ces jeunes ne servira à rien, sinon qu’à cultiver chez eux un ressentiment et une rancœur durables. En revanche, les services de sécurité doivent redoubler d’efforts et de perspicacité pour traquer les éléments algériens qui servent de relais à des officines ayant pignon sur rue à Jérusalem. Ces entités interlopes poussent à l’indépendance de la Kabylie et celle du Mzab, dans le cadre du Nouvel ordre mondial qui vise la fragmentation de tous les États arabes afin de les mieux subjuguer. Là réside le plus grand danger pour l’avenir de l’Algérie et c’est ce contre quoi l’institution militaire doit appeler à la mobilisation de tous les patriotes sincères et exiger de l’élite algérienne qu’elle prenne ses responsabilités.  La question n’est pas de savoir s’il y a ou non une main étrangère derrière la crise politique algérienne. La question est de savoir si l’entreprise de sabotage menée tambour battant par Bouteflika, 20 ans durant, a créé ou non un terreau fertile à l’expression d’un certain nombre d’irrédentismes culturels, linguistiques et idéologiques que telle ou telle officine étrangère connectée à des États puissants, chercherait à mettre à profit.

  5. Si vous décidez de libérer le commandant Bouregâa ainsi que tous les manifestants (dont beaucoup sont indiscutablement manipulés) qui ont brandi le drapeau amazigh, vous allez redorer le blason de l’institution militaire, cependant que l’installation d’une cellule de communication de crise, au sein du Ministère de la Défense nationale, pour faire justice des allégations mensongères et diffamatoires visant l’Armée, s’impose désormais avec la force de l’évidence.

Avec toute mon affection et ma profonde considération. 

Ali Mebroukine

Auteur
Ali Mebroukine, Professeur en droit

 




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