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Loi sur les hydrocarbures : des contradictions dans l’exposé des motifs

DECRYPTAGE

Loi sur les hydrocarbures : des contradictions dans l’exposé des motifs

Il faut préciser d’emblée que la mouture du projet de loi sur les hydrocarbures circulait dans les réseaux sociaux il y a un peu moins d’une année déjà suite à un article publié sur le site e-bourse.

Les internautes ont eu le temps d’apprécier l’avant-projet en long et en large pour juger de l’opportunité de le mettre en débat et de le lier à la stratégie globale de l’Algérie en matière énergétique, à la gestion de Sonatrach pour ne pas refaire un code pétrolier chaque fois au gré des hommes et des circonstances.

Leur préoccupation donc n’a rien à voir avec la crise politique actuelle mais d’assurer une stabilité à la loi sur les hydrocarbures qui une exigence primordiale des investisseurs en amont pétrolier après le risque géologique bien entendu.

Le dimanche 13 octobre dans la matinée, des milliers de manifestants se sont regroupés pour contester la validation de cette loi par l’exécutif mais ils ne l’ont pas fait face au palais du gouvernement qui l’a adopté une semaine auparavant ou celle de la présidence où se déroule le moment même une réunion du conseil des ministres pour le faire mais ils se sont présentés devant l’Assemblée populaire nationale (APN). Ceci est la preuve par 9 que les citoyens en dépit de ce qui est dit ici et là sur les artifices à travers lesquels ces députés occupent l’hémicycle (ch’kara, bourrage des urnes, trafic des listes électorales etc.), ils sont le résultat d’une élection et donc légitimes.

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Ont-ils le droit de s’ingérer dans une loi de la sorte comme le suggèrent certains ? Probablement non ! Mais ils ont un devoir constitutionnel de le faire. En effet, l’article 80 de la constitution algérienne confère au citoyen le devoir de protéger « la propriété publique » dont les « sources naturelle d’énergie » en font partie conformément à l’article 18 de ladite constitution.

Il n’est donc pas nécessaire de brouiller les cartes en imputant cette affaire au hirak en cours mais il s’agit bien d’une implication citoyenne qui révèle le niveau de civilité des manifestants, leur convergence et leur différence pour favoriser le débat et surtout leur présence et leur intéressement au corps social.                        

Les députés ont répondu favorablement aux citoyens qu’ils représentent

Le fait que le bureau de l’assemblée nationale soumette l’avant-projet de loi à sa commission des affaires économiques, de développement, d’industrie et du commerce pour le débattre et probablement faire appel aux experts pour les éclairer sur ses aspects techniques est une marque de respect de cette assemblée vis-à-vis de ceux qu’elle représente et aussi une avancée considérable pour juger de son opportunité. Cependant, sur cette dernière justement, la note de présentation(01) du gouvernement semble à sa première lecture très légère pour que cette commission accepte de le passer en plénière pour  au moins les raison ci-après :         

– Cette note transmise même en arabe et en français à la presse dont El Moudjahid dans sa livraison du 20/10/2019, évoque l’urgence de son traitement par les organes législatifs mais dans les 239 articles qui constituent le corps du texte plus de 8 articles renvoient à des réglementations d’application qui n’accompagnent pas la loi cadre. Si c’est réellement une urgence, car les partenaires se bousculent dans le siège de Sonatrach comme le prétend l’exécutif, alors pourquoi ne pas avoir préparé les textes d’application pour rendre son application immédiate, d’autant plus si l’on croit le directeur de l’énergie de ce ministère intervenant au forum El Moudjahid, elle a pris plus de 3 ans pour sa préparation ? 

– Fin de septembre dernier Alnaft avait annoncé que dans le cadre de sa mission de promotion et de valorisation, elle vient de procéder à la signature d’une convention avec ExxonMobil pour une étude portant sur l’évaluation du potentiel en hydrocarbures de l’ensemble des bassins du domaine minier national  en complément de celles avec l’italien ENI, le français Total et le norvégien Equinor pour consolider une expertise en cours avec Beicip-Franlab. Pourtant, cette note est formelle « au rythme de production actuel, ce potentiel peut satisfaire la demande nationale et les exportations sur une durée de près de 150 années. »

Si on cite le nombre d’années de vie d’un gisement c’est qu’on est sûr du potentiel qu’elles situent dans les réserves récupérables. Il est prévu de produire fin 2019 près de 190 millions de tonnes équivalent pétrole (Tep) soit des réserves, toujours selon ce document, de 28,5 milliards de Tep plus de 8000 fois nos réserves actuelles qui se situent autour de 3,5 milliards de Tep.

Est-ce vraiment la vérité lorsqu’on sait que très peu de forages ont été réalisés dans ce cadre justement ?

– La note impute à la loi de 05-07 de 2005 une chute des réserves initiales de 60% alors que bien après une baisse drastique a été constatée suite à une surutilisation des gisements sans se soucier du maintien de l’optimalité de leur pression. Le gaz soutiré des gisements devait se situer entre 35 à 40% alors qu’il ne dépasse pas 10%. Il s’agit donc d’un problème strictement lié à la gestion et l’organisation interne à Sonatrach qui n’a rien à voir avec une loi qu’on tente d’utiliser comme alibi pour cacher les carences.

– La consommation nationale double presque toutes les quinze années, passant de 33 millions de Tep en 2002 à 60 millions de Tep en 2017 pour atteindre en 2020 près de 64 millions de Tep et crée un déséquilibre structurel entre l’offre et la demande du marché national est une réalité à l’horizon 2030.

Mais ce n’est pas une loi qui règle ce problème mais une stratégie à même de définir un modèle de consommation d’où l’exigence de lier cet avant-projet à une stratégie nationale énergétique et non la confier à un opérateur économique comme c’est le cas.

– Dans ses principes généraux, la note résume le projet à une diminution de la fiscalité puis à la nouvelle configuration qui mettrait Sonatrach directement en contact avec le partenaire par le biais de trois types de contrats : participation, partage de production et celui du partage de risque. Le génie de cette trouvaille est que le partenaire n’aura aucun compte à rendre à l’administration centrale.

Or, le témoignage (02) d’un expert qui était directeur de la stratégie au ministère de l’Energie de l’époque est poignant. En effet, désigné comme membre d’une commission par le ministre pour contrôler le cost-oil, raconte qu’il avait découvert «l’inimaginable» : une facture d’un contractant comptabilisée 4 fois pour un même projet au détriment du profit oil de Sonatrach et partant de Trésor public. Faudrait-il que Sonatrach face d’abord le ménage dans ses structures et surtout maîtriser ses coûts avant de prétendre faire un Benchmarking en se comparant à ses semblables ?      

– Enfin, l’expérience de ces 6 dernières décennies d’exploitation des hydrocarbures montre qu’en général et cela est spécifique à tous les pays africains que pour les grands groupes, à travers un partenariat, la fiscalité leur est secondaire par rapport à l’assurance de leurs lobbies sur place. Le tableau ci-après reprend les découvertes depuis l’indépendance, il montre incontestablement durant la période 2001-2010, l’activité en partenariat s’est fortement développée pour une participation partenariale de 36%. Pourquoi ? Parce que toute la confiance est portée sur la présence de Chakib Khelil.

La période suivante, 2011-2018, le départ de ce ministre qui constitue une assurance lobbyiste pour les groupes américains, cette participation est redescendue à 7% et actuellement en voie de disparition avec la vente des actifs d’Anadarko.

Donc se baser uniquement sur la fiscalité pour vendre nos blocs, c’est uniquement un souci de racolage sans prendre en compte l’avenir voire même une perte de temps. Toute la question est pour quel intérêt ?

R.R.

lk

Source : voir renvoi plus bas le point 03  

Renvois :

(01)- http://www.elmoudjahid.com/fr/actualites/143398

https://www.energy.gov.dz/?article=note-sur-le-projet-de-la-nouvelle-loi-sur-les-hydrocarbures

(02)- https://www.youtube.com/watch?v=MlHNWG8eVtc

(03)- une synthèse des bilans disponibles dans le site du ministère de l’énergie onglet « bilans des réalisations du secteur :    https://www.energy.gov.dz/?article=bilan-des-realisations-du-secteur

 

Auteur
Rabah Reghis

 




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