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mercredi 2 juillet 2025
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Rafles, expulsions, discours de haine : la dérive anti-migrant·e·s en Algérie

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Migrants

22 organisations internationales et nationales publient un communiqué dans lequel elles s’alarment de l’ampleur des expulsions de migrants du Sahel et du discours de haine normalisé envers ces populations voisines de l’Algérie.

Depuis plusieurs années, une montée alarmante des discours de haine et de stigmatisation visant les migrant·e·s subsaharien·ne·s est observée dans l’espace public algérien. Ces discours xénophobes, souvent relayés par certains médias ou amplifiés sur les réseaux sociaux, légitiment les abus et alimentent un climat de rejet généralisé. Les organisations signataires condamnent fermement ces discours et appellent les autorités algériennes à cesser les expulsions collectives arbitraires et la criminalisation de la société civile solidaire.

Depuis les tensions diplomatiques entre l’Algérie et le Mali,  amorcées en 2022 autour du rôle d’Alger dans la médiation de l’accord de paix malien, et intensifiées en 2024–2025 par une série d’accusations croisées d’ingérence, de soutien à des groupes armés et de rupture de coopération sécuritaire, les migrant·e·s originaires d’Afrique subsaharienne sont devenu·e·s les cibles d’un déchaînement de discours racistes et de stigmatisation. Cette vague haineuse est alimentée de manière systématique par certains médias audiovisuels, des pages Facebook, des comptes influents sur les réseaux sociaux, qui diffusent sans retenue des propos discriminatoires, parfois ouvertement haineux, appelant à la méfiance, au rejet, voire à l’expulsion. Cette campagne violente et déshumanisante s’abat actuellement sur les personnes migrantes, sans aucune réaction sérieuse de la part des autorités.

Loin d’être marginale, cette escalade a façonné un climat de peur, d’insécurité et d’humiliation pour des personnes déjà en situation de grande vulnérabilité. Plus préoccupant encore : l’attitude de l’État algérien, qui n’a pris aucune position officielle, n’a tenu aucun discours apaisant, et n’a mis en place aucune mesure réelle de protection.

Pire, les autorités ont répondu positivement à cette campagne en menant des arrestations massives, des rafles dans les quartiers, et des expulsions collectives vers le Niger dans des conditions inhumaines, en violation flagrante du droit international.

L’Algérie s’est pourtant dotée en 2020 de la loi n° 20-05 relative à la prévention et la lutte contre la discrimination et le discours de haine, censée marquer un engagement contre toute forme de racisme. Or, cette loi n’a jamais été appliquée pour réprimer les discours racistes ou xénophobes visant les personnes migrantes.

À l’inverse, des cas documentés montrent qu’elle a été utilisée de manière sélective à l’encontre de militant·e·s des droits humains, notamment pour réprimer l’expression politique ou la dénonciation de discriminations.

Dans ce climat de stigmatisation et d’hostilité, l’État algérien a mis en œuvre une politique répressive et systématique d’expulsions. Depuis l’accord bilatéral de réadmission signé en 2014 avec le Niger, ces pratiques se sont intensifiées. En 2024, plus de 31 000 personnes ont été expulsées vers le Niger selon plusieurs organisations humanitaires ( selon Alarme Phone Sahara) — un chiffre record, illustrant une logique de purge migratoire, sans garanties procédurales. 

Plus récemment, entre le 1er et le 21 avril 2025, l’Algérie a expulsé plus de 4 900 personnes vers le Niger. Parmi elles, 2 753 Nigérien·ne·s ont été renvoyé·e·s par des convois officiels, dont 308 mineur·e·s et 196 femmes. En parallèle, 2 222 autres personnes, de diverses nationalités africaines, ont été expulsées par des convois non officiels, abandonné·e·s au lieu-dit « Point Zéro » et forcé·e·s à marcher près de 15 km dans le désert jusqu’à Assamaka, souvent sans eau ni nourriture, dans des conditions inhumaines.( selon Alarme Phone Sahara) 

Ces actes révèlent non pas une simple inaction, mais une participation active et systématique des autorités algériennes à cette vague raciste, à travers une politique répressive menée depuis 2014, bien avant les événements récents.

Face à cette situation alarmante, nous :

· Condamnons fermement : les discours de haine ; les expulsions collectives sans  garanties légales ; les violences et détentions arbitraires ; la criminalisation des militant·e·s solidaires.

· Rappelons les engagements internationaux de l’Algérie, notamment : la Convention de Genève (1951), la Convention internationale sur les travailleurs migrants (2005), la Convention (n° 97) de l’OIT sur les travailleurs migrants (ratifiée en 1962), et la Convention de Kampala.

· Exhortons les autorités à mettre fin immédiatement aux expulsions arbitraires, à garantir l’accès à un recours effectif, et à adopter une législation nationale protectrice, en concertation avec la société civile indépendante.

·  Appelons les institutions régionales et internationales suivantes à enquêter sur la situation, établir les responsabilités et formuler des recommandations claires : la CADHP, le HCDH, la Commission d’experts de l’OIT, et le Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des migrant·e·s.

· Appelons à l’application réelle de la loi 20-05, non pas contre les militant·e·s et les opposant·e·s, mais contre les véritables instigateurs de discours de haine. Nous réaffirmons notre détermination à défendre la dignité, les droits et la sécurité des migrant·e·s subsaharien·ne·s en Algérie. Face à la répression, à la discrimination et à l’injustice, nous restons mobilisé·e·s et uni·e·s, pour exiger un changement immédiat et durable des politiques migratoires en Algérie.

Les organisations signataires : 

  •  Adala For All
  • Alliance Transméditerranéenne des Femmes Algériennes ATFA
  • CNCD-11.11.11
  • EuroMed Droits
  • Riposte Internationale
  • Confédération syndicale des Forces Productives – COSYFOP
  • MENA Rights Group
  • La Fondation Pour La Promotion des Droits 
  • Centre Justitia Pour la Protection Légale des Droits Humains en Algérie.
  • Cairo Institute For Human Rights Studies – CIHRS
  • Committee for Justice (CFJ)
  • Statewatch
  • Forum Tunisien pour les Droits Économiques et Sociaux
  • L’Organisation Marocaine des Droits Humains- OMDH
  • Shoaa For Human Rights 
  • Liberté Algérie
  • Collectif Des Familles de Disparus Algérie – CFDA
  • Fédération Internationale pour les Droits Humains FIDH
  • LDH (Ligue des droits de l’Homme)
  • Comité de Sauvegarde de la Ligue Algérienne Des Droits de l’Homme CS-LADDH
  • Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD)
  • Migreurop
  • Alternative Espaces Citoyens (AEC)
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 380 écrivains britanniques et irlandais appellent à qualifier de génocide la guerre menée par Israël à Gaza

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Enfants à Gaza
Les enfants de Gaza, premières victimes des bombardements israéliens.

Ils soulignent que l’utilisation des termes « génocide » ou « actes de génocide » pour décrire ce qui se passe à Gaza « n’est plus contestée par les experts juridiques internationaux » et « les organisations de défense des droits humains ».

Environ 380 écrivains du Royaume-Uni et d’Irlande, parmi lesquels Zadie Smith, Ian McEwan et Irvine Welsh, ont appelé, mardi 27 mai, à employer les « mots justes » en qualifiant de « génocide » la guerre menée par Israël dans la bande de GazaUne lettre similaire a été publiée lundi par près de 300 écrivains francophones, dont les prix Nobel de littérature Annie Ernaux et Jean-Marie Gustave Le Clézio.

« Écrivains d’Angleterre, du pays de Galles, d’Écosse, d’Irlande du Nord et de la République d’Irlande, nous demandons à nos nations et aux peuples du monde de se joindre à nous pour mettre fin au silence et à l’inaction collective face à l’horreur », écrivent-ils dans une tribune publiée dans la soirée de mardi sur la plateforme en ligne Medium où ils « exigent un cessez-le-feu immédiat à Gaza ».

Extraits :

« Nous, les écrivains soussignés d’Angleterre, du Pays de Galles, d’Écosse, d’Irlande du Nord et de la République d’Irlande, demandons à nos nations et aux peuples du monde de se joindre à nous pour mettre fin à notre silence et à notre inaction collectifs face à l’horreur.

Il y a un an et sept mois, la poétesse palestinienne Hiba Abu Nada était tuée par des frappes aériennes israéliennes. Dans son poème « Une étoile a dit hier », elle imaginait pour les habitants de Gaza un refuge cosmique, aux antipodes du danger mortel permanent auquel ils sont aujourd’hui confrontés :

« Et si un jour, ô Lumière,
Toutes les galaxies
De l’univers entier
N’avaient plus de place pour nous,
Tu dirais : « Entre dans mon cœur,
Là tu seras enfin en sécurité. »

Le gouvernement israélien a renouvelé son assaut contre Gaza avec une brutalité débridée. Les déclarations publiques des ministres israéliens Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir expriment ouvertement des intentions génocidaires. L’utilisation des termes « génocide » ou « actes de génocide » pour décrire ce qui se passe à Gaza n’est plus contestée par les experts juridiques internationaux ni par les organisations de défense des droits humains. Amnesty International, Médecins Sans Frontières, Human Rights Watch, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et de nombreux autres spécialistes et historiens ont clairement identifié un génocide ou des actes de génocide à Gaza, perpétrés par les Forces de défense israéliennes et dirigés par le gouvernement israélien. »

Israël rejette les accusations de génocide

Malgré l’horreur et l’innommable, l’Etat hébreu a ressorti son antienne. Le gouvernement de l’extrême droite que dirige Netanyahou devant cynique et indifférent aux râles des enfants et femmes tués par milliers. « L’utilisation des termes ‘génocide’ ou ‘actes de génocide’ pour décrire ce qui se passe à Gaza n’est plus contestée par les experts juridiques internationaux ni par les organisations de défense des droits humains », soulignent-ils dans le texte signé aussi par Jeanette Winterson, Brian Eno et Elif Shafak.

« Trop souvent, les mots ont été utilisés pour justifier l’injustifiable, nier l’indéniable, défendre l’indéfendable. Trop souvent aussi, les mots justes – ceux qui comptaient – ont été éradiqués, ainsi que ceux qui auraient pu les écrire », ajoutent les auteurs. « Le terme ‘génocide’ n’est pas un slogan. Il implique des responsabilités juridiques, politiques et morales. »

Ils réclament également la distribution immédiate et sans restriction de nourriture et d’aide médicale à Gaza par l’ONU ainsi qu’un cessez-le-feu, avertissant que, sans cela, « des sanctions devraient être imposées ». Les accusations de génocide d’Israël envers les Palestiniens se multiplient, venant de l’ONU, de groupes de défense des droits humains, de plusieurs pays et d’artistes dans le monde entier, mais Israël les rejette.

Plus de 54 000 morts en 19 mois

Plus de 800 experts juridiques du Royaume-Uni, y compris d’anciens juges de la Cour suprême, ont écrit lundi au Premier ministre britannique, Keir Starmer, affirmant qu’« un génocide est en train d’être perpétré à Gaza ou, au minimum, il existe un risque sérieux qu’un génocide se produise ».

Depuis l’attaque sans précédent menée le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël par des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza, qui a fait 1 218 morts, l’armée israélienne mène une offensive sur ce territoire palestinien assiégé, affamé et dévasté.

Selon les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l’ONU, plus de 54 056 Palestiniens, majoritairement civils, ont été tués dans cette campagne de représailles israélienne.

La rédaction avec AFP/francetvinfos

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Khaled Sahli : « Écrire, c’est résister aux silences qu’on nous impose »

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Khaled Sahli,
Khaled Sahli,

Dans une Algérie où l’intellectuel est souvent relégué à la marge, Khaled Sahli, installé à Ferjioua, incarne une voix rare : libre, rigoureuse, enracinée dans la langue et la pensée critique. Lors de ma visite à Ferjioua, j’ai eu le privilège de le rencontrer. Mon cadeau ? Quelques ouvrages de ceux qu’il admire : Edgar Morin, Michel Onfray, Alain Touraine… Des auteurs dont les réflexions résonnent avec les siennes, et nourrissent son regard aigu sur le monde.

Écrivain de l’ombre mais pas du silence, Sahli interroge la citoyenneté à l’ère numérique, explore les fractures sociales à travers la nouvelle, et défend, contre vents et marées, une écriture habitée par la vérité. Dans cet entretien accordé au Matin d’Algérie, il se livre avec franchise : sur son rapport au langage, à l’engagement, et sur cette Algérie qui peine encore à reconnaître ses penseurs.

Le Matin d’Algérie : Khaled Sahli occupe une place dans le paysage intellectuel et littéraire, n’est-ce pas ?

Khaled Sahli : Je suis un homme qui tente d’écrire, de témoigner et de transmettre ce qui se passe dans ce monde brutal et sauvage. J’ai été fasciné par la langue, les questions de pensée, les univers littéraires. Mon histoire avec l’écriture est longue : c’est une histoire d’espoir et de douleur à la fois, une plaie ouverte sur deux versants — celui de la pensée et de la raison, et celui de l’âme et de la création. Quiconque écrit avec conscience a une place au cœur de quelque chose.

Le Matin d’Algérie : Vous vous intéressez à la notion de citoyenneté et à la société civile à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle ?

Khaled Sahli : C’est exact. Les définitions de la citoyenneté sont multiples. Ce concept est pluriel dans la pensée libérale avec ses diverses écoles, et son contenu comme son usage évoluent constamment. Il a glissé de la sphère politico-juridique vers celle des droits civiques, puis vers les domaines sociaux et économiques, jusqu’à toucher la justice dans la sphère privée, en réduisant l’écart entre le privé et le public. Il englobe désormais les identités culturelles collectives, voire les revendications corporelles dans l’espace intime qui cherchent une légitimité dans l’espace public. Certains vont jusqu’à qualifier la citoyenneté actuelle de liquide et diffuse — à l’image du projet moderne lui-même, comme l’analyse Heba Raouf Ezzat.

Dans ce monde numérique, les individus y sont pleinement immergés, de manière efficace et adaptée à leur quotidien. L’accès rapide et fluide à l’information et à l’actualité y contribue largement. Il en résulte une réalité virtuelle parallèle qui influe directement sur la réalité tangible. Le monde numérique est devenu un espace inévitable de participation, ce qui exige une formation solide à la citoyenneté numérique, pour une implication responsable et la capacité de produire à la fois des idées et des actions, dans un esprit positif.

La citoyenneté se redéfinit donc dans l’ère de l’intelligence artificielle. L’ambiguïté ne réside plus dans sa définition — l’IA fournit désormais l’information avec une aisance déconcertante — mais plutôt dans l’usage, l’incarnation et le respect de cette information et de ses conditions. Le véritable enjeu reste donc l’application éthique et consciente du savoir. Et qui sait ? Peut-être verrons-nous un jour naître le « citoyen robot »…

Le Matin d’Algérie : Parlez-nous de vos nouvelles...

Khaled Sahli : Mes recueils publiés sont Tableaux diffamants, Le conte au-delà de la millième nuit, L’enfer sous les habits, auxquels s’ajoutent d’autres encore inédits. Tous ont été bien accueillis en Algérie et dans le monde arabophone. Plusieurs écrivains et critiques en ont parlé, comme le romancier Dr. Soufiane Zdadqa, Dr. El Khaldia, la critique spécialisée en littérature numérique Kalthoum Zenina, le nouvelliste Dr. Alaoua Koussa, et Dr. Boumkahla Djilali, entre autres.

Certaines de ces œuvres ont même fait l’objet de mémoires universitaires. Ce sont des récits où le réel se mêle au fantastique, où la vérité flirte avec l’illusion, pour mieux faire passer l’idée, pour mieux scruter les détails du présent en les confrontant à une autre réalité — distante mais étrangement contemporaine. Ces histoires portent en elles les voix de nombreux personnages que je porte en moi : des amoureux, des sacrifiés, des opprimés, des brisés, des bourreaux et des victimes. Certains se sont installés en moi pour raconter leur combat contre la tyrannie, l’oppression, la bureaucratie. Ils ont investi mes récits pour y chercher un salut.

C’est une littérature ancrée dans les préoccupations humaines. J’écris chaque fois qu’une idée m’éblouit, qu’un fil narratif se dessine. Je consigne, je crée une proximité affective avec mes personnages, je leur donne des fins, des conflits, sans jamais les abîmer ; je mets en valeur le tragique que je tisse pour qu’il devienne rêve, pardon, ou l’ébauche d’un nouveau chemin illuminé d’espoir et de renouveau.

Car celui qui écrit ne se lasse pas. Il guérit, s’élève, renaît sans cesse de ses cendres comme un phénix. Il tente, comme Sisyphe, non pas par punition, mais parce que l’effort est une manière de garder vivant l’espoir. Et dans chaque douleur qui se répète quelque part dans le monde, une nouvelle forme de tragédie surgit — à la mesure des injustices qui défigurent ce monde.

Le Matin d’Algérie : Et votre expérience dans la micro-nouvelle ?

Khaled Sahli : Cela relève d’une forme moderne du récit, difficile à inscrire dans les formats traditionnels de la nouvelle. Cette tentative modeste que j’ai embrassée s’est enrichie dans une dynamique moyen-orientale, mais n’a connu qu’un développement limité au Maghreb — à travers deux ou trois expériences, dont la mienne, comme l’a souligné Dr. Charaf Eddine Choukri.

Mes textes prennent souvent la forme d’idées philosophiques, condensées, fulgurantes. J’ai volontairement estompé les frontières des genres, pour produire une écriture qui ressemble à une brève méditation philosophique, une scène, un flash. J’ai ainsi déchargé le lecteur de l’attente formelle, lui offrant à chaque fois un espace libre d’interprétation, sans m’imposer comme guide ou censeur.

Le Matin d’Algérie : Et votre rapport au roman ?

Khaled Sahli : Le Noyé, un roman dont seul un extrait a été publié, attend encore son impression — plus de dix ans après son écriture. Je l’écris, puis je la réécris. J’ai une autre œuvre en attente. J’ai tendance à déconstruire ce que j’ai déjà bâti.

Le Matin d’Algérie : En toute franchise, que signifie pour vous l’acte d’écrire aujourd’hui ?

Khaled Sahli : C’est une conscience, une mission, un fardeau, une responsabilité, une cause, une obsession, une fatigue, un destin lié à une posture.

Écrire ne vous rapproche ni d’un ministre, ni d’un prince, ni d’un ambassadeur, tant que vous vous obstinez à dire la vérité et à nommer les choses telles qu’elles sont. Vous me comprenez sûrement, car vous connaissez mieux que moi la réalité du terrain. Vous donnez la parole à ceux que l’on écarte et marginalise.

En Algérie, le dernier regard qu’on accorde est pour l’intellectuel, l’écrivain, le nouvelliste. Écrire est un choix, même si c’est celui de la faillite, de la pauvreté, de la détresse, et d’un épuisement nerveux permanent.

Beaucoup d’intellectuels sont morts pour que l’Algérie conserve son identité. Et pourtant, que reste-t-il de leurs noms ? Que sont devenues leurs familles ?

Combien d’écrivains sont inconnus chez eux et reconnus à l’étranger ? Les voleurs d’écriture et les opportunistes pullulent. Une simple recherche dans les maisons d’édition et les projets dits culturels suffit pour comprendre.

Le Matin d’Algérie : Et l’écriture, qu’est-elle pour vous ?

Khaled Sahli : Un dialogue fondé sur les idées partagées, jamais sur l’intérêt personnel.

Entretien réalisé par Djamal Guettala 

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L’Assemblée nationale française vote le «droit à l’aide à mourir»

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Assemblée nationale
21/04/2011 : Palais Bourbon, la façade, colonnade ou péristyle - vue des quais - arbres

Lors d’un vote solennel, les députés ont approuvé en première instance ce 27 mai deux textes relatifs à la fin de vie. Le premier, sur le développement des soins palliatifs, n’avait fait que peu de débat et a été adopté à l’unanimité. Le second, ouvrant un droit inédit sur l’aide à mourir, avait été longuement débattu par les députés.

305 députés contre 199 ont approuvé la réforme, mise en chantier en 2022 par le président Emmanuel Macron, et dont la ministre de la Santé Catherine Vautrin espère qu’elle puisse être entérinée avant la présidentielle de 2027. Les députés avaient auparavant approuvé un texte sur les soins palliatifs, cette fois-ci à l’unanimité.

Inscrit dans le code de la santé publique, cette aide à mourir permettra à certains malades d’accéder à un suicide assisté. Un accès réservé aux majeurs atteints d’un mal « irréversible », de nationalité française ou résidents stables dans le pays. Les patients devront présenter « une souffrance physique ou psychologique » liée à leur maladie et être aptes à manifester leur volonté « de façon libre et éclairée ».

Les deux textes vont maintenant être discutés, sans doute l’automne, au Sénat, assemblée plus conservatrice donc à même d’en modifier les termes en profondeur. Une deuxième lecture est ensuite prévue à l’Assemblée nationale.

Un vote dans « le respect des sensibilités » de chacun

Le président Emmanuel Macron a salué comme une « étape importante » le vote par l’Assemblée nationale en faveur du droit à l’aide à mourir, et insisté sur « le respect des sensibilités » de chacun. « Dans le respect des sensibilités, des doutes et espoirs, le chemin de fraternité que je souhaitais s’ouvre peu à peu. Avec dignité et humanité », a-t-il écrit sur X.

La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a souligné de son côté « un pas de plus vers le respect de chaque parcours de vie, vers la liberté de choisir, vers une société qui ne décide plus à la place, mais qui accompagne, qui écoute, qui soutient. » 

Elle a par ailleurs insisté en début de séance sur « la qualité des échanges » durant la centaine d’heures de débats qui ont eu lieu au sein de l’Assemblée nationale. « Le débat a été exigeant, digne et respectueux des convictions de chacun. »

Transcender les bords politiques

Le texte voté ce soir est un aboutissement pour le centriste Olivier Falorni, défenseur de longue date de l’aide active à mourir. « Il y a des jours dont on sait qu’on ne les oubliera jamais. Je n’oublierai jamais cette journée. Merci à tous », a-t-il déclaré.

Un tel débat aussi philosophique qu’intime transcende les bords politiques, note Raphaël Delvolvé du service politique de RFI. On trouve des défenseurs du suicide assisté à gauche comme l’insoumis Hadrien Clouet. « Nous croyons que l’être humain s’appartient. Le droit d’être soulagé, c’est aussi lorsque la médecine, la technologie, la pharmaceutique ne peut plus rien », plaide-t-il. « Pouvoir choisir le moment où l’on dit au revoir à ses proches et ne pas être contraint à subir trois ou quatre semaines de véritable torture. »

À l’extrême droite aussi, le RN Jean-Philippe Tanguy a voté le texte. « La liberté de vote est garantie dans notre groupe et j’ai été rassuré sur les garde-fous. »

Pour les détracteurs précisément, les garde-fous ne sont pas suffisants et la nature même du texte dérange, comme l’explique Hanane Mansouri de l’UDR. « Derrière la douleur, une réalité bien plus brute, celle d’un système de santé à genoux, celle de familles épuisées. Et dans ce vide, on propose la mort. Faut-il donc achever ce qu’on ne veut plus porter ? », demande-t-elle.

Une réforme qui divise au-delà des bancs de l’Assemblée

La démarche des malades restera très encadrée, comme le rappelle Jonathan Denis, président de l’association pour le droit à mourir dans la dignité, selon qui tous les garde-fous sont réunis pour éviter les dérives.

« Il y a plusieurs gardes-fous. Il y a le premier garde-fou sur les critères d’éligibilité au nombre de cinq pour pouvoir entrer dans le cadre d’une demande d’aide à mourir », explique-t-il au micro de RFI. « Ensuite, il y a les gardes-fous d’un collège pluri-disciplinaire, pluri-professionnelle pour regarder ce qui peut être proposé aux patients, y compris des soins palliatifs, y compris une rencontre avec un psychologue, et puis s’assurer que la personne rentre bien dans les critères d’éligibilité. Et puis enfin, le dernier garde-fou, c’est évidemment tout ce qui va être sur la procédure, toute la traçabilité de la procédure. Et puis, il ne faut pas oublier qu’aucun médecin ne sera obligé d’accompagner dans le cadre d’une aide à mourir. C’est tout le principe de la clause de conscience. »

Pourtant, pour Claire Fourcade, médecin de soins palliatifs à Narbonne dans le sud de la France et présidente de la SFAP (Société française d’accompagnement et de soins palliatifs), le texte est très mal défini.

« Moi qui suis médecin, je me trouve là, devant un texte de loi tel qu’il est, qui est extrêmement flou. Au contraire, avec des critères qui sont extrêmement larges, c’est-à-dire que le nombre de personnes éligibles est extrêmement large. Et c’est moi, comme médecin, qui vais devoir décider qui a le droit ou qui n’a pas le droit de bénéficier de ce nouveau droit concret », juge-t-elle. « Donc c’est une loi qui est demandée par les Français comme une loi d’autonomie et de liberté. Et en fait, c’est une loi du pouvoir médical, c’est-à-dire que ce sont les médecins qui vont décider. Et pour vous donner un exemple sur ces critères, une personne qui est atteinte d’un cancer métastatique, c’est une maladie en phase avancée, c’est une maladie incurable, c’est une maladie qui engage le pronostic vital, qui peut créer des souffrances. Et donc ces personnes sont éligibles. Il y a 450 000 personnes en France qui ont un cancer métastatique et donc c’est vraiment une loi qui donne aux médecins un gigantesque pouvoir. Et donc c’est nous qui allons nous trouver seuls face aux patients, à devoir prendre ces décisions. »

RFI

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Les militants du Parti socialiste votent pour désigner leur prochain premier secrétaire

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PS

Ce mardi, les militants socialistes sont appelés aux urnes pour un premier vote décisif en vue de désigner leur futur premier secrétaire. Trois candidats sont en lice : le secrétaire sortant Olivier Faure, le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol, et le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud. Au cœur de cette élection : la stratégie du parti en vue de la présidentielle de 2027.

Le duel s’annonce serré, notamment entre Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol, déjà opposés lors du congrès de Marseille en 2023. Mayer-Rossignol se montre confiant et affirme qu’il arrivera en tête, tandis que le camp Faure s’attend à une lutte au coude-à-coude, dont il espère sortir une nouvelle fois vainqueur.

Quelque 40 000 adhérents sont appelés à voter entre 17h et 22h dans leurs sections locales. Ce scrutin vise à choisir le texte d’orientation qui définira la ligne politique du parti. Les deux motions arrivées en tête se départageront lors d’un second tour prévu le 5 juin. Le congrès, quant à lui, se tiendra à Nancy du 13 au 15 juin.

Les résultats de ce premier tour pourraient tomber tard dans la nuit, voire mercredi matin. Des soupçons de fraudes pourraient ressurgir, comme ce fut le cas à Marseille en 2023. Lamia El Aaraje, soutien de Mayer-Rossignol, prévient déjà : « Il est hors de question que 300 voix nous séparent de la victoire », rappelant qu’elle avait accepté sa défaite l’an dernier.

À la tête du PS depuis 2018, Olivier Faure défend l’unité de la gauche, mais en dehors de l’influence directe de Jean-Luc Mélenchon. « Je ne nous pardonnerai pas d’avoir, par nos divisions, facilité l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir », a-t-il déclaré, appelant les militants à poursuivre la ligne qu’il a instaurée pour replacer le PS « au cœur de la gauche ».

Ses adversaires, notamment le camp Mayer-Rossignol, lui reprochent son ambiguïté vis-à-vis de Mélenchon, bien qu’il ait pris ses distances ces derniers mois. Le maire de Rouen milite pour une « affirmation socialiste » à travers la création d’un grand parti (un « GPS ») regroupant les membres actuels du PS mais aussi des personnalités extérieures comme Raphaël Glucksmann, Benoît Hamon ou Bernard Cazeneuve. Il imagine qu’un candidat social-démocrate émergera naturellement de cette nouvelle formation, sans se prononcer pour l’instant sur l’organisation d’une primaire.

Dans un message vidéo adressé aux militants, Mayer-Rossignol a exprimé son ambition de « faire revenir au PS celles et ceux qui n’attendent que ça », et de faire grimper le nombre d’adhérents à 100 000. Il critique également la gestion « clanique » d’Olivier Faure et un manque de travail interne au parti.

Les soutiens de Faure rétorquent que Mayer-Rossignol s’est entouré d’une coalition hétéroclite, unie surtout par leur opposition au secrétaire sortant, avec des figures comme Hélène Geoffroy, Carole Delga, Philippe Brun ou encore Karim Bouamrane. Certains redoutent qu’en cas de victoire du maire de Rouen, l’ancien président François Hollande tente un retour en 2027.

Troisième homme de cette compétition, Boris Vallaud se présente comme le candidat de la « réconciliation » et de la « doctrine ». Promoteur d’un discours critique sur la « marchandisation » de la société, il a lancé un institut de formation et un média interne. Sur France 2, il a affirmé être « le seul à proposer un vrai projet de rassemblement » et appelé à « choisir la perspective du meilleur » face à l’extrême droite.

Côté soutien, Olivier Faure peut compter sur la cheffe des Écologistes Marine Tondelier et l’ancien député LFI François Ruffin, tous deux favorables à une union de la gauche en 2027. À l’inverse, Raphaël Glucksmann, opposé à l’idée de primaires, penche plutôt pour Mayer-Rossignol, tout comme Jean-Luc Mélenchon, qui se voit lui-même comme le candidat de « la vraie gauche » pour la prochaine présidentielle.

Rabah Aït Abache/AFP

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Karim Tabbou : assumer notre responsabilité historique en résistant

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Karim Tabbou

Comme chaque lundi, j’ai accompli hier matin l’obligation de signature sur le registre de mon contrôle judiciaire au niveau de la caserne relevant de la sécurité intérieure, écrit Karim Tabbou dans cette tribune publiée ce jour sur les réseaux sociaux.

Cette mesure, arbitrairement imposée depuis plus de deux ans, incarne une stratégie de pression visant à me faire renoncer à mes convictions et à mon engagement pour un véritable changement démocratique en Algérie.

Par l’instrumentalisation honteuse de la justice, le pouvoir tente de dissuader toute voix critique, d’étouffer l’expression libre et de criminaliser l’opinion. Ce contrôle judiciaire abusif n’est pas une exception. Il s’inscrit dans un dispositif plus vaste de répression politique, qui se déploie à travers l’ensemble du territoire.

Lundi 26 mai 2025 : chronique d’un pouvoir fondé sur la peur

Les régimes autoritaires, par leur nature violente et imperméable à toute forme de remise en question, considèrent que leur survie repose exclusivement sur le maintien de la société dans un climat permanent de peur, de contrôle et de surveillance.

En Algérie, cette dynamique se manifeste depuis plusieurs décennies par un arsenal répressif spécial.

Le pouvoir s’appuie sur les mêmes mécanismes : harcèlement judiciaire, précarisation économique, chantage social, limitation des libertés publiques, censure des médias indépendants, et répression brutale des mouvements sociaux.

Ces techniques sont autant d’outils pour briser toute velléité de résistance ou de contestation citoyenne.

La manipulation et la propagande occupent une place centrale dans cet arsenal.

Le pouvoir ne recule devant rien pour fabriquer des rumeurs absurdes, fomenter des scandales artificiels, ou détourner l’attention de l’opinion publique par des affaires grotesques destinées à provoquer stupeur, dérision ou psychose collective.

Citons par exemple

La sordide histoire de femmes voilées signalées dans plusieurs régions du pays, qui auraient attaqué des enfants pour leur injecter des substances somnifères afin de les kidnapper;

La surmédiatisation de l’insolente histoire du « chat » montant sur la tête de l’imam pendant la prière;

Les polémiques autour du prix du café ou de la pomme de terre;

L’importation de moutons de Roumanie,

Ou encore la campagne ridicule de « purification » des cimetières contre la sorcellerie dans plusieurs wilayas.

Ces opérations ne sont pas anecdotiques. Elles participent d’une stratégie d’ingénierie sociale qui vise à maintenir la population dans un état de peur constante et de déconnexion des véritables enjeux politiques.

La fabrication de l’ennemi extérieur : un classique de la répression

Un autre levier récurrent du pouvoir est la création d’un ennemi extérieur imaginaire. Ce subterfuge sert de justification aux politiques liberticides et permet de d’affaiblir toute opposition interne en l’accusant de connivence avec des forces étrangères.

Ce stratagème, est un outil de désinformation efficace qui renforce l’endoctrinement et affaiblit la cohésion sociale.

Le pouvoir algérien prétend ainsi être le seul garant de la stabilité, en agitant des menaces extérieures souvent fictives pour étouffer les revendications internes.

L’espace du débat critique est ainsi verrouillé, et la contestation assimilée à la trahison.

L’impasse politique et diplomatique

Depuis l’interruption violente du processus démocratique déclenché par la révolte populaire d’octobre 1988, l’Algérie est enfermée dans une logique de contrôle policier. Chaque tentative d’ouverture ou d’alternance est réprimée, et chaque réveil citoyen est réduit au silence.

Sur le plan diplomatique, le pays subit un isolement croissant. L’échec des dernières initiatives diplomatiques, l’affaiblissement des alliances stratégiques et l’absence de leadership sur les dossiers régionaux placent l’Algérie dans une position de vulnérabilité sans précédent.

Vers un sursaut citoyen : l’urgence de rompre le cycle

Aujourd’hui, nous sommes face à un carrefour historique. Deux voies s’offrent à nous :

Céder à la peur et laisser le pouvoir nous entraîner plus loin dans la crise,

Ou assumer notre responsabilité historique en résistant, pacifiquement mais fermement, pour construire un véritable État de droit.

Rompre ce cycle nécessite un travail de déconstruction des narratifs imposés par le régime. Il nous faut sortir de la sidération, dépasser nos traumatismes collectifs, et restaurer la confiance dans l’action collective. Cela passe par :

Le soutien aux détenus d’opinion,

La protection des libertés individuelles,

La dénonciation des lois liberticides,

La reconquête de l’espace public et médiatique,

L’engagement dans des formes de mobilisation non violente et démocratiques

Loin des faux clivages, loin des diversions identitaires ou religieuses, nous devons retrouver notre unité autour de valeurs fondamentales : la justice, la liberté, la dignité humaine, et la souveraineté populaire.

Gloire aux martyrs.

Soutien indéfectible aux détenus d’opinion.

Vive l’Algérie libre, juste et démocratique.

Karim Tabbou

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10 ans de prison pour remboursement de frais de campagne !

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Saïda Neghza, Belkacem Sahli et Abdelhakim Hamadi,
Saïda Neghza, Belkacem Sahli et Abdelhakim Hamadi.

Saïda Neghza, Belkacem Sahli et Abdelhakim Hamadi, trois ex-candidats à la présidentielle  viennent de se faire rembourser leurs frais de campagne comme le prévoit la loi. L’Algérie sait financer la démocratie.

Ils sont passés à la caisse, dix ans de prison. L’accusation et la condamnation pour corruption est ce que risquent les faibles lorsqu’ils ont voulu avoir l’impudence de concurrencer les dieux.

Comme Icare, les ailes de la prétention ont été brûlées à l’approche du soleil et l’ont précipité vers la mort. Lorsqu’on veut faire partie de la meute, il faut être le leader et avoir les  plus crocs au risque de graves conséquences.

Etre arrêté, jugé et condamné pour corruption par un régime militaire n’a aucune signification. Que ce soit vrai ou faux, ce n’est pas les procureurs de l’Olympe qui vont vous communiquer le contenu et la véracité de l’acte d’accusation.

Ce sont des documents pré-remplis qui attendent la permission d’être adressés aux accusés. C’est un peu comme les nécrologies que préparent beaucoup de journaux pour être prêts le jour venu. Corruption ou pas, c’est sans importance, la sentence est le dernier mot. 

Je ne pleurerai pas Saïda Neghza, Belkacem Sahli et Abdelhakim Hamadi. Ils ont pactisé avec le diable, ils en connaissaient les risques. Je suis un humaniste et je ne devrais pas dire cela ? Moi, je ne demande rien, je n’ai ni accusé ni condamné ni incarcéré qui que ce soit.

D’autant que je suis un très grand partisan de la liberté. Je n’interdirai jamais le bon choix des êtres humains. Ils ont misé sur le régime militaire, ils l’ont voulu, ils l’ont légitimé par leur candidature, qui suis-je pour leur interdire les jeux de hasard ?

Je crois à la rédemption des mortels sur ce monde. La prison leur servira à la profonde réflexion sur leur repentance. Ils méditeront sur le martyre qu’ils ont participé à faire subir aux centaines de militants et journalistes qui croupissement dans les geôles d’une république qu’ils ont légitimée par leur participation aux élections.

Je n’ai pas le dossier de ces trois compromis à la dictature militaire. Sont-ils coupables de corruption ou non, je m’en fiche éperdument car il ne s’agit jamais de droit dans les régimes autoritaires à l’intérieur desquels ils ont voulu pouvoir et gloire.

Pour ce qui est de leur bon droit, qu’ils s’adressent à la justice algérienne, c’est la leur, pas la nôtre.

Dix ans, c’est le terme de deux mandats présidentiels, ils pourront se représenter de nouveau s’ils ne sont pas condamnés à l’inéligibilité. Dix ans, ce n’est rien, on attend bien depuis soixante ans pour participer au vote ou à la candidature avec l’estime de soi. 

Boumediene Sid Lakhdar

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Liberté pour Me Ahmed Souab : que dire quand la vérité devient un acte terroriste ?

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L'avocat Ahmed Souab en détention
L'avocat Ahmed Souab en détention

Le 18 avril dernier, Me Ahmed Souab, avocat, ancien magistrat, figure respectée du barreau tunisien, s’exprimait devant la Maison de l’avocat à Tunis. Ce jour-là, en robe, entouré de ses confrères et consœurs, il a osé dire ce que tout le monde sait et voit mais que beaucoup n’osent pas nommer :

« La justice est dans une situation de destruction massive, son état ressemble à celui de Gaza. Les couteaux ne sont pas sur les détenus mais sur le président de la Chambre qui va les juger ». 

Des mots graves, pesés, portés par une conscience professionnelle et citoyenne que personne ne peut suspecter de légèreté ou de calcul. Des mots qui nomment et désignent une réalité insupportable : l’effondrement de l’indépendance judiciaire, la soumission des juges à des ordres politiques, une machine répressive lancée contre les opposant.e.s, les avocat.e.s, les journalistes, les défenseur.es des droits des personnes migrant.e.s, les militant.e.s.

Ces paroles – et ces seules paroles – ont suffi à faire de lui, aux yeux du régime, un « terroriste ».

Quelques jours plus tard, Me Ahmed Souab est arrêté, inculpé au titre de la loi antiterroriste n°2015-26, placé en détention préventive dans des conditions indignes. Le pouvoir tunisien n’a eu besoin ni de preuves, ni d’actes : il a criminalisé un discours, une prise de parole publique, un cri d’alarme.

Ce qui est en cause ici n’est pas seulement l’acharnement contre un homme — mais une attaque frontale contre la libre parole, contre le droit à la défense, contre l’idée même de justice indépendante. En s’en prenant à Ahmed Souab, c’est toute une génération d’avocat.e.s, de juges, d’intellectuel.le.s et de défenseur.es des droits humains que l’on cherche à intimider, à faire taire, à briser.

On ose l’accuser de vouloir faire peur alors qu’il ne fait que dire haut ce que le régime veut que l’on murmure ou que l’on oublie. On ose le traiter en criminel alors que les véritables criminels sont ceux-là mêmes qui détruisent les institutions, chassent leurs adversaires et toute voix critique en manipulant les lois et utilisant la justice uniquement à des fins de répression.

L’utilisation de la loi antiterroriste contre un avocat pour une déclaration publique est une violation flagrante du droit international, un détournement scandaleux de la justice et un signal d’alerte majeur pour toutes celles et tous ceux attaché.e.s à la démocratie en Tunisie.

Il ne s’agit pas là d’un simple abus mais d’un point de non-retour que le régime s’apprête à franchir. Ne rien dire reviendrait à cautionner.

Ahmed Souab n’est pas seul. Il incarne aujourd’hui cette force lucide, courageuse, intègre, que le pouvoir tente de faire taire. Mais ni les murs d’une prison, ni les décrets de l’arbitraire, ni les intimidations ne feront disparaître ce que cet homme, cet avocat, ce citoyen incarne : la voix de la justice contre la tyrannie.

Tant qu’il y aura des hommes et des femmes debout comme Ahmed Souab, la Tunisie ne sera pas totalement asservie.

À nous de faire en sorte de l’aider à ce que celle-ci se relève.

Nous affirmons avec force :

  • Qu’aucune des paroles ou actes d’Ahmed Souab ne relève de « formation d’une organisation terroriste », de « soutien à des actes terroristes »  ou de « menace de commettre des crimes terroristes », en plus de « diffusion de fausses nouvelles », mais bien d’un devoir de parole et d’alerte face à cette dérive autoritaire ;
  • Que l’incarcération d’un avocat pour ses opinions constitue une violation manifeste de la Constitution, des principes fondamentaux de l’État de droit et des conventions internationales ratifiées par la Tunisie ;
  • Que la criminalisation de la critique est le propre des régimes qui craignent la vérité.

Nous appelons : 

  • À la libération immédiate d’Ahmed Souab et à l’abandon de toutes les poursuites engagées contre lui ;
  • À une mobilisation massive de la société civile, des syndicats, des avocats, des partis démocrates, des médias et des citoyen.ne.s contre la répression judiciaire en cours ;
  • À une dénonciation claire par les instances internationales, les partenaires diplomatiques et les ONG des droits humains, de l’instrumentalisation de la loi antiterroriste.

Liste des signataires et membres du comité international de soutien aux libertés en Tunisie : 

  • Zakaria Abdillahi, avocat, Président de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH), Djibouti.
  • Gilbert Achcar, Professeur émérite à la School of Oriental and African Studies (SOAS) de l’Université de Londres, Liban.
  • Wadih Asmar, Président du Centre Libanais des Droits humains, Liban.
  • Rasmus Alenius Boserup, directeur exécutif du réseau EuroMed Droits, Danemark. 
  • Patrick Baudouin, avocat et ancien président de la Ligue des droits de l’Homme, président d’honneur de la Fédération internationale pour les droits humains, France.
  • Joel Beinin, Professeur émérite d’histoire, titulaire de la chaire Donald J. McLachlan d’histoire et d’histoire du Moyen-Orient, Université de Stanford, États-Unis. 
  • Raffaella Bolini, dirigeante de la grande association italienne Arci et membre du Conseil international du Forum social mondial (FSM), Italie.
  • Mostefa Bouchachi, avocat, homme politique, président Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’Homme 2007 à 2012, Algérie.
  • Alexis Deswaef, avocat au Barreau de Bruxelles et vice-président de la FIDH, Belgique.
  • Kamal Lahbib, Secrétaire exécutif du Forum des alternatives Maroc, membre fondateur du Forum Vérité et Justice, de l’Espace associatif et de l’Observatoire national des prisons, Maroc.
  • Gustave Massiah, ingénieur et économiste, membre fondateur du Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale (CEDETIM), France.
  • Marc Mercier, Président d’honneur du Réseau Euromed France (REF), France. 
  • Marc Schade-Poulsen, chercheur invité, Université de Roskilde
  • Khadija Ryadi, Présidente de la Coordination Maghrébine des Organisations des Droits Humains (CMODH), Maroc.
  • Aissa Rahmoune, avocat et secrétaire général de la FIDH, Algérie.
  • Pinar Selek, écrivaine, enseignante-chercheuse au Département de Sociologie de l’Université Nice Côte d’Azur, Turquie-France.
  • Giovanna Tanzarella, responsable de l’Université populaire, actrice de la société civile méditerranéenne, Italie.
  • Marie-Christine Vergiat, juriste, militante associative et femme politique française, députée européenne de 2009 à 2019, vice-présidente de la Ligue Française des Droits de l’Homme de 2019 à 2024, membre du Comité Exécutif d’EuroMed Droits depuis 2009, France. 
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Célébration du 30e anniversaire du HCA sous le signe de « la sécurité identitaire en Algérie »

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HCA
Le HCA fête ses 30 ans.

La célébration du 30e anniversaire de la création du Haut Commissariat à l’Amazighité (HCA) s’est tenue ce 27 mai 2025 au Cercle National de l’Armée de Béni Messous à Alger.

Ce moment fort a coïncidé avec l’ouverture officielle d’un séminaire national placé sous le thème : « Promotion de l’Amazighité dans le cadre de la sécurité identitaire en Algérie : contexte, concepts et Implications socio-cognitives et institutionnelles».

Dans un contexte national où les débats sur l’identité connaissent un regain de tension, marqué notamment par la remise en cause par certains courants arabo-islamistes du statut de tamazight en tant que composante fondamentale de l’identité nationale, cette commémoration prend une portée particulière. Elle vient affirmer, avec force, l’attachement des institutions républicaines à la pluralité culturelle et linguistique du pays.

Lors de la cérémonie d’ouverture, le Secrétaire général du HCA, Si El Hachemi Assad, a qualifié cette rencontre de moment stratégique pour réaffirmer « l’engagement national inébranlable à promouvoir la langue amazighe dans le processus de renforcement de la sécurité identitaire et de construction de l’unité nationale ».

Il a salué les « orientations judicieuses du Président de la République, Abdelmadjid Tebboune », qui ont, selon lui, permis d’ouvrir « de nouvelles perspectives pour consolider la place de l’amazighité dans un cadre serein, unificateur et intégré au sein du système de l’identité nationale ».

M. Assad a insisté sur le fait que « la souveraineté culturelle ne saurait être consolidée sans la reconnaissance pleine et entière de toutes les composantes de la nation », soulignant que cette reconnaissance est un facteur essentiel de la cohésion nationale et de l’approfondissement du sentiment d’appartenance collective. Il a également rappelé le rôle central joué par le HCA depuis sa création, en 1995, dans « l’ancrage d’une conviction institutionnelle et sociétale en faveur de la diversité linguistique et culturelle, pilier de la force douce de l’Algérie ».

La cérémonie a réuni de nombreuses personnalités officielles, dont Hamid Lunaouci, conseiller du Président de la République chargé des organisations non gouvernementales et des droits de l’Homme, le cheikh Mohamed El Mamoun El Kacimi El Hassani, recteur de la Grande Mosquée d’Alger, ainsi que la ministre de l’Environnement et de la Qualité de Vie, Najiba Djilali.

Étaient également présents des représentants d’institutions nationales, d’organismes consultatifs, ainsi que des universitaires et chercheurs, venus affirmer leur soutien à la démarche de promotion et de reconnaissance de tamazight comme pilier de l’identité algérienne.

En ces temps de résurgence des tensions identitaires, cette célébration s’est voulue un acte de réaffirmation de  la diversité culturelle et linguistique de l’Algérie et une réponse claire à ceux qui contestent la légitimité culturelle et historique de tamazight au sein du socle national.

La rédaction

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Soufiane Djilali alerte sur les dérives du verrouillage politique

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Soufiane Djilali
Soufiane Djilali sort de sa réserve et alerte sur l'arbitraire et le verrouillage politique du pays.

« La fermeture du champ politique pourrait conduire à l’émergence d’une élite qui détruirait le pays. » Cette déclaration, signée du Dr. Soufiane Djilali, président du parti Jil Jadid, sonne comme une alerte grave et réfléchie sur l’état actuel de la vie politique nationale.

Prononcée dans un contexte marqué par un durcissement du pouvoir, elle révèle une évolution significative du positionnement de cet acteur politique, jadis perçu comme l’un des compagnons d’une transition manquée post-Hirak.

La parole de Soufiane Djilali n’est pas anodine. Médecin de formation et homme politique engagé, il a longtemps cru à la possibilité d’un dialogue réformiste avec les institutions.

En 2019, dans le sillage de l’insurrection citoyenne du Hirak, il avait fait le pari risqué de l’« accompagnement » du pouvoir, misant sur une sortie pacifique et progressive de la crise politique.

Mais l’expérience s’est soldée par un échec cuisant, l’appareil sécuritaire reprenant rapidement le dessus, refermant le champ des possibles ouvert par la mobilisation populaire.

Depuis cette rupture, le président de Jil Jadid adopte un ton plus incisif, rompant clairement avec sa posture d’ouverture initiale. En dénonçant aujourd’hui la fermeture du champ politique, il met le doigt sur un mécanisme insidieux : celui d’un repli autoritaire qui ne laisse place qu’à une élite fermée, cooptée, et souvent coupée des réalités sociales.

Cette élite, prévient Djilali, pourrait non seulement confisquer durablement le pouvoir, mais également aggraver la crise multidimensionnelle que traverse le pays. Dans son analyse, la concentration excessive du pouvoir, l’absence de débat pluraliste, et l’exclusion des forces politiques alternatives alimentent un climat de défiance et d’immobilisme. À long terme, c’est tout le système national — économique, social et institutionnel — qui risque d’en pâtir.

En adoptant une posture désormais frontale vis-à-vis du pouvoir, Djilali Sofiane rejoint les voix critiques qui s’élèvent contre une gestion autoritaire du pays et plaident pour une refondation démocratique réelle. Son discours s’inscrit dans une volonté de redonner sens à la politique, au-delà du clientélisme et de la répression, dans un moment où l’Algérie semble à nouveau à la croisée des chemins.

La réflexion du président de Jil Jadid ne se limite pas à un constat d’échec ; elle appelle à un sursaut. Car l’alternative à la fermeture n’est pas le chaos, mais l’ouverture maîtrisée, l’inclusion des forces vives, et la reconnaissance de la diversité des expressions politiques.

À défaut, le pays pourrait, comme il le redoute, sombrer dans les griffes d’une élite qui, au lieu de construire, peut conduire au chaos. 

Samia Naït Iqbal

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