28 novembre 2024
spot_img
Accueil Blog Page 2039

1406 ans et après ?

0
Mohamed Arkoun, Ibn Khaldoun :

1406 ans et après ?

C’est par un concours de circonstances que je reprends à mon compte la date de 1406 considérée par Mohamed Arkoun comme le début de la clôture dogmatique de la pensée en Islam.

Il va s’en dire que la figure d’Ibn Khaldoun ou plus exactement c’est de la rationalité analytique dont il fait preuve dans ses Prolégomènes qui nous interpelle. Et pourtant, on oublie très souvent qu’il est lui-même marqué par le conservatisme figé de la théologie et par un machiavélisme rendu nécessaire par les épreuves politiques auxquelles il s’est soumis en tant que « kateb » des trois dynasties nord-africaines que sont : les Mérinides, les Zianides et les Hafsides. Bref, l’écrit chez Ibn Khaldoun est indissociable des vicissitudes de l’aventure individuelle intimement liée aux soubresauts politiques du Maghreb médiéval.

Quoiqu’il en soit, il résulte de cette aventure, un non-dit de la biographie non pas qu’il triche un peu sur la généalogie mais qu’il ne dit quasi rien sur sa formation intellectuelle au cours de laquelle, il a acquis l’essentiel de ses connaissances de base qui ont rendu possible la théorie de la civilisation humaine et de l’histoire des dynasties musulmanes du Maghreb. A tout point de vue, la pensée khaldounienne résiste à la critique parce qu’elle recèle des lignes de force qui permettent aux concepts qu’il a forgés de rester opérationnels. Quelques-uns de ces concepts sont toujours valables et ils sont toujours employés en sociologie, en anthropologie et en histoire. Mais d’un point de vue épistémologique, il faut bien admettre que sa philosophie de l’histoire intensément soumise à la circularité du temps, subsume toute la période antique de l’Afrique du Nord. Et c’est précisément dans le déploiement de l’historicisme khaldounien que nous décelons des faiblesses conceptuelles dans l’exercice de la pratique sociologique.

En effet, l’histoire généalogique comme construction théorique est entièrement consacrée aux Etats dynastiques et oblitère de facto, le hors champ politique comme si les sociétés segmentaires n’avaient pas d’histoire. Cet usage de la raison historique auréolée par l’hégélianisme est défait, une trouée de la temporalité sectionnée par la logique islamique qu’il considère comme seul mode opératoire de la pensée. C’est une part non négligeable du système de la pensée musulmane mis en place progressivement par l’Etat califal. Nous ne reviendrons pas sur l’ordonnancement des savoirs en islam et des options thématiques qui réservent un statut à part à la science historique. Toutefois, si la pensée d’Ibn Khaldoun nous renseigne sur l’état des sociétés maghrébines médiévales, en retour, le hors Etat est ignoré jusqu’au point où il ne saisit pas du tout le passé antique assombri par des considérations mythologiques. Et pourtant, il a bien vu de ses propres yeux, les vestiges archéologiques en terre africaine d’avant l’islam. Plus grave encore, il n’a pas pu saisir l’évanouissement historique des tribus qui n’ont pas toutes participé à la guerre de légitimité de l’Etat. De ce constat, nous pouvons déduire que la traversée du désert de la pensée islamique réduite à un fort taux de coalescence de la théologie et de la philosophie dont nous sommes tributaires encore aujourd’hui, prolonge la situation de crise parce que précisément la doctrine islamiste prenant le relais de l’échec du panarabisme et de l’avortement de la renaissance arabe (Nahda) perpétue par l’effet rétroactif, la guerre de légitimité (Fitna) au cours de la grande discorde de l’islam primitif poursuivie depuis et dont la plus célèbre est celle qui a opposé les rationalistes Mutazila aux théologiens dogmatiques. L’aveu d’impuissance de la philosophie face à la théologie (Imam El Ghazali) est la marque indélébile de la mésaventure de la raison en Islam. Il rend compte du désarroi des intellectuels musulmans poussés à exprimer leur impertinence en mettant en exergue toutes sortes de sciences islamiques. Face à une telle situation aporétique, la proposition d’un islam sans religion de Mohamed Arkoun qui s’inspire du christianisme ne peut que choquer, par-dessus tout, les adventistes. Quant à moi, je crois que la solution est ailleurs. Il faut impérativement se débarrasser des aspérités convulsives de la restauration d’un Islam des origines afin de penser un Monde-monde pris dans les tourments d’une existence de plus en plus virtuelle. Les défis pour l’homme sont énormes. Par-dessus tout, peut-on penser la réalité globale et la singularité nord-africaine en mettant au centre l’homme amazigh non seulement comme monade mais aussi comme entéléchie selon le sens donné par L. Leibniz aux deux termes.

Auteur
F. Hamitouche

 




Les leaders indépendantistes devant les juges à Madrid

0
Catalogne

Les leaders indépendantistes devant les juges à Madrid

La crise catalane se déplace jeudi à Madrid où des dirigeants sécessionnistes doivent être entendus par des juges qui pourraient les inculper pour sédition tandis que leur chef Carles Puigdemont dénonce depuis Bruxelles un « procès politique ».

Le procureur général de l’Etat demande qu’une vingtaine de membres du gouvernement régional catalan destitué par Madrid et de députés soient inculpés pour détournement de fonds publics, sédition et rébellion, les deux derniers délits étant passibles d’une peine maximale de 15 et 30 ans de prison.

Il les accuse d’avoir encouragé « un mouvement d’insurrection active » au sein de la population catalane pour parvenir à la sécession, dans la pire crise qu’ait connue l’Espagne depuis la fin de la dictature de Francisco Franco (1939-1975).

En dépit de son interdiction par la justice espagnole, le gouvernement régional de Catalogne présidé par l’indépendantiste Carles Puigdemont avait organisé le 1er octobre un référendum d’autodétermination.

Le vote, non reconnu par Madrid et boycotté par les partis anti-indépendantistes, a été émaillé de violences policières faisant au moins 92 blessés. S’ensuivront plusieurs manifestations massives.

Selon les autorités catalanes, le « oui » à la sécession a remporté 90,18% des voix avec une participation de 43%.

Et le 27 octobre, 70 députés catalans sur 135 proclamaient l’indépendance de la « République catalane ». Quelques heures plus tard, le gouvernement espagnol prenait le contrôle de la région, destituant son gouvernement et dissolvant son Parlement pour convoquer de nouvelles élections le 21 décembre prochain.

Le vice-président du gouvernement catalan, Oriol Junqueras, devrait être un des premiers à déposer jeudi à partir de 09H00 locales (08H00 GMT) devant une juge d’instruction de l’Audience nationale, juridiction chargée des dossiers sensibles.

Si elle suit les réquisitions du parquet, elle peut non seulement les inculper mais ordonner leur détention préventive.

Une demi-heure après, la présidente du Parlement Carme Forcadell et les quatre membres du bureau de cette assemblée doivent aussi être entendus mais, en raison de leur privilège parlementaire, par un juge rattaché à la Cour suprême.

Tactique concertée 

Le dirigeant séparatiste catalan, Carles Puigdemont, a lui refusé de comparaître. Réfugié à Bruxelles avec quatre de ses « ministres » destitués, il a dénoncé « un procès politique ». 

Dans un communiqué, il a présenté comme une tactique concertée la division de son gouvernement. 

Certains iront devant l’audience nationale « dénoncer la volonté de la justice espagnole de poursuivre des idées politiques », les autres « resteront à Bruxelles pur dénoncer devant la communauté internationale ce procès politique », a-t-il écrit.

Un des membres du bureau du Parlement qui sera entendu jeudi, Joan Josep Nuet, a pourtant jugé mercredi « irresponsable » l’attitude de M. Puigdemont. « Tous ceux qui sont cités à comparaître pourraient finir en détention préventive » parce qu’il a démontré que le risque de fuite existe, a-t-il déclaré à Catalunya Radio.

La même juge d’instruction avait justement invoqué le risque de fuite en plaçant en détention préventive le 16 octobre dernier deux dirigeants d’associations civiles indépendantistes inculpés pour sédition, parce qu’ils avaient incité à manifester contre la Garde civile lors de perquisitions à Barcelone.

Devant le refus de M. Puigdemont et de ses quatre ministres de comparaître, le parquet devrait demander leur arrestation, et le juge espagnol délivrer un mandat d’arrêt européen.

Mais selon son avocat belge, qui a déjà évité à des membres présumés de l’organisation séparatiste basque ETA d’être renvoyés en Espagne, M. Puigdemont peut demander à être entendu en Belgique.

« Il ne va pas à Madrid, et j’ai proposé qu’on l’interroge ici en Belgique », a déclaré Me Paul Bekaert mercredi à la télévision catalane TV3.

Stratégie médiatique 

Les analystes voient dans la manoeuvre une stratégie électorale à moins de 50 jours d’un scrutin où les indépendantistes espèrent reconduire la majorité qu’ils ont utilisée en novembre 2015 pour enclencher le processus de sécession.

En s’exilant à Bruxelles, M. Puigdemont « joue plus à capter l’attention médiatique qu’à échapper à la justice », a déclaré à l’AFP à Madrid le politologue Fernando Vallespin.

Les dirigeants cités à comparaître seront d’ailleurs accompagnés au tribunal de personnalités et d’élus de leur bord. 

A Barcelone, la puissante association indépendantiste ANC a convoqué deux manifestations, devant le siège du gouvernement et dans la soirée devant celui du Parlement, pour dénoncer « la persécution judiciaire ».

Auteur
AFP

 




Kamal Amzal a inauguré le martyrologe de la citoyenneté*

0
Assassiné le 2 novembre 1982 sur le campus de Ben Aknoun

Kamal Amzal a inauguré le martyrologe de la citoyenneté*

« Et quand notre cœur faiblit,

Réveillez-nous de l’oubli ».

Aragon

Trente-cinq déjà. Que le temps file ! Et les oublieux ou amnésiques filent assurément un mauvais coton. Plus de trois décennies après l’assassinat de l’étudiant Amzal Kamal sur le campus de Ben Aknoun, les luttes idéologiques, politiques et sociales qui sustentaient le substratum de telles dérives n’ont pas substantiellement changé malgré, le drame d’octobre qui frappera la jeunesse algérienne six ans plus tard, malgré les tentatives d’ouverture démocratique et de libéralisation économique opérées depuis les années 1990 et, enfin, en dépit de multiples autres assassinats qui ont emporté de simples citoyens comme des hommes de culture de la trempe de Tahar Djaout, Boucebsi, Matoub Lounès et d’autres encore. Et si le décor de l’Algérie des années 1990 était planté en cette soirée du 2 novembre 1982 ! Il y a tout lieu, rétrospectivement, de le penser. La gestion de la donne islamiste, comme dans la plupart des pays arabes ayant pour seul souci la pérennité des régimes en place, obéissait à un jeu d’équilibrisme dangereux qui opposait la gauche progressiste à la frange la plus conservatrice du courant religieux. Dans la pratique, ce jeu a longtemps pris pour arène les campus des universités. Outre ce clivage idéologique classique et commun à plusieurs pays, l’Algérie se retrouvera avec les « circonstances aggravantes » d’une mouvance berbère qui n’a rien d’une idéologie importée ou d’un courant politique qui chercherait la prise de pouvoir, ce qui, certainement, aurait facilité sa domestication par la grâce de la rente et des privilèges. Il se trouve que la revendication berbère a une profondeur historique indéniable et une légitimité populaire qui a fait d’elle un serment et un flambeau portés par des générations entières de militants humbles ou aguerris, avant et après l’indépendance du pays. Ce qui avait suscité plus de panique et de réactions violentes des différents clans du pouvoir, c’est surtout la jonction réussie entre la revendication berbère et les aspirations démocratiques du peuple algérien. La militance berbère a pu intégrer, particulièrement après le Printemps de 1980, les questions des droits de l’homme et des libertés démocratiques dans un même corpus théorique et un même combat pratique.

Cette démarche a surtout pu fleurir dans les campus universitaires où les militants de la cause berbère avaient aussi à s’assumer en tant que démocrates dans toutes les tâches dont ils allaient porter le fardeau : gestion des cités universitaires, lutte pour de meilleures conditions d’enseignement et pour une pédagogie moderne délestée des griffes de l’arabo-islamisme, combat pacifique pour l’expression démocratique dans une université qu’ils voulaient comme porte-étendard des idées de progrès.

C’est dans ce cadre qui convenait très mal à la dictature du parti unique et de l’islamisme rampant de l’époque, qu’il faut situer l’assassinat, il y a 35 ans jour pour jour, de l’étudiant Amzal Kamal dans le campus de Ben Aknoun par des fous de Dieu, armés de poignards et de barres de fer. L’enfant de Tiferdoud reçut dans son corps cet arsenal de guerre, aux cris d’Allah Ouakbar, au moment où, avec son camarade Aziz B., il déploya une affiche à coller sur le mur du foyer, affiche appelant à renouveler le comité de cité par la tenue d’une assemblée générale des étudiants.

La jeunesse kabyle qui a inauguré le nouveau millénaire par la contestation citoyenne et la revendication d’une véritable démocratie est en droit d’être informée du parcours et du combat de ses aînés qui ont ouvert le chemin vers plus de liberté et de dignité, qui ont fissuré le mur du monolithisme castrateur du parti unique et tenu tête aux nervis et spadassins des temps modernes qui ont juré la perte de l’Algérie historique de Massinissa, Kahina et Abane Ramadane.

Le mérite du combat de la génération de Kamal Amzal est d’autant plus noble et éminent qu’il ne s’inscrivait dans aucune logique étroite de chapelle politique ou de calcul d’intérêt. Sur leurs frêles épaules d’étudiants descendus des montagnes de Kabylie, ils ont porté haut et fort les aspirations profondes et légitimes de leur peuple ; ils ont ouvert la voie, dans l’adversité la plus tenace et la plus crasse, vers un combat loyal, pacifique mais déterminé, pour les causes justes, et celles de la démocratie et de l’amazighité en font largement partie. Kamal Amzal a été de ceux qui ont ouvert cette voie ; il a inauguré, du même coup, le martyrologe de la citoyenneté.

Souvenirs avec l’enfant de Tiferdoud

C’était au temps des premiers boutons de la fièvre berbère pour des lycéens qu’on a obligés à aller ovationner, en 1977, le président Boumediene lors de l’inauguration solennelle de l’université Oued Aïssi de Tizi Ouzou. Nous fîmes le déplacement avec les travailleurs de l’entreprise communale, Cotrah, et l’ensemble des collégiens de la daïra de Aïn El Hammam qui comprenait à l’époque Iferhounène, Tassaft (Yatafène) et Ouacifs. C’était au lycée Ben Boulaïd de l’ex-Michelet- inauguré par le même Boumediene- que nous effectuâmes la classe de 4e année moyenne faute de places au CEM Amar Ath Chikh où nous avions passé quand même les trois premières années de collège. Le déplacement sur Oued Aïssi que la kasma et la mandoubia du FLN, parti unique, voulaient transformer en fête et en plébiscite- avec, en prime, casse-croûte et journée chômée-, se mua en un réquisitoire en règle contre le pouvoir et la dictature. Chants, cris, huées, ‘’Imazihgen !’’…tous les mots d’ordre libérant le souffle et l’énergie de la jeunesse kabyle passèrent pour …accueillir un président qui a pris la poudre d’escampette dés sa descente de voiture pour se fondre parmi les officiels qui l’attendaient depuis la matinée dans la cour de l’université.

Amzal Kamal, que j’ai connu depuis 1974 lors de notre passage en sixième au CEM Amar Ath Chikh de Aïn El Hammam, était de ceux qui, très tôt, ont pris conscience de l’importance de la culture et de la répression qui s’abattait sur la langue et les symboles de la culture kabyle. Nous en discutions à longueur d’année ; nous narguions nos professeurs égyptiens qui ne comprenaient rien à nos revendications, comme ils ne comprenaient rien non plus à ce qui leur arrivait sur ces hauteurs situées à plus de 1000 m d’altitude lorsqu’ils titubaient et faisaient des chutes rocambolesques sur de la neige épaisse de 80 cm suscitant réactions hilarantes et moqueries de la part des collégiens.

Nous recevions les échos de nos aînés, lycéens et universitaires, qui étaient en contact avec l’Académie berbère de Paris et son président Bessaoud Mohand Arab. Nous baragouinions les quelques néologismes qui nous parvenaient comme Idles, Awezghi, Teyri…et nous nous moquions de ceux qui en ignoraient le sens.

Nous l’appelions Madjid, un surnom qu’il avait intériorisé et qu’il aimait bien. Né en 1962 à Tiferdoud, un village de la commune d’Abi Youcef juste au-dessus de Taourirt-Amrane, mon village. C’est sur cette butte haute de 1200 m d’altitude que Madjid fit son cycle primaire. Je fais sa connaissance en septembre 1974 lors de la rentrée scolaire au CEM Amar Ath Chikh.

Sur le chemin de Sidi Ali U Yahia

L’image qui me revient de ce temps lointain, temps de l’innocence, de l’insouciance et des découvertes, est celle de Madjid, garçon jovial, au sourire éternel et à la taille légèrement inférieure à la moyenne. Nous avions un tronçon de route à faire en commun quotidiennement pour nous rendre au collège. Les élèves de Tiferdoud et ceux de Taourirt-Amrane se rencontraient chaque matin au col de Sidi ali U Yahia, appelé aussi Tizi n’Bouchaïb, un lieu désertique, faisant partie de la RN 15, à l’époque craint pour ses rafales de vent et ses épaisseurs de neige qui pouvaient facilement étouffer les jeunes enfants que nous étions, ou leur faire égarer le chemin. Les sommets d’Ighil n’Sebt n’avaient pas encore l’image ‘’urbaine’’ d’aujourd’hui : lycée, hôtel, brigade de gendarmerie, bâtiments, villas,…C’était des maquis qui portaient encore les traces des incendies de la guerre de Libération nationale. Après l’indépendance, nos grands-mères allaient ramasser des fagots de bois calcinés sur ces hauteurs. Elles furent nettoyées en quelques années et les pouvoirs publics de l’époque y tracèrent des banquettes qui disparaîtront avec la fièvre de l’urbanisation anarchique de la fin des années 1970.

Au retour du collège, nous empruntions le même chemin avec nonchalance et distraction, fatigués par un cours d’un prof égyptien ou saturés par des cours de mathématiques et de sciences dispensés par les brillants Koucha et Hamel Abdelkrim. Ce dernier, enfant de Tizi Hibel, avait l’habitude de nous décrire Mouloud Feraoun, un écrivain de son village qu’il a connu physiquement, emmitouflé dans son burnous kabyle. C’étaient les dernières images que notre professeur, alors jeune adolescent, gardait du grand écrivain de son village avant son assassinat en 1962 par l’OAS.

En cours de route, outre les commentaires et observations que nous nous permettions sur nos enseignants- Chikhi Boubekeur, Mlle Lefgoum, Aït Larbi, Labcheri, Yahia Youcef, Aït Ouakli Rachid…-, on s’adonnait à nos ‘’jeux’’ favoris, le maraudage. C’est ainsi que nous cueillions des châtaignes, parfois complètement vertes, dans des propriétés privées attenantes au collège. Dans la précipitation et la crainte d’être surpris par le maître des champs, nous prenions les fruits avec leurs bogues piquantes dans nos cartables. Nous nous arrêtions aussi sur quelques vignes, situées dans un vallon, en bas de la route, pour les soulager de leurs fruits, muscat ou Hmar bou Ammar, lesquels, souvent n’ont pas encore atteint leur maturité.

Nous rincions les grappes de raisin à la belle et fraîche source de L’Aâincer n’Saïd Ouameur, aujourd(hui anéantie par les villas qui sont élevées sur son emplacement. Sous un bel ormeau ou à l’ombre d’un frêne aux denses ramures, nous dégustions tranquillement le fruit de nos efforts. Il arrivait qu’on nous dénonçât aux propriétaires des vergers ; alors, nous évitions cette route pendant quelques jours, histoire de nous faire oublier. On prenait plutôt le chemin de la crête d’Ighil n’Sebt qui passe par l’hôtel Djurdjura et redescend vers le CEM.

Kamal Amzal, dit Madjid, fait partie de ces élèves élite de la classe et du collège. Il lisait des livres en arabe et français pris à la bibliothèque de l’établissement. Celle-ci était bien garnie par des collections de Victor Hugo, Zola, Taha Hussein, Les Mille et une nuits,…Nous étions suspendus aux lèvres d’un professeur d’arabe qui nous lisait à haute voix chaque samedi matin- c’était le début de week-end à l’époque- des extraits de ‘’Paul et Virginie’’, un roman de Bernardin de Saint-Pierre dans la traduction d’El Manfalouti. Nous en attendions la suite avec une impatience et un enthousiasme démesurés. La fin tragique des héros de l’histoire nous fit plonger dans une tristesse et une mélancolie inouïe. Le désir de relire le livre et de l’avoir dans ma bibliothèque fut si intense que j’ai fait tout pour obtenir le titre et l’auteur de l’ouvrage auprès de notre professeur. Mon père me l’envoya alors de France, et j’en ai fait profiter Madjid qui voulait le lire à tout prix. A partir de la classe de 5e, nous partagions la lecture d’Algérie Actualité, et particulièrement sa 24e page animée par Fazia Hacène et les dessins de Slim. Un peu plus tard, nous devîmes les inconditionnels du Monde et du Figaro, journaux qui se vendaient à 3 dinars.

Madjid s’intéressa très tôt à Tifinagh. Il en maîtrisait la géométrie et les contours malgré la clandestinité dont était frappé tout symbole de l’amazighité. En effet, pour un signe Z en berbère ou des initiales de la JSK dans cette langue aperçus par les gendarmes, nous étions persécutés et pourchassés. Ironie du sort, l’ancien siège de la gendarmerie nationale de Aïn El Hammam s’est transformé, presque trente ans après, en centre culturel portant le nom de Matoub Lounès !

La pépinière du lycée Ben Boulaïd

Madjid lisait presque avec la même passion Taha Hussein, El Manfalouti, Balzac et Stendal. Il était un bon vivant, aimant les parties de football, les blagues, les fêtes de village et particulièrement le t’bel qui égaye cette partie de la Haute Kabylie pendant la fête de l’Achoura. A l’occasion de cette fête religieuse, nous nous rendions aussi bien à Cheikh Arab, un mausolée de Taourirt-Amrane, qu’à Jeddi Menguellet, un autre mausolée de l’aârch n’Ath Menguellat qui attirait des milliers de pèlerins pendant trois à quatre jours. L’occasion de l’Achoura fait sortir les filles kabyles de chez elles. Dans des robes traditionnelles, elles emplissent les rues et venelles d’une ambiance et d’une joie flamboyantes. Éclats de rires, marche gracieuse, vêtements bariolés, elles ne peuvent laisser indifférents les jeunes garçons qui font le guet sur un talus, derrière un arbre ou derrière une foule compacte distraite par les rythmes effrénés du tambour et les pas saccadés des danseurs. Madjid me fit cette remarque un jour : « On dirait une parade nuptiale ! ». Loin d’être un dragueur trivial, il était plutôt un dandy, mieux, un artiste à sa façon.

Parvenus au cycle du lycée, notre amitié ce renforçait par ce côté ‘’intellectuel’’ qui fait que l’un résume à l’autre le livre qu’il a lu, l’article du journal qui l’a frappé,…Il faut dire que le lycée Mostefa Ben Boulaïd de Aïn El Hammam, inauguré par Boumediene en 1976, était un fleuron de l’Éducation nationale, aussi bien par les enseignants qui y exerçaient (le Tunisien Nefzaoui, les Français Kouty et Godasse, les Algériens Kamoum Malek, Boukersi, Alilèche Md Chérif) que par les élèves qui ont acquis déjà une bonne base au collège.

L’actualité de l’époque tournait autour du président américain, l’ultra-républicain Ronald Reagan, l’invasion des îles Malouines par l’armée britannique et la guerre anglo-argentine qui s’ensuivit, la grève de la faim des Indépendantistes irlandais et à leur tête Boby Sands qui succomba après 64 jours d’inanition dans l’indifférence la plus cynique de la Dame de fer, Margaret Tatcher, premier ministre à l’époque.

Après la crise du Sahara Occidental, l’Algérie s’approchait de la fin de règne de Boumediene avec la montée en puissance du courant panarabiste (Mohamed Salah Yahiaoui) qui a pu imposer le week-end religieux (jeudi-vendredi). Tous ces sujets étaient le pain quotidien de Kamal Amzal avec ses copains et amis. Il en discutait avec force détail en comparant ce qu’en disaient les différents journaux et les stations de radio de l’époque. Aucun thème ne lui était étranger.

C’était aussi le sommet de la chanson kabyle. Nous fredonnions les nouveaux airs de Ferhat Imazighen Imula, Ayagu d’Aït Menguellet, les premières chansons de Malika Domrane et les explosives tirades de la nouvelle étoile montante de la chanson kabyle, Matoub Lounès.

L’actualité nationale qui touchait de près Madjid était l’orientation scolaire dont il avait bénéficié en septembre 1978. en effet, il était orienté vers le filière ‘’Lettres bilingues’’ créée par le ministre de l’Éducation de l’époque, Mostefa Lacheraf. C’était une mini-révolution qui remplit de joie tous les élèves un tantinet enclins aux Belles Lettres. C’était aussi une première tentative d’endiguer l’arabisation tous azimuts instaurée le courant baâthiste. Madjid se retrouvera ainsi dans son élément. Orienté vers la filière ‘’Sciences transitoires’’, j’eus un pincement au cœur et un infini regret de ne pas pouvoir être dans la même branche que Madjid d’autant que j’avais des prédispositions avérées pour les lettres. J’en fait part au proviseur du lycée, Ahcène Kacher, un homme pondéré et avisé, qui me déconseilla fortement de suivre Lettres bilingues, parce qu’il subodorait déjà des coups fourrés politiques qui allaient faire capoter cette innovation.

Une année après, les appréhensions de M. Kacher seront confirmées. Les Lettres bilingues furent supprimées et les élèves de cette spécialités ont été ‘’récupérés’’ dans les Lettres arabisées. Le ministre de l’Éducation, Lacheraf, se retrouvera ambassadeur à Mexico. Malgré ce revers imposé par le courant baâthiste, qui a vu émerger Kharroubi, Yahiaoui, Naït Belkacem, Madjid n’a pas perdu espoir. Pour lui, c’est l’occasion de redoubler d’effort et d’imagination pour s’armer de savoir et de science quitte à le faire en autodidacte, phénomène qui était très répandu à l’époque. On se procurait des livres interdits par la censure, on photocopiait des sujets de bac français, y compris ceux de philosophie que Le Monde de l’Éducation publiait chaque mois de juillet. De même les ABC du bac et les manuels Vuibert étaient notre pain quotidien.

Puis vint le Printemps berbère. Nous étions trop jeunes pour faire les meneurs d’hommes pendant ces longues semaines de grèves et de manifestation. Mais nous avions participé à toutes les manifestations ; celle qui a réduit en bris le cinéma de la ville de Aïn el Hammam et en cendres le siège de la daïra, comme celle, pacifique, organisée en direction de la ville de Larbaâ Nath Irathen. Au bout de 16 km de marche, éreintés, mais oubliant la faim et la soif, nous fûmes accueillis par les forces anti-émeutes et nous rebroussâmes chemin dans la débandade. Il faisait déjà nuit quand, épuisés et recherchés par nos familles, nous rentrions à Michelet.

J’ai perdu de vue Kamal Amzal depuis l’examen du bac (juin 1981) après sept années de solide amitié, de bonne compagnie et de complicité intellectuelle.

Un an et demi plus tard, le 3 novembre 1982, alors que j’étais à Mostaganem pour des études d’agronomie, j’appris par El Moudjahid la mort d’un étudiant à Ben Aknoun dont le nom était Amzal Kamal et cela « suite à des échauffourées» Ddounit tezzi yissi ! (Paroles de Matoub).

A.N M.

*Ce texte, je l’ai déjà publié dans La Dépêche de Kabylie du 2 novembre 2005. Seule la date-anniversaire (35ème) a été changée.

En novembre 2015, j’ai animé une conférence sur le même sujet à l’Université Akli Mohand Oulhadj de Bouira devant les étudiants du département de Tamazight.

 

Auteur
Amar Naït Messaoud

 




La poésie mâtinée de violence et de haine

0
Leroi Jones :

La poésie mâtinée de violence et de haine

« Je suis pour l’anéantissement de tous les chefs politiques de la race blanche… pour la domination du monde par la majorité, c’est-à-dire par les gens de couleur » Leroi Jones, 1965

Romancier, essayiste, poète, dramaturge, critique littéraire, nouvelliste, activiste d’un mouvement noir, Leroi Jones est un des écrivains les plus discutés des années 1960. Il s’est fait d’abord connaître comme poète. Très éloigné de la poésie orthodoxe de ces années-là, il expliquait dans ses déclarations qu’il faisait de la poésie avec tout ce qui était utilisable, «tout ce que l’on peut arracher aux ordures de la vie. Ce que je vois, ce qui me touche, ce que j’entends… des fermes, des jardins, des arrière-cours où pissent des chats… » Sa poésie explosive n’était pas nécessairement revendicative. Il était sensible à la nature et pouvait célébrer

la lumière de la lune
dégouline doucement sur le tapis
ainsi que les
minuscules toux de dentelle
se reflétant sur la furtivité de la nuit

    « Le peuple du blues » est un essai sur l’histoire du noir américain à travers sa musique. L’auteur rappelle que les premiers esclaves importés d’Afrique, traumatisés par la transplantation, avaient dû renoncer à leurs références culturelles africaines. Ils n’avaient conservé de leur culture traditionnelle que ces danses et ces chants qui rythmaient leur travail. Cette musique, essentiellement vocale (« la plus fidèle imitation de la voix humaine que je connaisse ») est généralement spontanée et improvisée. A l’église, les émotions et l’âme collective des noirs christianisés s’exprimaient par les « spirituals ».

Leroi Jones s’efforce de montrer  le passage du blues — qui raconte l’exploit d’un individu ou d’un groupe — au jazz, du chant de défense au chant de l’espoir. Le jazz, certes, a été adopté par les blancs mais le noir n’a jamais été tout-à-fait été gagné par le blanc, même lorsque ce dernier s’est approprié les thèmes des noirs. Le jazz-cool correspond à son désir de non-participation à la société blanche. Avec la soul qui triomphe vers 1965, le noir découvre que « ses racines sont un bien précieux et non la source d’un bien ineffaçable. » La soul, « la musique de l’âme » est agressive et anti-blanc. L’Amérique blanche est composée de « larbins » et elle est « puante ».

Le nom de Leroi Jones s’est imposé surtout par ses pièces de théâtre et notamment « Le métro fantôme » et « L’esclave » qui sont des tragédies raciales qui ont, l’une et l’autre, une réelle puissance de choc.

L’action du « Métro fantôme » se déroule dans la chaleur torride de l’été dans les entrailles du Subway new-yorkais. Deux personnages seulement : Clay, un jeune noir de vingt ans, et Lula, une jeune femme d’une trentaine d’années. Lula est une grande femme mince, rousse, avec des cheveux longs, très fardée, très provoquante. Elle jeta son dévolu sur Clay, s’assied à côté de lui, engage la conversation.

Clay, par nature, est un petit bourgeois noir qui reste à sa place, c’est-à-dire qui joue le jeu des blancs. Lula pourrait aisément séduire le jeune homme en se bornant à l’affoler mais elle veut un Clay authentique. Elle cherche à se rapprocher de lui en jouant le jeu des noirs. Devant ce simulacre, Clay redevient pour quelques instants un noir qui ne joue plus le jeu des blancs et il profère à l’égard de Lula les menaces qu’un extrémiste noir profère contre les blancs. Lula ne peut soutenir cette attitude bien que Clay soit prêt à reprendre son ancienne défroque. Elle n’accepte pas son humiliation et tue le jeune noir.

Dans « L’esclave », il y a également un affrontement sexuel et racial entre un noir et une blanche. Walker Vessels est venu tuer la blonde Grace, son ancienne femme et la mère de ses enfants, qui a épousé en secondes noces Bradford Easley, un professeur. Ce n’est que lorsqu’elle sera morte qu’il pourra véritablement l’aimer parce qu’elle aura perdu son essence raciale et sociale.

De même que Clay, décidant d’assumer pour quelques instants, dans des termes extrêmement violents, sa négritude, Walker Vessels, dans « L’esclave », refuse de jouer le jeu des blancs. C’est pourtant un homme cultivé, un poète, un professeur d’université devenu général d’une armée en révolte. Walker Vessels répond à son ancien collègue Bradford Easley qui lui pose la question : « Mais en me tuant qu’espérez-vous éliminer ? »

    — C’est peut-être affreux mais je ne suis pas resté neutre devant le mal. Surtout quand ce mal s’est attaqué à moi et à mes semblables.

La fatalité domine et broie le noir comme le blanc.

Dans un ouvrage comme dans l’autre, la mort seule est victorieuse. Walker tue Bradford pour le faire taire. Après quoi Grace, elle aussi, meurt, ainsi que les enfants, autres victimes innocentes de cette guerre inexpiable. Walker, tôt ou tard, est condamné et, dans l’esprit de l’auteur, à juste raison parce que c’est un faible. Il souffre de son « culte du moi », de son individualisme. C’est pour cette raison que Jones a appelé sa pièce « L’esclave » : « S’il était vraiment général, il n’a rien à faire dans la maison de ce blanc… Il est censé mener ses frères. Il est censé se battre. Il n’est pas censé s’asseoir et dégoiser de la merdaille avec des blancs. Essentiellement Walker est un faible… »

« Le baptême » est une satire de diverses hypocrisies : religieuse, sociale, sexuelle… La scène est l’autel d’un temple. Les personnages sont « le ministre du culte », le chœur de ses « ouvreuses », une américaine hurlante, un homosexuel, un bel adolescent qui confesse ses masturbations mais qui est, en définitive, une sorte de sauveur redescendu sur terre.

La pièce comporte quelques répliques ironiques :

    — « Le diable est une partie de la créature comme n’importe quel cendrier ou n’importe quel sénateur. Pourquoi le mettre à part ? » Mais ce « Baptême », sacrilège, ignoble, destiné à terroriser le blanc, laisse surtout une impression d’horreur et de boue.

« Les lavabos » est un conte court, affreux, dans lequel l’auteur nous montre un groupe d’adolescents obéissant à un certain culte et à un code de la violence, qui brise les élans de tendresse ou d’amour qui peuvent exister entre deux individus.

La langue employée par les jeunes gens des « Lavabos » est encore plus brutale et crue que celle de ses autres écrits. On peut se demander si Leroi Jones, en refusant de dominer sa rage et son vocabulaire n’a pas perdu de sa force. « Le baptême » et « Les lavabos », malgré leur succès de scandale, sont, du strict point de vue littéraire des œuvres quelconques.

Ce qui est étonnant chez Jones, c’est également cette comparaison entre l’homosexuel et le noir. « Il ya, déclare Leroi Jones, une remarquable similarité entre les destins de l’homosexuel en tant qu’homme marqué en Amérique et de l’homme noir qui, lui aussi, isolé, est un homme marqué dans cette société. »

Leroi Jones a-t-il été influencé par Edouard Albee ? Probablement pas. Mais sans doute des influences communes se sont-elles exercer sur les deux écrivains : celles de Beckett, d’Ionesco entre autres, et peut-être, celle d’Antonin Artaud.

Les contes de Leroi Jones, réunis sous le titre général de « Contes » nous aident à comprendre son comportement et son attitude. Les neuf premières nouvelles montrent les tentations et les périls du monde blanc et de l’embourgeoisement du noir par « la culture blanche ». Les sept suivantes célèbrent en termes lyrico-mystiques et dans une langue syncopée, volontairement hostile à la langue traditionnelle, le retour de l’auteur à Harlem et à sa négritude.

Jones semble partagé entre deux attitudes : brandir un revolver au visage des blancs ou porter le masque du mystique, joueur du jazz et nationaliste religieux du «Sun-Ra Myth. Science Arkestra » la haine ou la magie. Cependant, dans la dernière nouvelle, « Réponse au progrès », les noirs brûlent les villes américaines et détruisent complètement le monde des blancs. Ils sont rejoints par un groupe d’êtres fantastiques de l’Outre-Espace, grands amateurs de jazz, qui sont venus d’une autre planète, des hommes bleus, fantaisistes, qui sont là pour s’approvisionner en disques d’Art Blakey.

Si l’on compare Leroi Jones aux autres écrivains noirs américains, on peut constater le chemin parcouru de Langston Hugues ou de James Weldon Johnson à Richard Wright, à l’intégrationniste Ralph Ellison et au génial James Baldwin qui ne refuse pas « la collaboration » avec les blancs et est prêt, plutôt qu’à le saigner, « à soigner le blanc » — Leroi Jones est le champion toutes catégories de la négritude la plus intransigeante et la plus extrémiste.

« Cris de haine » ont dit certains en parlant de cet écrivain, « invitation au meurtre », « insultes à la grandeur de l’être humain »… Certes, Leroi Jones est un écrivain gênant parce qu’il est l’un des plus remarquables représentants du durcissement de l’intellectuel noir devant une situation qui paraissait sans issue. L’alternative cependant existe — ou existait. La terreur et la violence ne sont pas les derniers mots d’un écrivain. Et Leroi Jones le sait bien car il aurait accepté peut-être, comme beaucoup d’autres intellectuels noirs, ce qu’il appelle « une tentative honnête de reconstruction socio-économique de la société américaine. »

En attendant, Leroi Jones a déversé dans ses poèmes, ses romans et ses pièces de théâtre des flots de poésie et de violence dans une langue puissante, brutale, parfois obscène, qui est à l’antipode des « negro spirituals », des Oncle Tom et des bergeries d’une époque révolue pour les racistes blancs et pour les racistes noirs.

 

Auteur
Kamel Bencheikh

 




Un texte de Mohamed Boudiaf

0
Novembre 1954

Un texte de Mohamed Boudiaf

Ce texte de cet acteur de la guerre d’indépendance, de Mohamed Boudiaf, dit Si Tayeb El-Watani, un des principaux précurseurs du 1er Novembre, a été écrit en août 1961, alors que Boudiaf était enfermé avec les autres dirigeants du FLN (Ben Bella, Bitat, Aït-Ahmed, Khider et Lacheraf) dans le château de Turquant département de Maine et Loire (France).

De tous les travaux qui ont à ce jour traité de ladite Révolution, aucun n’est arrivé à éclairer valablement et d’une façon objective la phase historique, riche en enseignements, qui a préparé ce que certains ont appelé « la Nuit de la Toussaint« . Ici, une précision s’impose pour éviter tout rapprochement avec la fête des morts ou toute autre invention de plumitifs prompts à expliquer l’histoire par des arrangements malveillants qui, dans le fond, n’honorent pas leurs auteurs.

En réalité, le départ aurait dû avoir lieu le 18 octobre, et son report au 1er novembre n’a tenu qu’à des considérations d’ordre interne qu’il serait trop long d’exposer ici. La vérité est que le choix de cette date n’a été motivé par aucune intention de faire coïncider le déclenchement avec le culte des morts qui, certainement depuis qu’ils appartenaient à l’autre monde, devaient se désintéresser totalement des choses d’ici-bas entre Algériens colonisés et Français impérialistes. D’ailleurs, si l’on tient, malgré tout, à affubler la décision historique du 1er novembre de ce masque infâmant, nous serons bien aisés de notre côté d’aligner une longue liste de dates marquées par des hécatombes au compte du colonialisme français qui, depuis le jour où il à foulé la terre algérienne, et durant un siècle et trente et un ans, n’a respecté ni notre religion, ni nos fêtes, ni notre tradition pour perpétrer les pires crimes et exactions que l’histoire ait enregistrés depuis les âges les plus reculés de l’humanité. Un jour viendra où tous les crimes seront connus et, à ce moment, on oubliera volontiers de parler aussi légèrement du 1er novembre 1954 qui, pour nous, restera à jamais sacré et sera fêté pour avoir été l’avènement d’une marche historique qui a bouleversé un continent et qui n’a pas fini d’étonner le monde par sa puissance et sa vitalité face à un adversaire désorienté et complètement déréglé au point d’avoir dangereusement mis en cause ses valeurs, son équilibre psychologique et jusqu’à sa cohésion nationale.

Pour comprendre ce faisceau d’interactions et de réactions découlant de la Révolution algérienne, soumettons à l’analyse les raisons profondes qui ont donné vie à ce 1er novembre et à ses suites.

Déjà, en 1945, les prémices d’un tel bouleversement étaient clairement prévisibles à l’observateur lucide et impartial, car le lien entre les évènements de mai 1945 et le départ de la Révolution en novembre 1954 est tellement étroit qu’il mérite d’être souligné ici sous peine de nous voir tomber dans l’erreur commise par la plupart de nos dirigeants politiques d’avant le 1er Novembre. En effet, les uns comme les autres ont ou sous-estimé les répercussions du drame de mai 1945 ou tout simplement gardé une obsession d’une éventuelle répétition de cette sauvage répression qui, tout en les marquant, les a éloignés d’une analyse courageuse qui les aurait mieux inspirés dans la recherche d’une politique beaucoup plus réaliste et beaucoup plus hardie.

Nous avons parlé plus haut d’un lien entre les deux évènements : lequel ? Effectivement, le 8 mai 1945, était la manifestation d’un même état d’esprit d’un peuple épris de liberté avec cette différence qu’en 1945, il croyait encore en la possibilité de recouvrer ses droits par des moyens pacifiques, alors qu’en novembre 1954 il était décidé, instruit par son premier échec, à ne plus commettre d’erreurs et à utiliser les moyens adéquats capables de faire face à la force qu’on lui a toujours opposée. C’est cette évolution lente, quelquefois incertaine et latente, que nous nous proposons de refléter dans ce qui va suivre…

En premier lieu, quelles ont été les suites des nombreux évènements de mai 1945 sur, d’une part, le peuple et, d’autre part, les partis politiques qui le représentaient ? Contrairement à ce qu’on attendait, au lieu que ce coup de force renforça l’union nationale, il produisit la dislocation malheureuse des AML, qui avaient, en mars 1945, réussi, pour la première fois, à réunir, à l’exception du PCA, toutes les tendances de l’opinion algérienne. En effet, sitôt les prisons ouvertes en mars 1946, sitôt la concrétisation de cette coupure en deux courants : le PPA-MTLD, ou tendance révolutionnaire et l’UDMA, ou tendance réformiste. Je ne parle pas ici du PCA qui reste, jusqu’en 1954, minoritaire et sans influence sur la suite des évènements, ni d’ailleurs de l’association des oulémas dont le programme se voulait beaucoup plus orienté vers l’instruction et l’éducation en dépit de leur sympathie non déguisée pour le réformisme de l’UDMA. Il est inutile également de faire cas de ceux qu’on appelait les indépendants, les exécutifs zélés de la colonisation, ce qui, à juste titre, leur avait valu l’appellation pittoresque de “béni-oui-oui”.

À retenir donc que les évènements de 1945, tout en donnant au peuple une leçon chèrement acquise sur ce que devrait être une véritable lutte pour l’indépendance nationale, provoquèrent, du coup, la coupure des forces militantes algériennes et leur regroupement en deux principaux courants dont les luttes dominèrent la scène politique jusqu’en 1950. Avec le recul, on réalise nettement le rôle joué par les sanglantes journées qui ont suivi le 8 mai 1945 sur le plan de la classification politique en Algérie et de ce qu’il va en sortir.

Abandonnons, pour plus de clarté, l’aspect événementiel de cet affrontement pour nous consacrer uniquement à ses effets sur le schéma des forces en présence. Effectivement, il n’a pas fallu attendre longtemps pour constater la fin de cette étape qui a prouvé, s’il en était besoin, que la voie du salut était ailleurs. Comment alors se présentait le schéma né de cette période de 1945 à 1950 ? Sans conteste, les partis, d’un bord comme d’un autre, avaient beaucoup perdu de leur audience ; quant aux masses, gavées de mots d’ordre contradictoires, d’où rien n’était sorti, elles donnaient l’impression, après cette bagarre de slogans et de palabres, d’une lassitude indéniable et d’une conviction non moins solide de l’inefficacité des uns et des autres. Il n’était pas rare, en ces temps, d’entendre des propos du genre : « À quoi bon s’exprimer pour rien ? Ils sont tous les mêmes : beaucoup de palabres mais de résultat, point. Qu’ils s’entendent et se préparent s’ils veulent parvenir à un résultat. Sans armes on ne parviendra à rien etc. etc« 

On sentait confusément dans ces remarques désabusées et pertinentes le besoin ardent de sortir du labyrinthe des escarmouches platoniques et inopérantes des luttes politiques. La recherche d’une issue susceptible de répondre à ce besoin se lisait sur tous les visages et émergeait de la moindre discussion avec l’homme de la rue, pour ne pas parler du militant plus impatient. Toutefois, une parenthèse mérite d’être ouverte, à ce point de nôtre développement, en vue d’éviter toute interprétation tendancieuse qu’on serait tenté de tirer de ces constatations. À signaler dans cet esprit que, mis à part son côté négatif et quelquefois pénible, la lutte politique dont il vient d’être question n’a pas été complètement inutile, en ce sens qu’elle a renforcé, dans une grande mesure, la prise de conscience populaire et a surtout aidé à la promotion d’un bon nombre de cadres.

Autre remarque : la déconfiture de ces partis politiques, avant d’être le fait de tel ou de tel homme, ou groupe d’hommes, est, en dernière analyse, le résultat de tout un ensemble de causes dont les principales reviennent à une méconnaissance ou, pour le moins, une incapacité de s’inspirer du peuple, aux oppositions entre les hommes élevées au-dessus des idées et des principes, et en dernier lieu au vieillissement très rapide, inhérent spécialement aux partis politiques des pays jeunes, trop vigoureux et pleins de bouillonnement révolutionnaire pour s’accommoder facilement de tout ce qui est immobilisme.

En résumé, l’année 1950, si elle ne mit pas totalement fin aux luttes politiques, n’en marqua pas moins leur dépassement et leur faiblesse manifeste face à une politique répressive de l’administration coloniale. Cette dernière, après la répression de 1948, à l’occasion des fameuses élections à l’Assemblée algérienne où les truquages et les falsifications les plus éhontés furent enregistrés, après ce qui fut appelé le « complot » de 1950 et qui était en réalité la destruction partielle de l’organisation paramilitaire formée sous l’égide du PPA-MTLD, s’était enhardie, devant le manque de réaction, au point de ne plus tenir compte de sa propre légalité pour accentuer son travail de dislocation des appareils politiques. Cela était tellement vrai que, pendant ces temps sombres, on avait assisté aux premiers rapprochements de ces mêmes partis politiques, hier ennemis ; d’où la naissance du Front démocratique réalisée par le MTLD, l’UDMA, les Oulémas et le PCA pour lutter conjointement contre la répression. L’explication la plus valable à donner à ce phénomène, impossible deux ans auparavant, est sans doute la manifestation de l’instinct de conservation par la recherche obscure d’un nouveau souffle dans une union même limitée.

Rien ne se fit pour sauver les uns et les autres

La marche inexorable de l’évolution ne tarda pas à accélérer le processus de désagrégation déjà entamé. Je ne connais pas avec certitude ce qui se passait en ce temps à l’intérieur de l’UDMA, des Oulémas et du PCA, mais je reste convaincu que leur situation n’était pas plus brillante ni plus enviable que ce qui se préparait dans le MTLD, en voie de dislocation malgré tous les efforts tentés pour éviter la fin malheureuse et définitive qui fut la sienne en 1950.

Que nous fût-il donné de retenir de cette première partie ? La faillite des partis politiques, complètement déphasés par rapport au peuple dont ils n’ont pas su ou pu s’inspirer à temps pour saisir sa réalité et comprendre ses aspirations profondes. Il faut noter, à cette occasion, que notre peuple, à l’instar de tous les peuples qui montent, possède une bonne mémoire et une acuité instructive de ce qui se fait dans son intérêt. S’il lui est arrivé de se désintéresser, à un certain moment, de presque tous les partis politiques qui se disputaient ses faveurs, cela revenait avant tout à ce sens infaillible de l’histoire et à cette sensibilité forgée dans les dures épreuves dont les évènements de Mai 1945 ont été une des plus marquantes.

Compte tenu de cette défection populaire vis-à-vis des partis, comment se présentait alors l’éventail des forces profondément remaniées par cette sorte de reflux ? Mis à part les directions politiques moribondes s’accrochant vainement à leurs appareils organiques, fortement éprouvés et réticents, il faut signaler : à la base, le peuple d’où s’effaçaient progressivement les oppositions politiques et qui semblait dans son recul préparer le grand saut et, dans une position intermédiaire, le volume des militants abusés, quelquefois aigris mais restant vigilants parce que plus au fait des réalités quotidiennes et du mécontentement des masses accablées qu’elles étaient par une exploitation de plus en plus pesante.

C’est d’ailleurs de cet échelon que partit en 1954 la première étincelle qui a mis le feu à la poudrière. La question qui vient immédiatement à l’esprit consiste, à mon sens, à déterminer exactement comment a pu s’opérer cette sorte de reconversion rapide et cette prise de responsabilité étonnante à un moment où les plus avertis s’attendaient à toute autre chose qu’à un départ aussi décisif d’une révolution qui bouleversera tous les pronostics de ses sympathisants comme de ses adversaires. La réponse est qu’en novembre 1954, toutes les conditions, malgré la confusion de façade qui régnait alors, étaient réunies, concrétisées en deux forces aussi décidées l’une que l’autre : d’une part, un peuple disponible, ayant gardé intact son énorme potentiel révolutionnaire légendaire instruit par ce qu’il a subi durant une longue occupation et plus récemment à l’occasion du 8 Mai 1945, exacerbé par ce qui se passait à ses frontières et n’ayant enfin plus confiance dans tout ce qui n’est pas lutte directe de la force à opposer à la force et, d’autre part, une avant-garde militante, issue de ce peuple dont elle partageait les expériences quotidiennes, les peines et les déboires pour se tromper, le peu qu’il soit, sur cette force colossale dans sa détermination d’en finir avec une domination qui a fait son temps. C’est de cette conjonction intime que naquit la Révolution algérienne qui, dans un temps restreint, de juin à novembre 1954, aligna sur tout le territoire les têtes de pont du bouleversement que nous vivons depuis bientôt sept ans.

En conclusion, que faut-il retenir de toute cette suite d’évènements et particulièrement de ce commencement qui, vu son caractère spécial, marquera pour longtemps la Révolution algérienne et explique déjà ses principales caractéristiques originales ?

1- À la différence d’autres révolutions, la nôtre est née à un moment crucial qui lui confèrera son caractère particulier d’autonomie et son indépendance vis-à-vis de toutes les tendances politiques l’ayant précédée : le premier appel au peuple algérien a bien précisé que le FLN, dès sa naissance, se dégageait nettement de tous les partis politiques, auxquels il faisait en même temps appel pour rejoindre ses rangs sans condition ni préalable d’aucune nature. Cette position en clair signifie que le 1er Novembre ouvrait une ère nouvelle d’union nationale et condamnait implicitement toutes les divisions et oppositions partisanes incompatibles avec la révolution naissante, comme elles le seront plus tard quand il s’agira de construire l’Algérie nouvelle. De cette position de principe, il faut retenir également le souci des premiers hommes de la révolution d’introduire un autre esprit, d’autres méthodes et surtout une conception neuve tant en ce qui concerne les idées que l’organisation ou les hommes.

2- Née du peuple, la Révolution algérienne, à son départ, s’inscrit en faux contre toutes les manoeuvres de tendances ou concepts d’exportation quels qu’ils soient, plaçant la lutte sous le signe de l’union du peuple algérien en guerre, union solidement soudée par des siècles d’histoire, de civilisation, de souffrances et d’espoir.

3- Issue d’une période où les luttes des coteries et des personnes avaient failli tout emporter dans leur obstination aveugle et criminelle, la Révolution du 1er Novembre décréta le principe de la collégialité, condamnant à jamais le culte de la personnalité, générateur de discorde et nuisible, quelle qu’en soit la forme, à l’avenir d’un jeune peuple qui a besoin de tous ses hommes, de toutes ses ressources et d’une politique claire et franchement engagée qui ne peut être l’affaire d’un homme, aussi prestigieux soit-il, mais de toute une équipe d’hommes décidés, vigoureusement articulés en une organisation bien définie, disposés à donner le meilleur d’eux-mêmes avant de se faire prévaloir de tout titre, de toute légitimité et encore moins de droits acquis ou de prééminence de tout genre.

En un mot, l’Algérie, après ce qu’elle a enduré, a besoin de militants intègres, désintéressés opiniâtres et décidés, véritables pionniers au service d’un idéal de justice et de liberté, que de « zaïms » en mal de gloriole, cette gangrène purulente de beaucoup de jeunes pays en voie d’émancipation.

4- Partie intégrante et motrice de la formidable vague de fond qui secoue l’Afrique et l’Asie et continue de se propager en Amérique du Sud et partout où persistent les germes de la domination politique ou économique, la Révolution algérienne, dès son début, s’est classée par rapport aux lignes de force de l’échiquier mondial. Nos alliés naturels sont avant tout ceux-là mêmes qui, comme nous, ont eu à souffrir des mêmes maux et qui rencontrent sur la voie de leur libération les mêmes oppositions, les mêmes barrières, voire les mêmes menaces.

5- Enfin, son caractère populaire et patriotique, sa coloration anticolonialiste, son orientation démocratique et sociale, sa position dans le Maghreb et son appartenance à la sphère de civilisation arabo-islamique sont autant de traits marquants que porte la Révolution algérienne dès sa naissance et qui détermineront son évolution et conditionneront son devenir.

Mohamed Boudiaf

Turquant, le 22 août 1961

Ce document est paru dans « Novembre et la faillite démocratique » en 2015, un ouvrage collectif édité par la maison d’édition Marguerite et Le Matin d’Algérie.

Auteur
Mohamed Boudiaf

 




La CIA dévoile des archives de Ben Laden pour charger l’Iran

0
Terrorisme islamiste

La CIA dévoile des archives de Ben Laden pour charger l’Iran

La CIA a rendu publiques mercredi d’importantes archives d’Oussama Ben Laden, saisies lors du raid américain de 2011 au cours duquel le chef d’Al-Qaïda a été tué au Pakistan et susceptibles d’apporter de nouveaux éclairages sur le réseau extrémiste.

Parmi la masse de documents figurent des images de journaux intimes manuscrits du fondateur du réseau jihadiste responsable des attentats du 11 septembre 2011 aux Etats-Unis. Mais aussi une vidéo du mariage de son fils Hamza, souvent considéré comme le « prince héritier du jihad », dont on découvre les premières images à l’âge adulte.

Cette publication « donne l’opportunité aux Américains d’en savoir plus sur les projets et le fonctionnement de cette organisation terroriste », a déclaré le directeur de l’agence de renseignement américaine Mike Pompeo.

La CIA a mis en ligne 470.000 fichiers supplémentaires saisis en mai 2011 quand l’armée américaine a fait irruption dans un complexe d’Abbottabad, ville de garnison pakistanaise, et abattu Ben Laden, qui avait échappé dix ans plus tôt à l’intervention des Etats-Unis en Afghanistan.

Selon des chercheurs du think tank américain Foundation for Defense of Democraties (FDD), Thomas Joscelyn et Bill Roggio, qui ont eu accès aux documents avant qu’ils soient déclassifiés, ces derniers fournissent notamment des informations sur les relations troubles entre Al-Qaïda, un réseau islamiste sunnite, et l’Iran chiite.

« Ces documents vont largement aider à répondre à certaines questions que nous avions encore sur le leadership d’Al-Qaïda », a estimé Bill Roggio. En octobre, lors d’une conférence organisée justement par le FDD, Mike Pompeo avait promis de dévoiler des documents illustrant les liens Iran-Al-Qaïda, et ce alors que les Etats-Unis ne cessent de dénoncer « l’influence négative » de Téhéran au Moyen-Orient.

La vidéo du mariage de Hamza Ben Laden, apparemment tournée en Iran, en est un exemple.

Des documents déjà dévoilés, dont des lettres révélées par l’AFP en mai 2015, montrent que Ben Laden destinait Hamza à lui succéder à la tête du jihad mondial anti-occidental. Le jeune homme, aujourd’hui âgé de 27 ou 28 ans, se trouverait actuellement en Iran.

 Charger l’Iran 

Et l’un des textes tout juste déclassifiés est une étude de 19 pages sur les liens entre Al-Qaïda et l’Iran, rédigée par un lieutenant de Ben Laden, rapportent dans un article les chercheurs du FDD. Elle montre que Téhéran a proposé entraînement, argent et armes à des « frères saoudiens » d’Al-Qaïda, à condition qu’ils attaquent les intérêts américains dans le Golfe, ajoutent-ils.

La vraie nature de cette relation reste controversée pour les experts.

L’Iran et les groupes chiites qu’il soutient au Moyen-Orient sont souvent opposés à des mouvements sunnites proches de l’idéologie d’Al-Qaïda.

Mais le fait que Hamza, le fils préféré de Ben Laden, et d’autres figures du réseau jihadiste puissent vivre sous la protection iranienne, ou sous la garde de l’Iran selon les hypothèses, pourrait aussi être la preuve d’une relation de travail entre Téhéran et le chef d’Al-Qaïda.

Les fichiers font toutefois aussi état de vifs désaccords entre Iraniens et jihadistes du réseau sunnite. Ainsi, cette lettre de Ben Laden au Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, pour demander la libération de ses proches.

« D’autres documents montrent qu’Al-Qaïda a enlevé un diplomate iranien pour obtenir un échange » de prisonniers, explique Thomas Joscelyn. « La correspondance d’Oussama Ben Laden prouve que lui et ses lieutenants s’inquiétaient également de la possibilité de voir les Iraniens suivre Hamza ou d’autres membres de la famille après leur libération. »

En outre, selon les chercheurs, « Ben Laden lui-même étudiait des plans pour contrer l’influence iranienne au Moyen-Orient, qu’il jugeait pernicieuse ».

Mais in fine, écrivent-ils, l’analyse des documents laisse penser qu’Al-Qaïda a pu maintenir un « canal de facilitation important » en territoire iranien.

La publication de ces archives, et leur analyse par le FDD, un groupe de pression connu pour ses positions très hostiles à l’égard de l’Iran, a laissé sceptiques plusieurs observateurs à Washington.

Ces documents « ne nous apprennent rien que l’on ne sache déjà », a assuré Ned Price, ancien conseiller de l’ex-président Barack Obama. Il a soupçonné sur Twitter le patron de la CIA de les avoir déclassifiés pour apporter de l’eau au moulin de ceux qui souhaitent un conflit ouvert avec l’Iran.

« Ces agissements suggèrent qu’il en revient à la stratégie de l’administration Bush: mettre l’accent sur les liens terroristes pour justifier un changement de régime », a ajouté Ned Price.

Auteur
AFP

 




De quoi la diplomatie de Messahel est-elle le symptôme ?

0
Terrorisme

De quoi la diplomatie de Messahel est-elle le symptôme ?

Le ministère des Affaires étrangères a organisé, mercredi 25 octobre 2017, la première réunion régionale du Forum mondial de lutte contre le terrorisme (GCTF) sur les liens entre le terrorisme et le crime organisé transnational, co-organisée par l’Algérie et les Pays-Bas.

Rappelons d’emblée que l’Algérie et le Canada coprésident, au sein du GCTF, le Groupe de travail sur le renforcement des capacités dans la région Afrique de l’Ouest qui encourage la coopération régionale et internationale et qui offre aux experts la possibilité de discuter des lacunes en matière de renforcement des capacités propres à la région sahélienne et d’identifier des solutions. Parmi les domaines d’intérêt actuels de ce groupe de travail figure la mise en œuvre du Mémorandum de Rabat sur les bonnes pratiques pour une pratique antiterroriste efficace dans le secteur de la justice pénale , notamment les bonnes pratiques relatives à la criminalisation des activités terroristes et l’utilisation de cadres juridiques pour promouvoir la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel.

Selon le ministère des Affaires étrangères, cette réunion du GCTF vise la rédaction d’un mémorandum de bonnes pratiques, qui sera soumis pour approbation à l’occasion de la prochaine réunion ministérielle du GCTF, prévue en septembre 2018. Le chef de la diplomatie Messahel qui est si prompt à flatter l’Union africaine (UA), n’intègre pas l’analyse multiscalaire dans ses déclarations : il a souligné, dans ce sens, que « la résolution 1373 du Conseil de sécurité avait d’ailleurs établi, en 2001 déjà, un lien entre le terrorisme et le crime organisé transnational », alors que la convention de l’Organisation de l’Unité africaine sur la prévention et la lutte contre le terrorisme » adoptée le 1er juillet 1999, a mentionné les « liens croissants entre le terrorisme et le crime organisé, notamment le trafic illicite des armes et des drogues, et le blanchiment de l’argent ». A défaut d’arguments combinant plusieurs échelles d’analyses, le ministre se lance dans les grands discours qui sonnent creux empreints de moralisme suranné et convoquent des textes internationaux pas appliqués, par celui-là même qui s’en revendique.

La fonction de ministre des Affaires étrangères ne tient qu’aux desiderata du régime politique algérien. À l’heure de l’austérité, le ministère des Affaires étrangères invite des experts et des chercheurs étrangers à prendre la parole pour affirmer sans vergogne que l’Etat algérien et ses institutions sont forts et disposent de plus de dix ans « d’expérience ‘’en matière de lutte contre le terrorisme. Si le régime politique algérien entend partager son expérience de la lutte contre le terrorisme avec les pays membres du GCTF (dont le Maroc ), il n’en demeure pas moins que le mémorandum de Rabat mentionne notamment que les États sont encouragés, ‘’mais sans y être obligés, à partager avec le Groupe de travail leurs expériences en rapport avec les pratiques ‘’ en matière de lutte contre le terrorisme qui doivent reposer sur un système de justice pénale fonctionnel ‘’capable de connaître des infractions criminelles ordinaires tout en protégeant les droits fondamentaux des accusés.’’

Le ministre des Affaires étrangères a rappelé également lors de cette réunion ‘’la nécessité de parvenir à une définition commune du terrorisme, plaidant pour un renforcement des instruments nationaux, régionaux et internationaux de lutte contre le terrorisme et le crime organisé transnational. ‘’ Encore faut-il que ce dernier ait lu les travaux de l’Union Interparlementaire (UIP) ? La 134ème Assemblée de l’Union interparlementaire (UIP), tenue à Lusaka (Zambie) ,le 23 mars 2016, a adopté par consensus une résolution intitulée ‘’ Terrorisme : la nécessité de renforcer la coopération mondiale pour endiguer la menace qui pèse sur la démocratie et les droits de l’homme’’. Dans cette résolution, l’UIP constate que ‘’le terrorisme ne fait l’objet d’aucune définition universellement admise au plan international’’ et estime’’ que cette lacune n’est pas un obstacle à l’action concertée de la communauté internationale pour lutter contre les activités et organisations terroristes, dès lors que les Etats disposent dans leur législation de définitions claires et précises des actes de terrorisme qui soient conformes aux définitions des conventions et protocoles internationaux sur la lutte contre le terrorisme adoptées par le Conseil de sécurité de l’ONU et répriment ces actes.‘’ De plus, la lutte contre le terrorisme ne relève pas seulement du ministère des affaires étrangères et de la défense : les instruments de combat contre le terrorisme relèvent également du ministère de la justice et du ministère de l’intérieur. Il est important de noter que les termes ‘’terrorisme » et ‘’extrémisme’’ ont été introduits dans le préambule de la constitution algérienne. Le dossier du terrorisme est un dossier transversal, qui implique la coordination de tous les départements ministériels. Le rapport intitulé ‘’Libya’s Terrorism Challenge Assessing the Salafi-Jihadi Threat’’ publié en Octobre 2017 par le centre de recherche « Middle East Institut » basé aux Etats-Unis ,s’inscrit dans ce sens :il est mentionné dans cette étude que le gouvernement algérien a placé plus de troupes le long des frontières avec la Libye pour empêcher l’entrée des combattants jihadistes. Mais ces groupes de soldats seuls ne peuvent pas combattre les vulnérabilités situées sur la frontière. Par exemple, les membres d’AQMI en Algérie sont toujours capables de coordonner avec des membres comme ‘’Jama’at Nasir al-Islam wal Muslimin’’ en Libye. A cause de la faible gouvernance et des frontières poreuses, Daech en Libye a même été en mesure de préparer des opérations.

Pour conclure, la diplomatie demeure un immense chantier à accomplir, alors que la politique étrangère est continuellement sujette à des tensions extrêmes.

Enfin, le ministre qui reçoit les lettres de créances en lieu et place du président de la République saura-t-il redonner les lettres de noblesses à la diplomatie ? A l’instar de celle de l’Union européenne, la politique étrangère de l’Algérie doit se déterminer en fonction de ses propres intérêts, en toute indépendance, et non pas en rapport de ce que prononceront ses alliés. La politique étrangère de l’Algérie doit être composée de trois piliers : défense, développement et diplomatie (les trois D). Il n’y a pas de place pour la politique politicienne. Il s’agit de mobiliser les citoyens et parmi eux les dirigeants de demain, sur l’utilité pour le pays, d’être présent au premier front de défense du territoire car l’ambivalence n’est pas sa place et la sécurité du territoire est indivisible. Les faits sont têtus. Le régime politique algérien s’est malheureusement donné pour but de créer une piètre diplomatie. Le ministre Abdelkader Messahel est un bon ‘’globe-trotter ‘’, mais un ministre approximatif.

D’ailleurs, ce ministère est bien parti pour battre le record des voyages pris en charge par le contribuable, sans considérer l’effet produit par tous ces trajets en avion (sans escale).

Un bilan désastreux en termes de gabegies et de facture payées par le peuple. Une diplomatie algérienne éreintée, absurde à force d’irréalisme. Parmi les événements majeurs du mois de novembre, le Forum International de Dakar sur la paix et la sécurité. Le ministre Messahel va-t-il participer pour la première fois à la quatrième édition de ce forum qui se tiendra à Dakar (Sénégal) les 13 et 14 novembre 2017 et qui sera cette année consacrée aux nouveaux enjeux stratégiques du continent, avec pour thème ‘’ Défis sécuritaires actuels en Afrique : pour des solutions intégrées ‘’ ? Insérée dans une région qui n’en finit pas de vouloir se construire, l’Algérie évolue dans un contexte géopolitique régional instable, que des acteurs majeurs forgent aujourd’hui à partir de leurs intérêts. Selon les travaux publiés par l’Institut de Recherche Stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM) de Paris, le régime politique algérien illustre l’exemple d’une puissance diplomatique réduite à l’échelle du continent. Le régime tente de fructifier sa participation dans les organisations diplomatiques et militaires régionales, et continentales traditionnelles (UA, dialogue méditerranéen de l’OTAN, etc.). Cependant, il n’assume pas de manière efficace la responsabilité d’un tel type de puissance à l’échelle continentale. En effet, le régime politique algérien tente de développer sa politique d’armement ainsi qu’une politique de sécurité dans le Sahel, tout en poursuivant paradoxalement un principe refusant à l’armée d’intervenir à l’extérieur de ses frontières. Dans la région l’Algérie ne saurait redéfinir son influence, qu’à travers une diplomatie sahélienne au service du développement.

Auteur
Salah Benteboula, géographe

 




L’Algérie condamne la frappe aérienne « criminelle »

0
Bombardement de Derna en Libye

L’Algérie condamne la frappe aérienne « criminelle »

L’Algérie a condamné mercredi, « avec force » la frappe aérienne « criminelle », menée lundi par des avions non identifiés contre la ville de Derna en Libye, réitérant son appel à « un dialogue inter libyen inclusif ».

« Nous condamnons avec force la frappe aérienne criminelle menée lundi 30 octobre 2017, par des avions non identifiés, contre la ville de Derna, à l’est de la Libye, et qui a fait de nombreuses victimes parmi les civils dont des enfants », a déclaré à l’APS, le porte-parole du Ministère des Affaires étrangères, Abdelaziz Ben Ali Cherif .

« Nous présentons aux familles des victimes et à leurs proches ainsi qu’au peuple libyen frère et à son gouvernement, nos sincères condoléances et leur exprimons notre solidarité et notre vive condamnation de cet acte ignoble contraire aux valeurs humaines et morales », a-t-il souligné.

« L’Algérie qui a toujours appelé à un dialogue inter libyen inclusif et au rejet de la violence, et qui a fortement soutenu le processus du dialogue national sous le parrainage de l’Organisation des nations unies, considère que

ces agressions sont inacceptable quelle que soit leur origine, car elles ne font qu’aggraver la situation et entravent les efforts pour un règlement pacifique de la crise en vue de préserver l’unité et la souveraineté de la Libye », a-t-il affirmé.

Auteur
APS

 




Festivités du 1er novembre et remise symbolique des clefs des 2400 logements

0
Tiaret:

Festivités du 1er novembre et remise symbolique des clefs des 2400 logements

À l’occasion du 63e anniversaire du déclenchement de la guerre de libération, le wali de Tiaret, M. Bentouati Abdessalam a présidé aujourd’hui mercredi, à la Maison de la culture Ali Maâchi, une cérémonie de remise symbolique des clés des logements de type public locatif au chef-lieu de wilaya au profit des 2400 bénéficiaires.

Dès les premières heures de la journée, la maison de la culture Ali Maâchi, a connu une foule impressionnante la majorité ont dû croire qu’il s’agit d’une cérémonie de remise des clefs de la totalité des bénéficiaires.

Pendant qu’une poignée de bénéficiaires a reçu des clés dans la joie des mains des autorités locales, beaucoup d’autres s’interrogeaient sur le tirage au sort et la remise effective des clefs.

Lors de la réouverture de l’antique Aïn Djenane et l’inauguration de la stèle qui porte les noms des martyrs de la région, le wali de Tiaret s’est prononcé sur la question devant la presse locale, promettant que la levée de l’entrave ne tarderait que quelques jours.

Dans le même sillage, le chef de l’exécutif a précisé qu’une autre liste sera affichée en ce mois de novembre qui totalise quelques 1000 logements et que la distribution d’un nouveau quota de logements constituait « un signal fort de la poursuite du programme à travers l’ensemble des communes de la wilaya de Tiaret conformément au planning arrêté en août dernier.

En effet, un calendrier de distribution dans le chef-lieu de wilaya a été arrêté par le chef de l’exécutif en août dernier, soit 1000 logements en octobre, 1420 en novembre et 1250 en décembre, ainsi que l’éradication de la cité préfabriquée de « Volani » et la cité « Zabana », croit-on savoir à la lecture d’un communiqué émanant du cabinet du wali en août dernier.

Cependant, vu la cadence avec laquelle les travaux sont menés dans les chantiers qui abritent ces logements, il faut attendre encore quelques mois pour que ces logements sociaux soient fin prêts à la distribution.

Auteur
Khaled Ouragh

 




Lahouari Addi parlera du « nationalisme arabe radical »

0
Conférence à Oran

Lahouari Addi parlera du « nationalisme arabe radical »

Une conférence sera organisée par le CEMA le dimanche, 5 novembre 2017]

« L’expérience du nationalisme arabe radicale ». Elle sera animée par 

Pr. Lahouari Addi
Politologue
Institut d’Études Politiques, Lyon

Le débat sera modéré par Dr. Mansour Kedidir, politologue, Chercheur associé, CRASC

La conférence sera suivie d’une vente-dédicace du dernier ouvrage de Lahouari Addi, intitulé « Le nationalisme arabe radicale et l’Islam politique: Produits contradictoires de la modernité »

À 14h00, le dimanche 5 novembre 2017
CEMA, Cité du Chercheur (ex-IAP), Université d’Oran 1

 




DERNIERS ARTICLES

LES PLUS LUS (48H)