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Ernest  Hemingway, l’engagement et le don de soi

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Conseil de lecture aux jeunes

Ernest  Hemingway, l’engagement et le don de soi

Nous voici, encore une fois, avec un monument de la littérature mondiale, Ernest Miller Hemingway. Avec ce nom se réveille immédiatement dans la mémoire les nombreux et célèbres titres de cet auteur américain mais également l’histoire de son engagement sur lequel nous reviendrons rapidement.

Et dans ce cas, comme toujours, nous voilà bien embarrassés pour choisir un livre entre tous puisque c’est l’objectif annoncé de cette rubrique d’été. Pourtant, il n’est pas possible de débuter l’œuvre d’Hemingway, si vous n’avez jamais lu l’auteur américain, par celui qui est le plus court, le plus simple à lire et le plus merveilleux d’entre tous, son dernier roman publié en 1952 de son vivant, « Le vieil homme et la mer ». Vous ne pouvez rester insensible à ce grand roman.

Ernest Hemingway

Et si vous avez suivi cette rubrique dans ses opus précédents, vous avez compris que la simplicité (par forcément l’œuvre courte mais elle y contribue) lorsqu’elle est alliée à un grand talent construit les chef-d’œuvres de la littérature mondiale.

Santiago, un vieux pêcheur cubain, n’a plus pêché un gros poisson depuis de très longues semaines. Les parents de son jeune ami et apprenti Manolin interdisent à leur fils de s’embarquer de nouveau avec le vieux pêcheur dont l’infortune est dorénavant connue dans tout le village. Ils l’obligent à prendre un autre bateau qui vient de ramener à bon port trois prises importantes en une seule semaine.

Santiago laisse donc à terre son jeune ami et s’en va tenter de nouveau sa chance, en solitaire cette fois-ci. Loin des côtes, cette dernière semble enfin lui revenir avec la capture d’un très gros poisson, un marlin,  une prise hors du commun par sa taille.

Santiago tient au bout de sa ligne le poisson et tente de l’épuiser lorsque celui-ci, par un geste d’abandon, sort de l’eau au petit matin. Le vieux pêcheur finit désespérément à le tracter mais ne put le monter à bord, incapable d’en avoir la force à lui tout seul. C’est ainsi qu’il l’attacha sur le flanc du bateau pour se diriger vers le port.

Le lecteur était déjà entièrement captivé par cette lutte inégale mais c’est à ce moment que la puissance narrative d’Ernest Hemingway nous entraîne vers une complète immersion de l’aventure par ce qui va suivre, on comprend alors pourquoi les Prix Nobel sont attribués à certains.

Toute la nuit, le vieil homme va combattre l’adversité dans un face à face que le lecteur ressent comme s’il était présent, à la place de ce téméraire combattant. Tout est contre lui et cet être diminué par l’âge, trahi par sa soudaine solitude, va se confronter à tous les éléments qui s’acharnent pour lui retirer sa proie.

C’est ainsi que les requins, sentant la proie facile, vont venir se jeter sur le marlin pour dévorer des parties entières arrachées corps. Mais le vieil homme s’acharne à continuer et espérer qu’il va en garder un maximum jusqu’au port. Si ce n’est pour prouver à tout le monde qu’il n’est pas fini, qu’il est un grand pêcheur et que l’éloignement du petit Manolin fut une grande injustice à son égard.

Le combat est épique, Ernest Hemingway nous montre en cet épisode une facette des plus caractéristiques de son œuvre générale, l’homme face à l’adversité et son courage tenace à lutter pour recouvrer son bien, ses droits et sa dignité. Rien d’autre que sa détermination comme arme face à un ennemi plus fort.

C’est la raison pour laquelle il faut connaître un élément fondamental de son parcours personnel. Ernest Hemingway, né en 1899, fait partie de ce qu’on appelle aux États-Unis la « génération perdue » car sacrifiée  au cours de la première guerre mondiale.

Ainsi toutes les valeurs de gloire nationale passées qui furent le creuset de cette Amérique pétrie d’idéaux, furent anéantis. L’aventure d’Ernest Hemingway fut surtout marquée par sa mission de journaliste de guerre où il affronta les plaies de l’Europe engloutie par la guerre puis par les montées des régimes fascistes.

De la première guerre mondiale, l’auteur écrivit l’un de ses plus célèbres romans « L’adieu aux armes ». En Espagne, il vécu le combat des républicains contre l’armée du général Franco où il connu un autre écrivain et célèbre romancier, le français André Malraux. De cet épisode espagnol fut publié un autre roman célèbre de l’américain, « Pour qui sonne le glas ».

La vie assez dissolue d’Ernest Hemingway et ses mariages répétés et, au final, son suicide, contribuèrent a façonner la légende du personnage dont l’œuvre fut consacrée comme « classique » aux États-Unis.   

Tout concoure à comprendre pourquoi « Le vieil homme et la mer » est le chef-d’œuvre que je vous propose aujourd’hui. Le roman est une véritable parabole du don de soi lorsque l’humain est face à à un destin qui lui est hostile.

La lutte des hommes y est magnifiquement décrite mais dans un contexte qu’Ernest Hemingway a voulu être extrait de l’environnement de guerre qu’il a tellement connu. Le génie de ce livre est de nous entraîner vers la lutte des hommes dans une situation inattendue habituellement et qui, pourtant, est le quotidien de ceux qui luttent pour leur survie.

Au petit matin, le vieux Santiago finit par ramener au port le gros poisson dont il  ne reste plus que la carcasse arrimée au bateau. Il aura perdu sa bataille mais rentre avec l’honneur d’avoir été de nouveau par la chance. Le regard des autres villageois ne sera plus le même, y compris celui des parents du petit Manolin.

Comme je vous le répète à chaque fois dans ce rendez-vous d’été, seul le plaisir de la lecture compte. La parabole et l’enseignement qu’elle instille se mettent en place dans la construction d’un esprit critique lorsqu’il est confronté à d’autres sources éducatives et expériences. Un roman n’est pas un manifeste politique mais uniquement une source fantastique de bonheur de l’instant.

Procurez-vous ce livre dont le prix est très bas, il vous en coûtera quelques heures de lecture seulement mais des plus intenses et inoubliables.

Auteur
Sid Lakhdar Boumediene

 




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Quand Donald Trump veut pactiser avec l’Iran…

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Regard

Quand Donald Trump veut pactiser avec l’Iran…

Que s’est-il passé dans la tête de Donald Trump pour changer rapidement d’avis et proposer, il y a quelques jours seulement, de rencontrer sans pré-conditions, le président iranien Hassan Rohani ? En marge d’une réunion, le 30 juillet dernier, avec le chef du Conseil italien Giuseppe Conte, il glisse aux journalistes qui l’interrogent, allusion faite à un probable sommet avec son homologue iranien : «ce serait bon pour nous, bon pour eux, bon pour tout le monde».

Mais le locataire du bureau ovale, habitué des sorties politiques fracassantes, est-il vraiment déterminé à faire marche arrière, concernant le dossier iranien ? Autrement dit, est-il prêt à faire un « remake » de sa démarche avec la Corée du Nord ? Pas sûr, mais rien n’empêche d’y croire ! Signalons, à ce titre, que durant l’été 2017, Trump et Kim Jong-un se sont livrés à une surenchère verbale sans précédent, jusqu’au point que la planète entière a cru à un accrochage imminent entre les deux Etats.

Or, en juin dernier, les deux leaders ont fait, à la surprise générale, une rencontre spectaculaire sous les flashs des caméras du monde entier à Singapour, en Malaisie. L’administration américaine peut-elle alors faire pareil avec l’Iran ? 

Si on regarde bien la capacité du revirement diplomatique de Trump, rien n’exclut cette hypothèse, du moins dans la forme. D’autant que le ton dur utilisé en mai dernier par Mike Pompeo se trouve contredit par l’attitude actuelle du président républicain. Le secrétaire d’État avait présenté, pour rappel, douze exigences majeures au pouvoir des Ayatollahs pour conclure un nouvel accord, parmi elles, la fin de tout enrichissement nucléaire de l’uranium, le retrait de leurs milices de la Syrie et la fin du soutien au Hamas et au Hezbollah !

Puis Trump qui essayait toujours d’étouffer l’économie iranienne et de la priver de ses revenus pétroliers, a-t-il changé de méthode, lui qui s’était plu à réprimander ouvertement Rohani, lui promettant des sanctions très sévères au cas où l’Iran ne se plie pas aux vœux des USA ? C’est-à-dire une suite de restrictions à ses partenaires économiques (sans exemptions spécifiques comme cela a été le cas sous les administrations précédentes), s’ils achètent le brut d’ici le 4 novembre !

L’Iran qui exporte 2.4 millions de barils par jour, pourrait en perdre jusqu’à 1.2 millions de dollars. En conséquence, son rial (monnaie nationale) qui s’est dévalué de moitié cette année risque de plonger le pays dans la crise. Comme riposte, les Ayatollahs menacent de bloquer le détroit d’Ormuz où passe 30% du commerce international du pétrole.

La stratégie de «la pression maximale», chère à Mike Pompeo peut-elle avoir, cette fois-ci, comme avec la Corée du Nord, des retombées positives ? Wait and see ! 

Auteur
Kamal Guerroua

 




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Hilel Garmi, une conscience claire et juste

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Tribune

Hilel Garmi, une conscience claire et juste

À ceux (Algériens ou autres) qui se demandent « pourquoi la cause palestinienne soulève tant de passion », à ceux qui insultent le peuple palestinien avec divers prétextes fallacieux, à ceux qui se rendent en Israël non pour rencontrer des résistants palestiniens ou des Israéliens contraires à l’oppression du peuple palestinien mais pour participer à des rencontres organisés par des personnes liées à l’État oppresseur d’Israël, à ceux qui se font photographier à l’O.N.U. en compagnie souriante avec des représentants de l’État oppresseur d’Israël, à ceux qui accusent toute critique de la politique de l’État israélien comme étant de l’«anti-sémitisme», à ceux qui glorifient l’État israélien comme un « exemple de démocratie ».

Mais, également, à ceux qui confondent tous les Juifs du monde et/ou tous les Israéliens avec la politique coloniale de l’État israélien. Que tous ces gens-là, donc, lisent la lettre publique que voici :

« Je m’appelle Hilel Garmi. J’ai 19 ans, et je devais être incorporé dans l’armée israélienne au début août 2018.

Récemment, dans le contexte des manifestations gazaouies près de la barrière construite à Gaza, j’ai pris le temps de lire les déclarations d’Ahmed Abu Ratima, l’un des organisateurs de ce mouvement et j’ai été très impressionné de découvrir ces gens qui ont opté pour des alternatives non armées, pour aborder la question de la situation entre la Méditerranée et le fleuve Jourdain.

Comme eux, je crois en la désobéissance civile pour souligner le caractère illégitime de notre régime.

Mon frère aîné et mes deux soeurs ont fait leur armée. Et quand j’étais petit, le passage par l’armée était pour moi non seulement une obligation inévitable, mais aussi un des objectifs qui me fascinaient ; et je voulais servir dans une unité d’élite.

Mais en grandissant, et en étant convaincu que tous les êtres humains sont égaux, j’ai changé d’avis. Je ne crois pas à l’existence d’un dénominateur commun entre Juifs qui feraient d’eux des êtres différents des Arabes. Je ne vois pas pourquoi je devrais être traité différemment d’un enfant né à Gaza ou à Jénine. Et je ne pense pas que les souffrances ou les joies soient plus importantes pour les uns que pour les autres.

Alors, je me suis demandé pourquoi 3 millions d’habitants de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est vivent sous occupation militaire depuis plus d’un siècle, et pourquoi 2 millions de Gazaouis subissent un siège militaire, imposé depuis plus de 10 ans par Israel sur terre, mer et dans le ciel.

Qu’est-ce qui donne à Israël le droit de gérer la vie de ces 5 millions d’êtres humains ? De décider de leur droit de circuler, d’importer, d’exporter, de pêcher ou d’avoir de l’électricité ? De pouvoir les arrêter à tout moment ?

Pas question pour moi de participer à un régime aussi anti-démocratique, et à tous les maux qu’il impose aux Palestiniens dans leur vie quotidienne, afin de permettre à une autre population de prendre leur place.

Il y a des lignes rouges qu’on ne peut franchir, et pour moi celles-ci sont infranchissables.

Ma décision de rendre ceci public est liée au fait que je suis convaincu que la désobéissance civile peut amener des changements sociétaux, en faisant appel au sens de la justice des plus privilégiés qui vivent dans cette région.

Si les manifestants de Gaza ont le courage de recourir à cette option, je me sens l’obligation et le pouvoir, en tant que personne née du côté de ceux qui détiennent le pouvoir, de m’engager également dans cette voie.

Hilel Garmi, août 2018. » (1)

Cette position publique a causé l’arrestation et l’emprisonnement de l’auteur. Cependant, la solidarité ne manque pas en faveur de ce jeune à la consciene claire et juste (2).

K.N.

Email : kad-n@email.com

Notes

(1)  Traduit par CAPJPO-EuroPalestine, http://europalestine.com/spip.php?article14540&lang=en.

(2) Voir le réseau de solidarité avec les refuzniks : https://secure.squarespace.com/checkout/donate?donatePageId=570282fdb6aa607cbb9542c0. Consulter également http://www.refuser.org/.

Pour approfondir cette thématique du refus de servir de la part de militaires faisant partie d’armées d’agression, signalons l’association, concernant Israël, « Courage to Refuse » (Courage de refuser), le mouvement des militaires israéliens qui refusent de combattre dans une guerre qu’ils considèrent d’oppression du peuple palestinien. Par ailleurs, aux U.S.A., existe le mouvement de militaires refusant de servir dans les guerres d’agression en Afghanistan, en Irak et ailleurs, voir « LA GUERRE, POURQUOI ? LA PAIX, COMMENT ?… », librement télédéchargeable ici :  http://www.kadour-naimi.com/f_sociologie_ecrits_guerre_paix.html

 

Auteur
Kaddour Naïmi

 




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Deux terroristes recherchés capturés par l’ANP à Bordj Badji Mokhtar

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Sécurité

Deux terroristes recherchés capturés par l’ANP à Bordj Badji Mokhtar

Deux terroristes recherchés ont été capturés mercredi par un détachement combiné de l’Armée nationale populaire (ANP), lors d’une opération menée près de la bande frontalière sud du pays à Bordj Badji Mokhtar, indique un communiqué du ministère de la Défense nationale (MDN).

« Dans le cadre de la lutte antiterroriste et grâce à l’exploitation de renseignements, un détachement combiné de l’Armée nationale populaire a capturé, aujourd’hui 08 août 2018, lors d’une opération menée près de la bande frontalière sud du pays, à Bordj Badji Mokhtar dans la 6ème Région militaire, deux (02) terroristes recherchés. Il s’agit en l’occurrence de « Torchane Boubakr, alias Abou Omar ayant rallié les groupes terroristes en 2012, et de Ouankara Malik ayant rejoint les groupes terroristes en 2015« , précise-t-on de même source.

Cette opération a également permis d’appréhender deux éléments de soutien aux groupes terroristes, ajoute le communiqué qui souligne que « ces résultats de qualité confirment la détermination des Forces de l’Armée nationale populaire à traquer le reste de ces criminels à travers tout le territoire national et reflète la permanente vigilance afin de préserver la sécurité et la stabilité du pays« .

Auteur
APS

 




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Bejaia : la RN 24 croule sous les ordures des automobilistes

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Images sans commentaires

Bejaia : la RN 24 croule sous les ordures des automobilistes

Ce sont des images que nous avons recueillies aujourd’hui mercredi de Facebook. Elles ont été postées par Ghania T. Elle y exprime son dégoût du manque de civisme de la part des citoyens de Bejaia ou ceux qui viennent visiter cette wilaya.

Les ordures à Bejaia

Ordures

Auteur
La rédaction

 




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Incivisme quand tu nous tiens !

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Coup de gueule

Incivisme quand tu nous tiens !

Les manifestations de l’incivisme dans notre société sont tellement nombreuses et fréquentes qu’on finit par s’y habituer. La problématique de l’enlaidissement environnemental est aggravée par la multiplication de gravats, détritus et déchets des entreprises de chantiers de construction, ainsi que les emballages de bouteilles usitées, gobelets et sachets en plastique non-recyclables.

Que ce soit un étranger ou un ressortissant algérien établi à l’étranger, sa première réaction quand il met les pieds dans la ville des genêts est une grimace. De déception ou, dans certains cas et certains lieux, de dégoût. Les milliards dépensés dans les opérations d’embellissement n’ont finalement pas servi à grand-chose

L’altération du paysage environnemental, peu reluisante, de nombreuses régions du pays s’ajoute à la prolifération de centaines de tas d’ordures et de gravats, illégalement déposés aux abords des voies d’accès aux différentes localités, par des personnes peu scrupuleuses, donnant un triste spectacle à une population désabusée. Le problème de l’environnement se pose de façon récurrente à certaines villes comme Bejaia ainsi que dans la majeure partie des localités. En effet, on assiste à un délaissement total de la part des citoyens en matière de propreté et de salubrité. En dépit de la présence de bacs dans certains quartiers, les habitants se débarrassent de leurs ordures de manière anarchique. Ce qui dénote d’un manque de civisme certain. Que faire pour redonner à nos villes, villages et agglomérations, bonne figure ? Les services de la voirie peinent à rendre à nos cités, hygiène et propreté. 

Ils ont beau balayer, ramasser déchets et détritus de toutes sortes, rien n’y fait. Après le passage des agents de la voirie, les habitants reviennent à la charge pour défigurer l’environnement. Inconscience ? 

Urbanisation anarchique et illicite, service public débordé, incivisme et insalubrité, tels sont les fléaux qui pèsent encore lourdement sur le quotidien des citoyens. « L’incivisme a battu tous les records dans nos villages et nos cités. Il suffit de faire un petit tour dans la rue pour constater le comportement « offensant » et « abusif » des citoyens », nous dira sans ambages, un cadre à l’administration. Dans cet environnement aux multiples boursouflures, la violation des biens publics et le squat, sans vergogne, des espaces publics se fait au su et vu de tout le monde. Les constructions illicites ont fait couler beaucoup d’encres sans pour autant mettre le holà sur ces infractions qui en disent long. Nul besoin d’être un expert en la matière pour s’en apercevoir de l’ampleur du phénomène.

Plusieurs constructeurs et entrepreneurs en bâtiment préfèrent déposer leur détritus et déchets de construction dans des lieux situés tout près de leurs chantiers (aux abords des routes ou dans les lits des affluents) pour réduire les coûts, au détriment de l’environnement, dénaturant l’image de marque des villages au charme pittoresque. L’absence de mesures répressives et d’un suivi rigoureux de la gestion de l’espace urbain a permis la prolifération des constructions illicites et des décharges anarchiques, ainsi que des amoncellements ici et là d’ordures, de gravats et autres déchets solides. La collecte des déchets, même lorsqu’elle est faite dans les règles de l’art, ne suffit pas à elle seule pour éradiquer ces immondices qui n’en finissent pas de défrayer la chronique. 

Pis, l’état délabré de certains bacs de déchets ménagers, en plus de leur emplacement parfois inadapté, nuit gravement à l’esthétique des cités et autres quartiers de nos villes. L’état de quelques bacs surchargés d’où se déversent souvent les ordures, leur emplacement inapproprié dans certains cas, sans couvercle et rarement lavés, en plus d’être placés sur la grande artère, en pleine chaussée et près des écoles, et des autres édifices publics. La dégradation de l’environnement résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs, notamment l’incivisme de certains citoyens et commerçants, ajouter à cela la faiblesse des capacités d’intervention des communes, voire, l’indifférence de certains élus quant à l’ampleur des dégâts causés par l’outrecuidance de quelques énergumènes. Malheureusement, l’incivisme est partout ! Qu’il soit d’ordre écologique ou sociologique, l’incivisme fait sienne. Sur les routes, dans les bus, à l’école, et même entre voisins. 

L’incivisme a tendance à progresser ces dernières années. Une armée de points d’interrogation qui laisse le visiteur complètement renversé et sans mot.  Ainsi, se décrit l’état d’âme du touriste qui s’aventurerait à visiter l’Algérie. Et on nous parle de Tourisme ! Diantre, comment peut-on prétendre attirer des touristes alors que tout va à vau-l’eau ? Immondices, insécurité, un parc hôtelier en perte de vitesse, des bouchons à chaque coin de rue…Autant de carences qui feraient fuir les touristes les plus téméraires.

Face à cette dégradation, beaucoup de citoyens honnêtes se plaignent, dans leur vie quotidienne, d’une forte détérioration de leur relation avec les autres. Quant au civisme, ce n’est pas une politique, mais un manque de considération et de politesse dans les rapports sociaux ordinaires. Au sens propre du mot, le civisme signifie avant tout le respect vis-à-vis des autres, en particulier des voisins, et toute personne quel que soit son sexe, son âge ou son origine. En somme, respecter les règles de la vie collective, comme le code de la route, l’engagement pour une cause d’intérêt général. Malheureusement, l’engagement collectif est aujourd’hui relégué à l’arrière-plan.

À cet effet, pour lutter contre ce phénomène qui a tendance à se généraliser, il faut nouer des liens entre individus pour créer une société plus douce. Hélas, le plus inquiétant est l’indifférence de la société qui a tendance à être démissionnaire, laissant ainsi le champ libre à l’anarchie et à l’anomie.

L’incivisme va de la société civile qui se tait avec une complaisance intéressée et des médias trop souvent partisans à l’Etat qui accepte de procéder par colmatage, replâtrage et tâtonnement, notamment en cherchant toujours et toujours des boucs émissaires et des fusibles à faire sauter. L’Etat pèche en ce que plus personne ne croit en lui, en sa force et en son autorité. Il est vrai que la démocratie et l’expression des libertés sont dures à gérer, surtout lorsque l’on cherche à plaire à tout le monde à la fois pendant tout le temps. Mais il faut accepter alors le risque de tomber soi-même dans l’incivisme, faute d’autorité. 

 

Auteur
Bachir Djaider (Journaliste, écrivain)

 




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Le conseil des sinistres de l’Anafrasie !

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POINT FINAL

Le conseil des sinistres de l’Anafrasie !

Le gouvernement de l’Anafrasie (de Kateb Yacine) se réunit pour évaluer les besoins de la population pour que le premier sinistre (pour reprendre une expression de Coluche) puisse lui dire, ou faire dire, comment s’en passer (en s’inspirant du même Coluche). C’est le sinistre de l’intérieur, surnommé “Les oreilles de l’Etat” qui prend la parole après son chef.

– Le peuple exprime de nombreux besoins en plus des mauvaises habitudes contractées depuis quelques années. Pour commencer, il réclame une médecine de qualité et une disponibilité du médicament à des prix raisonnables.

Le premier sinistre réfléchit un moment avant de charger le sinistre de la santé de faire le nécessaire.

– Les gens consultent les médecins pour des futilités et abusent de médicaments. L’austérité exige l’arrêt de l’importation de médicaments, à une exception près : l’urine de chameau, un médicament béni par le grand muphti de l’Arabie saoudite. D’ailleurs c’est la découverte scientifique de ce pays frère et nous nous devons de la valoriser. Et comme c’est un remède préconisé pour toutes les maladies, il faudrait que le sinistre de l’agriculture développe l’élevage des chameaux pour que nous puissions substituer ce médicament à la pharmacologie existante avec une production nationale satisfaisante.

Les gens ont aussi à leur disposition la roqya, un remède aussi universel que l’urine de chameau. Sinon, il y a les herboristes. Et si le fabricant de Rahmat Rebbi est généreux avec le gouvernement, nous autoriserons à nouveau sa merde, à condition qu’elle porte un nom nouveau.

La sécurité sociale, qui fait déjà de très grandes économies en ne remboursant pas un grand nombre de médicaments et en remboursant très mal beaucoup d’autres, fera d’énormes bénéfices avec un tel dispositif pharmacologique (urine de chameau). Et pour engranger plus de bénéfices, l’assurance maladie doit instruire sa police médicale pour rejeter massivement les arrêts de travail des malades.

Les travailleurs doivent s’inspirer des chefs d’Etat africains : il n’y a que les coups d’Etat (de plus en plus rares) et la mort qui les arrêtent dans leur exercice. Même quand ils sont extrêmement malades, ils travaillent. Il faut penser à renforcer les rangs de la police médicale. Avec tous les médecins incompétents et ratés disponibles, on ne va pas manquer de candidats : ils auront la chance et le pouvoir de juger les médecins qui font ce pourquoi ils sont formés en soignant les malades.

La formation des médecins sera écourtée, ce qui générera des économies pour l’Etat tout en satisfaisant l’écrasante majorité des étudiants en medecine qui ont marre de faire de longues études. Comme ils soigneront leurs proches, s’il y a des problèmes, il n’y aura pas de plaintes. Et puis, si les malades ne sont pas contents de leurs médecins, ils n’ont qu’à les renvoyer à l’école et aller consulter les charlatans.

On va arrêter la construction et la rénovation d’hôpitaux. On ne peut pas se permettre le luxe d’héberger des malades qui, de plus en plus, meurent dans ces lieux ; ils n’ont qu’à finir leurs jours chez eux, ce qui sera d’ailleurs meilleur pour leur moral et celui de leur familles.

Le premier sinistre se tourne vers le budgétivore sinistre de l’éducation. “Les oreilles de l’Etat” sourit.

– Le peuple commence à perdre la raison. Si on l’écoutait on ruinerait le pays. Les demandes des enseignants, des élèves et des étudiants sont suffisantes pour absorber la moitié des recettes du pays. Ils veulent plus d’écoles et d’universités, avec une architecture et un mobilier modernes ; des outils pédagogiques pour développer les sciences et la technologie ; des moyens pour les sorties pédagogiques et la culture ; des revendications salariales pour les enseignants et de meilleures conditions d’hébergement pour les étudiants qui veulent aussi que leurs bourses soient revalorisées …

Le premier sinistre l’arrête et fixe le sinistre de l’éducation.

– Stop ! Je compte sur vous pour faire oeuvre de pédagogie. S’il n’y a pas assez d’espace dans les écoles et les universités, les élèves et les étudiants peuvent aller dans les innombrables mosquées du pays où il y a même des fonctionnaires qui ne travaillent pas beaucoup malgré les salaires qui leur sont versés par l’Etat : ils se chargeront de les enseigner. Cela nous permettra d’économiser tout en uniformisant les conditions d’enseignement. On n’aura plus le souci du mobilier : rien que des tapis pour tout le monde. Un livre unique, qui sera généreusement fourni par l’Arabie saoudite, pour tous, à tous les niveaux. Ainsi, ce sera plus facile de trouver des questions uniques et des réponses uniques pour former une pensée unique au lieu de nous emmerder avec tous les coûteux dispositifs pédagogiques qui peuvent, en plus, former des citoyens qui réfléchissent, ce qui est dangereux pour notre sécurité et la pérennité de notre république démocratique.

Le secrétaire à la formation professionnelle lève timidement la main. Le premier sinistre le toise avant de lui faire signe de parler.

– Les enseignants et les apprentis veulent des outils et du matériel.

– Et puis quoi encore ? Rétorque le premier sinistre. S’il y a des gens qui veulent apprendre un métier, ils n’ont qu’à ramener des outils avec eux. Déjà qu’on leur offre des centres pour les abriter… Si on les écoutait encore, ils revendiqueraient du travail !

Il fixe le sinistre de la culture qui voulait prendre la parole et lui dit :

– Toi, tu te mets au service du sinistre du culte qui a déjà tout ce qu’il faut pour sa mission et la tienne. Lui, au moins, n’a pas besoin de l’Etat pour ses projets : les riches, comme les pauvres, n’hésitent pas à faire preuve de générosité lorsqu’ils sont sollicités. C’est un sinistre qui pourrait faire des bénéfices s’il n’aimait pas le luxe.

Futé, le premier sinistre regardait du coin de l’oeil le sinistre de la justice qui faisait semblant de réléchir. Il interroge “Les oreilles de l’Etat”:

– Que veut le peuple pour la justice ?

Le sinistre de la répression sourit encore, malicieusement.

– Le peuple veut des magistrats incorruptibles et des avocats non véreux. Il faudrait plus d’hommes de loi, moins de prisons et, surtout, de la justice.

– Mission impossible, répond le sinistre de la justice.

– Les gens n’ont qu’à se débrouiller entre eux, comme le faisaient leurs ancêtres. Cela leur permettra d’avoir la justice qu’ils cherchent. De toute façon, les tribunaux n’ont pas pour vocation de rendre justice ; ils sont là pour protéger le pays contre les mécontents qui seraient tentés de nous nuire.

Le sinistre des télécommunications remonte l’exigence populaire d’une connexion internet d’un très haut débit, d’un réseau téléphonique performant et des prix abordables. Le premier sinistre prend de l’inspiration et dit :

– Tu peux expliquer aux gens qu’ils doivent comprendre que l’Etat n’est pas redevable de ce service qui n’est pas nécessaire à la population. C’est un peu comme le yaourt et le fromage : l’Etat ne doit au peuple que de la ration de lait, pour le reste chacun se débrouille comme il peut. Pour les télécommunications, le peuple a sa disposition un service gratuit, le téléphone arabe. Pour le reste, que chacun se débrouille selon ses moyens.

Le sinistre de l’intérieur reprend la parole, le ton grave.

– Le peuple veut moins de policiers, plus de sécurité, moins de répression, plus de liberté et de la démocratie. Les gens veulent aussi que l’armée soit neutre et s’occupe de la défense du pays

– Autant dire qu’il veut le pouvoir ! s’exclame le premier sinistre. Le nombre de policiers est un secret d’Etat et cela ne regarde pas le peuple. De toute manière, la police est là pour protéger ceux qui gouvernent, non ceux qui sont gouvernés. Avec toutes les demandes et exigences qu’on a entendues, cela ne m’étonnerait pas qu’il y ne soit nécessaire de recourir à plus de répression à l’avenir. Les récalcitrants auront la liberté de choisir entre la matraque du policier ou celle du gendarme. Ce sera un début pour la démocratie demandée. Notre armée veillera sur l’ordre. Mais il faut expliquer aux gens que l’armée algérienne n’est pas suisse.

Les “Oreilles de l’Etat” reprend la parole pour exposer un voeu populaire sacrilège. Le peuple veut rencontrer le chef de l’Etat, échanger avec lui pour l’entendre parler du présent et de l’avenir de l’Anafrasie.

– On va repasser à la télévision ses anciens discours pour satisfaire cette demande étonnante de la part d’un peuple formé, en majorité, de croyants ! On ne peut pas prendre le risque d’exposer la sécurité du président à la folie du peuple.

Le premier sinistre lève la séance après avoir demandé à ses collaborateurs de se mouiller la chemise pour persuader le peuple de la nécessité de se serrer la ceinture et de fermer sa gueule en ces temps difficiles.

 

 

Auteur
Nacer Aït Ouali

 




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Naguib Mahfouz, l’âme du Caire

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Conseil de lecture aux jeunes

Naguib Mahfouz, l’âme du Caire

Pour cet immense écrivain, j’avais déjà rédigé dans la presse un article dont je reprendrai certains passages pour les adapter et les insérer dans le format de notre rendez-vous hebdomadaire de cet été.

Naguib Mahfouz fut, en 1988, le premier écrivain du monde arabe a être couronné par le prix Nobel de littérature. C’est donc tardivement que le romancier accéda à la notoriété internationale après que son œuvre eût pourtant épousé le siècle.

Elle se confondit très étroitement à son pays, l’Égypte, et plus particulièrement à sa ville natale, le Caire, jusqu’à en restituer l’âme que nulle autre expression artistique n’a su égaler. L’œuvre est importante puisqu’elle totalise en romans et recueils de nouvelles une quarantaine d’ouvrages.

Né d’une famille de la petite bourgeoisie du Caire, Naguib Mahfouz fera immédiatement transparaître dans ses écrits son enracinement à cette ville. Ce sera particulièrement le cas dans sa célèbre trilogie qui raconta la saga d’une famille de la petite bourgeoisie cairote à travers trois décennies, de 1917 à 1945, « Impasse des deux palais », « Le palais du désir » et « Le jardin du passé ».

Mon choix d’aujourd’hui veut vous guider vers deux autres recueils de nouvelles, très faciles à lire mais qui ont cette particularité d’être mes favoris, « Matin de roses » et « Récits de mon quartier ». Ce n’est absolument pas un gage de votre adhésion mais, comme pour le choix précédent du « Premier homme » d’Albert Camus, nous retrouvons dans ces deux recueils une condensation de toute l’œuvre de Naguib Mahfouz.

Au début du premier volume, Matin de roses, « C’est une calamité que d’avoir une mémoire » dit le narrateur qui nous propose de l’accompagner dans les plus profonds souvenirs d’un quartier, d’une famille, d’une époque. Puis par une succession de brèves nouvelles, le lecteur fait connaissance avec une galerie impressionnante et émouvante de personnages.

C’est ainsi qu’il rencontre l’inoubliable Oum Ahmed, devenue une célébrité locale car « elle était à la fois la marieuse, la coiffeuse, la spécialiste des soins de beauté et du bonheur familial. Elle avait ses entrées dans tous les palais et les maisons bourgeoises du quartier. Elle assumait la fonction de journaliste de presse et de radio, d’agent de renseignements… ».

Vous comprenez ainsi pourquoi j’ai un plaisir immense à vous proposer ces deux recueils de nouvelles car quiconque a vécu ma génération ne pouvait ressentir l’Algérie sans avoir, au moins une fois dans sa vie, rencontré une Oum Ahmed. Un temps qui doit être bien révolu aujourd’hui pour nos jeunes lecteurs mais ils en trouveront d’autant plus de délectation à le découvrir par la lecture d’un passé tant évoqué par leurs aînés.  

La démarche est identique dans « Récits de notre quartier » mais on sent que Naguib Mahfouz veut aller beaucoup plus loin, dans une quête spirituelle sans pourtant alourdir le plaisir simple de la lecture. On est saisi notamment par la très belle approche de l’auteur sur la question divine. La parabole du Grand Cheikh qui débute et termine le recueil de nouvelles est l’une des plus réussies que l’on ait à lire.

Dans cette parabole, un enfant se promenant devant le monastère crut apercevoir un homme qui ne ressemblait pas aux habituels derviches. Ainsi naît sa quête de vérité envers celui qu’on appelle le Grand Cheikh et qu’on ne voit jamais.

N’en prenez que le plaisir d’une lecture par la magie du conte. C’est en les multipliant que vous accéderez à la plénitude de votre esprit libre et critique. La littérature n’est ni un manifeste politique ni un catéchisme de pratiques sociales et morales. La lecture possède ce fantastique pouvoir de vous éduquer, sans « prise de tête », comme disent les jeunes générations. Le simple plaisir amène l’adhésion à certains débats intellectuels qui seront confrontés à d’autres sources éducatives pour forger votre opinion libre et éclairée. Mais la littérature, en elle-même, reste neutre dans son intention première.

D’ailleurs, la conclusion de Naguib Mahfouz n’est absolument pas la mienne ce qui prouve la nécessite des confrontations des points de vues. La sienne reprend à son compte cette célèbre réflexion de Voltaire avec cette phrase « Jusqu’à ce jour, je n’ai pas trouvé le courage nécessaire pour outrepasser la loi, mais en même temps je ne peux imaginer un monastère sans Grand Cheikh ».

Au final, avec Mahfouz Naguib, particulièrement dans ces deux recueils de nouvelles, c’est la société du Caire de son époque qui vous envahira les narines par les odeurs, les oreilles par ses sons et les yeux par l’incessant tumulte des rues. Les nouvelles de l’écrivain ne sont pas des pages d’écriture mais des images et sons de cinéma qui vous prendront dans un saisissement magnifique d’emportement. Et lorsque les écrivains atteignent cette performance, c’est qu’ils ont atteint les sommets de la littérature.

A propos d’images, je dois mettre en garde les jeunes algériens sur un point, le talent de Naguib Mahfouz ne peut en aucun cas s’identifier aux adaptations sirupeuses et faussement hollywoodiennes des scénaristes égyptiens de l’époque. Hélas l’adaptation cinématographique de l’auteur lui-même reste largement entachée de cette critique personnelle. Raison pour laquelle il faut absolument la contrebalancer par ses merveilleux écrits, d’une dimension bien plus forte en qualité.   

J’ai tellement rédigé d’articles fustigeant la catastrophique tentative d’arabisation de ma génération dans les années soixante-dix qu’il m’est autant agréable de conseiller un grand auteur de cette langue. J’en ai été bouleversé de plaisir de lecture et aimerais tant le faire partager aux jeunes algériens.

Me voilà donc partiellement réconcilié avec ces nouvelles générations qui veulent aller de l’avant et qui partageront ce moment extraordinaire des êtres humains qui s’appelle « la lecture ».

Auteur
Sid Lakhdar Boumediene, enseignant

 




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Le culture et le plaisir de lire ne sont que des sentiments

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Réponse à un internaute « érudit »

Le culture et le plaisir de lire ne sont que des sentiments

La réaction du lecteur en question était attendue de ma part, je l’ai reçue au bout du troisième opus. Allons au fond et laissons de côté l’extrême courtoisie de la réponse qui, en résumé, me dit que l’article sur Camus est « plat et sans consistance, seulement un déversement de bons sentiments, ce que n’est pas la littérature ».

Le présent article n’est pas seulement une réponse à un internaute, le Matin d’Algérie n’est certainement pas un forum pour un faux combat littéraire à la Ruy Blas. Si je le propose dans la rubrique culture c’est que l’intervention de la personne est justement ce qu’il ne faut pas entendre de la lecture et de son plaisir.

En plus de sa discourtoisie, c’est dans le fond que l’intervention est l’absolue contradiction avec la vraie culture. Celle que propose mon contradicteur (je dirais plutôt, celui qui m’invective) ne sert qu’à promouvoir les titres universitaires, la prétention et l’accaparement du savoir avec, surtout, l’objectif de créer une caste de ceux qui pensent avoir son monopole.

Ma réponse, s’insérant entre deux articles de la série, est donc parfaitement dans l’objectif d’une rubrique culturelle du Matin d’Algérie. La réaction du lecteur en question me donne l’occasion de préciser ce qu’à voulu être le sens de mes contributions.

Tout d’abord, lorsque j’ai proposé cette chronique portant le titre « Conseil pour jeunes lecteurs », il faut comprendre que cela ne s’adressait pas à des personnes matures, conscients de leur très haut niveau intellectuel et qui le font savoir. Au passage, il n’était pas interdit non plus que cela s’adresse à eux, évidemment.

Mais revenons à cette expression « la littérature n’est pas un sentiment ». Et c’est justement là le fond du problème. Qu’est-ce donc la littérature si ce n’est pas un « sentiment » pour les jeunes lecteurs ?

Nous voilà au cœur du propos car l’article sur Camus, comme tous les autres, publiés et à venir, s’adressait aux jeunes lecteurs et certainement pas aux universitaires. Or, la lecture à cet âge est tout sauf une exégèse de gens instruits, ou plutôt qui pensent l’être.

Il ne faut pas se méprendre sur le propos, l’exégèse universitaire est fondamental car prétendre le contraire serait renier l’une des bases de la formation et se comporter en populiste. L’analyse rigoureuse des textes, des auteurs et du contexte sont absolument nécessaires à l’élévation de la pensée.

Mais voilà, plus on est formé et moins on doit se comporter comme cette confiture qui veut s’étaler comme dit le dicton. Le plaisir de la littérature est une rencontre de deux sentiments, celle de l’écrivain qui la traduit dans une histoire et celle du jeune lecteur qui la ressent. C’est un moment d’échange où une alchimie merveilleuse peut se passer.

S’adresser à de jeunes lecteurs avec la prétention de l’universitaire est incongrue. Les jeunes doivent lire sans se rendre compte qu’ils sont face à un écrit qui s’étudie, s’analyse et se décortique dans toutes les pratiques universitaires. Ce serait une catastrophe et la garantie d’un éloignement, justement ce qui s’est passé ces dernières années (entre autres causes que sont l’évolution sociologique et l’apparition des nouveaux supports de communication).

L’Algérie est malade de ces personnes qui signent leurs articles d’une présentation trois fois plus longue que la main. Les concours d’entrée aux grandes écoles, les Masters (équivalent d’aujourd’hui) et autres titres, sans compter les publications pédagogiques, c’est un passé lointain pour l’auteur de la chronique.

Et plus on apprend, plus on est simple dans son rapport aux jeunes en matière de communication du plaisir de la lecture. Quarante ans après avoir prouvé que l’on a une place dans ces niveaux, c’est justement le moment « d’essayer » d’atteindre la plus haute marche qui s’appelle la modestie et le rapport aux sentiments. Nous n’avons plus rien à prouver du côté de l’érudition pour brandir à la face des jeunes nos diplômes et compétences.

Que la lecture soit tout sauf du sentiment, voilà bien la réponse qui est la plus déroutante qu’il m’ait été donné de lire. La culture n’a aucun autre but que rendre les individus bons et éclairés, se déclinant par la littérature au travers une histoire simple qui touche la perception la plus profonde du lecteur.

« Pauvres étudiants confrontés à vos articles », me dit l’intervenant. Je pourrais répondre « pauvres jeunes algériens » confrontés à la prétention et au charabia de ceux qui pensent détenir la culture car celle-ci, dans ses hauteurs et ses objectifs, s’exprime d’une manière simple et s’adresse aux sentiments humains, rien de plus.

En 1975, à mes début à l’Institut d’études politiques, Sc Po Paris, voulant démontrer mon érudition à tout prix, un pêché de jeunesse, j’avais reçu une leçon mémorable de la part d’un très grand professeur de droit constitutionnel. Il avait corrigé ma copie (les professeurs le faisaient exceptionnellement pour certains TD). De mémoire, là également, je cite sa phrase en rouge comme appréciation, elle est encore gravée en moi :

« Soyez simple dans vos argumentations et évitez de montrer votre érudition qui masque très mal votre jeunesse et incompétence sur le sujet ».

Cet immense professeur est celui que notre glorieuse Assia Djebar a remplacé dans son fauteuil de l’académie française. Je dois le remercier et lui envoyer au ciel certains « érudits », ou qui pensent l’être, afin de leur apprendre le haut niveau, c’est à dire la simplicité. La platitude se juge toujours à partir du niveau où l’on place sa prétention.

Je lui dois beaucoup dans mon métier de transmission et, particulièrement celui du goût à la lecture.  Ma platitude, je l’ai payé de quarante ans de formation et c’est loin d’être terminé car son chemin est long pour y arriver. En ce point de vue, je l’accorde à notre internaute, j’en suis loin encore.

Que les jeunes lecteurs lisent en laissant ouverts tous les sentiments qui peuvent les toucher, qu’ils n’en aient pas honte.

Auteur
Sid Lakhdar Boumediene, enseignant

 




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Des vacances au pays et au bord  de … l’amer !

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Regard

Des vacances au pays et au bord  de … l’amer !

C’est l’été. On l’aura remarqué, n’est-ce pas ?! Il fait une chaleur torride, au pays du soleil et aux 1300 km de côtes aux plages paradisiaques et aux paysages de toute beauté…

Vous prenez la direction de la mer pour faire plaisir à vos enfants et à vous-même, par la même occasion… Vous avez hâte d’y être, de caresser le sable fin de la plage, de se laisser flotter dans l’eau bercer par les vagues et respirer le bonheur que procurent les cris joyeux des enfants.

Vous y êtes. Enfin, pas encore, pas  tout à fait… Même à portée des yeux, la grande bleue est encore…loin. Encore du chemin à faire. Le parcours est encore pénible. Hautement périlleux… A peine descendu de votre véhicule, vous vous retrouverez nez à nez avec « quelqu’un », un gourdin à la main et qui vous « collera » au corps pour vous obliger à payer une place de stationnement, en sa qualité de « gardien des lieux »…

Et, à la moindre opposition, des énergumènes autoproclamés gérants de parkings, vous défonceraient le portrait ou, comme autre « option », ne se gêneraient pas de s’en prendre à vos enfants, sous l’œil «vigilant» des 20.000 gendarmes déployés sur « le terrain», dans le cadre du « Plan bleu » dédié  à la sécurité des plages … Ça aussi, c’est déjà fait… Non, ce n’est pas une plaisanterie !

À Annaba, en 2014, un gardien de parking présumé a bel et bien balafré le visage de Rahma, une fillette de 20 mois, en guise de représailles contre son père qui avait refusé de se plier au diktat du « prédateur » …

Mais, pourquoi remonter jusqu’à 2014  pour évoquer des exemples de tels drames ?  Des faits similaires sont d’actualité. Cette année,  le 21 juin dernier, à Skikda, un jeune père de famille a été assassiné de sang-froid par un jeune de 34 ans.  Motif du forfait: le stationnement de la victime dans un parking au niveau du lieudit  «la Place» en allant vers Skikda. C’est sous les yeux de son enfant que la victime a reçu sept coups de couteau. L’auteur du crime voulait que la victime s’acquitte d’une modique pièce de 50 dinars.

En ce début de semaine même, un estivant de 36 ans, d’El-Oued, en vacances en famille à Aokas, à Béjaia, est décédé à l’hôpital, après avoir été agressé six jours auparavant sur une plage de la commune  de Souk El Tenine, située à une trentaine de kilomètres à l’Est du chef-lieu de la wilaya de Bejaïa… Son séjour estival et celui de sa famille ont tourné au cauchemar. Il en est mort.  

Si vous arrivez à passer et à réussir « l’épreuve » du parking, l’on vous obligera à louer un parasol et d’autres accessoires de plage même si vous en avez déjà un dans vos bagages et, même si, au nom des libertés individuelles, il n’y a que vous que cela regarde, vous faites le choix de cramer au soleil et de finir au pavillon des grands brûlés de l’hôpital du coin … Ca, aussi c’est fait.

En juin dernier, un père de famille s’est fait agresser à l’arme blanche sur la plage de Coralès, dans la commune de Bousfer, dans la wilaya d’Oran, pour avoir «osé» installer son propre parasol. Qui s’en est ému ? Personne. 

Et, même si vous garez votre bagnole loin de votre destination, il vous sera signifié de mettre la main à la poche pour avoir le droit d’accès à la plage… Oui, ça aussi… Et, même si vous vous montrez légaliste et que vous croyez naïvement que vous êtes dans un Etat de droit en brandissant une copie du communiqué du ministre de l’Intérieur rappelant le principe de la gratuité de l’accès aux plages, vous vous mettez le doigt dans l’œil… Et, même si vous avez les moyens de ramener une plage avec vous et les enfants déjà dedans en train de barboter, ils vous trouveront toujours un moyen de vous « détrousser »  sous la menace.

Là, vous commencez à réaliser que vos vacances commencent à tomber à l’eau. Comme plus n’étonne dans ce pays, il arrivera le jour où l’on vous fera payer même une taxe sur le soleil, lui aussi appelé à être squatté, dans le cadre de la stratégie du gouvernement  pour « l’emploi » des jeunes et la lutte contre le chômage. Et, même si vous avez le sens de l’anticipation et le réflexe de ramener un soleil dans votre sac de plage, vous serez dans l’obligation de casquer la contemplation des paysages et une taxe sur les photos que vous aurez à prendre, dans le cas où vous ne serez pas contraint de louer un appareil-photos … Si la «prestation» ne vous tente pas, l’on vous obligera à acheter un bandeau noir, un cache-yeux pour vous empêcher de voir et profiter gratuitement du panorama…

Là, vous aurez, enfin, le choix : soit vous acceptez d’acheter une photo  d’Amar Ghoul, ou de quelque autre responsable de la « bonne santé » du tourisme local, à la boutique « Souvenirs », histoire de leur rendre hommage pour tout ce qu’ils ont fait pour le tourisme national…soit, vous décidez de casser votre tirelire et prendre vos jambes à votre cou et filer tout droit en Tunisie, où le tourisme est nettement mieux, même si nos plages sont nettement meilleures et fuir cet enfer. Ou encore, comme ultime alternative, « vous nagerez votre mer » et vous vous résignerez à passer vos vacances au bord de … l’amer, en prenant le risque de vous faire couvrir de « bleus » et d’atterrir  au service de traumatologie de l’hôpital de la ville…

A Bejaïa, qu’il faut se garder de stigmatiser, ou ailleurs, nos plages sont devenues « des territoires occupés », des zones de non-droit, au nez et à la barbe des autorités, du ministère de l’Intérieur et de celui du Tourisme, des walis et des élus locaux qui se contentent de communiqués qui n’ont aucune prise réelle sur le terrain. Ils doivent assumer l’entière responsabilité des drames que se produisent au quotidien sur ces lieux censés être des espaces de détente et d’évasion…

Pour une place de parking sur une plage, un homme s’est retrouvé à la morgue. A Aokas, ou à Jijel, à Annaba ou à Mostaganem, à Souk El Ténine ou à Corso, à Boulimat ou ailleurs, sur une autre plage du pays, le drame aurait été le même. Il y a eu mort d’homme pour une histoire de parking.

La bêtise humaine aura encore frappé et « triomphé », encouragée par l’impunité, du fait de la démission inquiétante des institutions de l’Etat et des pouvoirs publics, qui sont beaucoup plus prompts à mener des « expéditions contre les militants des droits de l’homme et à les jeter en prison qu’à assurer la sécurité des citoyens et à faire respecter la loi sur les plages qui relèvent du domaine public, un bien commun. Mais, lorsque la force de la loi fait aussi défaut ailleurs, il n’y pas de raison de s’étonner de voir  la loi de la force régner et prendre le dessus aussi sur les plages.

Et même ces drames inqualifiables, il se trouvera un ministre du Tourisme qui viendra disserter devant les écrans de télévision sur le tourisme en Algérie…

«J’aimerais terminer sur un message d’espoir. Je n’en ai pas. En échange, est-ce que deux messages de désespoir vous iraient ?»  Woody Allen.
 

Auteur
Rahim Zenati

 




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