23 novembre 2024
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Qui a intérêt à bloquer la nouvelle unité du groupe Cevital à Bejaia ?

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Cevital

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L’Entreprise portuaire de Béjaïa a refusé de décharger des équipements importés par Cevital et destinés à l’installation d’une unité de trituration de graines oléagineuses. Un second a été empêché d’entre dans l’enceinte portuaire, révèle El Watan.

Qui a intérêt à empêcher Cevital d’installer son unité de trituration de graines oléagineuses ? La question mérite sérieusement d’être posée quand on sait que le gouvernement peine à trouver les investisseurs capables de créer des richesses ?

Pour justifier son refus de laisser les bateaux entrer dans le port, l’entreprise portuaire de Bejaia s’abrite derrière des autorisations que le groupe Cevital n’aurait pas obtenues. En effet, La direction du port de Béjaïa a adressé un courrier à l’agence Kaltsar, un agent maritime, dans lequelle elle précise que « la question de l’accostage et de transit de tout navire transportant ce type de cargaison est définitivement tranchée par un refus catégorique de l’Entreprise portuaire de Béjaïa jusqu’à la présentation par Cevital de toutes les autorisations y afférentes de leur destination délivrées par les pouvoirs publics ».

Le directeur général exécutif de Cevital, Saïd Benikène a répondu, selon El Watan à l’entreprise portuaire pour lui rappeler que « la cargaison en question que vous refusez de laisser entrer en Algérie a été entièrement payée sur le budget devises de l’Algérie, et donc avec l’autorisation expresse de la Banque d’Algérie et de l’Agence nationale d’investissement (ANDI), ce qui constitue certainement l’autorisation la plus crédible (…). »

Dans un deuxième courrier, le directeur adjoint de l’Entreprise portuaire indique que « l’EP Béjaïa n’a pas refusé l’accès à vos équipements en Algérie ». Allant jusqu’à inviter les responsables de Cevital à trouver une « solution alternative » pour décharger son matériel, ajoute le journal.

Le groupe Cevital s’est tourné vers la justice pour se sortir de cette situation. Là encore peine perdu. Le président du tribunal de Bejaia estime que rien ne presse ; il refuse la plainte en référé.

A quelle fin s’acharne-t-on ainsi à bloquer une usine d’ouvrir ? Qui tire les ficelles dans cette affaire ? Ce ne sont certainement pas les responsables du port de Bejaia qui ont, seuls, décidé de pourrir la vie à Cevital. Il est de notoriété publique en Algérie que les autorités, sous l’ère Bouteflika, ont bloqué de nombreux importants projets d’investissements de l’homme d’affaires Issad Rebrab notamment en Kabylie.

Les blocages administratifs dont fait l’object ce groupe donne un mauvais signal aux investisseurs. Ils renseignent surtout sur, non seulement le manque d’imagination du gouvernement mais aussi et surtout sur les pratiques de certains segments puissants du pouvoir qui n’entendent pas lâcher le contrôle sur l’économie.

Yacine K.

Le bossu Tebboune et le chameau de Pyong Yang, par Mohamed Benchicou

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Après Abdelmalek Sellal, Bouchouareb, Benyounès et Ould Abbès, c’est au tour du prometteur Abdelmadjid Tebboune, ministre d’un preux gouvernement qui ne craint personne, surtout pas le ridicule, de nous rappeler que la politique, sous nos cieux, n’a que faire du génie et que nos dirigeants ne se recrutent décidément pas parmi les beaux esprits.

Sourire en coin, M. Tebboune nous apprend nous ne sommes pas la Corée du Nord ! « En Algérie, nous-dit-il, on n’interdit pas, on utilise ce qui nous est permis dans le cadre des accords internationaux que l’Algérie a signés ». Ainsi parle le ministre d’un pays, tenu à des obligations de cordialité diplomatique, d’un autre Etat souverain : avec le langage de la rue et cette fatuité dont je ne sais quel auteur a dit qu’elle est la disparition lumineuse du mérite.

Certains pourraient voir dans cette sortie sans panache, un message à Trump, sur les bonnes intentions de l’Algérie. J’espère, pour ce qu’il reste de dignité nationale, qu’il n’en est rien. D’abord parce que notre Etat n’inquiète personne d’autre que son propre peuple; ensuite parce qu’il n’y a pire façon de passer pour un clown que la manière frivole et inutilement méprisante qu’a utilisé M. Tebboune pour mentir à l’opinion internationale. Notre ministre use d’une dérision à laquelle il n’a pas droit. Pour disposer du privilège de railler les Etats dictatriaux, il faut s’être assuré, au préalable, qu’il n’y a pas un dictateur qui traîne chez soi ! Car enfin, M. le ministre, en quoi serions-nous différents, politiquement, de la Corée du Nord ? Elle a son dictateur accroché au pouvoir à vie; nous avons le nôtre, accroché tout autant au pouvoir à vie mais avec, en plus, cette originalité de diriger un pays sur fauteuil roulant ! Sans doute faut-il rappeler à M. Tebboune que le président algérien en est à sa 18e année de règne quand l’actuel dictateur nord-coréen, Kim Jong-un n’en est qu’à la sixième et que son père, Kim Jong-il, n’a régné « que » 17 ans ! Que l’on réveille donc notre ministre et qu’on lui annonce qu’il est ministre d’une de ces républiques baroques où l’on ne quitte le pouvoir que pour le cimetière, qui prête autant à moquerie que Pyong Yang !

M. Tebboune qui est un téléspectateur assidu n’a pas dû rater cette émission dans laquelle Laurent Ruquier se gaussait de notre chef de l’Etat : « Le président algérien qui va briguer un quatrième mandat a 76 ans et cette année il a passé près de trois mois à l’hôpital après avoir fait un AVC et la grande question de cette élection c’est : qui finira dans l’urne le premier, le bulletin ou lui-même ? Je ne me moque pas, par rapport à Nelson Mandela, il est en super forme mais, Mandela, lui, il ne se présente pas» En quoi se distingue-t-on de la Corée du nord quand tout, chez nous, est tout autant interdit ? Tout : les manifestations, les dessins sur le président, les rassemblements, les conférences publiques…Nous disposons des mêmes travers.

L’Algérie, que voulez-vous, c’est la Corée du Nord moins l’industrie, moins les centres de recherche scientifiques, moins l’agriculture assurant l’auto-suffisance, c’est la Corée du Nord plus la corruption, plus la gabegie, plus les places de députés qui se vendent au plus offrant…

Comme en Corée du nord, le « Dirigeant bien aimé » est entouré de petits et grands courtisans gauches et sournois qui concourent à la gloire du maître et qui, à en juger par les prestations d’Ould Abbès, Ouyahia et Sellal, n’ont rien à envier à ceux de Pyong-Yang. Ils sont capables des pires exploits. La preuve nous est donnée par notre Premier ministre qui, dans un discours rocambolesque, qualifia le Conseil des ministres de «formalité inutile».

Il ne devait pas être loin de la vérité, à voir ce bric-à-brac qui tient lieu de vie politique nationale et où l’essentiel réside dans l’art de se cramponner au pouvoir, à la force du déshonneur et du mensonge. En dévalorisant le Con-seil des ministres, Abdelmalek Sellal s’obligeait à cette besogne solennelle qui consiste, pour les serviteurs de l’État, à trahir l’État pour des raisons qu’ils considèrent comme supérieures. Ladite raison, ici, n’a rien de prestigieux et se résume à apporter une pitoyable explication aux reports successifs du conseil des ministres et, ce fai-sant, à camoufler l’inaptitude du président de la république à exercer ses fonctions.

Alors oui, nous ne sommes pas la Corée du nord, ni même la Corée du Sud qui était au même niveau de développement que l’Algérie au milieu des années 70 et qu’on retrouve 13e puissance économique mondiale, ni Singapour, ni la Thaïlande, ni Taïwan, ni encore moins la Chine ni le Japon, sans doute même pas l’Afrique du sud, pas même le Maroc…

Abdelmalek Sellal nous confirme qu’en restant étranger au projet fou de Frantz Fanon et d’Aimé Césaire, celui de transformer le destin en conscience, en ignorant l’obsession des grands poètes qui ont forgé le 20e siècle, nos dirigeants s’évitent l’obligation de s’en encombrer du talent.

Par la même occasion, ils s’épargnent la corvée d’en supporter l’ambition. Celle de notre premier ministre se réduit ainsi à rêver d’un peuple d’apothicaires et de géomètres, au mépris des poètes saltimbanques, des penseurs et autres écrivains ou artistes pique-assiettes, tous ceux-là que les régimes nazi et franquiste et autres terroristes islamistes se sont fourvoyés à assassiner quand le bon sens commandait de seulement les mépriser. Il eût suffi d’un peu de la clairvoyance de M. Sellal pour que Federico Garcia Lorca échappe aux fusils de Franco et que Tahar Djaout soit encore parmi nous.

André Gide avait prévenu : « Je tiens l’infatuation pour fatale au développement de l’esprit ».

Aussi est-ce assez superflu de reprocher à notre Premier ministre de ne pas s’inspirer des plus nobles utopies du siècle quand lui-même reconnaît qu’il n’en a aucune connaissance. Dans un précédent discours, il avait, en effet, disqualifié la poésie et les sciences humaines au profit des mathématiques. Nous savons, désormais, sur la foi d’une si prestigieuse déposition, qu’il n’est nul besoin d’avoir lu Kant, Adonis ou Sansal pour présider aux destinées de cette nation et, dans le cas qui nous concerne, pour la mettre en faillite.

Mohamed Benchicou

Dans l’antichambre du pouvoir en Algérie (III)

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Paralysie et cacophonie au sommet

Dans l’antichambre du pouvoir en Algérie (III)

L’histoire nous enseigne que les régimes autocratiques se reproduisent jusqu’à implosion (1), puisque construits sur des leurres et des raccourcis idéologiques comme le « changement dans la continuité » ou « on ne change pas système qui gagne » et la mise en œuvre de manœuvres grossières et folkloriques qui deviennent un label de réussite voire un référent mémoriel. 

Ainsi, M-E. Naegelen, d’origine alsacienne, militant de la SFIO, ancien résistant, nommé le 11 février 1948, premier Gouverneur général en Algérie, organisa, lors de la première élection de l’Assemblée algérienne, le 11 avril 1948, une gigantesque opération de trucage de l’élection des délégués du deuxième collège. La répétition de ce procédé, à l’occasion du renouvellement triennal de février 1951, répond à cette même logique… Résultat, elle a catalysé la révolution de 1er novembre 1954 ! Pour les prochaines désignations électives législatives, communales de 2017 et celles présidentielles de 2019, dans notre pays, que le pouvoir compte organiser (2), personne n’est dupe, à l’intérieur et à l’étranger, sur le niveau de l’abstention et l’ampleur de la fraude annoncée (3) mais tout un chacun tente de récupérer, ce qui peut l’être, en fonction de la réalité de son existence partisane et notamment dans l’opposition légale (4). Sans ancrage idéologique partisan et en rangs dispersés, les partis du pouvoir entendent bien participer à la répartition de la rente, en Algérie (5) et à l’étranger, même s’il faut, pour cela, jeter aux gémonies les aspects éthiques et moraux, qu’une telle organisation implique (6). Le reste des mini-partis dits « sanafir » (ils sont une trentaine), sortis des laboratoires de l’ex-DRS (7), attendent l’appel à la mangeoire et le moment de passer à table. Il est clair que ces scrutins ont le désavantage de mettre à nu les arrière-pensées boulitiques du Pouvoir, à savoir, la cinquième désignation élective du Président, anticipée ou non. En effet, à l’exception des leurres habituels, les futurs équilibres seront taillés sur mesure pour cette opération vitale pour faire perdurer le pouvoir (8) ! Pour le reste, chacun recevra son quota de rente en fonction de son allégeance, de son obséquiosité et, nouvelle donnée dans les mœurs politiques de notre pays, des dinars blanchis amassés.

Qu’en pensent les puissances étrangères ?

L’année 2017 est particulièrement riche en événements électoraux internationaux, en bouleversements géopolitiques majeurs et en changements à la tête de deux pays influents pour l’Algérie que sont la France et les USA (9), doublée d’une crise énergétique majeure, non anticipée par le pouvoir actuel, qui a même renié son existence durant deux années. Il faut se souvenir que l’intronisation d’Abdelaziz Bouteflika, en 1999, par l’institution militaire, (après l’énigmatique départ, avant terme, du Président Liamine Zeroual, qui reste à élucider), ne pouvait se réaliser sans l’aval de la France d’abord, des USA et des monarchies du Golfe, ensuite (10) ! En fait, il faut se rendre à l’évidence, c’est ce premier pays qui a imposé à l’institution militaire (11), qui représentaient le pouvoir réel, cette candidature, en contrepartie d’un déminage des dossiers relatifs à la « décennie noire »(12). Les preuves et les arguments de cette transaction ne manquent pas et certains de ses acteurs, algériens et étrangers, sont toujours vivants (13).

En fait, le pouvoir va progressivement passer, d’un équilibre précaire entre plusieurs centres de pouvoir, en particulier militaire mais également civil, à un pouvoir unique, inique et autocratique de type « zaouïal », où le zaïm règne sans partage et surtout sans contrepouvoir aucun et tout cela avec la bénédiction de l’ancienne puissance coloniale « au nom de ses intérêts biens compris et accessoirement de la stabilité de la région » (14) ! Cette régression sociétale, sans précédent, des mœurs politiques de notre pays, sera dénommée, par les dobermans supplétifs, d’ »Etat civil » par rapport à l’ »Etat militaire » qui prévalait ! Et comme il fallait s’y attendre, cela devait passer par le parasitage temporaire du pouvoir du DRS (15) et par la répudiation, sans élégance, de son premier responsable (16)… malgré qu’il ait contribué à consolider la zaouïa au pouvoir, en détruisant, tour à tour, tous ses adversaires potentiels durant les deux décennies passées. Le « trois-quarts président » (17) enfin atteint son objectif, malgré l’adversité des clans, au bout de dix-neuf ans de manœuvres malicieuses pour enfin devenir le seul « Cheikh el bled », transformant notre pays en un nouveau beylika, au détriment, cependant de sa propre santé (18).

Les USA, avant et plus, après l’avènement de D. Trump, marquent clairement leur positionnement vis-à-vis de l’Algérie, en inscrivant leur action d’influences dans le cadre d’un triptyque où les maîtres mots-clés sont, hiérarchiquement, le business, la sécurité et la géopolitique. Cette triple action va se concrétiser par le placement de ses pions en pole-position, sur l’échiquier politico-économique algérien, avec comme pièce maitresse, aujourd’hui, Chakib Khelil (19), de retour au pays depuis le 17 mars 2016. Son positionnement présidentiel semble être validé (20), en substitution à la candidature du frère du Président, plus rétif à la fonction présidentielle et moins soumise à polémique héréditaire. En mission commandée, il est chargé de noircir « la matrice de Leontief », en identifiant les personnels nécessaires à la prise de pouvoir, le moment venu, après la désignation présidentielle légale ou anticipée et de les dispatcher sur l’échiquier de manière progressive mais certaine. Faut-il rappeler à cet endroit, la nomination-réhabilitation (21) inattendue de l’innommable BRC golden boy’s, A. Ould-Kadour, pour s’en persuader ?

Mais la face cachée de l’iceberg est mis en œuvre par des décisions et des actes, plus importants mais moins visibles. Recensons quelques-unes des pièces de ce puzzle, qui se tisse patiemment dans notre pays… par les USA. Le président du Conseil d’affaires Algéro-Américain, S. Chikhoun, a promis aux dirigeants algériens que « grâce aux investissements américains, l’Algérie ne devra plus importer des aliments de l’étranger d’ici à six ou sept ans ». Une étude de la Banque mondiale mets en exergue « l’importance de l’initiative lancée par des chercheurs et des dirigeants algériens de haut niveau, dont l’ancien directeur du prestigieux U.S. National Institutes of Health, Ilias Zerhouni, qui ont mis sur pied aux Etats-Unis l’Algerian American Foundation (22), pour assurer des services de formation et d’assistance technique aux nouveaux centres de recherche médicale en Algérie ». Le secteur de la communication (23) fait également un début timide, en attendant une pénétration promise dans l’audiovisuel.

Mais depuis la visite d’Abdelmalek Sellal (écran de fumée présidentiel) fin mars 2016 à Washington DC, les USA développent leur stratégie au « rouleau compresseur », puisqu’ils vont lui faire rencontrer les dirigeants de plusieurs grands groupes américains dont Al Walker d’Anadarko, développeur des gisements pétroliers de Hassi Berkine, Ourhoud et El Merk, situé dans le bassin de Berkine à Illizi, Jeff Miller, PDG d’Haliburton, spécialisé dans l’industrie et les services énergétiques, John Rice, vice-président de General Electrcic (GE), qui a remporté un contrat de plus deux milliards de dollars pour fournir des équipements pour la génération électrique pour six nouvelles centrales à cycles combinés et développe également un projet d’investissement de 200 millions de dollars pour la construction d’un complexe industriel de production de turbines, Dow Wilson PDG de Varian Medical Systems, leader mondial des traitements et des logiciels de radio-oncologie, Philip Blumberg, PDG de Blumberg Grain un leader mondial dans le domaine de la sécurité alimentaire qui va se voir confier de grands projets agricoles sur les haut-plateaux pour booster la production céréalière, laitière, de viande et de pomme de terre (24). Enfin, A. Sellal a fait acheter à notre pays des trains de marchandises du constructeur américain EMD.

Au niveau de la sécurité et de la défense (25), les choses sont plus claires pour le moment, puisque pour les USA, l’Algérie est considéré comme « un partenaire capable » avec lequel une « forte coopération en matière de diplomatie, de maintien de l’ordre et de sécurité », se développe, selon la fiche d’information du Département d’État de l’administration D. Trump, du 2 février 2017, considérant que notre pays a une « localisation stratégique » et où « de fréquents échanges civils et militaires » se réalisent. Elle ajoute que l’Algérie est restée “relativement stable malgré les remous dans les pays voisins et joue un rôle constructif dans la promotion de la stabilité régionale”. Les USA œuvrent à « renforcer la capacité de l’Algérie à combattre le terrorisme et les crimes, à soutenir la construction d’institutions stables qui contribuent à la sécurité et à la stabilité de la région et permet de combattre Daesh, Aqmi et d’autres organisations hostiles dans la région”. L’Algérie est un membre actif du Forum mondial de lutte contre le terrorisme et un partenaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Pour J. Siberell, coordonnateur pour la lutte antiterroriste au Département d’Etat, l‘Algérie est « un partenaire clé » des Etats-Unis dans le domaine sécuritaire. S’exprimant à l’issue de la quatrième session du dialogue algéro-américain sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme, tenue dernièrement à Washington, J. Siberell a précisé que «son pays se tourne vers des partenaires comme l’Algérie qui a une profonde expérience en matière de lutte effective contre la menace terroriste, comparée à la plupart sinon tous les pays ». Le coordonnateur américain a indiqué que la participation des représentants des départements américains de la Défense, de la Justice, de la Sécurité intérieure et du gouvernement américain, à cette réunion « est également une indication» qui témoigne d’une « nouvelle ère dans la coopération » algéro-américaine.

Ces analyses sont partagées par au moins trois instituts américains (The Global Risk Insights et The Washington Institute for Near East Policy et l’American Entreprise Institute), reconnus mondialement pour leur sérieux mais à une nuance près, c’est qu’ils affirment tous que « l’absence d’un chef d’Etat va conduire le pays à l’implosion ». En effet, ils affirment que «l’Algérie est «mûre» pour l’effondrement». Ils s’interrogent sur le fait que «La question n’est pas si, mais quand l’Algérie va s’effondrer» ! Cette affirmation se construit autour du fait que la pratique de l’achat de la paix sociale ne pourra pas être maintenue, du fait de la baisse drastique des recettes pétrolières. Cette interrogation plaide également en faveur d’un remplacement rapide du Président de notre pays… en off, sous «le contrôle américain», bien entendu ! Les analystes considèrent que «très probablement, les militaires et les services de sécurité choisiront, ou ont déjà choisi, le successeur d’A. Bouteflika, bien qu’une succession contestée ou houleuse reste une possibilité».

D’un autre côté, les USA entendent dresser la feuille de route, au prochain Président, en soutenant le développement de la société civile algérienne, avec l’allocation de fonds à l’Algérie via l’initiative de partenariat avec le Moyen-Orient (Middle East Partnership Initiative, MEPI) en développant des programmes de formation pour « des journalistes, des hommes d’affaires, des femmes entrepreneurs et parlementaires, des juristes et des dirigeants d’ONG » et par la mise en place de programmes américains d’éducation. Le département d’Etat indique cependant que « les trois principaux problèmes persistants en Algérie en 2016 ont été les restrictions sur la liberté de réunion et d’association, le manque d’indépendance judiciaire et d’impartialité et les limites sur la liberté de la presse ». Ce rapport évoque, par ailleurs, la corruption et le manque de transparence dans la gouvernance. Il insiste sur « les risques liés à la criminalité financière, en augmentation, en raison de l’utilisation généralisée des liquidités » et s’inquiète de « la présence d’une économie informelle, estimée entre 45 et 50% du PIB ». Cette situation va augmenter la criminalité financière issue de la traite humaine, du trafic de drogues, d’armes et de tous les produits prohibés et ou subventionnés (carburants, cigarettes, produits alimentaires, médicaments, contrefaçon…). L’ex-membre du Conseil de sécurité américain W. B. Quandt considère qu’il faut travailler avec le pouvoir actuel en place, sachant qu’ »Octobre 88, en Algérie, est le premier printemps arabe ». C’est l’objet même de la 4e session du dialogue bilatéral algéro-américain du 6 avril 2017 à Washington. Cette session, qui a duré deux jours, a été consacrée à deux thématiques phares : la lutte contre le terrorisme et l’investissement économique. (A suivre)

M.G.

Notes

(1) Ce phénomène d’anthropologie politique de reproduction se vérifie dans le FLN, à la sauce de D. Ould-abbas, du fait que les membres influents de ce parti (au Bureau Politique, au Comité Central et les Mouhafed) inscrivent, en bonne place, leurs enfants dans les listes du parti, pour les législatives de 2017. Lui même est impliqué indirectement, à travers son fils, dans des malversations financières liées aux législatives.

(2) L’importance de ces législatives et communales n’est pas tant dans la volonté de contrôle du pouvoir législatif mais dans celle d’un rééquilibrage des clans du pouvoir, en vue de la prochaine désignation élective présidentielle, anticipée ou à son échéance.

(3) Dans tous les pays autocratiques, on attribue l’ingénierie de la fraude au pouvoir en place qui en confie l’exécution aux services de sécurité. En Algérie, certains partis (comme celui d’A. Benflis) justifient leur boycott des législatives 2017, en expliquant que le retour opérationnel de l’ex DRS, constitue les prémices de la répartition des quotas de députés aux différents clans du pouvoir, comme ce fut le cas pour les législatives et les communales antérieurs, comme le confirment d’ailleurs M. Sifi et B. Frik pour celle de 1997 organisées par A. Ouyahia, chef du gouvernement.

(4) Le FFS et le RCD considèrent qu’ils ont un véritable ancrage populaire dans certaines régions et qu’ils se doivent de répondre aux attentes des militants. Le parti de L. Hanoune considère qu’il dispose d’un ancrage idéologique doublé d’une balise d’alerte sociale qui nécessitent une représentation parlementaire légale et ou rentière.

(5) Avant même le début du scrutin d’Avril 2017, le SG du FLN annonce que son parti sera majoritaire à la future Assemblée !

(6) Le FNL et le RND, rejoints aux poteaux par l’agrégation des «islamistes ablutionnés», se sont mis en ordre de bataille pour récupérer…les rentes internes (achat des députations) et externes (utilisation du mandat pour la consolidation de l’enrichissement personnel). Les scandales éclatent au fur et à mesure que les dérapages se retrouveront sur la place publique.

(7) Le premier signe du retour en force du général Toufik se situe certainement dans la réintégration quasiment officielle des officiers de l’ex DRS dans les multiples administrations et cabinets ministériels, alors qu’en 2016 leur retrait avait été ordonné par le Président. De même, la fiche d’habilitation dite «bleue» délivrée par le DRS pour toutes nominations (remise en cause par M. Hamrouche) est de nouveau en vigueur, ce qui restitue à ce service son pouvoir relatif.

(8) Les différents prétendants multiplient les manœuvres pour, à la fois, ne pas contrarier les desseins secrets présidentiels mais également se réserver une place en pool position, en cas de choix forcé, provenant d’une disparition physique ou constitutionnelle du Président elliptique.

(9) H. Malti n’hésite pas à déclarer que la nomination d’A. Ould-Kaddour à la Présidence de la Sonatrach a été dictée par les USA, malgré sa condamnation par le Tribunal Militaire de Blida pour « espionnage pour le compte d’un pays étranger et atteinte à la sécurité de la Nation », après avoir dirigé la société mixte algéro-américaine Brown & Root Condor (BRC), une joint-venture entre Sonatrach (51%) et la compagnie du vice-président américain D. Cheney, Haliburton ! Selon N. Beau, «BRC n’est en fait que le ring qui a connu l’infernal match opposant A. Bouteflika au général Toufik du DRS. BRC a finalement déposé son bilan et laissé la place à un énorme scandale. Des soupçons de corruption et de détournements pèsent sur des marchés de 560 millions de dollars conclus avec le ministère de l’Energie, piloté par C. Khelil et 1,3 milliard de dollars de marchés réalisés avec l’armée algérienne».

(10) Cette hiérarchie peut se justifier par des arguments économiques et financiers mais également par ceux de défense et de sécurité comme ceux culturels et cultuels.

(11) Il est communément admis que le feu général L. Belkheir était le principal acteur, à l’origine du retour sur la liste des présidentiables d’A. Bouteflika ainsi que de la médiation avec la France.

(12) Une campagne, sans précédent, pour crime contre l’humanité et crimes de guerre, avait été orchestrée en France contre l’institution militaire algérienne, avec à la clé, une traduction devant le TPI de ses principaux chefs.

(13) Les désignations électives présidentielles ne pouvaient exister dans notre pays avant et après l’indépendance, que dans la mesure où, les différents services de sécurité (MALG, SM, DRS, DSS…) aient été impliqués totalement, pour le meilleur ou pour le pire !

(14) C’est ce même schéma qui est développé par la France dans ses anciennes colonies de l’Afrique de l’Ouest.

(15) Aucun pays au monde ne peut se passer de ses services de renseignement. Changer son premier responsable est une chose, les restructurer en profondeur est une opération à haut risque qui peut se retourner contre celui qui initie l’opération et le pays tout entier.

(16) La manière choisie par le Président de se débarrasser du général de corps d’armée M. Médiene dit Toufik, via un saltimbanque répondant au nom d’A. Saadani, zemmar de son état et syndicaliste à ses heures creuses, est pour le moins inélégante, en direction d’un homme qui lui a garanti le fauteuil présidentiel durant quatre mandats successifs. Son retour annoncé et l’excommunication de l’agent d’exécution des basses besognes, semblent être le signe d’une repentance non assumée mais non sans arrière-pensées, puisque l’organisation des prochaines élections législatives doivent préparer la prochaine désignation élective présidentielle anticipée ou non.

(17) Pour Max Wray de l’institut Alaco (London-based business intelligence consultancy), la source évidente d’instabilité est « la santé défaillante du Président A. Bouteflika, qui a dirigé le pays depuis 18 ans. Sa santé mentale s’est détériorée » et  » certains croient que c’est son frère, Said, qui prend les décisions… Toute cette situation attise les discordes et les convoitises entre les différents clans du pouvoir, entre les services de renseignement, l’armée et le bureau de la présidence. »

(18) The Global Risk Insights (GRI), une publication qui fournit une analyse du risque politique et de la géopolitique, dresse un rapport alarmant sur la santé d’A. Bouteflika et parle d’un président qui a carrément un « pied dans la tombe », en plus du rapport présenté, en début de semaine, à l’administration D. Trump, par The Washington Institute for Near East Policy, qui soutenait qu’A. Bouteflika était « confiné en fauteuil roulant et incapable de parler ». Il estime enfin que « les risques d’une implosion sont grands » dans la mesure où « il est difficile d’estimer si A. Bouteflika contrôle les décisions prises en Algérie ».

(19) Pour N. Beau, « C. Khelil active et fait un lobbying énorme… il joue un rôle stratégique dans la nouvelle feuille de route que l’Algérie adopte… Mais son influence ne s’arrête pas là… Plateaux de télévision, réseaux sociaux, conférences, l’ancien ministre se fait réhabiliter doucement mais sûrement. Les atlantistes peuvent ainsi mettre leur feuille de route en marche puisqu’en parallèle, l’Algérie confie de grands projets à des entreprises américaines et les visites d’affaires des officiels algériens aux Etats-Unis se multiplient depuis 2016».

(20) L’ancien ministre de l’énergie et des mines est marié à une américaine d’origine palestinienne, ce qui risque de poser un problème constitutionnel en cas de candidature présidentielle. Mais gageons que ses lobbies trouveront une solution probante, comme en 1999 !

(21) Après avoir déclaré que cette nomination relevait du chef de l’état et qu’il était soutenu par les «plus hautes autorités de l’état», pour se disculper, le ministre N. Boutarfa fut sommé de se parjurer en déclarant à Bouira, que «cette nomination n’obéit à aucune vision politique mais elle s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle vision du groupe…».

(22) Algerian-American Foundation: P.O. Box 5584 Washington, DC 20016-9997 USA.

(23) Un publi-reportage faisant la promotion de l’Algérie a été publié mercredi 22 mars dans le Washington Post. Sponsorisés par plusieurs entreprises privées et publiques, ces articles cherchent à illustrer le dynamisme du pays dans les domaines de l’industrie, de l’agriculture, des mines, de la pharmacie.

(24) Ce maillage de rendez-vous marque très clairement, pour le lecteur averti, les centres d’intérêts que les USA veulent investir dans les cinq prochaines années, chassant de ce fait, les partenaires traditionnels de notre pays, c’est-à-dire l’Europe et en particulier la France.

(25) Selon H. Malti, BRC a acheté, en 2004, de la firme américaine Raytheon, des « mallettes de commandement » (ordinateurs communicants ultrasophistiqués) pour un montant de 1,5 milliard de dollars et destinées aux très hauts cadres l’ANP. Mais, vers la mi-2005, les services spéciaux russes informèrent les militaires algériens que ces mallettes étaient reliées aux écoutes de la CIA. L’ex-colonel B. Boukhari, patron alors de la justice militaire, pourrait utilement éclairer l’opinion publique algérienne sur ce cas.

(26) Un clivage stratégique, du couple franco-allemand sur le Maghreb, est apparu dès la chute du Mur de Berlin, puisque la RFA va concentrer tous ses moyens de coopération sur sa profondeur stratégique que représentent les pays de l’ex-Europe de l’Est, alors que la France aurait souhaité une coopération plus équilibrée en direction du Maghreb.

(27) Le Maroc est sous la ferrure française, en contrepartie de l’alignement indéfectible de la France sur les thèses marocaines, dans le dossier du Sahara occidental. Cet argument dicte l’orientation dans les relations franco marocaines. À Bruxelles, la France prouve, à chaque débat sur la question qu’elle est l’allié le plus dévoué du Maroc. Pour rappel Rabat a coupé, de février 2014 à janvier 2015, la coopération judiciaire et antiterroriste avec Paris, après que la police judiciaire française ait tenté, en vain, de conduire devant un juge d’instruction A. Hammouchi, patron de la Direction Générale de Surveillance du Territoire du Maroc.

(28) Le parti de la France ou le lobby français en Algérie est toujours stigmatisé, lorsqu’en Algérie, on veut faire pression sur la France. D’où la signature des projets de contrats et non pas de contrats réels entre les deux parties dernièrement. En effet, une partie des «oligarques» algériens, préfèrent traiter avec de nouveaux partenaires notamment asiatiques, turques et américains. Le clan présidentiel, comme à son habitude, joue les uns contre les autres pour toujours contrôler ce conflit d’intérêts à son avantage, pour conserver l’alliance avec les cercles français en Algérie.

(29) B. Cazeneuve omet de dire que dans les deux cas, Libye et Mali, la France a copieusement ignoré l’Algérie et toujours considéré qu’il s’agissait de sa profondeur stratégique et qu’elle entendait agir souverainement !

Auteur
Mourad Goumiri, professeur associé

 




Dans l’antichambre du pouvoir algérien (IV)

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Paralysie et cacophonie au sommet

Dans l’antichambre du pouvoir algérien (IV)

  La France dans l’Europe ou l’Europe dans la France (26) n’entend pas perdre son rôle d’arbitre influent et d’ancienne puissance coloniale, dans les pays du Maghreb et en Algérie tout particulièrement. Ses intérêts bien compris étant en jeu, il est exclu que le remplacement du Président algérien se réalise sans son avis ou pire encore, contre elle. 

Elle a déjà du mal à contenir « l’invasion jaune » (sino-japonaise) sur le continent africain et en Algérie, elle ne peut pas se permettre de perdre le « bastion algérien », pièce maitresse au Maghreb (27), au profit des intérêts américains surtout avec un « Président-homme d’affaires » nommé D. Trump, que toute la classe politique française traite d' »imprévisible’ car ne respectant aucun cadre préétabli ! Le slogan « America first », fer de lance de sa campagne et de sa victoire, ne vaut pas uniquement pour les affaires intérieures mais il s’applique également aux relations internationales, ce qui se traduira par une remise en question des positions dominantes détenues par tous ses partenaires étrangers dans le monde, la France comprise.

La France, qui est le seul pays au monde à connaître, dans le détail, l’état de santé réel de notre Président, a commencé la mise en place de son dispositif de contrôle du processus de remplacement, par le changement de son ambassadeur, en désignant X. Driencourt qui a déjà occupé ce poste entre 2008 et 2012 et qui travaillera en « bonne intelligence » avec un autre ancien ambassadeur de France à Alger, Bernard Bajolet (2006-2008), promu patron des services de renseignement français. François Hollande a envoyé Bernard Cazeneuve, son Premier ministre, il y a quelques jours à Alger, « pour participer au Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) », deux semaines après son ministre de l’Intérieur, Le Roux mais également et surtout pour vérifier l’efficacité du dispositif. Il a qualifié, à sa descente d’avion, les relations entre deux pays d’ »exceptionnelles et uniques, en raison de l’histoire commune qui lie les deux pays ». Il en profite pour assister à la signature d’une dizaine de projets de contrats industriels (28) et a qualifié la coopération sécuritaire de positive tout en laissant entendre que l’expérience précieuse de l’Algérie en matière de « lutte antiterroriste est d’une grande utilité pour la France ». Il a salué « le rôle clé joué par l’Algérie sur la scène régionale pour le retour de la paix et de la stabilité en Libye et au Mali » (29). Mais il s’en est retourné, sans rencontrer le Président de la république, après l’annulation du rendez-vous pourtant programmé, selon l’AFP.

La donne européenne est un peu plus nuancée par rapport à la position française. Emportée par la RFA, réunifiée et le Royaume-Uni, en voie d’éclatement, l’Union européenne, qui sous-traitait le Maghreb et notamment l’Algérie, à la France, ne l’entend plus de cette oreille, pour la simple et bonne raison que la position de la France a considérablement régressé, à tous les niveaux, dans l’échiquier mondial, européen et africain. F. Mogherini, Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères, a déclaré dernièrement à son arrivée à Alger, que « nos intérêts réciproques vont bien au-delà de simples intérêts mercantiles ». Elle « a rappelé également que l’Algérie tire déjà profit de notre relation commerciale puisque l’Union européenne est le premier marché d’exportation du gaz algérien et nous nous sommes également engagés à coopérer de manière plus serrée sur les questions stratégiques et sécuritaires et sur les questions de migration et de mobilité ». Alors que pour P. Defraigne, directeur général honoraire à la Commission européenne, « le risque d’implosion et de guerre civile est hélas très sérieux » suivi en cela par, le journaliste et écrivain anglais S. Pollard qui considère que « Quand Bouteflika mourra, les islamistes vont essayer de s’emparer du pouvoir et l’Europe devra faire face à une autre crise de réfugiés ». Cette vision est partagée par J. Keenan qui écrit dans Die Welt, « si le Président Bouteflika, malade depuis des années, meurt, le pays pourrait plonger dans le chaos… La corruption et la répression sont immenses et les conditions de vie se détériorent. La seule chose qui manque c’est l’étincelle ». Der Spiegel prédit, à son tour, que l’Algérie est en « danger de désintégration » ! La politologue allemande, spécialiste des pays du Maghreb, I. Werenfels, vice-présidente du Foundation Board du Graduate Institute of International and Development Studies de Genève, accuse Abdelaziz Bouteflika d’avoir « divisé l’Algérie pour mieux régner », au lendemain de la visite avortée en dernière minute de la chancelière allemande A. Merkel, dans la “Stiftung für Politische Wissenschaft” (SWP). Quant à la transition, la politologue pense qu’une « partie des élites au pouvoir n’a pas intérêt à ce que les choses changent car la transition peut apporter un Etat de droit, la transparence ». Mais pour autant, elle ne voit pas l’Algérie sombrer forcément après la mort d’A. Bouteflika, car elle croit qu’il n’est qu’une pièce du système et non le système en entier. Sous couvert de «stabilité, les pays occidentaux tablent sur le maintien du système en Algérie, car dans un contexte chaotique, les conséquences sur l’Europe seraient catastrophiques ». L’Europe considère également que la stabilité de l’Algérie constitue un rempart contre l’immigration subsaharienne ! Comme les américains, les européens considèrent que le remplacement du Président algérien est une priorité, compte tenu de l’état inquiétant de sa santé (30) !

Enfin, les pays du Golfe, à leur tête l’Arabie Saoudite, somment l’Algérie de choisir son camp et de ne pas surfer entre les lignes rouges, dans les différents dossiers brûlants qui déchirent la région comme celui de la Syrie, du Yémen, de l’Irak, de l’Iran (31), du Liban, de la Ligue arabe. Dès lors, ils privilégieront un Président remplaçant qui acceptera d’entrer dans le rang, en rejoignant le reste des pays du Golfe, dans leur effort de contenance de « l’expansionnisme perse » dans la région. En outre, le nouveau Président devra rejoindre les pays du Golf sur les dossiers libanais, syrien et irakien, où les divergences sont criardes. Les pays du Maghreb, quant à eux, tenteront, pour le Maroc de trouver un interlocuteur moins dogmatique sur le dossier du Sahara Occidental, la Tunisie un bienfaiteur plus généreux, la Libye un voisin moins interventionniste et la Mauritanie allié protecteur dans la sous-région. Compte tenu de tout ce qui précède, le profil du prochain Président est tout trouvé !

M. G.

Notes

(30) Les annulations en série des visites officielles de personnalités étrangères (allemande, iranienne, espagnole, française…) corroborent cette thèse et plaident pour un remplacement rapide dans « le calme et l’ordre ».

(31) L’Algérie tente de rester neutre face à la guerre, pour l’instant froide, que se livrent l’Arabie saoudite et l’Iran. Ryad a tenté, lors du Sommet de la Ligue arabe, du 28 mars 2017, en Jordanie, d’amener «tous les pays arabes à dénoncer l’interventionnisme de l’Iran au Moyen-Orient et au Golfe persique». L’Algérie a refusé de se joindre, en décembre 2015, à l’Alliance militaire islamique antiterroriste crée par l’Arabie saoudite et qui rassemblait 34 États d’Asie, du Proche-Orient et de l’Afrique. Dans les années 1990, l’Algérie avait accusé le wahabisme saoudien d’être à l’origine du fondamentalisme religieux qui a nourri le terrorisme dans son pays.

Auteur
Mourad Goumiri, professeur associé

 




Bernard Cazeneuve repart sans avoir rencontré Bouteflika !

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Alger-Paris

Bernard Cazeneuve repart sans avoir rencontré Bouteflika !

Le premier ministre français Bernard Cazeneuve est arrivé mercredi après midi à Alger. Il reprend l’avion en direction de la Tunisie sans avoir été accueilli par le président Bouteflika.

Durant cette journée et demie passée à Alger, Bernard Cazeneuve a rencontré le Premier ministre Abdelmalek Sellal. Mais surtout il devait rencontrer le président Abdelaziz Bouteflika jeudi dans sa résidence médicalisée à Zéralda, selon le programme fourni par son cabinet, révèle l’AFP. Mais la rencontre n’a finalement pas eu lieu alors que le chef de l’Etat est confronté à des ennuis de santé récurrents.

Comme nous l’avions signalé, cette visite, à moins de 18 jours du premier tour de la présidentielle française, avait des allures de tournée d’adieu pour le Premier ministre français. En effet, au moment où en Guyane, la fronde populaire se durcit, le premier ministre français s’envole pour l’Afrique du Nord. Visite incongrue, diront les observateurs.

La dernière fois que Bouteflika a rencontré un Premier ministre français c’était en avril dernier. En effet, Manuel Valls, alors premier ministre, était arrivé en compagnie de dix ministres pour signer un certain nombre d’accord, avait-on affirmé. Il était déjà question comme cette fois encore de la signature d’une vingtaine d’accords de coopération parmi lesquels la finalisation du projet de construction d’une usine automobile PSA à Oran. Pendant cette visite, Bouteflika avait accordé une audience à Manuel Valls qui restera dans les annales de la diplomatie.

En effet, de toutes les personnalités étrangères ayant rencontré le président il est le seul à avoir posté sur tweeter une photo montrant Bouteflika sous ses plus mauvais jours. Ce cliché montrant Bouteflika hagard et la bouche ouverte a particulièrement irrité les autorités. Il est manifeste que cette rencontre a laissé des traces. A preuve, d’autres ministres français n’ont pas été reçus par le président. Et même le candidat Emmanuel Macron, venu avoir l’onction d’Alger pour la présidentielle, a été seulement accueilli par Abdelmalek Sellal.

A Tunis, le Premier ministre français doit rencontrer vendredi le président Beji Caïb Essebsi et son homologue Youssef Chahed. Une rencontre est également prévue à Tunis avec le Premier ministre libyen, Fayez al-Sarraj, de plus en plus isolé et incapable d’établir une quelconque autorité même à Tripoli.

Auteur
La rédaction

 




L’éducation islamique à l’école

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Grand Angle

L’éducation islamique à l’école

 « L’éducation islamique est une matière scolaire obligatoire pour les écoliers et lycéens algériens. Cet enseignement obligatoire est en adéquation avec la loi d’orientation scolaire de 2008 qui régit l’école algérienne. »

Cette loi fixe les finalités et les objectifs assignés à l’école en matière d’enseignement et d’éducation. En principe, le système scolaire, composante fondamentale du système éducatif, forme le sujet à la citoyenneté en plus de son instruction. C’est le devenir d’une nation qui est en jeu. Mais qu’en est-il dans la réalité ? Dans le préambule de la loi d’orientation, on peut lire ces extraits très éloquents quant à la place de l’islam à l’école : « L’école doit, à cet effet, contribuer à perpétuer l’image de l’Algérie, terre d’islam, partie intégrante du Grand Maghreb, pays musulman, arabe, amazigh, méditerranéen et africain, et être solidement amarrée à ses ancrages géographique, historique, humain et civilisationnel. »

« L’école se doit de promouvoir ces composantes fondamentales de l’identité algérienne : L’islam, en tant que religion, culture et civilisation-, dont il faut renforcer le rôle dans l’unité du peuple algérien, et mettre en valeur le contenu spirituel et moral et l’apport civilisationnel humaniste. L’islam a représenté pour tous les peuples qui l’ont embrassé une véritable révolution sociale, aux objectifs précis et clairement tracés. Les caractéristiques de la nation algérienne ont été ainsi façonnées par l’islam qui a conféré au peuple algérien la dimension fondamentale de son identité. Le peuple algérien a assimilé effectivement l’islam en tant que religion avec son système de valeurs morales et spirituelles et en tant que modèle d’organisation sociale dont l’objectif est l’instauration d’une société solidaire prônant les valeurs de justice, de liberté, d’égalité et de tolérance, une société où la collectivité se trouve responsable du destin de chacun, comme chacun se trouve concerné par le destin collectif. » « Tels sont les idéaux pour lesquels le peuple algérien s’est toujours mobilisé à travers son histoire : l’attachement à l’islam et aux valeurs de la civilisation arabo-musulmane avec sa composante fondamentale qui est la langue arabe et l’engagement militant pour l’indépendance et la dignité nationale.» Dans le premier extrait, on lit que l’école a pour mission de « perpétuer l’image » d’une Algérie « terre d’islam ».

Cela veut dire que l’histoire « positive » de ce pays commence avec les invasions arabo-musulmanes. Ce pays est devenu « terre d’islam » par la force, après des guerres de conquêtes terribles qui ont causé des morts innombrables, des souffrances terribles. Dans le même extrait, on lit que l’Algérie est un « pays musulman, arabe, amazigh, méditerranéen et africain ». L’ordre est éloquent quant à l’orientation idéologique. Après une conquête qui a fait couler beaucoup de sang amazigh, ce pays désigné comme « terre d’islam » est nommé, par le législateur algérien, d’abord comme un « pays musulman », ensuite « arabe » ; enfin, il est désigné comme « amazigh, méditerranéen et africain ». L’ordre naturel a été inversé : ce pays nommé Algérie a toujours été amazigh et a eu une appartenance géographique africaine et méditerranéenne. L’islam et l’arabe, arrivés en dernier, s’octroient les premières places et veulent reléguer à l’arrière les habitants autochtones du pays et l’appartenance aux civilisations africaine et méditerranéenne.

Au mépris de l’histoire et de… la géographie

L’analyse du deuxième extrait apporte un éclairage quant à la dimension politique de l’islam que doit cultiver l’école. « L’école se doit de promouvoir ces composantes fondamentales de l’identité algérienne : L’islam, en tant que religion, culture et civilisation-, dont il faut renforcer le rôle dans l’unité du peuple algérien, et mettre en valeur le contenu spirituel et moral et l’apport civilisationnel humaniste ». On voit que l’islam est considéré comme la première composante fondamentale de l’identité algérienne officielle citée, ce qui le place en tête de l’ordre des priorités comme dans l’extrait précédent. Cet islam est voulu « en tant que religion, culture et civilisation » et son « rôle dans l’unité du peuple algérien » doit être renforcé, ce qui implique un renforcement de l’islamisation du peuple. En ajoutant les précisions « culture et civilisation », les rédacteurs de ce texte législatif montrent une volonté de faire évoluer le pays et la société vers le modèle social, idéologique et politique arabe. L’islam retrouve une de ses vocations des temps des invasions arabes : imposer le modèle social et idéologique arabe. C’est la pratique de tous les colonialismes et impérialismes.

La question de la foi n’est qu’un prétexte pour la domination. Le modèle « idéal » d’organisation musulmane est logiquement celui de l’Arabie Saoudite, terre où est né l’Islam. En 1948, Abd el Aziz Ibn Saoud, fondateur de cette théocratie, avertissait ses futurs successeurs contre les bouleversements qui allaient, immanquablement, survenir avec les richesses que leur rapportait le pétrole : « Mon royaume ne survivra que dans la mesure où il demeurera un pays d’accès difficile, à la vie rude et inconfortable, et où l’étranger, fût-il musulman, n’aura d’autre aspiration, sa tâche accomplie, que de fuir. Sans doute faudra-t-il un jour construire des routes, des hôtels, des forts, des écoles, des hôpitaux, des aérodromes […]. Mais qu’adviendra-t-il du royaume lorsqu’il sera la proie d’experts, d’administrateurs étrangers, plus prompts à condamner nos modes de vie ou de pensée qu’à nous apporter le concours de leurs techniques ? On ne peut pas sortir du Moyen Age et entrer de plain-pied dans le XXème siècle sans une longue préparation, tout particulièrement lorsqu’on s’assigne comme objectif essentiel le maintien d’une philosophie immuable. » (Cité par Marc Ferro, dans Le Choc de l’islam, XVIIIème XXIème siècle, Ed. Odile Jacob, 2003, p. 187-188).

Près de soixante-dix ans après ce discours, ce royaume « demeure un pays d’accès difficile », « à la vie rude et inconfortable » pour beaucoup de sujets, « et où l’étranger, fût-il musulman, n’aura d’autre aspiration, sa tâche accomplie, que de fuir ». Même s’il m’est arrivé de croiser quelques personnes qui ont travaillé (ou qui souhaitaient travailler) en Arabie saoudite pour gagner de l’argent, je n’ai jamais rencontré (même dans ‘mes lectures’) une personne qui rêvait d’aller vivre dans ce royaume. Dans les pays musulmans, les candidats à l’émigration rêvent, dans leur écrasante majorité, de s’installer dans les pays des « mécréants ». L’actualité fournit l’exemple des réfugiés syriens et irakiens (qui fuient la guerre) qui en est une bonne illustration.

Les successeurs du fondateur du royaume saoudien ont entendu le message d’Abd el Aziz Ibn Saoud. Ils ont aussi su acheter la conscience des étrangers qui y travaillent : rares sont ceux qui osent critiquer ce système. En 1948, ce roi considérait encore son pays comme étant encore dans le Moyen Age ! Et ce n’est pas avec « une pensée immuable » qu’on peut espérer évoluer vers la modernité. Est-ce cette organisation sociale qui sert de modèle et d’inspiration aux législateurs et aux décideurs algériens ? « Les caractéristiques de la nation algérienne ont été ainsi façonnées par l’islam qui a conféré au peuple algérien la dimension fondamentale de son identité ». En décrétant que la dimension fondamentale de l’identité du peuple algérien est l’islam, le législateur relègue la dimension amazighe, qui a toujours existé dans ce pays, à un rang inférieur. C’est aussi la négation de l’histoire antérieure aux invasions arabo-musulmanes dans le pays des Amazighs. C’est l’histoire composée et imposée par les conquérants et les Amazighs qu’ils ont réussi à assimiler totalement. Parmi ces derniers, il y a des sujets zélés qui se considèrent plus arabes que les Arabes ! La suite de ce « décret » est : « Le peuple algérien a assimilé effectivement l’islam en tant que religion avec son système de valeurs morales et spirituelles et en tant que modèle d’organisation sociale dont l’objectif est l’instauration d’une société solidaire prônant les valeurs de justice, de liberté, d’égalité et de tolérance, une société où la collectivité se trouve responsable du destin de chacun, comme chacun se trouve concerné par le destin collectif ».

La subjectivité du législateur veut imposer l’idée de l’assimilation de l’islam par le peuple algérien : cela ne reflète évidemment pas la réalité puisque ce peuple se compose de musulmans, de chrétiens, de juifs, d’agnostiques, d’athées, etc. c’est un point de vue réducteur et exclusif. On parle de l’islam « en tant que modèle d’organisation sociale », ce qui est la dimension politique de la religion ; on n’est plus dans la dimension de la foi. L’objectif de cette organisation sociale est plein de contradictions. Lorsqu’on dit qu’il vise à «l’instauration d’une société solidaire prônant les valeurs de justice, de liberté, d’égalité et de tolérance », on comprend rapidement qu’on se moque du monde. Pour leur existence, les religions, exclusives par essence, ne tolèrent ni la liberté, ni l’égalité ni la tolérance. La langue arabe est valorisée par cette loi.  » … l’attachement à l’islam et aux valeurs de la civilisation arabo-musulmane avec sa composante fondamentale qui est la langue arabe… » La langue arabe est le véhicule de la culture et de l’idéologie arabes, et, pour cela, elle bénéficie de toute l’attention du pouvoir politique qui la range systématiquement, et logiquement, aux côtés de l’islam. Ce préambule de la loi d’orientation scolaire reproduit la hiérarchisation des composantes de l’identité algérienne édictées par la constitution, qui est la loi fondamentale du pays, dans son préambule comme dans cet extrait : « L’Algérie, terre d’Islam, partie intégrante du Grand Maghreb, pays arabe, méditerranéen et africain, s’honore du rayonnement de sa Révolution du 1er Novembre et du respect que le pays a su acquérir et conserver en raison de son engagement pour toutes les causes justes dans le monde. » Cette hiérarchisation apparaît aussi dans les premiers articles de cette constitution : « Art. 2. — L’Islam est la religion de l’Etat. Art. 3. — L’Arabe est la langue nationale et officielle. L’Arabe demeure la langue officielle de l’Etat. Il est créé auprès du Président de la République, un Haut Conseil de la Langue Arabe. Le Haut Conseil est chargé notamment d’œuvrer à l’épanouissement de la langue arabe et à la généralisation de son utilisation dans les domaines scientifiques et technologiques, ainsi qu’à l’encouragement de la traduction vers l’arabe à cette fin. Art. 4. — Tamazight est également langue nationale et officielle. L’Etat œuvre à sa promotion et à son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national. Il est créé une Académie algérienne de la Langue Amazighe, placée auprès du Président de la République. L’Académie qui s’appuie sur les travaux des experts, est chargée de réunir les conditions de la promotion de Tamazight en vue de concrétiser, à terme, son statut de langue officielle. Les modalités d’application de cet article sont fixées par une loi organique.» L’islam est la religion officielle de l’Etat qui nie donc, de fait, les autres religions, l’agnosticisme ou l’athéisme.

Dans une logique semblable, il est précisé qu’en plus de son caractère national, l’arabe est la langue officielle de l’Etat. Tamazight est une « langue nationale et officielle » sans être une «langue officielle de l’Etat», ce qui fait que, d’un point de vue institutionnel, elle n’évolue pas réellement. La conséquence de ces lois est la constitution de l’éducation islamique comme discipline scolaire obligatoire. Cette matière scolaire est l’héritière de l’éducation religieuse et morale. La fonction programmatique des intitulés des matières scolaires permet de saisir la finalité des enseignements. Dans un pays comme l’Algérie, « l’éducation religieuse et morale » ne peut consister qu’en une éducation islamique et un enseignement de la morale qui en découle. Mais l’intitulé dénote une certaine ouverture d’esprit et peut suggérer, en théorie, la possibilité d’un enseignement religieux autre qu’islamique.

Un intitulé comme « éducation islamique » ne laisse aucune possibilité, même théorique, d’un autre choix. Il faut souligner aussi le fait qu’il s’agit d’une « éducation islamique » : on n’est pas dans une perspective de transmission de savoirs mais dans une dimension de formation du sujet à une condition de croyant musulman. Comme « l’éducation islamique » est une matière scolaire obligatoire, même les élèves d’autres confessions religieuses ou sans religion sont soumis à cet enseignement. Les élèves du primaire ont 1 h 30 mn d’éducation islamique par semaine, les collégiens, une heure hebdomadaire et les lycéens 2 heures hebdomadaires. Les notes obtenues aux examens participent au devenir scolaire de l’élève. Je ne sais pas si nos politiciens et nos «pédagogues» ont conscience de la violence que constitue l’imposition d’une telle « éducation » à des enfants et adolescents non musulmans. Ces derniers vont « apprendre » tous les châtiments qui les attendent dans l’audelà, voire « ici-bas ». Leurs enseignants leur « apprendront » qu’ils sont voués à l’enfer du fait qu’ils ne sont pas musulmans. On peut imaginer une attitude perverse qui consisterait à les interroger à ce sujet lors des examens : pour avoir une bonne note, un élève non musulman devrait répondre en énumérant les châtiments qu’il encourt à cause de sa condition religieuse ! Des problèmes et des conflits récurrents entre des élèves chrétiens et des enseignants de cette matière surviennent dans des établissements scolaires. Ces élèves sont déjà placés en enfer ! Le citoyen algérien chrétien, juif, agnostique ou athée, ne peut exercer, de fait, la fonction de professeur d’arabe puisque c’est cet enseignant qui est chargé de l’éducation islamique des élèves : s’il exerce cette charge, il serait placé dans une situation similaire à celle des élèves non musulmans. Quelle crédibilité peut avoir l’institution éducative auprès de ces élèves et de ces enseignants qui sont des citoyens de ce pays ? La constitution ne décrète-telle pas l’égalité entre les citoyens, quelles que soient leurs croyances religieuses ? Où est l’égalité dans ce cas ? L’éducation religieuse doit être un choix de la famille de l’élève et non une imposition de l’Etat qui exerce ainsi, de fait, une très forte violence symbolique sur des enfants de la nation dans une pratique discriminatoire du fait de la croyance religieuse, contredisant les lois qui régissent le pays.

L’éducation religieuse doit donc rester une affaire familiale. L’Etat doit jouer son rôle en mettant en œuvre ce qu’il faut pour éviter les dérives sectaires dans toutes les religions. Pour cela, il doit mettre à la disposition des familles qui le souhaitent des espaces et du temps (établissements scolaires et une demi-journée par semaine, par exemple) ainsi que des enseignants pour cette activité qui doit être facultative : l’Etat exercera un contrôle permanent sur cette éducation pour protéger la jeunesse. Les élèves que leurs parents ne souhaitent pas soumettre à une éducation religieuse peuvent profiter aussi de cet espace/temps pour des activités sportives ou artistiques, prises en charge par l’Etat, dans un souci d’équité. Ainsi, tout ce monde se reconnaîtra dans cette école publique. Il est encore temps d’agir car les résultats de la politique menée jusque-là commencent à se faire sentir. L’espace public devient de plus en plus investi par la religion qui veut imposer un mode de vie et une organisation sociale musulmane. On peut constater aisément ce phénomène en Kabylie.

Depuis quelques années, la construction de mosquées est accélérée dans une région où la crise du logement est chronique et le manque de structures de santé, de culture ou de loisir est tout aussi chronique. Les appels à la prière et les prêches du vendredi se font avec une profusion de décibels (il m’est arrivé d’avoir entendu un prêche du vendredi à environ trois kilomètres de distance). Une façon d’imposer une forme de domination sur toute la population. D’autres signes religieux, comme le foulard islamique, envahissent l’espace public. Des rites sociaux comme l’enterrement des morts s’arabisent. Dans des régions de Kabylie où l’enterrement des morts se fait habituellement le lendemain du décès, on voit depuis quelque temps des familles enterrer leurs morts rapidement en adoptant une pratique héritée de la tradition arabe. L’oraison funèbre que prononçaient les imams traditionnels en kabyle est de plus en plus remplacée par des prêches par une nouvelle espèce d’imams. Les rites sacrificiels traditionnels, considérés comme païens, sont la cible des islamistes. Les intégristes chrétiens aussi s’attaquent à ces traditions. La croyance religieuse semble travailler à l’amnésie du croyant : tout ce qui est antérieur à l’avènement de la religion doit être effacé et les pratiques ancestrales et traditionnelles interdites. Tout ce qui attache l’individu à une ethnie, un pays ou une civilisation doit être banni de son identité. Seule l’idéologie véhiculée par la religion importe pour la nouvelle identité du sujet. Au milieu de tout cela apparaissent, logiquement, de plus en plus d’individus qui placent la loi religieuse au-dessus de la loi civile et qui ne s’identifient plus à leur pays ou nation mais à la ‘Oumma’ musulmane. Cela permet à beaucoup de Berbères, qui n’arrivaient pas à s’identifier à l’arabité, de renier leur appartenance ethnique pour s’identifier à cette communauté de croyants. Ce phénomène est partagé par beaucoup de pays dit musulmans. On a vu aussi des Européens convertis à l’islam radical commettre des attentats, commandités par l’Organisation de l’E.I., contre leurs pays. C’est un mouvement vers l’abolition des états et l’abolition des frontières pour l’établissement d’un califat « moyenâgeux ».

L’organisation de l’Etat Islamique en Irak et au Levant en est une illustration parfaite et tragique. Et une expérience. Lorsque les rois de l’Arabie saoudite dépensent des dizaines de milliards de dollars en quelques années pour la propagande du wahhabisme, ce n’est pas par générosité pour leurs coreligionnaires : ils espèrent en tirer profit à l’avenir et régner sur le plus grand nombre possible d’entre eux grâce à la propagation de leur idéologie. Les autres petits royaumes voisins de l’Arabie saoudite, notamment le Qatar, financent massivement les mouvements islamistes dans le monde entier. Le développement des pays où vivent leurs coreligionnaires ne fait pas partie de leurs préoccupations : seuls comptent la Oumma et leurs rêves de califes, émirs ou vizirs dans un avenir qu’ils espèrent proche. Pour sauver notre identité et notre existence en tant qu’entité du péril, il faut que l’école retrouve sa vocation de service public : former des citoyens. Elle n’a pas vocation à former des croyants.

Nasserdine Aït Ouali est docteur en littérature française

Auteur
Nacer Ait Ouali

 




« Saïd Bouteflika ouvre et ferme la porte »

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La politologue Isabelle Werenfels :

« Saïd Bouteflika ouvre et ferme la porte »

Dans un entretien accordé à RFI, la politologue allemande et spécialiste des pays du Maghreb, Isabelle Werenfels, exprime sans concession son point de vue sur la situation politique de l’Algérie.

Au lendemain de la visite avortée en dernière minute de la chancelière allemande Angela Merkel, l’associée senior à la “Stiftung für Politische Wissenschaft” (SWP), le plus influent think tank allemand pour les Affaires étrangères, accuse Bouteflika d’avoir «divisé l’Algérie pour mieux régner»

La vice-présidente du Foundation Board du Graduate Institute of International and Development Studies de Genève répond à des questions graves qui concernent le président, sa maladie, sa succession, son entourage, son frère… etc.

« On ne peut savoir qui a le plus de pouvoir »

Pour Isabelle Werenfels le clan Bouteflika est constitué de « gens avec une grande loyauté au président et ce sont ceux qui protègent le président contre les adversaires et qui l’aident à maintenir la façade ». Le pouvoir algérien est, selon la politologue allemande, un mélange de plusieurs groupes. « Des membres de la famille, on a surtout le frère. On a des compagnons de la Révolution encore, des personnes de sa région par exemple le chef du FLN Ould Abbes ou Messahel, le ministre pour le Maghreb, l’Union africaine et la Coopération arabe, puis le chef de l’armée Gaïd Salah. On a Ali Haddad, le chef du Forum des entreprises, Ahmed Ouyahia, chef du cabinet, Tartag des renseignements » analyse-t-elle, avant d’ajouter que l’on ne peut savoir qui a le plus de pouvoir dans le lot de toutes ces personnes qui gravitent autour de la personne du président. Une nuance toutefois, peut être que l’on sait que « le frère (Saïd Bouteflika) ouvre et ferme la porte », pour dire sûrement que l’omniprésent frère est constamment dans la chambre du président et y verrouille l’accès.

Selon la doctoresse Werenfels, c’est la rente pétrolière qui a aidé Bouteflika et son clan à se maintenir au pouvoir et non « sa sage politique économique » comme on voudrait le faire croire dans l’entourage du président.

Quant à la transition, la politologue pense qu’une partie des élites au pouvoir n’a pas intérêt à ce que les choses changent car la transition peut apporter « un Etat de droit, la transparence. Alors beaucoup d’élites ont peur de perdre dans un tel système », estime-t-elle.

« Un système de diviser pour mieux régner »

Concernant la succession, la politologue allemande écarte la possibilité que Saïd Bouteflika ait des ambitions présidentielle. Elle croit que « Bouteflika est, ou était assez intelligent » pour ne pas tomber dans le piège d’une succession par filiation. Certes, « Saïd Bouteflika joue un rôle important » mais la politique de Abdelaziz Bouteflika a toujours été pour « un système de diviser pour mieux régner ». C’est la méthode que Bouteflika utilise avec tout son entourage, croit-elle savoir. « Et les personnes qui sont devenues trop fortes ont dû partir. Par exemple Amar Saadani, l’ex-chef du FLN ».

Mais pour autant, la politologue allemande ne voit pas l’Algérie sombrer forcément après la mort de Bouteflika, car elle croit qu’il n’est qu’une pièce du système et non le système en entier. Le système algérien étant un système des pratiques clientélistes « … je pense que c’est plutôt un système de pratique, des pratiques clientélistes. Et dans un tel système, une personne peut être remplacée par une autre qui remplit la même fonction ». L’analyse tranche radicalement avec certaines projections avancées par des cabinets ou médias, notamment américains.

Pour les Occidentaux, la stabilité est le maître mot !

Sous couvert de stabilité, les pays occidentaux tablent sur le maintien du système en Algérie, car dans un contexte chaotique, les conséquences sur l’Europe seraient catastrophiques. « Le paradigme d’aujourd’hui c’est la stabilité. On veut une Algérie stable. Surtout vraiment en vue de sa fonction comme un tampon contre l’immigration subsaharienne. C’est ça la fonction que l’Europe veut pour l’Algérie ». Autrement dit la realpolitik prévaut chez les Européens qui se savent trop proches d’Alger pour laisser quelque risque de menacer l’Algérie. Pour les Américains, « les prisonniers de conscience ou la liberté de la presse, l’Etat de droit, etc » est le dernier de leur soucie. « Là, je pense que certains Européens – surtout les Allemands, les Scandinaves – vont être un peu plus concernés, peut-être plus concernés que les Français »., observe enfin Isabelle Werenfels.

 

Auteur
Hebib Khalil

 




Un silence qui trouble les Algériens !

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Etat de santé de Bouteflika

Un silence qui trouble les Algériens !

L’annulation de la visite de la chancelière allemande Angela Merkel en Algérie est une première dans les quatre mandats de Bouteflika. 

Cette annulation de dernière minute remet au centre des inquiétudes la question de l’état de santé du président Abdelaziz Bouteflika. Sujet sensible s’il en est, dès qu’il est évoqué le banc et l’arrière du pouvoir se lance dans un formidable tir de barrage. Il est interdit de poser même la question, si l’on comprend le message distillé des lieux du pouvoir. Pourtant, à bientôt 80 ans, l’état de santé du président est cardinale, si l’on met l’Algérie au-dessus de tous les Algériens. Tout le reste n’est que simple démagogie et pur écran de fumée pour cacher aux Algériens ce que tout un chacun appréhende.

Déjà hier lundi, la présidence s’est contentée d’un bref communiqué précisant d’abord que l' »indisponibilité temporaire » du président due à une « bronchite aiguë ». Bien sûr pour couper court à toute supputation, la présidence a précisé que cette annulation est un report « d’un commun accord ». Une précision quelque peu étrange puisque cette annulation ne dépend pas de l’Allemagne mais de l’état de santé du président. De fait, la bienséance diplomatique veut que la chancelière allemande ne peut se déplacer à Alger sans recontrer le président.

Autre information glissée dans le communiqué : « Son Excellence M. Abdelaziz Bouteflika, président de la République »,.. »se trouve à sa résidence à Alger ». Voilà pour dire aux Algériens que le chef de l’Etat n’a pas été évacué à l’étranger comme les précédentes fois mais qu’il est bien dans « sa résidence ». Après cette brève information, on ferme les canaux. Aucun bilan médical n’est rendu public. Cependant tout un chacun doit s’interroger : « Si Angela Merkel ne devait pas venir en Algériens aurait-on appris l’indisponibilité du président ? » Peu sûr.

Cela étant dit, ces brèves informations ne rassurent pour autant nullement surtout quand on sait la centralité qu’occupe le président dans le pouvoir. Aussi les interrogations deviennent insistantes sur ce président qui ne s’adresse plus aux Algériens et ne rencontre plus aucun homme politique hormis une poignée de son cercle proche. Alors pour éteindre l’incendie des rumeurs, Ahmed Ouyahia, SG du RND mais surtout en tant que directeur de cabinet du président qu’il est allé faire le pompier.

Il a déclaré aujourd’hui que « rien n’empêche le président Bouteflika de poursuivre son mandat ». Le retour de la question de la légitimité du président à rester au pouvoir n’est pas anodin. En animal politique très discipliné, voire vindicatif, Ahmed Ouyahia entendait prévenir qu’il n’est pas question de remettre au centre des débats la santé du président.

Le président « marchera »

Mais tous ceux qui suivent l’actualité nationale se rappellent de cette déclaration d’Ould Abbès quand il avait soutenu en novembre dernier que « le président Bouteflika se remettra à marcher dans quelques mois ». Il a même crâné qu’il se présentera à un cinquième mandat. Les déclarations d’Ould Abbès (83 ans) ont prêté à sourire plus d’un par sa légèreté. Chez la petite tête des thuriféraires et autres groupies du pouvoir, plus c’est gros mieux ça passe. La sortie d’Ould Abbès arrivait une semaine avant que le chef de l’Etat ne soit évacué pour un séjour hospitalier à la clinique d’Alembert de Grenoble en France.

Dans la foulée, Bouteflika est sorti de sa résidence pour inaugurer la nouvelle ville non encore achevée de Sidi Abdellah. Un conseil des ministres a bien été aussi filmé sanctionné par un long communiqué. Mais point de déclaration à la télévision à la fin de l’année. En lieu et place du président, les Algériens ont eu droit à un monologue d’Abdelmalek Sellal.

Auteur
La rédaction

 




Le document qui prouve que Bouteflika devait rencontrer le Premier ministre français !

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Alger-Paris

Le document qui prouve que Bouteflika devait rencontrer le Premier ministre français !

Le Premier ministre français, Bernard Cazeneuve, devait bel et bien rencontrer le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, jeudi 6 avril.

Et pour preuve, le planning qui a été remis aux journalistes par le protocole du Premier ministre français, faisait mention d’une « audience du président de la République algérienne démocratique et populaire S. Exc. M. Abdelaziz Bouteflika » à 16h à la résidence médicalisée de Zéralda.

Il était même convenu que la rencontre soit filmée (avec des séquences Poolées), avec à l’issue de la rencontre, une déclaration à la presse du Premier ministre français.

Bernard Cazeneuve devait enfin, selon le planning, rejoindre la capitale tunisienne, Tunis, vers 17h30.

Pour quelle raison la rencontre entre les deux hommes a été annulée ? Personne ne peut le dire. Le gouvernement botte en touche comme d’habitude. A Paris, on ne veut pas fâcher Alger. Ce qui est sûr, est que le président algérien était apparu très affaibli lors de ses deux dernières sorties télévisuelles. D’abords face au ministre Abdelkader Messahel, puis face à Denis Sassou N’Guesso, président du Congo le 27 mars passé.

On notera cependant, selon notre confrère Tsa, que des sources du gouvernement algérien avaient tout simplement nié que cette rencontre devait avoir lieu.

Pour autant, il y a lieu de s’interroger sur les rarissimes apparitions du chef de l’Etat. De nombreuses rencontres ont été annulées, à l’image d’Angela Merkel.

 

Auteur
La rédaction

 




Lounis Aït Menguellet : 50 ans de chefs-d’œuvre !

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Hommage

Lounis Aït Menguellet : 50 ans de chefs-d’œuvre !

 Lounis Aït Menguellet célèbrera un demi-siècle de chansons en 2017. Crédit photo : aitmenguellet.net 

Lounis Aït Menguellet a commencé sa carrière d’artiste à l’âge de 17 ans en 1967 à la chaîne II de la radio d’Alger. Entouré de Chérif Kheddam et de Kamel Hamadi, fortement inspiré par Taleb Rabah, l’élève ne tarda pas à dépasser les Maîtres. Son premier poème chanté « Ma trud ula d nek akter », inaugure d’emblée, dans la consistance, la traduction du monde sensible du jeune homme qu’il était et celui de toute sa génération.

Tayri, une zone de danger

Amoureux encore insatisfaits, les jeunes et moins jeunes de cette époque (les années 1960-70) qui portent encore les stigmates des déchirements terribles de la « guerre et de l’après-guerre », vivent une misère affective faite de désirs inassouvis, d’ardeurs brimées, d’élans retenus (Idaq wul ; Sligh i wtaxi ; Ma selbegh,…).

Pour la société kabyle d’alors, l’amour est une zone de danger, un lieu de désirs impossibles, un périmètre clos qui paralyse la vie intérieure faite de fougue et de bouillonnements, un espace qui étouffe les cœurs et leurs palpitations. C’est à ce tabou de l’amour transi que Lounis va s’attaquer de façon frontale dans la première partie de sa carrière artistique. (Urjigh, Lehlak…).

Compte tenu du contexte de l’époque, la poésie de Lounis va fuser tel un volcan mais pas le volcan qui se lâche et explose, qui éclabousse de ses jets incandescents. C’est plutôt le volcan qui implose mais atténue, apaise, tamise et retient le brasier du dedans (Nnughegh yid-ek ay ul-iw). Bref ! Une poésie thérapeutique qui libère la parole mais la libère dans un élan lucide régulateur d’ardeurs. (Bghigh ad d inigh ad yifsus wul-iw)

Les combinaisons verbales dans la poésie menguelletienne sont totales. L’une après l’autre, les strophes débordent de vérité. Elles font jaillir des sentiments, remuent des champs émotionnels qui deviennent feu dont la cendre, emportée par le vent, s’élève pour rejoindre les nuées. Puis, elle se régénère et redescend féconder les roseraies sur lesquelles déteignent, avec congruence, les couleurs de l’arc-en-ciel semblables à l’éclat de la bien-aimée. (Iɣed nni ara iddem waḍu, ad t izraâ sdat wexxam….).

Alors, si Slimane Azem a fait entrer la musique radiophonique dans les foyers kabyles où jusque-là elle n’était point admise, Lounis Aït Menguellet y introduit tayri (l’amour) par la grande porte (A lwaldin anfet iyi). Les sujets les plus tabous de la société, les plus frappés d’omerta, viennent enfin se dénouer, comme par magie, dans le mystère du verbe ciselé. C’est que les sociétés acceptent « le langage du changement » cher au psychothérapeute américain Paul Watzlawick, quand ce changement vient d’un mentor. Ce fût aussi le cas pour Si Muhend u Mhend qui ne connut pas de censure dans la société kabyle du 19ème siècle pourtant en proie à la ruine et à la désolation.

A coup sûr, ce dimanche 15 janvier 2017, Lounis reprendra au Zénith de Paris ces thèmes de jeunesse d’habitude présents au cœur d’un répertoire toujours réclamé par ses fans. Un répertoire où l’effusion se fige à couper le souffle et où la vie sentimentale est traduite sous la forme d’un frisson continu, d’une ivresse interminable, d’un amour candide (Ah Lwiza ttrugh ula d nekkini).

Le sens du non-sens

A coup sûr, également, il y abordera les thèmes graves qui font sa singularité. En effet, sans en avoir l’air, modeste qu’il est, notre « Amghar azemni  » se fera tour à tour historien, philosophe, sociologue, lanceur d’alerte… Son verbe constitue un procédé de transformation critique de la pensée dominante, des préjugés sociaux, des fausses évidences répandues et préméditées par les esprits malins (Tamettut par exemple). Avec lui, toute création est un moment propice à la production poétique qui déjoue le prêt-à-penser en mettant en œuvre une démarche réflexive rationnelle et juste. Il s’agit, à l’évidence, d’un mouvement d’ensemble d’élucidation philosophique, ce en quoi le vers menguelletien est l’une des formes les plus élevées de la pensée contemporaine. Les exigences primordiales d’une pensée éclairée sont la rigueur et la congruence. Justement, chaque idée force qui surgit au détour d’une strophe en appelle une autre selon une règle d’enchaînement équilibrée dont Lounis Aït Menguellet détient seul le secret. C’est ce qui fait la spécificité de sa poésie qui épouse souvent les canons des productions romanesques comme dans «Aâli d Waâl ; Ay agu ; Wid iruhen ;Ttibratin» et tant d’autres.

Toute création, tout récital sont également des moments où l’artiste-auteur, lui-même, se laisse entraîner au contact charnel de ses fans, de ses admirateurs, de toutes celles et ceux qui le rencontrent, le regardent et lui tendent l’oreille (Ameddah ur nhebbes di tikli). Ce sont des moments d’attachement et de rupture où le monde prend un sens par le verbe qui le dénude, qui lui ôte les masques. Son engagement discret mais déterminé révèle sa grandeur de poète lucide. Il reflète le domaine électif de ses chants politiques et philosophiques qui donnent du sens au non-sens et met à nu les systèmes incontrôlés (Ahkim ur nesâi ahkim) qui broient l’homme chez lui (A mmi… Yiwen ur t ttqili, lehnana yid-es ad tferqed) et le maltraite dans l’exil (Si lxedma n lluzin s axxam). Dans ses rimes ascendantes, se superposent les termes les plus profonds de notre Histoire passée et présente faite souvent de sang et de larmes (Amacahu, ghef temgert ma ara yers lmus, i tidett ma d teffegh imi). Comme s’y entrevoient, également, les bornes les plus insondables de nos visions faites d’inquiétude, de rage et d’espoirs de changement (Yibbwas ma ihuz ed wadu…).

Un destin collectif bouleversant

Lounis Aït Menguellet, comme beaucoup de ses compatriotes, a connu les affres de la guerre contre l’ordre colonial et les frayeurs de la guerre dans la guerre. Celle que se sont livrés les Algériens entre eux, celle spécifique livrée contre les Kabyles et celle des Kabyles entre eux. (Mi newwed ar tizi n littaâ, d taâdawt i d nessufugh).

Sa production littéraire chantée sera indissociable de son existence livrée aux caprices imprévisibles de tous ces belligérants. Dès son enfance, ce contexte douloureux lui impose un itinéraire marqué par de nombreux périls, déchirements et traumatismes. Mais ces chocs brutaux, au lieu de l’anéantir, renforcent en lui les ressorts de résilience et produisent son éveil précoce.

Dans ses nombreuses créations, l’on trouve des signes révélateurs des dissensions et douleurs vécues par les siens dans l’exil, dans la guerre et dans l’indépendance confisquée. Leurs ondes de choc continuent de nous terrifier (Lgherba n 1945 ; Amjahed, Ay agu ; Ad kwen ixda3 Rebbi…). L’œuvre d’Aït Menguellet y traduit un destin collectif bouleversant fait de violence, de servitude mais aussi de révoltes et d’amour pour son pays (Arrac n lezzayer), pour sa Kabylie (Izurar f idurar…). D’année en année, il élargit son paysage verbal. Malgré les tourments et les frustrations auxquels son peuple fait face, il en surgit des bonheurs d’expressions par le biais desquelles son public retrouve à chaque fois la voix de l’artiste libre, la voie de l’homme incorruptible.

Alors que le pouvoir redouble de férocité et que la société est en proie à une spirale déceptive voire dépressive, alors que la chape de plomb continue d’étouffer toutes les voix discordantes et que les victimes du système elles-mêmes s’entredéchirent entre elles, Lounis Aït Menguellet garde le cap. Il multiplie, avec une sagesse inflexible, les opportunités pour interpeller les consciences. (In’as i gma ur nezri ; Ay aqbayli ; …). Il suit, pas à pas, les siens et s’inspire de leur condition humaine, de leurs amours, de leurs frustrations, de leurs conflits. Poète sensible et éclairé, il se caractérise par sa façon si particulière de saisir le monde kabyle et ses souffrances et par la nature de la relation qu’il noue avec le monde et le cosmos (A ddunit-iw ; La steqsyegh itran ; Ay itij i d icerqen maççi inu n wiyad…).

L’homme, un impétrant vulnérable

En ce 50ème anniversaire du début de son art qui sera célébré avec bonheur au Zénith de Paris, Lounis Aït Menguellet ne se limitera sûrement pas à ces thèmes-là. Avec une force égale et intacte, il clamera, à sa façon, les tourments des hommes qui s’égrènent de génération en génération et qui submergent les consciences. Il y déroulera une partie de ses « Isefra » (poèmes) où sont gravés ses derniers chefs-d’œuvre. Il s’agit d’une démarche philosophique, intellectuelle qui nous interpelle avec audace et détermination en ces temps où les pensées politique, religieuse ou consumériste sont terriblement anesthésiantes, gravement aliénantes. Il y sera question, entre autres, de dette accablante (ddin amcum). Pas forcément celle de l’usurier mais celle qui étreint corps et âme jusqu’à la servitude dont parlent Spinoza et Freud, (Ttlaba f yiri-s). La dette au front, siège d’une humiliation affichée qui resurgit chaque jour au rythme des appels pathétiques des « hommes-horloge » réglés sur le méridien de l’Est. Cette dette-là, clame le poète, les hommes ou plutôt beaucoup d’hommes, craignent de ne jamais pouvoir la rembourser. Ils la croient tellement exorbitante qu’il leur semble impossible de l’acquitter sans se tourner vers le Levant la tête inclinée jusqu’à terre (Lukan s tgecrar ara tkerzem, negh s unyir ara tmegrem, yali yemghi d kul lxir). Cela, non pas parce que cette dette est effectivement dans la démesure mais parce que tout se passe comme si une relation hypnotique liait un donateur invisible et omnipotent à un impétrant vulnérable, indéfiniment reconnaissant et fier du bon devoir de sa soumission. Une soumission qu’il pense féconde tant il y voit l’accès incontournable au bonheur parfait du tombeau (Ttes, ttes mazal lhal…). La foi en sa dette est si grande que l’homme, ainsi conditionné, est convaincu qu’il lui reste encore et toujours des fautes à expier, des obligations à ritualiser, des génuflexions à exécuter. Il faut avoir été modelé jusqu’à l’aliénation, et de plus en plus de gens le sont à mesure que notre culture s’effondre, pour que soit à ce point éteint l’esprit critique (Isendyaq n lkif i gh-ed tcegâam nettef iten).

Doctorat Honoris Causa

Notre « amghar azemni » assume explicitement. Pour lui, une rupture est toujours possible. Elle repose sur l’existence en chaque homme d’une capacité de juger, d’un pouvoir de penser autrement et librement lors même que cet accomplissement semble rudement contrarié. Dans cette perspective, Lounis Aït Menguellet se réveille résolu et, avec détermination, il se débarrasse du fardeau de la dette en réglant ses comptes (Yiwen wass kkregh-ed tasebhit… rtahegh si ddin amcum). La pensée, pour lui, doit redevenir libre. C’est un processus de première nécessité pour son peuple. Sa vie durant, il s’est efforcé de rendre cette idée manifeste et il a défini, sans concession, les sujets de réflexion auxquels elle peut s’appliquer. Pour notre poète, la liberté de penser et d’agir est à la fois la fin à atteindre et le moyen de l’atteindre.

Les enseignements de notre « amusnaw » doivent être, à l’évidence, indissociables du travail de réflexion à mener par nos écoles et nos universités dans lesquelles l’œuvre de Lounis Aït Menguellet mérite toute sa place. Les intégrer dans les savoirs scolaires et universitaires contribuerait à réconcilier ces institutions avec la société. C’est pourquoi, je conclus cette modeste contribution en invitant les étudiants, les enseignants, les responsables pédagogiques et administratifs de l’université de Tizi-Ouzou Mouloud Mammeri (autre géant de la pensée kabyle) à se mobiliser pour que soit attribué à Lounis Aït Menguellet le Doctorat Honoris Causa.

Le colloque sur son œuvre qui s’y tiendra en mars prochain, coordonné par le professeur Nora Tigziri, peut être une formidable opportunité pour exprimer, par la remise de ce titre, toute la reconnaissance d’un peuple à son « amusnaw ». Que le Poète me pardonne de ne l’avoir pas consulté pour une telle démarche comme je ne l’avais pas fait non plus en 2011 pour exprimer publiquement mon vœu de voir le Prix Nobel de littérature lui être décerné, un vœu aujourd’hui largement partagé notamment depuis la consécration de l’artiste américain Bob Dylan.

Bon anniversaire Lounis !

Auteur
Hacène Hirèche, universitaire et consultant – Paris

 




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