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jeudi 3 juillet 2025
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Jean François de Garde : « Aurès, cœur rebelle : 50 ans d’amitiés inoubliables »

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Jean François de Garde

En 1966, Jean François de Garde, jeune coopérant, arrive à Batna pour enseigner au lycée Mustapha Ben Boulaïd. Dans une Algérie vibrante d’espoir post-indépendance, il découvre la jeunesse ambitieuse des Aurès, la beauté sauvage de ses paysages, des gorges de Ghoufi au Pic des Cèdres, et l’hospitalité chaleureuse des habitants.

Dans cet entretien pour Le Matin d’Algérie, l’auteur de « À la rencontre de l’Aurès : 50 ans d’amitiés (1966-2016) » évoque ces années d’engagement fraternel et les retrouvailles émouvantes de 2014, témoignant d’un lien indéfectible avec cette terre rebelle.

Le Matin d’Algérie : Quelles furent vos premières impressions en arrivant à Batna en 1966 ?

Jean François de Garde : Le 14 septembre 1966, Batna m’apparut comme une petite ville coloniale au plan en damier, semblable à Timgad, avec sa mairie, son théâtre, son lycée, ses commerces, ses cafés, son hôtel, son marché, son stade, son hôpital, ses casernes et une mosquée excentrée au quartier du Stand. Calme et sûre, elle permettait de circuler librement, du centre européen à Bouakkal. Les femmes portaient souvent la mlaya noire avec voilette, tandis que les hommes et jeunes filles s’habillaient à l’européenne, les hommes arborant parfois un chèche blanc ou une kachabia en hiver. J’ai loué une chambre simple chez Mme Hadef, rue de la Mosquée, où j’ai vu une femme en costume chaoui. Les montagnes du Belezma, dominées par le Pic des Cèdres, m’ont fasciné, et j’y suis monté en février 1967.

Le Matin d’Algérie : Comment avez-vous perçu l’état d’esprit des Algériens rencontrés à Batna ?

Jean François de Garde : Intégré à un groupe de coopérants idéalistes, comme Angel Ruiz, qui m’introduisit au Cercle des Enseignants Algériens, j’ai rencontré de jeunes enseignants et musiciens d’Es-Saada. Fiers de l’indépendance, ces Algériens portaient la responsabilité de former la nouvelle génération. Malgré des classes surchargées et des cours du soir pour se perfectionner, ils dégageaient sérénité, enthousiasme et confiance en un avenir radieux. Âgés de 20 à 25 ans, ils respiraient le bonheur, jouant de la musique lors des fêtes avec des sourires éclatants.

Le Matin d’Algérie : Quelle était votre mission exacte au lycée Mustapha Ben Boulaïd ?

Jean François de Garde : Coopérant, j’enseignais les mathématiques aux secondes, premières et terminales, d’abord comme Volontaire du Service National Actif, puis comme civil, rémunéré par le ministère français de la Coopération. Sous l’autorité du proviseur, M. Belkacem Djebaïli, j’avais pour seule mission d’enseigner au mieux, sans lien avec une autorité française. Cette coopération, voulue par de Gaulle, relevait du « soft power », mais pour nous, c’était un engagement fraternel, reflet d’un âge d’or des relations franco-algériennes.

Le Matin d’Algérie : Comment s’est déroulée votre intégration au sein du corps enseignant et des élèves ? Avez-vous rencontré des difficultés ?

Jean François de Garde : Grâce à l’accueil bienveillant du proviseur et à la camaraderie des coopérants, comme Angel Ruiz et Paul Jourdain, avec qui je préparais les élèves aux examens, mon intégration fut fluide. Mon inexpérience fut ma seule difficulté : mon premier cours, mal préparé, a poussé certains élèves à changer de section. Pour regagner leur confiance, j’ai travaillé mes cours, organisé des évaluations régulières et des séances de soutien le dimanche, montrant mon investissement pour leur réussite.

Le Matin d’Algérie : Comment vos élèves envisageaient-ils leur avenir ?

Jean François de Garde : Focalisés sur le probatoire et le baccalauréat, mes élèves ne parlaient pas de leur avenir professionnel. Plus tard, j’ai appris qu’ils étaient devenus ingénieurs, médecins, walis, artistes, chirurgiennes ou pharmaciennes. Convaincus que tous les métiers leur étaient ouverts, ils étaient motivés par l’amour de leur pays indépendant et le soutien de leurs familles. Certains représentaient seuls leur village, comme Chemora ou Oued Taga, dans cette quête de savoir pour reconstruire l’Algérie.

Le Matin d’Algérie : Quel regard portiez-vous sur la région des Aurès à l’époque ?

Jean François de Garde : Curieux, j’ai été émerveillé par les Aurès. Les gorges d’El Kantara, vues en septembre 1966, m’ont captivé. À Oued Taga et Bouahmar, j’ai découvert une maison chaouie. Le Pic des Cèdres m’a poussé à grimper dès l’hiver 1967. Les balcons de Ghoufi, avec leurs villages nichés sous les falaises, m’ont inspiré six randonnées, dont la première, en mars 1967, de Ghoufi à Inurar-Nouader, révélant la beauté sauvage de la région.

Le Matin d’Algérie : Au contact des habitants des Aurès, terre de résistance, avez-vous perçu une âme rebelle ?

Jean François de Garde : Conscient du rôle des Aurès dans l’insurrection, j’ai vu des traces de la guerre, comme la palmeraie brûlée d’El Ouldja ou les ruines de Baniane. Les Aurésiens, discrets, n’exprimaient pas ouvertement leurs souvenirs. Une nuit, à Aïn Bouzenzene, des chants révolutionnaires accompagnés de bendirs ont révélé leur mémoire vive de la lutte.

Le Matin d’Algérie : Quelles rencontres ou anecdotes vous ont marqué dans les Aurès ?

Jean François de Garde : L’hospitalité aurésienne m’a bouleversé. En avril 1967, près des gorges de Tighanimine, un paysan nous a offert un couscous simple mais généreux, près d’un lieu clé de l’indépendance. À Zaouia, dans les Nementcha, la djemaâ nous a accueillis et lavé les pieds, un geste d’une portée symbolique forte pour moi, chrétien, évoquant le lavement des pieds par Jésus.

Le Matin d’Algérie : Comment se sont passées les retrouvailles avec vos anciens élèves et amis en 2014 ?

Jean François de Garde : Le 29 mars 2014, retrouver une vingtaine d’anciens élèves au lycée Ben Boulaïd fut un moment de joie intense. Après 45 ans, la jeunesse l’emportait sur l’âge. Nous avons partagé souvenirs et rires, dans une ambiance chaleureuse et inoubliable.

Le Matin d’Algérie : Quels changements vous ont le plus frappé lors de votre retour à Batna ?

Jean François de Garde : En 2014, l’extension de Batna m’a surpris : Fesdis, jadis isolée, abritait une université. Le centre colonial semblait vieilli, parfois délaissé. Les femmes, autrefois en mlaya noire, portaient majoritairement le hijab et étaient moins visibles dans les rues.

Le Matin d’Algérie : L’amitié franco-algérienne a-t-elle évolué positivement entre 1969 et 2014 ?

Jean François de Garde : Non, l’amitié franco-algérienne a décliné. Les années 1965-1975, marquées par l’euphorie de l’indépendance et l’engagement des coopérants, furent un âge d’or, bien plus chaleureux qu’en 2014.

Le Matin d’Algérie : Comment qualifieriez-vous votre engagement en Algérie ? Était-il uniquement professionnel ou plus intime ?

Jean François de Garde : Mon engagement, loin d’être professionnel, était personnel. Ingénieur, j’ai choisi d’enseigner par désir d’ouverture et d’utilité. Cette expérience dans les Aurès a façonné ma construction personnelle.

Le Matin d’Algérie : Quel message adresseriez-vous aux jeunes Algériens d’aujourd’hui ?

Jean François de Garde : Ne connaissant que les jeunes d’hier, aujourd’hui septuagénaires, je ne saurais m’adresser aux jeunes actuels, dont j’ignore les aspirations.

Le Matin d’Algérie : Comment résumeriez-vous votre aventure en une phrase ?

Jean François de Garde : Merci aux Algériens des Aurès, qui, dans ma jeunesse, ont enrichi ma construction personnelle.

Djamal Guettala  

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Décrypter Baudelaire autrement : la lecture singulière de Catherine Delons

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Catherine Delons
Catherine Delons a publié « Baudelaire, rêver de Honfleur » aux Éditions des Falaises. ©Catherine Delons

Catherine Delons est une chercheuse et écrivaine française dont les travaux ont profondément influencé les études baudelairiennes. Spécialiste des rapports entre Charles Baudelaire et sa mère, Caroline Aupick, elle a su révéler, avec finesse, les tensions affectives et familiales ayant façonné l’univers littéraire du poète.

Membre du groupe « Baudelaire » au sein de l’École normale supérieure (ENS) et du CNRS, elle adopte une approche interdisciplinaire croisant histoire littéraire, psychologie et sociologie.

Parmi ses publications majeures, L’Idée si douce d’une mère – Charles Baudelaire et Caroline Aupick (Les Belles Lettres, 2011) propose une analyse approfondie de la relation complexe entre Baudelaire et sa mère, en soulignant comment cette dynamique familiale a influencé sa sensibilité poétique ainsi que sa perception de la maternité et de la féminité. Ce travail est salué pour sa rigueur académique et sa capacité à offrir une lecture nuancée de ce lien central dans la vie du poète.

Elle a également édité Baudelaire : Lettres à sa mère 1834-1866 (Manucius, 2017), qui rassemble et annote l’intégralité de la correspondance entre le poète et Caroline Aupick. Ce recueil offre un regard intime sur une relation marquée par l’attachement passionné, la dépendance affective et les conflits durables, tout en éclairant la part autobiographique de l’œuvre baudelairienne.

Catherine Delons s’est aussi intéressée à l’entourage de Baudelaire, comme en témoigne Narcisse Ancelle, persécuteur ou protecteur de Baudelaire (2002), une biographie du notaire et confident du poète. L’ouvrage explore la nature ambivalente du rôle joué par Ancelle, partagé entre soutien discret et surveillance contraignante, et a été distingué par le prix de la critique de l’Académie française.

Son tout récent livre, Baudelaire, rêver de Honfleur – Partir pour le bonheur (2025), se penche sur l’importance symbolique et poétique de Honfleur dans l’imaginaire de Baudelaire, perçue comme un lieu de refuge, de création et de rêverie, en rupture avec les désillusions parisiennes.

Au-delà de ces ouvrages, Catherine Delons participe également à l’édition en ligne de la correspondance de Baudelaire et prépare un ouvrage consacré à la réception des Œuvres posthumes éditées par Eugène Crépet en 1887, ce qui témoigne de son investissement dans la redécouverte et la contextualisation du corpus baudelairien.

L’impact de ses recherches est considérable : en mettant en lumière la dimension intime, affective et conflictuelle de la relation entre Baudelaire et sa mère, elle a permis une meilleure compréhension des tensions psychologiques et des influences familiales à l’origine de l’œuvre du poète. 

Elle a également contribué à une relecture plus juste et nuancée de la figure de Caroline Aupick, souvent cantonnée à une représentation simpliste, en la dévoilant comme une femme complexe, déchirée entre ses obligations maternelles et ses aspirations personnelles.

Grâce à la profondeur de ses analyses et à la cohérence de son approche, Catherine Delons s’impose aujourd’hui comme une figure incontournable des études baudelairiennes contemporaines, apportant une lecture renouvelée et humaine de l’univers baudelairien.

Dans cet entretien, elle revient sur les axes majeurs de ses recherches consacrées à Charles Baudelaire, en mettant en lumière les figures qui ont façonné son imaginaire intime et littéraire. Elle s’attarde notamment sur la relation complexe et centrale entre le poète et sa mère, Caroline Aupick, ainsi que sur le rôle ambigu joué par Narcisse Ancelle dans sa vie.

À travers l’analyse de la correspondance, des tensions familiales et des lieux symboliques comme Honfleur, elle propose une lecture renouvelée de l’œuvre baudelairienne, où biographie, affect et création se répondent. Son regard rigoureux et sensible offre une plongée nuancée dans l’univers intérieur du poète, et interroge plus largement la place de l’intime dans la critique littéraire contemporaine.

Le Matin d’Algérie : Votre travail explore en profondeur la relation entre Baudelaire et sa mère, Caroline Aupick. Qu’est-ce qui vous a conduite à centrer vos recherches sur cet aspect biographique ?

Catherine Delons : Mon premier livre, consacré à Narcisse Ancelle, qui fut le tuteur financier de Charles Baudelaire, m’avait amenée déjà à explorer ces relations mère-fils, puisqu’Ancelle fait face à la fois aux angoisses maternelles et aux exigences ou demandes du fils, et se tient souvent entre les deux, essayant d’amortir les tensions et d’aplanir les difficultés. 

Beaucoup d’écrivains, de commentateurs ont insisté uniquement sur le rôle négatif de Mme Aupick, stigmatisé son manque de compréhension, d’intelligence, d’empathie. J’ai voulu rendre à cette femme un peu de sa complexité, de son épaisseur. Il fallait rappeler une enfance difficile et une identité problématique puisque, née pendant la Révolution en Angleterre de parents émigrés, la future mère de Baudelaire s’était retrouvée à sept ans orpheline, reniée par sa famille maternelle, inconnue de sa famille paternelle (elle ne sut probablement rien de son père), élevée par charité, dans un milieu très aisé auquel elle n’appartenait pas véritablement, éduquée dans la perspective d’un mariage presque impossible, puisqu’elle n’avait pas de dot. Ces éléments éclairent un peu ses colères et son désarroi lorsque son unique enfant tournera le dos à un avenir brillant, que la carrière et les relations du général Aupick devaient favoriser, pour vivre misérablement, en déclassé. 

J’ai voulu, dans cet essai, montrer, sans prendre parti, les deux protagonistes de cet affrontement. De plus, Caroline Aupick est présente dans l’œuvre de son fils ; deux poèmes des Fleurs du Mal lui sont consacrés ; elle est la mère de l’essai en partie autobiographique Morale du joujou. Elle est nommée dans les fragments qu’on intitulera à tort Journaux intimes. Les témoignages que l’on peut recueillir de contemporains sont contradictoires : si l’ami et éditeur de Baudelaire, Auguste Poulet-Malassis la juge incapable de rien comprendre à son fils, d’autres, comme Banville, vantent sa distinction et son charme. Charles Asselineau, grand ami de Baudelaire, sera très proche d’elle à la fin de sa vie (de sa vie à elle, Mme Aupick survit à son fils).

Le Matin d’Algérie : Dans L’Idée si douce d’une mère, vous décrivez une tension entre idéalisation maternelle et rejet des valeurs bourgeoises. Pensez-vous que cette contradiction est au cœur de l’œuvre baudelairienne ?

Catherine Delons : Je crois que l’essentiel réside dans la tension non résolue entre les deux pôles spleen et idéal, entre l’emprise du Mal et toute forme de déréliction qui dégradent une âme, et les moments d’extase, de plénitude, le goût de la rigueur et de la connaissance, qui l’élèvent. L’idéalisation maternelle et le rejet des valeurs bourgeoises, du matérialisme, paraît en effet l’un des aspects de cette tension fondamentale. 

Le Matin d’Algérie : L’édition des Lettres à sa mère offre une dimension intime et parfois dérangeante du poète. Quels aspects de sa personnalité ou de sa poésie cette correspondance éclaire-t-elle le mieux selon vous ?

Catherine Delons : Bien des aspects, des thèmes de l’œuvre peuvent se superposer à la lecture de ces lettres : le poids de la culpabilité et du remords, la hantise du temps qui passe, la violence de la dépression, l’impact de souffrances morales, l’aspiration à des moments de paix, de réconfort, l’importance du souvenir. En écrivant à sa mère, Baudelaire se livre souvent à une introspection douloureuse, sans concessions, et, véritablement, met son cœur à nu. Des aspects, en effet, dérangeants, de sa personnalité, explosions de colères, expressions d’une misanthropie rageuse, se retrouvent dans les notes laissées pour un ouvrage dans lequel il aurait dévoilé toutes les composantes de sa pensée et de ses humeurs, dit ce qui ne se dit pas, et ne peut se dire, ouvrage intitulé, précisément, Mon cœur mis à nu, titre et projet trouvés chez Edgar Poe. 

Ces lettres, qui sont parfois autant de poignants examens de conscience, ont été adressées à une personne visiblement incapable de l’attention qu’elles requièrent, une personne obsédée par des questions matérielles et par sa propre honorabilité. Sachant pertinemment que sa mère ne peut le comprendre, Baudelaire ne peut renoncer à se faire comprendre.

Le Matin d’Algérie : Vous avez également consacré un ouvrage à Narcisse Ancelle. Quelle importance revêt ce personnage secondaire dans la compréhension de Baudelaire ?

Catherine Delons : Narcisse Ancelle joue un rôle non négligeable dans la vie de Baudelaire. Ce notaire de Neuilly-sur-Seine, ami de la famille Baudelaire-Aupick, sera nommé conseil judiciaire du poète, qui se ruinait, en 1844. Concrètement, Baudelaire ne peut plus gérer sa fortune, vendre un bien, par exemple. C’est une immense et durable humiliation. Chargé de gérer le reste de la petite fortune héritée de François Baudelaire (père de Charles), Ancelle fera face à d’incessantes réclamations de son « pupille », et servira d’intermédiaire entre Mme Aupick et son fils durant leurs brouilles, et lors des années que la mère du poète passera à Constantinople ou à Madrid, où son mari était ambassadeur. 

Plein de bonne volonté, amical, s’intéressant sincèrement à Baudelaire, Ancelle est au courant de toute sa vie (dira Baudelaire lui-même). Il conseille, console Mme Aupick effrayée par la vie désastreuse de son fils. Chargée par elle de le surveiller, il insupporte le poète et occasionne de violentes colères. Mais dans la vie si douloureuse du poète, il représente aussi un appui, une amitié, un dévouement que Baudelaire reconnaîtra.

Mieux connaître Narcisse Ancelle, notaire, puis maire de Neuilly durant quasiment tout le Second Empire, cela revenait aussi à mieux cerner les valeurs bourgeoises, et un état d’esprit, des mentalités incompatibles avec l’art, et une vie totalement vouée à un art, tels que Baudelaire les concevait. Même si cela nous paraît évident, il reste intéressant, instructif, de tenter de pénétrer des mentalités que nous croyons connaître, mais qui ne sont plus les nôtres, de mieux cerner une partie de l’entourage et de milieux que Baudelaire dut affronter. 

Le Matin d’Algérie : Dans votre récent ouvrage, Baudelaire, rêver de Honfleur, vous explorez l’importance de Honfleur dans l’imaginaire du poète. En quoi ce lieu représente-t-il pour Baudelaire une échappée ou un idéal, à la fois géographique et intérieur ?

Catherine Delons : Après la mort du général Aupick, survenue en avril 1857, Honfleur cesse d’être une destination interdite (puisque, à partir de 1845, le général avait refusé tout contact avec son beau-fils). Les relations mère-fils, très conflictuelles, s’améliorent. Mère et fils envisagent même une vie en commun, à Honfleur, qui devient l’unique résidence de Mme Aupick.

En proie à de multiples difficultés matérielles, las de Paris, des persécutions de créanciers, aspirant, aussi, à la sécurité affective d’un foyer (dont il n’avait plus bénéficié depuis son enfance), Charles Baudelaire, avant même de connaître les lieux, projette sur Honfleur un espoir de bonheur, d’apaisement des tensions. 

Il pense que, délivré des habituels tracas matériels (il lui arrive souvent de passer d’un logis à l’autre, et même de n’avoir plus de quoi se nourrir et se chauffer), loin de toute préoccupation et de toute distraction aussi, il pourra travailler dans de bonnes conditions, lire à satiété, « refaire son esprit ». Lorsqu’il voit la maison maternelle, cette petite maison perchée sur le Côte de Grâce, avec son étonnant jardin en pente, et une vue magnifique sur l’estuaire de la Seine, il est conquis. Il découvre là un décor qui plaît à son imagination.

Cette « maison-joujou », comme il la nomme, semble la sœur d’une autre petite maison, dans le Neuilly de 1827 (il avait alors six ans), où il avait vécu, seul avec sa mère, après la mort de François Baudelaire, son père ; à ce moment-là, sa mère, lui écrira-t-il, avait été toute à lui, rien qu’à lui ; il avait eu donc l’impression de vivre un amour fusionnel dont il conservait une forte nostalgie. 

Le Matin d’Algérie : Quels obstacles, intimes ou concrets, ont retenu Baudelaire de faire de Honfleur ce refuge rêvé qu’il semblait tant désirer ?

Catherine Delons : Que Baudelaire ait passionnément aimé sa mère ne fait pas de doute ; qu’une vie en commun lui parût rapidement insupportable, est également indubitable. Arrivé à Honfleur, au début de1859, il est d’abord très satisfait : « la muse de la mer » lui convient, dit-il. De fait, il connaîtra à Honfleur sa dernière grande période créatrice. Très vite cependant, Paris, ses amis lui manquent. Des tensions surgissent entre la mère et le fils. Reste que, de retour, il ne cessera d’affirmer le désir, le besoin de retourner à Honfleur, de s’y installer complètement.  Honfleur devient un mirage. Il entretient l’espoir compensateur d’un bonheur toujours remis au lendemain, en fait irréalisable. Il y a en lui bien des contradictions qui contribuent à la richesse de cette œuvre si intense. Sa biographie reflète ces tensions, ces contradictions profondes. 

Au lieu de s’installer à Honfleur, Baudelaire, en avril1864, part pour Bruxelles. Malade, affaibli, il s’obstine à y rester pour préparer un livre sur la Belgique, espérant trouver un éditeur pour l’ensemble de son œuvre avant de rentrer à Paris. Jusqu’à la fin, il projette sur Honfleur un désir de repos, de bonheur ; n’a-t-il pas noté, trois semaines avant de perdre l’usage de la parole (et de l’écriture, et de la lecture), que son installation à Honfleur avait toujours été « le plus cher de ses rêves » ? Mais, tant à Bruxelles qu’à Paris, les médecins remarqueront que le malade ne s’emporte qu’en présence de sa mère, et conseilleront à Mme Aupick de s’éloigner de son fils.

Le Matin d’Algérie : Avec le recul sur votre parcours, quel regard portez-vous sur l’évolution des études baudelairiennes, et quelle place y occupe aujourd’hui la dimension biographique ? 

Catherine Delons : Les études baudelairiennes reposent sur un socle biographique et documentaire : l’ouvrage d’Eugène Crépet, Charles Baudelaire, Œuvres posthumes et correspondances inédites précédées une étude biographique, ouvrage publié vingt ans après la mort de Baudelaire, en 1887. C’est le noyau, considérablement et inlassablement élargi, précisé, augmenté, par ses successeurs, en premier lieu par son fils, Jacques Crépet, qui a réalisé une œuvre colossale en éditant, durant la première moitié du XXe siècle, toute l’œuvre de Baudelaire, traductions de Poe incluses, ainsi que sa correspondance. 

Claude Pichois a pris la relève, et ses éditions de l’œuvre et de la correspondance ont dominé l’espace baudelairien entre les années 1970 et 2024. Il est aussi l’auteur de la biographie de référence de Baudelaire et d’innombrables études. Ces trois noms sont les phares de l’histoire et de la critique baudelairienne, par ailleurs extrêmement riche et diverse.

D’un point de vue biographique, les chercheurs continueront sans nul doute d’apporter des pierres à l’édifice, creusant des aspects spécifiques. Le public est parfois surpris qu’après tant d’années et de travaux « il y ait encore quelque chose à trouver », mais les fonds d’archives, publics ou privés, ne sont certainement pas tous explorés, de même que la presse ancienne. 

L’accent sera mis surtout, je crois, sur la réception de l’œuvre ; les ouvrages fondamentaux du professeur André Guyaux, dans sa belle collection « Mémoire de la critique » (Sorbonne Université Presses), de même que ses propres éditions de Baudelaire, montrent la voie. 

Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?

Catherine Delons : Je viens de publier un ensemble documentaire sur Baudelaire à partir de la fin de mars 1866, c’est-à-dire à partir du moment où, aphasique, hémiplégique, il est à peu près privé de tout moyen d’expression, jusqu’à la fin de 1872 : Baudelaire. L’entrée dans la postérité. Ces témoignages éclairent donc les derniers mois de vie du poète, les réactions à sa mort, à la publication de ses œuvres dites complètes, comme aux premiers ouvrages ou études qui lui furent consacrés. Sinon, je compte poursuivre mes efforts dans les deux directions que j’ai suivies jusqu’à présent : essais et éditions documentaires. 

Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?

Catherine Delons : Baudelaire, qui a revendiqué le droit à la contradiction, a laissé une œuvre dense, complexe, qu’il faut considérer dans sa totalité, en évitant de s’arrêter sur tel aspect qu’une autre partie de son œuvre démentirait. La tentation peut être forte de projeter sur lui ses propres aspirations ou idées en se fondant sur des membres isolés de son œuvre, et en les surinterprétant. 

De son temps comme du nôtre, il a toujours été aisé d’insister de façon réductrice sur, par exemple un poème mal lu, comme Une charogne, ou des détails biographiques absurdement exploités comme le trop fameux « crénom », ou encore des aspects de sa légende qui a vraiment la vie dure. Baudelaire, à la fin du poème Le Voyage, c’est-à-dire à la fin de la deuxième édition des Fleurs du Mal, ne conclut pas ; arrivé au terme de son parcours, prêt à plonger dans l’inconnu et les ténèbres, le voyageur est impatient de trouver du nouveau, quel qu’il soit. L’accent est mis sur un désir de poursuite de l’effort spirituel, du travail de la pensée qui ne peut se figer dans quelque certitude.  

Entretien réalisé par Brahim Saci

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Le gel des biens mal acquis algériens en France, ne rêvons pas !

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France Algérie

L’affaire qui vient d’éclater concerne une rétorsion que préparerait la France consistant à geler des biens détenus en France par des dirigeants algériens provenant d’une origine douteuse à l’égal de ce qui avait été décidé pour les oligarques russes.

Ne rêvons pas, calmons-nous, cet espoir qui est le nôtre depuis si longtemps n’est pas prêt de se réaliser. Pourtant, jamais je n’espérerais autant que je me trompe par l’affirmation de mon doute.

À l’évidence, la première explication de mes réserves est la barrière qui s’élève toujours en de pareils cas pour les régimes démocratiques, celle de l’état de droit. C’est en même temps une force qui maintient la grandeur d’un pays mais elle est en permanence confrontée à ses exigences.

Le droit français, quels que soient les doutes et les accusations de sa variabilité en fonction des intérêts nationaux, reste tout de même une réalité. Un état de droit, malgré ses détournements hypocrites bride les initiatives de prise de décisions de cette nature.

Je laisse le lecteur aux excellentes explications très détaillées publiées dans ce journal à propos de cette affaire. Je me positionne uniquement dans l’exposé des volontés et des moyens pour geler les biens de ces corrompus de haut vol.

Deux pistes à explorer sont évidentes, elles balisent le long chemin de la difficulté.  La première est que la France n’avait pas besoin de la lourde artillerie juridique pour saisir, geler et éventuellement confisquer les biens mal acquis des  dirigeants algériens.

La fuite publiée nous dit que l’estimation des cas de biens mal acquis concernerait 801 responsables algériens. Vous rendez-vous compte, 801, c’est-à-dire à la personne près, une précision étonnante. Cette estimation sur le coup de la colère et de la menace est absolument impossible si le décompte n’avait pas été fait de longue date par les services fiscaux et le ministre de l’Intérieur en considération des hautes responsabilités de ces escrocs algériens.

La première question que nous avait posée le notaire lors de notre achat immobilier est l’origine des fonds. Il est impossible à n’importe quel salarié de les attester sans la preuve d’un crédit bancaire, difficilement acquis et au prix d’une très longue période de remboursement vu les prix énormes de l’immobilier. Il en serait de même pour une provenance d’un héritage ou d’un don qui ne peuvent être exempts de déclarations fiscales et de paiement des impôts prévus par les lois françaises.

Puis ensuite, ces biens suspectés des Algériens visés sont souvent si ostentatoires qu’ils ne peuvent échapper à la vigilance des services fiscaux ou de sécurité. Un enseignant qui aurait subitement une propriété de plusieurs millions d’euros et un train de vie hors des possibilités de ce qui est déclaré peut difficilement éviter les radars.

Rappelons ce que les Algériens oublient bien souvent est que les généraux, pour prendre le cas le plus significatif, sont des fonctionnaires dont le traitement est consultable dans la grille nationale du statut de la fonction publique.

Et n’oublions pas également de reporter la valeur de ces biens au taux de change qui les rendraient équivalents à ceux des princes des mille et une nuits. Ces fortunes sont donc pour beaucoup résidentes en France de longue date, il serait difficile que les contrôles ne soient pas encore été faits pour des dignitaires étrangers  au pouvoir politique ou économique si grands.

81 dignitaires corrompus et affairistes véreux ne peuvent pas sortir du chapeau comme du bouquet de fleurs d’un illusionniste. Les lois fiscales sont pléthoriques pour éviter de prendre pour excuse la difficulté de les débusquer.

Le dispositif juridique possible présenté par la presse est tout simplement abracadabrantesque (vous connaissez l’origine de ce mot) puisqu’il s’agirait d’une loi concernant des personnes missionnées par un gouvernement étranger pour des actes attentatoires aux intérêts et à la sécurité de la nation.

Et puis quoi encore ! Avez-vous connus des terroristes ou des espions commandités par un état étranger se découvrir avec autant de gyrophares ? C’est stupide de le laisser croire.

Il faut donc se diriger vers la seconde explication, le silence coupable des services fiscaux et de sécurité au nom des intérêts économiques ou des alliances politiques stratégiques. Bien entendu qu’on n’avait pas attendu mon article pour savoir ce qu’il en est depuis l’indépendance.

Pas besoin d’être dans le secret des dieux pour savoir ce que tout Algérien sait depuis si longtemps. Ils n’ont besoin ni de services fiscaux ni d’enquêteurs pour repérer les biens mal acquis de ces voleurs à grande échelle.

N’importe quel lycéen sachant lire et écrire peut consulter le prix des plus luxueuses propriétés en Algérie, particulièrement celles de nos bien aimés généraux, des hauts fonctionnaires et des milliers d’hommes d’affaires qui ne peuvent faire fortune sans eux et en partage avec eux. Ne parlons pas des voitures au prix de cinq ans de salaire et des bijoux et voyages de la famille.

La France ne veut pas rompre le lien avec un pays pétrolier et gazier aussi proche et aussi historique. Depuis l’indépendance il y a eu plus de fâcheries et de menaces de rupture entre eux que ceux d’un couple qui  n’a pas l’intention d’en arriver à une rupture définitive.

Il est évident que cette menace de publication d’une liste n’est qu’un moyen de montrer ses muscles et d’avertir l’Algérie qu’elle ne pourra aller plus loin sans se prendre sur la tête l’arme dissuasive qui touche aux porte-monnaies privés.

Cette arme serait l’écroulement pour les lauréats de la liste de toute une vie de besogne pour terroriser et piller un peuple qu’ils ont mis à genoux ou réduit à des illuminés qu’ils font danser comme des marionnettes. C’est la pire des choses qui puisse leur arriver.

Cette arme lourde de dissuasion, un coup de massue pour les généraux algériens, ne pourra jamais être utilisée, surtout dans un moment où la France a besoin des approvisionnements de pétrole et de gaz après les boycotts des matières premières russes.

Non, il ne faut pas rêver, la seule arme lourde efficace pour mettre fin aux ripoux en col blanc est de la seule décision des Algériens.

Mais lorsqu’ils se révoltent, c’est pour danser et youyouter dans les rues pendant deux ans. Puis de s’en retourner au bercail, qui en continuant son bisness, qui pour sa candidature à la députation, qui pour son voyage dans le pays des impies et des ennemis qu’ils qualifient ainsi du matin jusqu’au soir.

Un nationalisme aveugle aussi stupide et hypocrite est le grand allié de ces 81 de la liste et de ces vingt classés en première ligne. Moi j’attends avec curiosité et impatience qu’on retrouve le 802e dans cette liste d’investigation si précise. Puis le 882,5 ème, très important, la virgule !

Mais peut-être que je serai l’homme le plus heureux de la terre en me trompant. Ce serait la première fois qu’un enseignant donne vertu et espoir à une erreur.

Boumediene Sid Lakhdar

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Crise franco-algérienne : quand l’État algérien mobilise le peuple pour défendre des fortunes douteuses

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Macron Tebboune
Tebboune -Macron, la rupture à venir ?

Face aux soupçons de corruption visant certains de ses dignitaires, le pouvoir algérien répond par une dépêche officielle au ton virulent… au risque de confondre les intérêts du peuple avec ceux de ses élites.

Par une dépêche au ton particulièrement offensif publiée par l’APS, l’Algérie a réagi, ce jeudi, à des informations rapportées par L’Express concernant une mesure française en préparation : le gel des avoirs en France de responsables algériens en exercice, dans un contexte de tension sur les expulsions de ressortants en situation irrégulière.

Mais plutôt que de répondre point par point ou sur le terrain juridique, les autorités algériennes ont choisi de s’emporter contre les « officines françaises », accusées de gérer les relations bilatérales par des « fuites malhabiles ». Une posture d’indignation qui soulève plusieurs contradictions, voire un profond malaise. En effet, les potentiels biens mal acquis devraient etre dénoncés par ces memes autorités et non pas défendre leurs auteurs en convoquant le peuple.

Une rhétorique guerrière et un étrange glissement

Là où l’on pouvait attendre une réponse diplomatique ou juridique, c’est un texte aux accents martiaux que l’agence officielle a relayé, dénonçant une France « amatrice », « fantasmant une Algérie irréelle », et allant jusqu’à défier Paris de « passer à l’acte ».

Plus surprenant encore, la dépêche ne se contente pas de défendre la souveraineté nationale : elle semble enrôler le peuple algérien tout entier dans la défense de responsables accusés — ou à tout le moins soupçonnés — d’avoir acquis, par des voies opaques et difficilement traçables, des biens en France. Un glissement troublant, à l’heure où la population algérienne subit au quotidien les conséquences très concrètes d’une corruption endémique.

L’Algérie réelle… ou celle des élites protégées ?

La dépêche invoque « l’Algérie réelle », celle qui aurait saisi la justice française à travers 51 commissions rogatoires restées sans réponse, ou encore réclamé l’extradition d’individus poursuivis pour détournement de fonds publics. Ce rappel, présenté comme un gage de cohérence, mérite d’être précisé.

Car ces démarches d’entraide judiciaire visaient essentiellement d’anciens responsables politiques et économiques issus des gouvernements successifs du défunt président Abdelaziz Bouteflika. Elles s’inscrivent dans ce que les autorités ont présenté, à partir de 2019, comme des campagnes de « reddition de comptes » visant les figures emblématiques de l’ancien régime, sans que cela n’ouvre nécessairement la voie à un assainissement global du système.

En dénonçant une mesure française qui, dans les faits, rejoint ses propres objectifs passés — la récupération d’avoirs indûment acquis — l’État algérien donne l’image d’un discours à deux vitesses.

Le peuple, instrumentalisé malgré lui

En cherchant à amalgamer les intérêts du peuple et ceux d’une nomenklatura politico-financière, l’État algérien prend le risque d’aliéner davantage encore une opinion publique déjà méfiante. Ce peuple, au nom duquel on parle, est le premier à exiger que la lumière soit faite sur l’origine des fortunes accumulées par certains dignitaires.

Alors que les Algériens affrontent au quotidien les conséquences de décennies de mal-gouvernance, peut-on vraiment invoquer la fierté nationale pour protéger ceux qui, précisément, ont contribué à affaiblir l’État ?

Une occasion manquée

Ce nouvel épisode des relations houleuses entre Paris et Alger aurait pu être l’occasion de réaffirmer une volonté commune de transparence, de justice et de coopération judiciaire. Mais à trop vouloir défendre l’indéfendable, le pouvoir algérien donne l’image d’un système en quête de protection plutôt que d’assainissement.

Il ne s’agit pas ici de nier les arrière-pensées politiques côté français — bien réelles — mais de rappeler une évidence : le combat contre la corruption exige cohérence, rigueur et exemplarité. Or, en mobilisant une agence publique pour défendre des fortunes suspectes, l’État algérien semble s’éloigner de l’un comme de l’autre. 

Samia Naït Iqbal

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Algérie Poste recrute pour 498 postes : plus de 182.000 candidats retenus pour l’épreuve écrite

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Algérie Poste.

Algérie Poste (AP) a annoncé jeudi, dans un communiqué, que plus de 182 000 candidats ont été retenus pour passer l’épreuve écrite numérique, prévue samedi, dans le cadre de son plan de recrutement visant à pourvoir 498 postes à travers le territoire national.

Il n’y a pas meilleur indicateur grave du chômage qui ronge l’Algérie. Pour moins de 500 postes, il y a eu 182000 candidatures ! Invraisemblable !

« Dans le cadre de sa politique de renforcement des effectifs, Algérie Poste a lancé son vaste plan de recrutement fin janvier 2025 pour pourvoir 498 postes à travers le territoire national », précise la même source, ajoutant que cette « campagne de grande envergure a attiré 259 384 postulants via la plateforme digitale dédiée careers.poste.dz ».

Selon AP « à l’issue d’un processus de sélection rigoureux, respectant les critères d’éligibilité, 182014 candidats ont été retenus pour passer l’épreuve écrite numérique prévue le 31 mai 2025, répartis sur 809 centres d’examen à travers le pays ».

Toutefois, Algérie Poste invite les candidats n’ayant pas encore reçu leur convocation par e-mail, à la télécharger directement depuis la plateforme officielle, soulignant « l’impératif de se munir de cette convocation le jour de l’examen et de vérifier attentivement le lieu et l’horaire indiqués ».

L’entreprise postale rappelle que les profils ciblés par cette campagne de recrutement concernent « 413 chargés de la clientèle, 3 opérateurs postaux, 30 facteurs, 37 chauffeurs poids-lourds et 15 chauffeurs de direction ».

Ce recrutement s’inscrit « dans une dynamique d’amélioration continue des prestations visant à optimiser la gestion des structures postales et renforcer la proximité avec les citoyens », ajoute Algérie Poste, « réaffirmant son engagement en faveur de la transparence, de l’équité et de l’égalité des chances pour tous les candidats ».

APS

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En réponse à L’Express : « L’Algérie leur dit : chiche, passez à l’acte ! »

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L'Algérie
Les agences officiels répondent aux infos de L'Express

C’est le média public APS qui s’est chargée de répondre aux informations révélées par L’Express. Relayée par d’autres médias publics, l’APS s’est gardée de citer des sources, se contentant de commenter l’article de l’hebdomadaire français.

« Sans donner le moindre signe de ressaisissement qui est pourtant de mise, les officines françaises poursuivent la gestion des relations algéro-françaises par des fuites organisées de manière bien malhabile.

Hier, c’était au tour de L’Express de faire état d’une décision française qui serait en préparation visant à « geler les avoirs d’officiels algériens en réponse aux refus d’Alger de reprendre ses ressortissants frappés de l’obligation de quitter le territoire français ». Il est aussi question, selon cette fuite, de « geler le patrimoine d’officiels algériens en France par une interdiction d’accès à leurs propriétés ou à d’autres biens ».

La gestion par la France de sa relation avec l’Algérie n’est jamais descendue aussi bas. Elle n’a jamais tutoyé autant d’amateurisme. Elle n’a jamais atteint ces sommets dans le manque de sérieux. Encore une fois, tout cela porte la marque distinctive de responsables français qui n’ont que l’Algérie pour viatique politique.

En cette affaire, l’Algérie, son peuple, son Gouvernement et toutes ses institutions confondues leur disent chiche. Passez à l’acte !

Les auteurs véritables de ces menaces, qui ne peuvent provoquer de la part de l’Algérie que du mépris et de l’indifférence, devraient savoir à quoi s’en tenir en l’espèce. Ils ne s’adressent pas à l’Algérie réelle, mais à une Algérie fantasmée. Cette Algérie qu’ils n’arrivent à décrire que par des vocables tels que « régime », « pouvoir », « dignitaires » ou « nomenklatura ».

Cette Algérie-là n’existe que dans leurs délires et leur déraison. 

L’Algérie réelle, et non pas l’Algérie qui alimente leurs fantasmes, est tout autre. L’Algérie réelle est celle qui a sollicité l’entraide judiciaire de la France dans le cadre de biens mal acquis, sans l’obtenir.

C’est celle qui a saisi la justice française de cinquante-et-une commission rogatoire, sans obtenir une seule réponse. C’est celle qui a sollicité l’extradition d’individus convaincus de vols, de dilapidations et de détournements de fonds publics, ainsi que de corruption, sans obtenir satisfaction.

Par de tels manquements, les autorités françaises concernées se désignent elles-mêmes comme complices de toutes ces pratiques et comportements hors la loi. S’il s’agit de nettoyer les écuries d’Augias que la France commence par celles-ci. Elle y gagnerait en crédibilité et en sérieux. Car, pour l’heure, c’est ce dont elle a le plus besoin.

Avec APS

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Traduire l’Algérie : entre mémoire, fidélité et engagement

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Missouri Abbes 

C’est à l’occasion du séminaire qui s’est tenu à Marseille autour de la thématique « Les défis de la traduction de l’histoire : entre fidélité au texte et réinterprétation du passé, et les enjeux de la traduction durant la période coloniale » que nous avons eu l’honneur de rencontrer M. Missouri Abbés, professeur à l’université Djilali Liabès de Sidi Bel Abbès.

Spécialiste passionné de langue et d’histoire, il s’est distingué récemment par la traduction de l’ouvrage du Pr Djilali Abdelkader Chekroun, L’Histoire de l’Algérie, un texte dense, engagé, et profondément ancré dans la mémoire collective du pays. Dans cet entretien accordé au Matin d’Algérie, il revient avec sincérité et acuité sur les enjeux d’un tel travail : comment concilier fidélité au texte source et clarté pour le lecteur contemporain ? Quelle posture adopter face aux passages sensibles de l’histoire nationale ? Et en quoi la traduction, au-delà des mots, peut-elle devenir un véritable acte de transmission, de compréhension, et parfois même, de réparation ?

Le Matin d’Algérie : Qu’est-ce qui vous a motivé à entreprendre la traduction de cet ouvrage du Pr. Djilali Abdelkader Chekroun ?

Missouri Abbes : D’abord parce qu’il s’agit d’un ouvrage qui a trait à l’histoire de mon pays. En plus, il y avait toujours une complicité entre M. Chekroun et moi-même, et, à mon sens, ce sont des raisons qui m’ont motivé pour me lancer dans ce travail de traduction. Je suis aussi fasciné par l’histoire en général, et celle de mon pays en particulier.

Le Matin d’Algérie : Quels ont été les principaux défis rencontrés lors de la traduction de ce livre, compte tenu de la densité historique du contenu ?

Missouri Abbes : C’est surtout l’enchaînement des événements historiques qui m’a poussé à rester accroché à ce travail. Certes, il m’a pris un temps considérable, mais cela n’a pas de prix devant la sainteté de la tâche. À travers la lecture et la relecture de l’ouvrage, j’avoue que j’ai appris beaucoup de choses.

Le Matin d’Algérie : Comment avez-vous abordé la question de la fidélité au texte original tout en le rendant accessible à un public francophone contemporain ?

Missouri Abbes : En vérité, oser affirmer être resté fidèle au texte source ne peut être vrai. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il y avait des passages où je devais emprunter un autre chemin (après approbation de l’auteur, bien sûr) pour que les idées soient plus claires et plus concises. Quant au public, cela va de soi, car tout lecteur pourrait avoir une autre interprétation, notamment à l’égard des événements que l’histoire a toujours retenus.

Le Matin d’Algérie : Avez-vous privilégié une démarche littérale ou interprétative pour certains passages sensibles de l’histoire ?

Missouri Abbes : Plutôt une démarche interprétative en ce qui concerne ces passages sensibles, tout simplement parce que, tout au long du travail de la traduction, je me suis senti partie intégrante de l’histoire. En d’autres termes, et humblement, je me voyais dans cette histoire d’Algérie du fait que beaucoup de membres de ma famille soient des martyrs.

Le Matin d’Algérie : Le livre ouvre de nombreuses périodes historiques. Comment avez-vous géré la diversité des terminologies et des concepts historiques dans votre travail de traduction ?

Missouri Abbes : Sans peine, car il faut d’abord avoir une richesse linguistique en ce qui concerne la langue de départ (source) pour pouvoir maîtriser son sujet d’une manière efficace.

Le Matin d’Algérie : Quelle partie ou période de l’ouvrage vous a semblé la plus complexe à traduire, et pourquoi ?

Missouri Abbes : Difficile à traduire ? Non, je ne crois pas que c’était le cas. Cependant, ce sont surtout ces périodes qui m’ont marqué, plutôt m’ont bouleversé de par leur richesse en enseignements. Tout au long de la pratique de la traduction, j’avais comme l’impression de vouloir vivre des événements en dépit de leur caractère dur et marquant. L’histoire de l’Algérie demeure un mythe où des hommes ont marqué les temps de par leurs positions et sacrifices.

Le Matin d’Algérie : Selon vous, en quoi la traduction peut-elle être considérée comme une « fenêtre sur les cultures », thème de ce salon ?

Missouri Abbes : C’est surtout permettre à l’Autre de découvrir une histoire par le biais de la langue, car on apprend une langue pour pouvoir accéder à la culture de l’Autre et pouvoir traduire pour permettre à l’Autre de découvrir les vérités.

Le Matin d’Algérie : Comment la traduction peut-elle contribuer à une meilleure compréhension de l’histoire entre différentes communautés linguistiques ?

Missouri Abbes : C’est surtout une question d’implication. En faisant ce travail de traduction, non seulement on s’implique davantage, mais surtout on implique les autres. Les idées, les concepts et les dates permettent au lecteur de se ressaisir, de se remettre en cause, car, il faut l’avouer, avant toute lecture, les gens se faisaient des idées et portaient des jugements hâtifs, mais une fois qu’on se lance dans la lecture, beaucoup de choses changent.

Le Matin d’Algérie : Pensez-vous que traduire un texte historique implique une forme de responsabilité particulière par rapport aux faits et à la mémoire collective ?

Missouri Abbes : Absolument, c’est d’abord un engagement personnel et une responsabilité particulière, car, à ce moment-là où la fidélité au texte source interviendra. Le traducteur n’a pas le droit d’apporter des changements ou d’émettre un avis. Son rôle se limite à transposer les idées d’une langue à une autre tout en maintenant le contenu à sa forme initiale.

Le Matin d’Algérie : Comment percevez-vous l’évolution de la traduction historique à l’ère du numérique et avec l’émergence de l’intelligence artificielle ?

Missouri Abbes : L’IA est une mode innovatrice qui a tendance à disparaître un jour. Tout le monde s’est mis à cette mode. En ce qui me concerne, je conçois la chose différemment. Je garde mes anciennes pratiques. Toutefois, j’avoue que pour certaines pratiques, l’IA a beaucoup aidé les gens. Quant à la traduction, le concept est totalement autre. Entre une traduction faite à l’ancienne et celle où on introduit l’IA, la différence est de taille. J’aimerais toujours rappeler que c’est l’homme qui a créé l’IA, alors depuis quand une application pourrait détrôner l’intelligence humaine ?

Le Matin d’Algérie : Quels conseils donnez-vous à de jeunes traducteurs qui souhaitent se spécialiser dans la traduction des textes historiques ?

Missouri Abbes : À vrai dire, la traduction est à la fois un art et une passion. Traduire des textes historiques nécessite doigté, exemplarité, fidélité et surtout abnégation. Il faut surtout aimer ce que l’on fait. Faites-en sorte de maintenir une cadence ascendante où l’on apprend au fur et à mesure.

Le Matin d’Algérie : Que retenez-vous de votre participation à ce salon culturel à Marseille ?

Missouri Abbes : Sur le plan humain, c’était une expérience assez riche où j’ai pu croiser de bonnes gens de la trempe de M. Sellam, M. Hood, Mme Kasdi et vous-même. Aussi, j’ai pu découvrir l’engouement qu’ont les gens pour les traversées historiques. Ce salon m’a permis aussi de m’exprimer sur ce que j’aime (la traduction) mais aussi sur ce que je ne partage avec les autres, avec respect et humilité.

Le Matin d’Algérie : Quels échanges ou interventions vous ont particulièrement marqué lors des conférences et des tables rondes ?

Missouri Abbes : C’est surtout la manière avec laquelle M. Sellam a fait défiler les événements. J’ai été grandement impressionné par cette personne à qui je voue respect et grande considération. D’autre part, l’intérêt que le public a eu pour les thèmes évoqués m’a aussi fait un grand plaisir.

Le Matin d’Algérie : En quoi ces rencontres internationales enrichissent-elles votre travail de traducteur et de chercheur ?

Missouri Abbes : C’est surtout les divergences qu’on pourrait avoir sur certains points. En tant que traducteur/chercheur, ces rencontres m’ont permis d’avoir une autre vision sur la manière avec laquelle il est si important de savoir manipuler les textes historiques, notamment ceux qui présentent des amalgames et autres disparités.

Le Matin d’Algérie : Quels sont, selon vous, les prochains défis que devront relever les traducteurs dans le contexte méditerranéen ou maghrébin ?

Missouri Abbes : Afin d’encourager la découverte de l’Autre et surtout de s’aligner sur le concept du vivre ensemble, les traducteurs sont appelés à échanger les expériences et à se découvrir mutuellement à travers leurs productions.

Entretien réalisé par Djamal Guettala 

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Kamel Louafi, l’Algérien qui a dessiné les jardins du monde

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Jardin de Babylon - Kamel Louafi
Jardin de Babylon - Par Kamel Louafi

À l’occasion du jubilé des 25 ans de l’Exposition universelle de Hanovre, l’Allemagne rend hommage à l’un de ses créateurs majeurs : l’Algérien Kamel Louafi. Concepteur de plus de 600 000 m2 de jardins et d’espaces publics en 2000, le paysagiste célèbre l’art du jardin comme un pont entre Orient et Occident.

Vingt-cinq ans après l’Expo 2000 de Hanovre, la mémoire de cet événement majeur de l’urbanisme et de l’architecture paysagère continue de fleurir. Parmi les signatures qui ont marqué cette exposition, celle du paysagiste algérien Kamel Louafi occupe une place à part.

Né en Algérie et installé à Berlin depuis de nombreuses années, Louafi avait remporté en 1995 le concours international pour concevoir l’ensemble des jardins et places de l’exposition. En 2000, ce sont plus de 600 000 m² de surfaces végétales, minérales et symboliques qui avaient vu le jour sous sa direction.

Pour célébrer ce jubilé de l’EXPO 2000, une série d’événements est organisée à Hanovre tout au long de l’été 2025, entre autres.

Au programme :

– une excursion guidée dans les « jardins en mouvement » animée par Kamel Louafi le 1er juin à 12h00 à l’EXPOSEEUM (Expo Plaza),

– une conférence publique le 2 juin à 18h00 au GreenLab (Expo Plaza 9a),

– une exposition rétrospective, « Les Jardins de l’EXPO », visible du 28 juin au 26 juillet à la Galerie Kunstladen à Hanovre.

Une affiche dédiée accompagne l’événement (voir ci-joint).

Le jardin comme langage entre les cultures

Le parcours de Louafi est singulier. Formé en Allemagne mais ancré dans les traditions méditerranéennes et arabes du jardin, il conçoit ses œuvres comme des lieux de rencontre entre les civilisations. Pour l’EXPO 2000, ses références sont explicites : l’Alhambra andalouse, les jardins suspendus de Babylone, ou encore la pensée d’Héraclite, et son fameux aphorisme « tout coule ». De ces influences, Louafi tire une vision contemporaine du paysage où les cultures se croisent sans se diluer.

Son projet à Hanovre se distingue dans l’histoire des Expositions universelles par son ampleur, sa diversité et sa philosophie humaniste. Là où d’autres voient un simple aménagement, lui propose une lecture poétique et politique de l’espace : chaque jardin devient un chapitre d’un « livre de jardins entre Alger et Berlin ».

Une mémoire algérienne dans l’espace européen

Dans ses créations, Louafi insuffle un regard du Sud au cœur du Nord. À Hanovre, il a inscrit les cultures du monde dans la géographie allemande. Loin du folklore ou de l’exotisme, ses compositions traduisent une volonté de dialogue. Les pierres, les plantes, les allées parlent une langue universelle : celle de la paix, de la mémoire, et du respect de la diversité.

Cet anniversaire est aussi, d’une certaine manière, une reconnaissance du génie algérien dans le champ de l’architecture du paysage, souvent méconnu. En Allemagne, Kamel Louafi est une référence. En Algérie, son œuvre reste encore à découvrir pleinement, à la hauteur de sa portée artistique et symbolique.

Djamal Guettala

Infos pratiques :

📍 Hanovre (Allemagne)

🗓 Du 1er juin au 26 juillet 2025

– Excursion guidée : 1er juin 2025 – 12h00 – EXPOSEEUM / Expo Plaza

– Conférence : 02 juin 2025 – 18h – GreenLab, Expo Plaza 9a

– Exposition : 28.06 au 26.07 – Galerie Kunstladen

Plus d’infos : www.exposeeum.de | www.kunstladen.de

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Mustapha Yahi se retire de la direction du RND : un départ aussi énigmatique que précipité

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Mustapha Yahi
Mustapha Yahi

Le Rassemblement national démocratique (RND) tourne une page de plus. Mustapha Yahi, Secrétaire général du parti, a annoncé ce jeudi son retrait de la direction, invoquant des « raisons personnelles » pour justifier une décision aussi opaque que soudaine.

Lors d’une rencontre tenue au siège national à Alger, Yahi a également procédé à l’installation de la commission nationale chargée de préparer le septième congrès du RND, prévu d’ici la fin de l’année. La présidence de cette instance revient au député Moundher Boudène, qui assurera par ailleurs la gestion courante du parti jusqu’à la tenue du congrès.

Désigné à la tête du RND en 2022 en remplacement de Tayeb Zitouni — promu ministre du Commerce par le président Tebboune — Mustapha Yahi avait été perçu dès le départ comme un choix par défaut, davantage imposé qu’adoubé. Pendant son mandat, il n’a jamais véritablement imprimé sa marque ni affirmé un leadership à la hauteur d’un parti qui reste, sur le papier, la deuxième force politique du pays en termes de représentation parlementaire.

Son départ ouvre désormais une nouvelle phase, qui verra sans doute émerger une autre figure appelée à incarner la mission originelle de cette formation, souvent qualifiée de « crypto-parti-État ». Conçu dès l’origine comme une caisse de résonance des grandes orientations édictées par les centres de décision, le RND n’a jamais réellement échappé à cette fonction de relais docile du pouvoir exécutif.

Ce changement à la tête du parti ne relève donc pas d’un véritable renouveau, mais plutôt d’un jeu de chaises musicales au sein d’un appareil dont l’ambition se limite à jouer le rôle de porteur d’eau dans un paysage politique en pleine anomie. Le congrès de fin d’année ne devrait être, à cet égard, qu’un simple rendez-vous organique sans véritable incidence sur l’identité du RND, ni sur sa capacité à incarner une alternative politique ou à réconcilier la base militante avec quelque projet national de rupture démocratique.

Samia Naït Iqbal

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Marseille célèbre 20 ans de mémoire amazighe : le Festival Tamazgha, un espace de culture vivante

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Tamazgha

C’est une histoire de mémoire et de musique, de transmission et de résistance. Une histoire tissée sur les rives sud et nord de la Méditerranée, et qui, depuis vingt ans, prend corps chaque mois de juin à Marseille.

Du 11 au 14 juin 2025, la cité phocéenne accueillera la 20ᵉ édition du Festival Tamazgha, rendez-vous incontournable pour celles et ceux qui portent, célèbrent et réinventent la culture amazighe en diaspora.

Vingt années, c’est un cycle accompli. Celui d’un festival né dans l’ombre du silence, au lendemain des années noires et du déracinement. Un espace pensé non seulement comme scène artistique, mais comme lieu de parole, d’écoute et de réappropriation. À travers les chants, les langues, les formes graphiques ou les récits de vie, Tamazgha fait entendre ce que l’histoire officielle a trop souvent voulu taire.

L’art comme fil de transmission

Le programme de cette édition anniversaire est fidèle à cet esprit. Il s’ouvrira, le mercredi 11 juin, par un atelier de pratique musicale – lieu de passage de témoin, de gestes et de rythmes anciens. Le jeudi 12 juin, ce sera à l’écriture de se déployer : un atelier de calligraphie en tifinagh, l’alphabet amazigh, permettra d’entrer dans la matérialité des signes, dans ce qu’ils charrient de mémoire et de résistance.

Le vendredi 13 juin, la conférence de Farida Aït Ferroukh, musicienne et chercheuse, viendra poser des balises : celles d’un itinéraire musical entre les deux rives, entre les racines kabyles et les scènes urbaines, entre héritage et création. Une parole rare, à la croisée de l’intime et du politique.

Une constellation d’artistes pour un concert-mémoire

Mais c’est le samedi 14 juin, au Théâtre de la Sucrière, que la fête atteindra son apogée. Une grande soirée musicale réunira plusieurs générations d’artistes amazighs : Yelli Yelli, voix métisse et aérienne ; Ymaï, fusion aux accents poétiques ; Ideflawen, groupe historique engagé ; Hamid MatoubSi MohAli FerhatiChenoud, et Djaffar Aït Menguellet, héritier d’un nom, d’une parole, d’un combat.

Ce concert, loin d’être une simple célébration, s’annonce comme un moment de communion : une traversée musicale des vingt dernières années, des mémoires qu’on exilait aux identités qu’on affirme.

Tamazgha, territoire imaginaire et réel

Tamazgha, ce n’est pas seulement un festival. C’est un mot qui désigne un pays sans frontières étatiques : celui des peuples amazighs, dispersés, parfois niés, mais toujours debout. À Marseille, ce mot devient espace. Il devient scène. Il devient rencontre.

Alors que les vents de l’uniformisation soufflent toujours plus fort, le Festival Tamazgha persiste à opposer à l’oubli la force des voix, à l’effacement la beauté des langues, à la violence de l’histoire officielle les nuances de la culture vivante.

Djamal Guettala

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