12 mars 2025
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Les ravages de lieux communs et de l’inculture….

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Institutions

Les ravages de lieux communs et de l’inculture….

Ainsi des têtes ‘’pensantes’’ définissent l’État comme une addition d’administrations gérant la société, ignorant au passage le Politique. Ce dernier détient le vrai pouvoir et a à son service la loi et des bras armés (police et justice) pour faire appliquer les lois par lesdites administrations. Pauvres Machiavel, Marx, Montesquieu, Hobbes  et tant d’autres qui ont légué à l’humanité l’essence du Politique, le socle sur lequel repose le monstre de l’Etat moderne. Quant à la notion de peuple, d’aucuns donnent leur définition en se regardant dans un miroir. Eux aussi oublient de fouiller dans les archives d’un tribunal sans magistrats mais portant sur le fronton de son bâtiment Histoire. Celle-ci  ne fait pas de distinction entre ses enfants mais les désigne par un nom pour faciliter leur identification. A l’évidence cette ignorance ou cette impuissance devant la philosophie de l’Histoire désarme plus d’un. Par masquer leur ignorance, ils invoquent alors la multiplicité des avis et opinions sur les événements historiques.

Ne savent-ils pas que l’histoire n’échappe pas à l’idéologie de ceux qui l’écrivent. Ne savent-ils pas que l’Histoire comme toutes les sciences fait des progrès en fonction des découvertes de nouvelles archives ou bien quand les pouvoirs politiques lèvent le secret sur des événements gênants. Enfin l’histoire s’éclaire quand cette science élabore de nouveaux d’outils théoriques. Tous ces progrès, levée des secrets d’Etats et élaboration de nouveaux concepts théoriques suffisent pour cerner les notions d’Etat, de nation, de peuple, d’identité. En dépit de ces avancées, il est des gens qui persistent à servir au bon peuple des lieux communs.

Pourtant, ce n’est pas les exemples qui manquent pour se rendre compte de la complexité des choses qui relèvent de l’Histoire. La crise en Espagne actuellement est née à la suite de la déclaration de l’indépendance de la Catalogne. La difficulté à résoudre cette crise découle de deux légitimités produites par l’histoire. La Catalogne est une entité politique et culturelle qui n’a pas toujours été intégrée à l’Etat espagnol. Ce dernier avance des arguments à la fois historiques et constitutionnels pour refuser un divorce qui porterait atteinte à l’intégrité du pays. Réfléchir sur l’Etat, institution éminemment politique, est impossible sans tenir compte de l’histoire et des rapports de force qu’elle engendre. C’est pourquoi lesdits Etats sont ‘’affublés’’ de qualificatifs, démocratique, populaire, fédéral, confédéral etc. Derrière ces qualificatifs se nichent dans les entrailles du pays en question une histoire particulière, une ou des cultures, une ou des religions qui cohabitent. L’État américain ne ‘’pouvait’’ être que fédéral comme la république française ne ‘’pouvait’’ être que jacobine.

Un simple regard sur l’histoire de ces deux pays éclairera donc notre lanterne. La notion de peuple est elle-même tributaire de la nature de l’État. A l’intérieur de ce dernier, on peut aussi bien parler de peuple au singulier qu’au pluriel. On parle de peuples au pluriel dans des immensités territoriales où un État conquérant occupe un territoire en permettant à la communauté qui y habite de vivre selon ses traditions, croyances, sa ou ses langues, sauf que la souveraineté du territoire échappe aux autochtones.… On rencontre cette situation aux USA (1), au Canada et dans l’ex-union soviétique où existaient des républiques avec leurs langues et leurs particularismes.

Mais dans les pays dont l’histoire se perd dans la nuit des temps et à cause précisément de cette longue histoire, les déplacements et les mélanges des populations ont finit par créer un nouveau paysage politique et culturel qui irrigue le tissu social dans lequel baigne ces populations. Quand bien même, le citoyen garde sa religion ou des pratiques culturelles (artistiques et gastronomiques), il se définit et se sent comme faisant partie du peuple habitant un territoire délimité. Dans certains pays, apparaît aujourd’hui un critère uniquement idéologique qui peut influencer le citoyen dans ses choix politiques. C’est pourquoi en France a été ‘’inventée’’ la notion de peuple de gauche et de droite. Ce critère idéologique sert à évaluer le degré d’engagement pour la justice sociale, l’égalité homme/femme ou bien la fidélité à la patrie quand le pays est envahi (exemple de la collaboration avec l’ennemi en France durant la seconde guerre mondiale)

Ces notions (État, nation, peuple) non maîtrisées produisent des poncifs et les lieux communs dans la vie politique. Ainsi en France, depuis le roi soleil, Louis XIV qui aurait déclaré ‘’l’Etat c’est moi’’ est devenu de nos jours ‘’l’Etat c’est nous les citoyens’’. Quelle aubaine pour les politiques qui abusent de ce mensonge en faisant avaler la pilule pour faire passer une réforme. Chez nous la notion de Beylik sert encore à des petits malins pour s’accaparer des biens publics et justifient leur conduite crapuleuse sous prétexte qu’ils ne volent pas les gens.

Voilà pourquoi, des définitions hasardeuses sur des notions politiques engendrent des poncifs qui formatent les esprits et facilitent le travail des petits marquis de la politique et de la culture. Ce formatage est organisé par les appareils idéologiques et les institutions politiques des États. Chez nous, on en voit les effets sur la société à qui on offre le choix entre la bigoterie et l’archaïsme des traditions et la ‘’modernité’’ mal digérée parce que produite ailleurs. Et on se demande pourquoi tant d’ennui dans notre morne quotidien. Et pourquoi les cerveaux tournent à vide alors qu’ils ont de l’intelligence à revendre..

Ce vide on le retrouve dans la notion de l’amour dont on n’ose même pas prononcer le mot. On a l’impression que l’Amour souffre non pas de la confusion des esprits mais plutôt de la confusion mentale. L’Amour que le bébé rencontre la première fois en suçant le sein de sa maman, le voilà chez nous, domicilié à un seul endroit, le lit et sa pratique se fait dans le noir et le silence. Ainsi l’amour vénéré par tous, sa beauté chantée par le poète, est surveillé au nom d’une morale puérile. Oubliées les tournées des troubadours qui colportaient les belles chansons à travers le royaume de l’Andalousie. Oublié cet héritage qui a profité à l’Europe médiévale. Cette Europe qui a découvert l’amour courtois des Andalous pour construire son discours amoureux  où se déploient l’intelligence et l’élégance dans le jeu de la séduction. Espérons renouer un jour avec cette vision des choses où le mot volupté retrouvera son délice et sa densité provoqué par la puissance du désir.

Il est évident que les poncifs et lieux communs sévissent ailleurs mais trouvent devant eux des résistances politiques par le biais des productions scientifiques et artistiques. Mais chez nous les lessiveuses pour nous débarrasser  des banalités qui plombent notre quotidien, souffrent des ratés de leurs moteurs. Dans cette bagarre contre cette fatalité devenue la norme indépassable de cette ‘’culture’’ archaïque, peu de places sont réservées aux langues et aux langages qui sont l’humus qui fertilise le champ des connaissances. Écoutons Aristote qui nous donne sa définition de lieux communs et de leurs rôles dans leurs oppositions à la science : « Les idées les plus générales, celles que l’on pouvait utiliser dans tous les discours, dans tous les écrits ».

On se demande pourquoi les lieux communs et les poncifs continuent à tenir leur place dans un monde ouvert à tous les vents, alors qu’Aristote (et beaucoup d’autres philosophes) les ont cloués au pilori il y a belle lurette. Parce qu’on préfère faire ‘’voyager’’ les gens dans le trou noir de l’univers, un voyage pathétique sans ticket de retour où l’on perd ses repères d’êtres vivants. Car un vivant ça réfléchit et donc dangereux. Le Ta ab taf hem (toi tu veux comprendre), de chez nous est un poncif qui dit tout sur la peur de la connaissance.

A. A.

Notes

(1) L’exemple des USA a séduit l’État d’Israël qui a proposé à Arafat lors des négociations de Camp David que les Palestiniens vivent sur la surface de la terre à Jérusalem avec leurs lois mais que le sol et le sous-sol de la ville sainte soit sous la souveraineté d’Israël.

Auteur
Ali Akika, cinéaste

 




Benamar Mediene : « Comment Novembre a été perverti » (2)

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Entretien

Benamar Mediene : « Comment Novembre a été perverti » (2)

Le pouvoir depuis une vingtaine d’années a eu le génie de transformer le mouvement en inertie. Nous sommes l’un des rares pays à faire de l’inertie son programme politique. Faire de l’agitation pour l’agitation, mais qui revient au même. On s’agite et on n’avance pas. L’inertie c’est la garantie de la pérennité de ce type de pouvoir. Il y a très peu d’intelligences en Algérie. Ils partent. Il n’y a plus de création. On aurait dû produire au moins un Nobel, des physiciens de grandes qualité, des peintres. On ne produit plus d’intelligence, ni de symbolique. On vit sur un symbolique usé, rapiécé.

Pour revenir à Novembre, est-ce qu’il n’y a pas eu rupture, avec le mouvement national originel, celui de l’Etoile nord-africaine et de Messali, qui n’ont jamais cessé d’accompagner la revendication d’indépendance d’une revendication d’Etat démocratique désigné par une Assemblée constituante élue au suffrage universel ?

La rupture se fait en 56. Le congrès de la Soummam a été là aussi une scène fondatrice et en même temps, elle a produit sa propre négation. C’est-à-dire qu’on parle d’une République démocratique et sociale, sans discrimination. On incluait les juifs, les chrétiens, tout le monde. En même temps, 56-57, c’est la négation des principes contenus dans la charte de la Soummam. C’était un moment démocratique, il y avait des politiques et des militaires ; on organise l’ALN, les régions, les wilayas. Et tout cela devenait dangereux, dans la mesure où cette idée du primat de l’intérieur sur l’extérieur et du politique sur le militaire a constitué le point de fission, la cassure.

Quand on voit le nombre de militants étrangers, les amis de l’Algérie, qui se sont investis dans cette révolution, comme ceux du réseau Jeanson, n’y avait-il pas de signes qu’ils allaient contribuer à libérer un pays pour l’offrir à un pouvoir putschiste ? On les entend aujourd’hui traîner leur dépit…Y avait-il à ce point l’illusion de contribuer à créer un Etat démocratique ?

Jeanson n’était pas dupe, même pendant la guerre. Quand il y a eu l’interdiction de boire de l’alcool et de fumer, cela a été symboliquement très grave. En France, tu as une population d’ouvriers carencés affectivement, sexuellement, symboliquement, et tu leur interdit de fumer. Même pour l’alcool, c’était la bastonnade, la défiguration, l’amputation. J’étais responsable à Nanterre, et j’ai fait matraquer un cousin car il était arrivé soûl, et j’étais obligé de le faire car sinon c’était moi qui étais sanctionné.

Cela préfigurait de quoi ?

D’un début d’islamisation. C’est-à-dire que le prétexte d’interdire pour affaiblir l’économie française – ce n’est pas un verre de vin qui va mettre l’économie française à genoux- était fallacieux. C’est à ce moment-là que Kateb, Issiakhem, Zinet entre autres, créent le CCK, le Comité Central de la Kuite, mais avec un « K ». Des responsables leur ont conseillés de se mettre à l’abri car ils risquaient gros. A Paris, ils ne pouvaient rien pour eux. Ils ont été obligés de s’enfuir.

Pour en revenir aux amis de l’Algérie « déçus », que ressens-tu aujourd’hui, avec le recul de 60 ans ?

J’ai été victime d’une imposture dont je n’ai pas pris conscience immédiatement. La preuve est que j’ai milité, j’étais au PAGS, je militais pour la Révolution agraire, j’enseignais dans les collèges syndicaux, et en même temps je sentais des lambeaux de ma vie partir. Je voyais mes enfants grandir, se marier, mes petits-enfants naître, et l’Algérie tomber en poussière. Elle nous décevait comme un amour brisé. Il y a quelque chose d’atroce de voir cette élite politique à la fois corrompue et arrogante. Qui t’insultent autant qu’ils insultent l’histoire, les martyrs qui sont morts pour cette idée de liberté. Il n’y avait pas seulement l’indépendance, mais les libertés qui en sont la substance. La substance de l’indépendance, c’est la liberté. Or, on a suturé la source de cette substance, la sève vivifiante. Et cette élite politique, aussi bien celle du pouvoir étatique que celle des partis est une insulte à l’histoire.

Si tu dois faire le parallèle avec la situation d’aujourd’hui. Nous sommes toujours dans la continuité de ce régime ?

Le pouvoir depuis une vingtaine d’années a eu le génie de transformer le mouvement en inertie. Nous sommes l’un des rares pays à faire de l’inertie son programme politique. Faire de l’agitation pour l’agitation, mais qui revient au même. On s’agite et on n’avance pas. L’inertie c’est la garantie de la pérennité de ce type de pouvoir. Il y a très peu d’intelligences en Algérie. Ils partent. Il n’y a plus de création. On aurait dû produire au moins un Nobel, des physiciens de grandes qualité, des peintres. On ne produit plus d’intelligence, ni de symbolique. On vit sur un symbolique usé, rapiécé. Ils parlent des martyrs pour s’en nourrir, ils se nourrissent de la banque du sang, pour justifier des vols, des détournements spectaculaires à ciel ouvert. Des ministres qui achètent des appartements en bord de Seine…Ils nous crachent dessus. Ce FLN qui a tellement symbolisé dans les années 50 une des choses les plus belles du milieu du XXe siècle, devenu un repaire de corrompus. Le pire, c’est qu’ils ont contaminé la société de leur inertie. La société est devenue docile. On la vole, et on la rend complice du vol. Car on est complice. On n’arrive pas à dénoncer, à les traduire devant la justice.

La chose la plus terrible est d’avoir créé cette attitude de servitude chez les algériens. On est devenus des servants. On sert à ce pouvoir de légitimité…On sait que les élections sont truquées, on sait que les gens ne votent pas. Et pourtant les élus s’arrogent des 90% de voix.

Est-ce qu’il faut un autre novembre ?

La société algérienne est dépassée de partout : sur les plans intellectuel, scientifique, de l’efficacité de l’Etat, du développement économique. L’absence d’industrialisation, la carence de l’agriculture sont compensés par la rente. Mais la rente n’est pas un don éternel de Dieu. Alors, pourquoi cette réactivation de l’islamisation de la société ? Cette liberté donnée à des muftis racoleurs de travailler encore et encore la société, de perpétuer l’inertie. La croyance aveugle, magique pratiquement, travaille l’inertie. Le pouvoir s’en sert comme garde du corps. Le garde du corps le plus efficace, n’est pas le DRS, n’est pas l’armée, c’est la religion. EXERGUE. Non pas que le DRS n’est pas important, mais quand un président dit « moi si j’avais leur âge, je serais dans les maquis », il faudrait lui rappeler qu’a leur âge il était déjà ministre, déjà capitaine d’état-major, il ne connaissait pas l’Algérie. Il arrivait dans les bagages de Boumediene. Il ne peut pas savoir ce que veulent ces gens.

Tu dis que tout est compensé par la rente. Il achète la paix sociale, l’anesthésiant. Maintenant avec la baisse substantielle de la rente, qu’est-ce qui pourrait se passer ?

C’est le point aveugle de l’avenir. Comment la société va réagir ? Les groupes clientéliste du pouvoir, ceux qui en fait récupèrent l’essentiel de la rente, comment vont-ils réagir ? Ça paraît terrifiant. On arrive à cette conclusion désastreuse : depuis 20 ans, il n’y a pas de projet politique. On continue de gérer le pays comme on gérait les états-majors. On parle de système – pour moi ce n’est pas un systèmes, mais une composition, recomposition à l’infini de groupes avec un noyau central.

Qu’est-ce qui fait que Bouteflika tienne le coup ? Comment cet homme diminué physiquement et intellectuellement n’arrive pas à comprendre qu’il n’est pas dans une situation physique et intellectuelle de conduire un pays ? Et que ça continue à fonctionner. Le système veut des filiations et des affiliations. Haddad, inconnu il y a 10 ans est un nouveau venu. Il est en train de conduire l’économie du pays. C’est lui qui fait la réunion des ministres. C’est une image surréaliste.

Ce système hérité de Novembre, qui a réussi à conserver l’inertie, peut-il se régénérer à travers… ?

Non, car son capital symbolique est épuisé. Ils continuent mais ça ne fonctionne plus. Tu as une organisation des moudjahidine qui n’a pas levé le petit doigt pendant la décennie noire. L’organisation des enfants de martyrs ne se sont pas constitués en groupes d’autodéfense pour défendre la patrie de leurs pères. Ça a été des citoyens, des individus, des anciens moudjahids, des jeunes gens, qui se sont armés et qui ont sauvé la république, avec l’armée qui a joué un rôle important. Mais cela reste pour moi une des grandes déceptions. Les anciens moudjahidine n’ont pas repris les armes, parce qu’il n’y a plus d’ancien moudjahidine. On est le plus grand pays producteur d’anciens combattants du monde. Car, on continue à en produire. C’est le 4e budget de l’Etat, 60 ans après l’indépendance. Plus que la santé ou l’agriculture.

Comment expliques-tu la position de l’armée ? Cette situation de connivence… Elle fait partie de ce système d’inertie ?

On est en train de casser le potentiel de défense de la société comme on casse la force immunitaire d’un individu, en préparant la succession de Bouteflika, il faut neutraliser, contrôler en tout cas, au maximum, les différents organes de l’armée. C’est une analyse strictement personnelle, personne n’a les éléments pour pouvoir apprécier de façon juste. Mais on le sent à travers la nomination, les départs forcés et impromptus. Des généraux qui partent, d’autres qui reviennent…

Des changements, des redistributions des postes. Tout cela augure de quelque chose d’inquiétant. Et en même temps, nous sommes un pays politiquement et militairement fragile. Quand on voit aux frontières le Maroc qui affute ses armes, les menaces aux frontières malienne et libyenne. C’est terrible. Ils prennent un risque en se détachant de la population. L’armée nous a sauvés en

92 et ils continuent de payer. Si on neutralise la puissance militaire de l’Algérie, on rentre aussi dans une vision géopolitique internationale et mondiale. Ce n’est pas une affaire stricto algéro-algérienne. Cela concerne vraiment tout le bassin méditerranéen, sans oublier les sphères africaine, et mondiale.

Quelle serait la stratégie ?

Les E.-U., la Chine, l’Europe, l’Afrique, redevenue le continent qu’il était au 19e siècle. Il était le continent de l’expansion du capitalisme occidental, européen en particulier. Aujourd’hui, avec ses 800 M d’habitants, c’est le continent d’avenir de ces pays, auquel s’ajoute notamment le Brésil. Alors que l’Algérie avait la capacité de devenir un pôle de rayonnement intellectuel, artistique, politique de l’Afrique, sorte d’alter ego avec l’Afrique du Sud, on est devenu un chien sans dents. On est devenu vulnérables.

Tu le lies au fait qu’on a enlevé la substance de l’indépendance ?

Toutes les libertés données à ce peuple, dont il a été privé un siècle et demi, qu’il a payé pendant les 8 années de guerres. On l’a contaminé par l’inertie et la servitude. On a perdu deux choses qui pour moi ont de grandes qualités : On a perdu la fierté, qui se nourrit de l’expérience. Souviens-toi de la réputation de l’Algérien des années 70 dans le monde. J’ai voyagé au Zimbabwe, au Mozambique dans les années 80. Me présentant comme Algérien, on embrassait presque mon passeport. Aujourd’hui, en se disant algérien, il vaut mieux être discret. On a aussi perdu la compassion, sœur de la solidarité. La solidarité chez nous était initialement le partage de la souffrance, parce que nous avions souffert, et nous avons partagé. Quand on voit que des milliers d’Algériens se noient en Méditerranée, que des centaines d’algériens s’immolent par le feu, et on ne dit rien. Pas un discours. Le départ, ce n’est pas seulement représentatif de la mal-vie, mais de l’échec du pouvoir. « Je ne reste pas dans ce pays, je ne le reconnais pas, il ne me reconnaît pas ». On revient au sentiment de fierté, « je pars d’ici en tant que citoyen » à quelque chose qui nous dépasse. On est toujours dans l’horizon bouché, c’est ce qui est effrayant.

Le régime algérien est épuisé, il ne peut plus user des vieux prétextes. Mais continue à rester au pouvoir. Ne vois-tu pas une mutation vers un régime qui continue, sans chercher l’aval de la population ?

Il ne peut pas continuer à être séparé. Il y a une rupture avec la société, mais ça ne peut pas fonctionner indéfiniment. Si on ne veut pas revivre Novembre, il faut reprendre le capital symbolique qui est à nous. Il faut reprendre le capital symbolique car c’est le seul moyen de cohésion de la société, et que les citoyens se reconnaissent à la fois dans le capital symbolique, et dans son ouverture sur la modernité, sur le développement de nos capacité intellectuelles, affectives. On a besoin de bonheur. C’est la chose la plus rare en Algérie. EXERGUE. Beaucoup d’anciens moudjahid, beaucoup de pétrole, mais très peu de bonheur. Car il y a un viol de l’histoire qui se répercute nécessairement sur le viol du présent. On viole le présent. C’est aux Algériens de reprendre Novembre. Nous, on est un peu fatigués aujourd’hui. On le voit aujourd’hui, ça bouge.

Mais on a affaire à une élite politique tellement inculte, c’est quelque chose d’incroyable. Voir des ministres, même ingénieur ou médecin de formation, incultes mais arrogants… Le pouvoir qu’ils exercent fait qu’ils n’habitent plus en Algérie. Ils sont sur le territoire, mais la tête est ailleurs. J’ai remarqué cela aux élections des maires. Un maire, dès qu’il est élu il ne regarde plus la ville. Dès le moment où il est élu, qu’il a un garde du corps, la voiture de fonction et le cabinet. A l’instant T+1 seconde, il « déménage ». C’est le syndrome. Ils cherchent le poste d’ambassadeur à Madrid, Berlin, Paris, Rome. Il n’y a pas d’Algérien dans l’état, ce sont des conquérants.

Il y a encore des ressorts dans la société ?

Oui, c’est dans la culture humaine. Je le vois à travers mes petits-enfants, ceux des amis. Ils ne se laissent pas faire. Il y a un vrai potentiel.

Ces gens qui gouvernent ne sont pas éternel. Même si les moudjahid se reproduisent…

 

 

Auteur
Mohamed Benchicou

 




Colloque Femmes en exil*

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Association culturelle berbère (ACB)

Colloque Femmes en exil*

Il aura lieu samedi 4 novembre 2017 à 14h au Pavillon Carré de Baudouin
121 Rue de Ménilmontant, 75020 Paris. Accès : Métro Gambetta (L3)
Bus lignes 96 et 26 arrêt Pyrénées-Ménilmontant

Intervenantes :

CHAHLA CHAFIQ : écrivaine et sociologue iranienne,
vivant en France, membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
MIMOUNA HADJAM : militante associative, politique et féministe,
elle dirige l’association Africa, située au cœur de la Cité des 4000 à la Courneuve.

Un colloque animé par SOAD BABA-AISSA
Note d’intention :

Ce colloque part d’un constat : la question des femmes en exil, réfugiées est très peu abordée voire inexistante. Il devient donc nécessaire de rendre les femmes migrantes visibles et de mettre en lumière les problématiques que les réfugiées rencontrent, sous l’angle sociologique et juridique. Il est une nécessité de parler de ce sujet et des violences que les femmes vivent en tant que migrantes et du fait qu’elles sont invisibles, on ne parle pas d’elles et il est urgent de les faire entendre, de leur donner de la visibilité.

Le colloque est le début d’une mobilisation pour cette cause et a pour objectif de déclencher des actions militantes dont, en premier lieu, la lutte pour la reconnaissance d’un statut des femmes migrantes (combat mené par les associations Africa 93 et Femmes solidaires).

*exil : subst. masc.
a) Tout changement de résidence, volontaire ou non,
qui provoque un sentiment ou une impression de dépaysement.
b) Éloignement affectif ou moral; séparation qui fait qu’un être
est privé de ce à quoi ou de ce à qui il est attaché.

Renseignements et réservations obligatoires
auprès de
l’Association de Culture Berbère
Tél : 01 43 58 23 25
Email : contact@acbparis.org

 

 




L’ex-directeur de campagne de Trump inculpé de complot contre les Etats-Unis

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Espionnage

L’ex-directeur de campagne de Trump inculpé de complot contre les Etats-Unis

L’ancien directeur de campagne de Donald Trump, Paul Manafort, est visé par 12 chefs d’inculpation, dont complot contre les Etats-Unis, blanchiment, fausses déclarations et non déclarations de comptes détenus à l’étranger, a annoncé le porte-parole du procureur spécial de l’enquête russe.

M. Manafort, qui s’est rendu lundi au bureau du FBI du Washington, pourrait être présenté à la justice dans la foulée, a précisé Peter Carr, le porte-parole de Robert Mueller.

Auteur
AFP

 




Ali Yahia Abdenour, Benyelles et Taleb Ibrahimi répondent à leurs détracteurs

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Polémique

Ali Yahia Abdenour, Benyelles et Taleb Ibrahimi répondent à leurs détracteurs

 Ali Yahia Abdenour, Taleb Ibrahimi et Benyelles ont rendu public le 7 octobre un appel pour faire barrage à un 5e mandat de Bouteflika. Leur appel a déclenché une véritable levée de boucliers des tenants du pouvoir mais aussi de Noureddine Boukrouh qui leur a reproché de l’avoir plagié. Dans le communiqué aujourd’hui lundi, ils se défendent de toute ambition politique, notamment eu égard à leur grand âge et répondent à leurs détracteurs. Lecture :

« Au crépuscule de leur vie, les signataires de la déclaration du 7 octobre dernier tiennent à préciser qu’en lançant leur appel, ils n’avaient aucune ambition politique ou un quelconque désir d’occuper l’espace médiatique pour faire parler d’eux.

Loin des polémiques stériles, et contrairement à ce que déclarent l’un des principaux tenants du pouvoir et certains de leurs suppôts, leur seul objectif était d’attirer l’attention de l’opinion publique sur la situation extrêmement préoccupante que traverse le pays, et de contribuer modestement au rassemblement des forces patriotiques afin d’imposer pacifiquement l’instauration d’un régime démocratique, et permettre l’avènement d’une nouvelle génération de dirigeants des femmes et des hommes, en phase avec leur siècle et en pleine possession de leurs capacités physiques et intellectuelles.

A la veille de la célébration du 1er Novembre 1954, anniversaire du déclenchement de la lutte armée contre les forces d’occupation coloniales, les signataires du présent communiqué ont une pensée émue pour les martyrs de la Révolution. Ils espèrent que les sacrifices qu’ils ont consentis pour la libération du pays n’auront pas été vains. »

Auteur
Yacine. K

 




Le 1er Novembre 1954 du point de vue du peuple

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Révolution

Le 1er Novembre 1954 du point de vue du peuple

On a dit et on continue à dire beaucoup sur cette date. Mais, il me semble que quelque chose n’a pas été exprimé, du moins pas suffisamment et clairement. J’essaierai donc d’apporter ma modeste contribution. Elle n’est pas d’un historien, ni d’un expert, mais de simple citoyen qui, dans son enfance et sa jeunesse, a vécu ce que furent les conséquences de cette date fondamentale. Tout ce que je dirai est sous réserve que mes connaissances historiques soient pertinentes et suffisantes, et ne constitue que des pistes de réflexion pour susciter des éclaircissements approfondis.

Sur le plan social, en remontant dans le passé lointain, où l’agriculture était dominante, il semble que l’Algérie, contrairement à d’autres pays (Europe et Asie), n’a pas vécu de révoltes paysannes autonomes, c’est-à-dire déclenchées spontanément par les exploités, et menées par eux de manière autogérée, soit contre l’occupant étranger, soit contre les féodaux autochtones, soit contre les deux à la fois.

Les révoltes dont nous parlent les historiens, depuis l’antiquité, auraient été toujours décidées, organisées et dirigées par des représentants de l’élite dominante. Son but était principalement celui de sauvegarder ses intérêts, contre soit un envahisseur étranger, soit un rival autochtone.

De Massinissa à l’émir Abdelkader, les résistances à l’envahisseur furent décidées, organisées et dirigées par des élites. Elles formaient, d’une manière ou d’une autre, une caste oligarchique, en ce sens qu’elle défendaient d’abord leurs intérêts de caste, qui, alors, coïncidaient plus ou moins avec celles du peuple dirigé.

Sur le plan culturel, non plus, l’Algérie (ni le Tamazgha) n’a pas eu d’intellectuels opposés clairement à une caste dominante. Augustin servit l’Église dominante, en massacrant les « hérétiques » qui la contestaient, notamment parce qu’ils en dénonçaient, déjà, la domination oligarchique et l’enrichissement qui en découlait. Ibn Khaldoun a produit une œuvre, certes, fondamentale, où se trouve, plus ou moins en filigrane, une critique des castes dominantes. Mais point de critique frontale et radicales contre elles.

L’Algérie et Tamazgha n’ont pas eu leur Diogène de Sinope (ancêtre occidentale de la conception libertaire), leur Épicure, leur Socrate, leur Mozi, leur Zhuang zi (ancêtre asiatique de la conception libertaire), leur Alhallaj (mettant en question la vision religieuse de la caste dominante musulmane), leur Giordano Bruno (mettant en question la vision religieuse de la caste dominante chrétienne), etc. Tous ces intellectuels ont, en substance, d’une manière ou d’une autre, critiqué en paroles et en actes, les castes dominantes de leur époque, en partant d’un point de vue favorable au peuple exploité, et, certains, en évoquant son action autogérée.

Cependant, historiens, romanciers, poètes et artistes algériens et de Tamazgha mettent, généralement, l’accent sur les élites résistantes (et leurs vertus), sans jamais évoquer les peuples résistants. On a l’impression qu’en Algérie et en Tamazgha, caste dominante et peuple dominé constituaient une unité solidaire, sans contradictions internes. Autrement dit que là où la caste dominante a agi, elle l’aurait fait : 1) uniquement contre un envahisseur étranger, mais jamais dans un contexte de conflits entre castes dirigeantes (ex : entre Massinissa et Jugurtha, entre l’émir Abdelkader et d’autres chefs de tribus ou régions) ; 2) uniquement en faveur du peuple, et non pas, d’abord, pour défendre ses intérêts en tant que caste dominatrice.

Ce tableau rétrospectif me semble éclairer l’histoire récente, de l’Algérie comme de Tamazgha. Limitons-nous à l’Algérie.

1926 : l’Étoile Nord-Africaine. Certes, c’est un ouvrier qui en deviendra le chef incontesté, Messali Hadj. Et ce militant avait des sympathies certaines avec le parti communiste français, d’obédience marxiste. Qu’est-ce que cela signifie ?… Que cette idéologie est, à sa manière, comme les castes précédemment mentionnées auparavant, celle d’une caste élitaire. Elle prétend savoir mieux que le peuple comment l’affranchir de sa servitude.

Notons que l’épouse de Messali, française, était la fille d’un militant anarcho-syndicaliste, autrement dit libertaire, c’est-à-dire concevant l’affranchissement du peuple exploité non par l’intermédiaire d’une « élite savante » et dirigeante, mais par ses propres forces, aidé en ce sens par des intellectuels qui se mettent à son service, et non pas mettent le peuple à leur service.

Cependant, dans le couple, l’esprit élitaire de type marxiste l’emporta sur celui libertaire. Au point tel que Messali devint le «zaïm » que l’on sait, entouré de ses « cadres bureaucratiques » : comité central, bureau politique, etc. Schéma marxiste, donc hétéro-gestionnaire. Cependant, au service d’une nation colonisée, d’un peuple colonisé. En leur sein, la distinction entre « riches » et « pauvres », patrons et salariés, demeurait secondaire. Il fallait faire « front » uni contre l’ennemi colonial. Et, logiquement, sous la direction de l’ « élite éclairée » qui était la seule à prendre les décisions.

Et, vu que le peuple algérien était, dans sa majorité de confession musulmane, l’élément religieux fut introduit comme facteur de mobilisation idéologique.

Après l’Étoile Nord-Africaine, vint le MTLD jusqu’à aboutir au F.L.N. et au 1er novembre 1954, date du déclenchement de la guerre de libération nationale.

L’esprit d’élite hétéro-gestionnaire, donc autoritaire, demeura et se renforça.

Il se manifesta d’une manière tragique, déjà, en 1949, avec ce qui fut appelé la « crise berbériste ». Des dirigeants, au nom d’une vision « arabo-islamique », ont assassiné des militants amazighes et laïcs. Certains ont et considèrent ce conflit en terme « ethnique » entre Arabophones et Amazighopones. Personnellement, si je ne suis pas dans l’erreur, j’y vois d’abord, masqué par le motif « ethnique », une cause plus importante : l’affrontement entre une conception laïque et une autre ethnico-religieuse. La première défendait des intérêts plus favorables au peuple exploité algérien, dans son ensemble, sans distinction d’expression linguistique. Au contraire, la seconde vision était plus favorable à la caste élitaire algérienne, là, aussi, sans distinction d’expression linguistique. Preuve en est que les assassinats de dirigeants amazighes n’a pas entraîné la désaffection de la majorité des militants amazighes envers la « cause nationale », celle de se libérer d’abord du colonialisme.

Ainsi, la déclaration du 1er Novembre 1954 est l’initiative d’un groupe de militants, d’abord. Mais, plus important, son action s’est opposé à la caste bureaucratique dominante dans le mouvement nationaliste, en pariant sur la mobilisation du peuple, pour la lutte armée.

Cette mobilisation n’a pas été facile. Elle fut la conséquence de deux actions complémentaires. D’une part, un travail idéologique au sein du peuple, pour obtenir son consensus. D’autre part, une certaine forme de contrainte contre non seulement les adversaires pro-colonialistes, mais également contre les récalcitrants au sein même du peuple exploité.

Ce n’est donc pas ce dernier, des villes et/ou des campagnes, qui a pris l’initiative du soulèvement contre le système colonial, mais un groupe résolu de militants nationalistes.

Approfondissons. Afin d’obtenir le consensus le plus large nécessaire, toutes les forces sociales disponibles dans la nation furent réunies en une force commune : d’où le nom de « Front ».

Alors, la partie élitaire du peuple algérien, arabophone et amazighe, augmenta son importance sociale dans le processus. Et le peuple resta et devint davantage un simple instrument d’action, le bras armé, dirigé par une élite.

C’est alors que les contradictions au sein même du mouvement de libération nationale se sont accentués. Au point d’aboutir à la tentative de solution : le congrès de la Soummam et la Charte de 1956. Les représentants authentiques du peuple exploité firent entendre leur voix. Et cela, notons-le, de manière unitaire : Arabophones et Amazighopones, avec les figures solidaires de Larbi Ben Mhidi et Abane Ramdane.

Les questions évoquées « Militaire / civil », « Intérieur / extérieur », religion / laïcité, démocratie, etc., reflétaient les contradictions, au sein du mouvement de libération anti-colonialiste, entre la dimension populaire (le peuple algérien du « bas » de l’échelle sociale, celui des travailleurs, qu’ils soient arabophones ou amazighophones) et celle de la bourgeoisie et petite-bourgeoisie.

Le résultat est connu : par la violence, notamment l’assassinat, les représentants de ces deux classes sociales ont vaincu et conquis l’hégémonie sur le mouvement de libération nationale.

Le coup de force militaire de l’été 1962, pour s’emparer du pouvoir d’État, n’en fut que la conséquence et la manifestation logique.

La question fondamentale

J’en viens à la question fondamentale que tous posent : Mais comment se fait-il que le 1er novembre 1954 a accouché d’une société si contraire à ses aspirations ?

La réponse semble facile, claire et logique : parce que le peuple n’a été qu’un instrument, dirigé par les plus sincères amis, au début, puis, par la suite, manipulé par ses faux amis.

Pourquoi ces derniers ont récupéré le mouvement en leur faveur et au détriment du peuple ?… Parce que ce dernier ne fut jamais le maître autonome de son action politique et armée 

Comment expliquer cette carence ?… Par le fait que les amis sincères du peuple, les Larbi Ben Mhidi et les Abane Ramdane, n’ont pas, malgré toute leur bonne volonté et leur amour sincère de leur peuple, n’ont donc pas trouvé la solution afin de rendre le peuple maître de son action. Certes, Ben Mhidi aurait dit : « Jetez la révolution dans la rue, le peuple s’en emparera. » Mais quand la révolution fut jetée effectivement dans la rue, notamment par les manifestations populaires spontanées et autonomes, soulignons-le, de 1960, très rapidement l’appareil bureaucratique du F.L.N. maîtrisa et contrôla le mouvement, en le mettant à son profit.

De tout ce qui vient d’être dit, on doit conclure que le peuple algérien n’a jamais, dans toute son histoire, eut l’opportunité d’agir de manière autonome, en étant dirigé par des leaders qui ont su lui assurer cette autonomie d’action. Certes, Ben Mhidi et Ramdane sont d’authentiques enfants du peuple, mais ils n’ont pas su, malgré tous leurs efforts (qui leur ont coûté la vie) lui mettre son destin dans ses mains. Évidemment, ces deux dirigeants ont été, malgré eux et malgré leur volonté, les produits de circonstances historiques précises. Celles-ci ont toujours été dominées par une élite hétéro-gestionnaire, au détriment de l’autogestion sociale par le peuple lui-même.

Et pourtant !… À l’indépendance, eut lieu le miracle !… Suite à l’abandon des entreprises et des fermes par les propriétaires colonialistes et leurs complices autochtones, et en absence d’un État nouveau (avec sa bureaucratie et ses « élites » dirigeantes), des travailleurs des viles et des campagnes ont pris leur destin en main : ils ont réussi à continuer à faire fonctionner leurs unités de production, et, deuxième miracle, de manière positive !

Les causes de ce double miracle reste, à ma connaissance, encore à expliquer suffisamment.

Le 1er Novembre 1954 c’est donc tout cela : une action généralement hétéro-gérée où le peuple fut un simple instrument de manœuvre, et une surprenante action autogérée.

Ce qui est à déplorer, c’est que les intellectuels algériens mettent, généralement, l’accent sur le premier aspect, en l’embellissant, et, par conséquent, occultent totalement le second aspect. Et, pourtant, ces intellectuels prétendent parler au bénéfice du peuple exploité. N’est-ce pas parce que ces intellectuels, malgré eux, restent prisonniers d’une mentalité hétéro-gestionnaire d’élite autoritaire ? (1)

Une objection pourrait être présentée : d’autres peuples ont vécu une guerre de libération nationale, sous une direction hétéro-gérée, mais ne se sont pas trouvés dans la situation du peuple algérien. Prenons le cas le plus exemplaire : le peuple vietnamien. Son héroïque lutte anti-colonialiste puis anti-impérialiste a été hétéro-dirigée par une élite marxiste. Et, logiquement, le résultat de la victoire fut l’instauration d’une caste élitaire dominante. À tel point que même le général Giap, ayant quitté le pouvoir, a vainement critiqué cette issue anti-populaire.

Dès lors, que dire ?… Qu’en Algérie, la caste qui a profité de la guerre de libération nationale s’est révélée encore nettement plus parasitaire que celle vietnamienne. Une des explications est que le Viet Nam connut, dans son passé, des révoltes paysannes puis ouvrières, agissant de manière libertaire. Pas l’Algérie. D’où l’arrogance de la caste dominante algérienne.

Posons ces ultimes questions à la réflexion, en étant conscient de leur aspect provocateur, mais salutaire, vue la situation de l’Algérie : le meilleur résultat du 1er Novembre 1954 est-il la libération nationale ou le surgissement de l’autogestion sociale ? Et la manière la plus fidèle de commémorer cette date est-elle de mettre l’accent sur la libération du colonialisme étranger, ou sur ce qui reste à faire : la libération du colonialisme indigène ?

K. N.

kad-n@email.com

Note

(1) Il est possible que ce constat soit modifié dans une prochaine contribution. Elle rendra compte d’un livre de David Porter qui me reste à lire : « Eyes to the South : French Anarchists and Algeria ».

 

Auteur
Kadour Naïmi

 




L’émir du Qatar accuse l’Arabie saoudite de vouloir un changement de régime à Doha

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Moyen-Orient

L’émir du Qatar accuse l’Arabie saoudite de vouloir un changement de régime à Doha

Le torchon n’a pas fini de brûler entre les pétromonarchies du Golfe. A l’occasion d’une interview télévisée accordée à la chaîne américaine CBS, l’émir du Qatar accuse l’Arabie Saoudite et ses alliés de vouloir provoquer un «changement de régime» via le blocus politique et économique de son émirat.

L’émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, accuse. «Ils veulent un changement de régime», a-t-il tempêté lors d’une interview accordée à l’émission 60 Minutes sur la chaîne américaine CBS, le 29 octobre. L’émir faisait ainsi référence à l’Arabie saoudite et à ses alliés arabes qui font pression sur le Qatar via un blocus politique et économique instauré depuis plusieurs mois. 

«L’histoire nous montre et nous apprend qu’ils ont essayé de faire cela auparavant, en 1996, quand mon père est devenu émir», a affirmé le souverain.

La crise et les sanctions perdurent pour le Qatar

La crise du Golfe dure depuis près de cinq mois. Elle a éclaté le 5 juin dernier, lorsque l’Arabie saoudite, le Bahreïn, les Emirats arabes unis et l’Egypte ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar et lui ont imposé des sanctions économiques, accusant le petit émirat de soutenir le terrorisme et d’être trop proche de l’Iran, puissance régionale chiite rivale de ces pays arabes sunnites.
Riyad et ses alliés ont fermé leurs frontières terrestres et maritimes avec le Qatar, ont suspendu les liaisons aériennes avec lui et ont expulsé les citoyens qataris se trouvant sur leurs territoires.
«Nous voulons la liberté […] cela ne leur plaît pas» «Ils n’aiment pas notre indépendance, notre manière de penser, notre vision pour la région», a déclaré l’émir du Qatar.

«Nous voulons la liberté de parole pour les habitants de la région. Et cela ne leur plaît pas. Ils pensent que c’est une menace pour eux», a ajouté le souverain.

 

Auteur
Avec AFP

 




Le Musée central de l’armée baptisé du nom de Chadli Bendjedid

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Hommage

Le Musée central de l’armée baptisé du nom de Chadli Bendjedid

Le musée central de l’armée (Alger) a été baptisé dimanche du nom du défunt moudjahid et ancien président de la République, Chadli Bendjedid, dans le cadre de la commémoration du 63e anniversaire du déclenchement de la glorieuse révolution nationale.

Coïncidant avec le 33e anniversaire de l’inauguration de Musée, la cérémonie a été présidée par le commandant de la première région militaire, le général major Habib Chentouf, en présence des membres de la famille du défunt Chadli Bendjedid, décédé le 6 octobre 2012 à Alger.

Dans une allocution, le directeur du Musée central de l’Armée, le colonel Mourad Chouchane a indiqué que baptiser du nom de Chadli Bendjedid le musée « est un grand honneur pour l’ensemble du personnel et une grande responsabilité pour continuer à oeuvrer à la promotion et à la préservation de notre patrimoine, riche en hauts faits et gloires, et à sa consécration dans la mémoire collective ».

A cette occasion, le colonel Mourad Chouchane a repris un extrait de l’allocution du défunt Bendjedid, lors de l’inauguration de ce musée, le 1e novembre 1984, dans lequel il avait dit que « le Musée central de l’Armée est la mémoire de la lutte héroïque du peuple algérien tout au long de l’histoire et les générations présentes et futures se doivent d’y tirer les enseignements de l’histoire de l’Algérie, son épopée, ses sacrifices et ses valeurs nationales ».

 

Auteur
APS

 




Chakib Khelil:  » Je suis un bâtisseur, un visionnaire et un homme du consensus »

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Pressenti pour occuper de hautes fonctions après les élections locales:

Chakib Khelil:  » Je suis un bâtisseur, un visionnaire et un homme du consensus »

Il n’y a pratiquement plus de doute quant au retour imminent de Chakib khelil aux affaires. Reste à savoir comment, dans quel poste et quand. Une chose est sûre, la campagne d’intronisation de Chakib khalil bat son plein, et la dernière sortie d’Ahmed Ouyahia dans laquelle il affirmait que le natif d’Oudjda « était victime d’une grande injustice », est tout sauf innocente. 

Il y a quelques jours, le journal El bilad avait révélé, citant des sources, que Chakib Khelil, allait occuper, juste après les élections locales du 23 novembre 2017, une importante fonction, sans en indiquer la nature.

Le journal arabophone, affirmait que Chakib Khelil, profitera d’un remaniement ministériel pour faire officiellement son « come-back».

L’article d’El Bilad a été publié sur la page Facebook de l’ancien ministre des mines qui l’a commenté ainsi : « que Dieu nous vienne en aide ».

L’article d’El Bilad a été publié sur la page Facebook de l’ancien ministre des mines qui l’a commenté ainsi : « que Dieu nous vienne en aide »

Chakib Khelil commentant l'article d'El Bilad.
Chakib Khelil approuve l’article d’EL Bilad

Autre indice qui ne trompe pas : la publication hier 29 novembre, toujours sur sa page Facebook,  d’un long texte (en deux parties), relevant les réalisations à mettre, selon lui, à son actif, une sorte de travaux d’hercule, dans lesquels il revient sur ses principales « contributions, grands chantiers et diverses réalisations nationales et internationales »!

Le texte publié sur sa page est une sorte de curriculum vitae mixé à  un programme politique qui présente Chakib Khelil comme : un homme des grandes réalisations,  de la transparence et de la droiture (?), un bâtisseur,  un visionnaire et enfin un homme du consensus!   

On peut lire notamment, qu’il est responsable de la création de la compagnie aérienne Tassili Air Line, des stations de dessalement d’eau potable en Algérie, des grands projets de gazoducs passant par l’Espagne (Medgaz), ou encore de celui reliant le Nigeria et l’Algérie sans oublier de mentionner, les postes qu’il a occupé (Présidence de l’OPEP), les différentes associations internationales qu’il a mises sur pieds et les colloques qu’il avait organisé dans le temps.

Auteur
B. Karima

 




Benamar Mediene : « Comment Novembre a été perverti »

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Entretien

Benamar Mediene : « Comment Novembre a été perverti »

On ne refait pas l’histoire. Mais tout simplement, le départ des forces de commandement de la révolution vers le Maroc et la Tunisie a provoqué une catastrophe qui retentira, car il y a un effet retard, à l’indépendance et après l’indépendance. L’État-major de Boumediene ne connaît pas l’Algérie. Il ne connaît pas la guerre de libération. Il la gère, tout en restant, eux, les gestionnaires, constamment indemnes de tout problème.

Commençons par la question-clé : une insurrection populaire peut-elle ne pas déboucher sur une société démocratique, sur un Etat légitime ?

Benamar Mediène ; Malheureusement, il n’y a pas de loi historique qui ferait qu’une insurrection populaire engendre fatalement une société démocratique. En Algérie, les conditions étaient favorables pour une démocratisation, parce que le soulèvement était général et que toutes les forces sociales y ont participé, pas en même temps, pas avec la même intensité, mais il y a eu un mouvement qui s’est radicalisé à partir de 1945. Oui, parce que l’histoire a profondément travaillé la société, malgré l’usure, culturelle, intellectuelle, sociale, de la population algérienne. Il y a eu une continuité dans la vie. Il me semble qu’on oublie trop rapidement, quand on remonte l’histoire de l’Algérie, cette effervescence, cette vie qui se menait dans les campagnes, dans les villes. Il n’y a qu’à prendre les mariages, la poésie, les chants, le théâtre, qui commence dès le début des années 20.

Prenons l’exemple de l’émir Abdelkader. Par quel miracle la résistance a-t- elle duré aussi longtemps ? Comment se fait-il que cette société qui était féodalisée par le beylik, ait pu faire front pendant 17 ans à une armée d’essence napoléonienne, adoptant des organisations et stratégies militaires modernes, appartenant aux grandes traditions guerrières. Il y a eu des dizaines de généraux, de maréchaux qui ont combattu l’émir Abdelkader.

Comment se fait-il que cette société a pu, dans ces conditions-là, faire front et tenir jusqu’à l’effondrement, qui était inéluctable, de par le rapport de force mais aussi le fractionnement du pays, l’isolement de la Kabylie puis de l’Est algérien à travers la défaite d’Ahmed Bey à Constantine. Ce fractionnement a isolé de plus en plus l’émir qui a quand même eu le mérite de tenir aussi longtemps. Ce que l’on oublie également, c’est que cette résistance perdure, en Kabylie.

Il y a donc une mémoire de la résistance qui s’établit, un récit oral, poétique, littéraire, qui continue à se transmettre jusqu’aux années 20-30, au moment où les Algériens se rangent aux formes modernes d’organisation politique, à l’exemple du Vietnam et d’autres sociétés colonisées.

On revient à cette démocratie. L’explication tient au fait que dès 1956, l’autorité de commandement de la révolution est exterritorialisée. Dès le moment où le CCE et le CNRA quittent l’Algérie, il y a une division qui va durer jusqu’à maintenant dans le processus de l’organisation politique. Alors il se crée un Etat à l’extérieur, et cet Etat est lui-même fractionné, avec une partie en Tunisie, une partie au Maroc, une partie en Libye, une partie en Egypte … Et ce monde-là va se détacher progressivement de la guerre de libération, c’est-à-dire des combattants. Boumediene, qui est étudiant dans les années 50, et qui était là-bas depuis les années 49-50, arrive dans un bateau d’armement et ne rentre plus au pays. Il s’installe au Maroc…

Donc c’est cette méconnaissance de la société qui explique la suite…

C’est la séparation avec les combattants, ceux qui luttent, qui meurent, et avec la société vivante.

La plupart des dirigeants qui ont survécu n’ont pas vécu en Algérie. Et cela va créer une espèce de monstres politiques. A Oujda et à Ghardimaou on s’organise, non pas pour l’extension de la révolution sur les plans intellectuel, culturel et politique, mais dans le but de contrôler des forces politiques et militaires. Boumediene succède à Boussouf qui a succédé à Ben Mhidi qui, lui, en revanche, n’est jamais parti, et meurt en Algérie en 57 durant la bataille d’Alger. Donc avec Boumediene, Boussouf, KrimBelkacem, etc., il va se créer à l’extérieur de l’Algérie un Etat artificiel, qui n’est pas enraciné dans les forces vives des wilayate, des gens qui combattent.

Mais cela était visible depuis les années 56-57. Comment cela a-t-il pu se faire sans réaction ?

Il y a eu des réactions ; celles de Abane, de Ben Mhidi… Il faut s’arrêter sur Abane et sur Ben Mhidi qui est pour moi le Saint-Just de la révolution par son caractère, c’est-à-dire qu’il avait une vision morale de la guerre de libération. C’était un humaniste et en même temps un grand chef politique. Abane Ramdane c’est le modèle de Robespierre, c’est-à-dire, la centralisation, l’organisation, l’ordre. Il fallait moderniser le processus de la guerre, l’approvisionnement en arme, le travail politique…

Il se crée alors un Etat hors des frontières, avec sa diplomatie, sa culture, son équipe de foot, son théâtre, mais qui se sépare progressivement de ce qui se passe en Algérie. Il y a immédiatement une puissance de contrôle sur tous les lieux où circulent les idées, où l’intelligence fonctionne….

Pourquoi ?

Parce qu’on commence à gérer la révolution. Non pas à la développer dans tous les sens, c’est-à-dire dans le travail intellectuel de la conscience politique. On isole les intellectuels, on les tue. On les méprise dans le meilleur des cas. Il y a tout un travail qui est fait où seule la gestion de la révolution est l’objectif principal, où seule compte la recomposition continuelle du rapport de force. Boussouf remplace Ben Mhidi, Boumediene remplace Boussouf. Et c’est Boumediene qui en dernière instance va organiser les états-majors. Et la chose la plus extraordinaire, c’est que l’état- major de la libération n’est pas quelque-part dans les maquis algériens, comme c’est le cas au Vietnam, alors que l’Algérie fait 2 300 000 km2.

S’il n’y avait pas eu, d’autre part, une extériorisation du commandement militaire, le changement aurait-il été autrement ?

On ne refait pas l’histoire. Mais tout simplement, le départ des forces de commandement de la révolution vers le Maroc et la Tunisie a provoqué une catastrophe qui retentira, car il y a un effet retard, à l’indépendance et après l’indépendance. L’État-major de Boumediene ne connaît pas l’Algérie. Il ne connaît pas la guerre de libération. Il la gère, tout en restant, eux, les gestionnaires, constamment indemnes de tout problème.

Mais en même temps, ils acceptaient l’existence du GPRA…

Le GPRA était sous contrôle. Il n’a jamais pu prendre d’initiatives à partir du moment où l’état-major se constitue, l’un à Oujda l’autre à Ghardimaou, avec un état-major général. Quand les négociations arrivent, Boumediene fait opposition et donne l’ordre à la délégation de ne rien signer sans l’autorisation de l’Etat- Major. Il envoie Menjeli, Kaïd…Ahmed ? Il a ses hommes qui sont dans la négociation, et rien ne se fait. Il y a une sorte de façade légale, politique, qui est le GPRA, avec un Abbas ou un Benkhedda à sa tête. Mais en vérité c’est creux. Le GPRA négocie mais l’Etat-major a le dernier mot. Le CNRA et le GPRA hors-jeu, reste l’armée des frontières. La preuve de tout cela est que la fin de la guerre n’est pas un grand moment de joie. Ce n’est pas la liesse…Ce n’est pas la victoire comme au 8 mai 45, en Europe. C’est la guerre qui continue, mais une guerre fratricide… Ils sont nombreux à vouloir épouser l’Algérie.

On serait tenté de déduire que, tout compte fait, Novembre 54 a surtout été une bataille pour le pouvoir…

En même temps, regarde comment les Six (il y a toujours un chiffre symbolique) vont créer, par leur réunion historique, ce que l’on peut appeler la scène primitive du mouvement insurrectionnel : ils se répartissent les tâches, Boudiaf est désigné comme coordinateur. Mais dès 1956, les Six vont disparaître. Eux qui sont devenus un mythe, qui ont créé une structure mythologique, vont quitter la scène : Boudiaf est en prison, Bitat est en prison, Didouche est mort…. Ceux qui ont décidé de Novembre, ceux qui sont devenus eux-mêmes un mythe, dans le récit historique algérien, vont disparaître comme vont disparaître, ceux qui vont élaborer un projet, comme Abane, sur le mode

La bataille qui va s’enclencher sur le rapport extérieur/intérieur, ce n’est pas quelque chose d’anodin, ce n’est pas accidentel, c’est une fracture terrible qui va s’opérer et qui aboutira à la liquidation de Abane qui leur demandait de rentrer. La bataille d’Alger était terminée, on avait des réseaux partout, il fallait donc rentrer. Quand Amirouche et Haouès font la même démarche d’aller les chercher, oui, de les chercher, parce qu’il le fallait (Ali Kafi n’est pas rentré, Sawt El Arab non plus, tous ceux qui sont nommés chefs de wilaya, vont pour une mission à Tunis ou au Maroc, et y restent ! Boumediene n’a jamais tenu un maquis, pas plus que Boussouf, ni les successeurs) eh bien Amirouche et Haouès tombent curieusement dans une embuscade tendue par l’armée française et trouvent la mort. Quand Lotfi, tardivement, n’en peut plus de voir ses camarades mourir, de voir les derniers combattants se faire liquider de façon terrifiante, décide de rentrer au pays, il meurt étrangement à quelques km de la frontière.

Il me semble qu’on oublie l’espérance de millions de gens. Je vais te donner l’exemple de mon père, il est édifiant. Mon père était un travailleur immigré, il a sept garçons et une fille. Il rentre en Algérie fin 62, avec ses économies. Il est fou de joie, après 15 ans d’exil, après avoir fait la 2e guerre mondiale. Il rentre à Oran avec nous. J’étais dans la fédération de France, je suis rentré à part. Et mon père, qui ne sait pas lire, qui a travaillé avec ses muscles toute sa vie achète une libraire à Oran en 63, la première librairie tenue par un algérien analphabète.

Voilà. Il était dans cette joie de rentrer, avec ses enfants, et de faire quelque chose, de tenir une grande librairie dans une grande rue, sous les arcades, mitoyenne à la maison d’Albert Camus. Et mon père, avec ses mains larges comme des pelles, venait à la librairie tous les matins. Moussa et Mohamed géraient la boutique ; c’était le moment, en 63-64, de l’autogestion. En 64, la librairie devenait le siège de la contestation. Moussa est arrêté à ce moment-là, il avait 18 ans. La libraire était véritablement un lieu d’activité politique. Le point de rencontre du PAGS…

Dans cette librairie, il y avait trois niveaux. On a eu l’idée de créer une galerie d’art pour les jeunes artistes. La première exposition de peinture a vu le jour dans la libraire. L’ambassade d’URSS nous a proposé de faire de la musique classique. On ramenait des centaines de disques de musique universelle, des 33tours qu’on vendait 2 dinars. Il y avait de la musique, de la peinture, de la littérature.

L’espérance était immense pendant l’indépendance, le pays se reconstruit. Puis, il y a eu le coup d’Etat. Il y a eu la peur. La sécurité militaire. Les partis d’oppositions pourchassés…

Comment as-tu vécu cette période en tant que jeune ?

J’étais malade. Pour l’anecdote, j’avais dîné, la veille du coup d’Etat, avec Ben Bella, à Oran. Il était très inquiet, je suis resté avec lui. Il recevait un gouverneur d’un état du Brésil et ainsi que le ministre de l’agriculture d’Irak. Il les a salués puis il est resté tout seul dans le grand salon de la préfecture. A ce moment-là, j’étais délégué régional à l’information. Je suis resté avec lui, en buvant du café. Il n’arrêtait pas de téléphoner. Je crois qu’il le savait, mais il ne savait pas que c’était pour le lendemain. Les autres avaient un coup d’avance sur lui. Et le 19 juin au matin, l’armée était partout.

C’est cette histoire vivante qui nous manque. La guerre, était dure, mais la vie n’a pas cessé pendant la guerre et durant les premiers mois de l’indépendance.

C’était une société très différenciée, carencée pauvre mais en même temps imaginative et créative. Et on a tendance à l’oublier.

Aujoud’hui, Novembre n’est plus célébré…

Il n’y a plus eu de fête, ni pour le 5 juillet ni pour le 1er novembre. Il y a eu le silence sur des noms, on ne pouvait pas prononcer le nom de tous ceux qui avaient été arrêtés, Nekkache, Ben Alla… Et cette première censure a été la plus blessante. C’est terrible d’agir sur la mémoire. D’interdire de prononcer le nom. (A suivre)

Entretien réalisé par Mohamed Benchicou

Cet entretien est paru dans le livre Novembre et la faillite démocratique, publié par les éditions Marguerite à Alger en 2015

Auteur
Mohamed Benchicou

 




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