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mercredi 2 juillet 2025
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Quand le RCD devient le champ de bataille des démocrates algériens

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Atmane Mazouz
Le président du RCD est la cible de violentes attaques sur les réseaux sociaux.

Autrefois bastion de la laïcité et des libertés démocratiques, le RCD est aujourd’hui secoué par une vive controverse. Accusations de compromission avec les islamistes, destruction des archives du parti, mise en cause de la légitimité de la direction actuelle : le conflit oppose avec virulence anciens cadres et dirigeants en place.

En toile de fond, des choix stratégiques perçus comme contraires à l’ADN du parti et à ses principes fondateurs. Cette crise interne révèle la fragmentation croissante du camp démocratique algérien et soulève une question cruciale : que reste-t-il de l’héritage politique du RCD ?

Depuis quelques semaines, une tempête secoue la maison du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), un des partis les plus emblématiques de l’opposition démocratique en Algérie. À l’origine de la polémique : une série d’accusations graves portées contre la direction actuelle du parti, accusée de « trahison des principes fondateurs » par d’anciens cadres démissionnaires. En toile de fond, une guerre de mémoire, de légitimité et d’orientation stratégique qui dépasse largement les murs du parti pour interroger l’état du camp démocratique dans son ensemble.

Accusations croisées, fracture assumée

D’un côté, un groupe d’anciens militants se disant proches de l’ex-président et membre fondateur, Saïd Sadi dénonce une « liquidation idéologique » du RCD. Dans une déclaration au vitriol.

Amar Ingrachene, universitaire, éditeur et ancien militant du parti, accuse la direction actuelle d’avoir pactisé avec le mouvement islamiste Rachad, d’avoir effacé les archives historiques du parti et, pire encore, de participer à une entreprise de réhabilitation du Front islamique du salut (FIS), pourtant honni historiquement par le RCD. « Ce n’est pas une dérive mais un plan méthodique d’alignement avec l’islamisme », soutient-il.

Les griefs sont précis : signature d’une feuille de route commune entre l’ex-président Mohcine Belabbas et Rachad pendant le Hirak, présence de cadres du parti sur des chaînes affiliées à l’islamisme, exclusion de plusieurs centaines de militants critiques, destruction des archives… Pour les frondeurs, c’est un basculement complet qui renie la doctrine de la « double rupture » — contre le pouvoir autoritaire et contre l’islamisme politique. Une première question : pourquoi maintenant alors même que le parti fait face à des interdictions de salles, et à des pressions du pouvoir ?

Réponse du camp Mazouz : une manœuvre de déstabilisation

Face à ces attaques, la direction actuelle du RCD, menée par Atmane Mazouz, dénonce une tentative de déstabilisation politique « orchestrée dans l’ombre ». Dans un communiqué relayé par le Forum national pour la convergence démocratique, ses soutiens dénoncent une « cabale personnelle » qui viserait à remettre la main sur le parti. « Le RCD est aujourd’hui dans le viseur du pouvoir, ses meetings sont interdits, ses militants harcelés. S’en prendre à lui maintenant, c’est faire le jeu du régime », peut-on lire dans le texte.

Le Forum, regroupement de plusieurs militants se réclamant du camp démocratique, appelle à la solidarité avec la direction actuelle du RCD et accuse les détracteurs de nourrir des rancunes anciennes et personnelles, voire de vouloir « délégitimer une direction élue démocratiquement ». 

Dans une de ses récentes déclarations, Atmane Mazouz rappelait et avertissait : « Le RCD ne sera jamais un parti de soumission ni de compromission. Nous sommes et nous le demeurerons un rempart contre l’islamisme, l’autoritarisme et toutes les formes d’injustice. Quand d’autres courbaient l’échine ou se vendaient pour quelques privilèges, nous, nous avons résisté. »

Au-delà du cas RCD : une crise de la démocratie algérienne

Au fond, cette querelle interne dépasse la simple gestion d’un parti politique. Elle révèle l’impasse stratégique et idéologique d’une opposition démocratique fragmentée, incapable de s’unir autour d’un socle minimal. La méfiance réciproque entre anciens et actuels dirigeants du RCD est aussi le symptôme d’un déficit de débat interne et d’un manque de clarté sur les alliances à nouer face à un régime toujours aussi autoritaire. Ce dernier ne laisse aucun espace aux partis de l’opposition. Depuis 2020, la scène politique est placée sous formol et l’expression libre est criminalisée. Une glaciation générale qui n’encourage ni débat ni pratique démocratique.

La question de l’islamisme, notamment, reste un point de fracture fondamental. Faut-il dialoguer avec les mouvements islamistes modérés au nom de la convergence contre le régime ? Ou maintenir une ligne rouge intransigeante comme l’a toujours revendiqué le RCD historique ? La réponse à cette question divise profondément le camp démocratique.

Quel avenir pour le RCD ?

À l’heure où le champ politique algérien se réduit comme peau de chagrin, le RCD est à la croisée des chemins. Entre refondation stratégique et fidélité aux principes fondateurs, entre ouverture tactique et refus de compromission, le parti doit trancher sans ambiguïté s’il veut retrouver un rôle moteur dans la recomposition démocratique. Encore faut-il qu’il survive à cette crise existentielle.

Samia Naït Iqbal

1- Repères historiques – Le RCD, un parti pas comme les autres

1989 : Fondation du RCD (Rassemblement pour la Culture et la Démocratie) par Saïd Sadi, dans le sillage de l’ouverture politique post-octobre 1988. Le parti se distingue par sa défense de la laïcité, des libertés démocratiques et de la cause amazighe.

1991-1992 : Refus clair du FIS (Front islamique du salut) et soutien à l’interruption du processus électoral. Le RCD devient l’un des principaux porte-voix de la lutte contre l’islamisme.

2000 : Participation au gouvernement sous Bouteflika, une décision très critiquée à l’époque. Le RCD quitte l’exécutif deux ans plus tard, a la suite des tragiques événements du printemps noir de Kabylie 

2012 : Départ de Saïd Sadi de la présidence du parti ; Mohcine Belabbas lui succède.

2019 : Le RCD soutient le Hirak, adopte une ligne dure contre le pouvoir, mais reste accusé d’ambiguïtés dans ses alliances.

2022 : Atmane Mazouz devient président du parti lors du 6e congrès, en remplacement de Mohcine Belabbas.

2–Les dates clés du conflit actuel

2019-2020 : Premiers désaccords internes sur la ligne politique du parti, notamment concernant le rapprochement supposé avec des figures islamistes dans le cadre du Hirak.

2021 : Exclusion de plusieurs militants critiques ; montée du malaise interne.

2022 : Élection d’Atmane Mazouz à la tête du parti. Les accusations de « dérive idéologique » deviennent plus virulentes.

Fin 2023 : Destruction signalée d’archives numériques et papier du parti — événement interprété par les anciens cadres comme un effacement délibéré de l’héritage du RCD.

Mai 2025 : Publication d’un communiqué du Forum national pour la convergence démocratique en soutien à la direction actuelle, suivie d’une déclaration incendiaire d’Amar Ingrachene et avant lui,  Yacine Aissiouene, ancien député du parti dénonçant une « liquidation des démocrates » et une réhabilitation de l’islamisme.

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Olivier Bleys : « Ecrire, c’est comme rouler à vélo : si l’on cesse de pédaler, on tombe ! »

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Olivier Bleys
Olivier Bleys. Photo DR

Olivier Bleys est un écrivain aux multiples talents : romancier, scénariste, essayiste et infatigable marcheur. Curieux et passionné d’écriture depuis l’enfance, il a suivi des études en lettres et en histoire, qui ont nourri son goût pour les récits ancrés dans le passé, tout en éveillant une réflexion continue sur le monde contemporain. Son œuvre, foisonnante et éclectique, explore des genres variés, du roman historique au récit de voyage, en passant par l’anticipation et la bande dessinée.

Dès son premier roman, Pastel (2000), couronné par le Prix François-Mauriac de l’Académie française, Olivier Bleys s’impose dans le paysage littéraire. Il y évoque le commerce du pastel au XVIe siècle, dans un récit où l’Histoire dialogue avec l’humain. Il enchaîne avec Le Fantôme de la tour Eiffel (2002), une intrigue parisienne dans les coulisses de la célèbre tour, et Semper Augustus (2007), qui plonge le lecteur dans la folie spéculative des tulipes aux Pays-Bas du XVIIe siècle. En 2013, Le Maître de café, récompensé par le Grand Prix du Roman de la SGDL, aborde les liens filiaux dans un décor africain vibrant. Avec Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes (2015), finaliste du Prix Goncourt des lycéens, il livre une fable écologique et méditative sur la place de l’homme dans la nature. Enfin, Antarctique (2022) marque une incursion dans la fiction d’anticipation, imaginant un monde post-effondrement en quête de nouveaux équilibres.

Marcheur passionné, Olivier Bleys s’est lancé en 2010 dans un tour du monde à pied, réalisé par étapes. Cette aventure humaine et physique irrigue ses textes d’une profonde réflexion sur le temps, l’espace et les cultures traversées. Ses récits de voyage et ses essais traduisent cette expérience de l’altérité et cette volonté de voir le monde « à hauteur d’homme », avec humanité et patience.

Parallèlement à ses romans, il écrit pour la bande dessinée, notamment dans la collection La Petite Bédéthèque des Savoirs, où il aborde des sujets historiques et de société avec rigueur et inventivité. Son travail a été salué par de nombreuses distinctions, parmi lesquelles les titres de Chevalier (2014) puis Officier des Arts et des Lettres (2021).

Inspiré par des auteurs tels que Jules Verne, Albert Camus, Stefan Zweig ou Italo Calvino, Olivier Bleys mêle dans ses textes l’Histoire, la géographie vécue, et une sensibilité philosophique tournée vers les grandes questions humaines : la mémoire, le temps, la lenteur.

Plus qu’un auteur prolifique, il se positionne en passeur de savoirs. Il intervient régulièrement en milieu scolaire ou culturel pour transmettre sa passion de la littérature, défendre l’imaginaire, et promouvoir une approche vivante, accessible et ouverte de l’écriture. À travers ses livres comme à travers ses rencontres, il invite à ralentir, à regarder le monde autrement, et à renouer avec la richesse du récit comme outil de compréhension, de rêve et d’éveil.

Olivier Bleys est un écrivain aux multiples facettes, explorant avec talent le roman historique, l’anticipation, la bande dessinée et le récit de voyage. Son œuvre, nourrie par une profonde curiosité pour le monde et ses histoires, se distingue par une érudition accessible et une écriture en mouvement. Son engagement littéraire va bien au-delà des livres : marcheur au long cours, il poursuit depuis 2010 un tour du monde à pied, une expérience qui façonne sa vision du temps, de l’espace et des civilisations qu’il traverse. À travers cet entretien, il revient sur ses inspirations, ses explorations et sa manière de concilier voyage et écriture.

Le Matin d’Algérie : Votre œuvre couvre une grande diversité de genres, du roman historique au récit d’anticipation, en passant par la bande dessinée et le récit de voyage. Comment parvenez-vous à concilier ces univers si variés dans votre écriture ?

Olivier Bleys : Ce n’est pas une contrainte mais une diversion agréable, peut-être même nécessaire. Elle m’aide à combattre la routine, la répétition, qui nuisent sévèrement à mon travail et pourraient même l’empêcher. En abordant de nouveaux genres, même très éloignés de ma pratique ordinaire (j’ai écrit un livret d’opéra, par exemple), je m’aère l’esprit et stimule ma créativité. C’est particulièrement vrai des œuvres collectives ou de collaboration, qui brisent la redoutable solitude du créateur.

Le Matin d’Algérie : Vous avez été nommé Chevalier des Arts et des Lettres en 2014, puis Officier en 2021. Que représentent ces distinctions pour vous et quel impact ont-elles eu sur votre parcours littéraire ?

Olivier Bleys : J’ai grandi dans un immeuble social, au sein d’une famille assez défavorisée matériellement. Les distinctions et les prix qui ont émaillé ma carrière artistique possèdent donc une valeur particulière. Ils ont le goût de la revanche. En revanche, si elles sont un gage de sérieux dans certains milieux, ces décorations n’ont en rien aidé mon parcours littéraire. D’une part, peu de gens sont au courant. D’autre part, il est plus utile d’habiter Paris et de fréquenter les journalistes que d’avoir du talent. Même le prix Nobel n’a pas durablement sorti certains auteurs de l’anonymat.

Le Matin d’Algérie : Vous avez entrepris un tour du monde à pied depuis 2010, par étapes. En quoi cette expérience influence-t-elle votre vision du monde et votre manière de raconter des histoires ?

Olivier Bleys : Ce projet a été suspendu à Moscou, le 5 juillet 2019. La crise sanitaire, puis l’invasion de l’Ukraine que nous avions d’ailleurs traversée à pied en intégralité, n’ont pas permis de le poursuivre. Il s’agit donc d’un tour du monde à pied inachevé, devenu une traversée d’Europe achevée, de France jusqu’en Russie, à travers la Suisse, l’Italie, la Slovénie, la Croatie, la Hongrie et l’Ukraine.

Tout marcheur au long cours développe une vision du monde qui lui est propre, marquée à la fois par une certaine ouverture (réciproque du bon accueil qu’il reçoit, en général, des populations rencontrées en chemin) et une certaine vigilance (il faut garder les yeux ouverts et les sens aux aguets lorsqu’on progresse, seul et sans défense, sur les routes et les sentiers du monde). Je ne crois pas, en revanche, que j’écrive ou raconte différemment depuis que je marche. L’écriture du voyage, d’ailleurs, m’a déçu. Il est difficile d’échapper au tourisme et aux lieux communs qu’il nourrit. Trop d’images encombrent notre esprit, je crois, pour développer de nos jours un regard neuf sur le monde. Que dire d’inédit sur Venise, sur New-York, sur la Chine ?

Le Matin d’Algérie : L’Histoire occupe une place centrale dans vos romans, comme Pastel ou Semper Augustus. Qu’est-ce qui vous attire dans le passé et comment parvenez-vous à le rendre vivant pour vos lecteurs ?

Olivier Bleys : Ce n’est pas le passé qui m’importe, mais la distance au réel. Cette distance peut exister dans le temps ou dans l’espace. Voilà ce qui m’a porté vers le roman historique comme vers le récit de voyage. L’essentiel, c’était d’être loin ! Je ne sais pas parler de l’ici et maintenant. Je n’ai rien à dire sur notre époque. Elle est passionnante à certains égards, mais tragique de bien des façons. Pour qui aime lire et s’est construit à travers la lecture et la fréquentation des grands auteurs, notre siècle n’a pas beaucoup d’intérêt. Pourtant, je ne rejette pas tous les aspects de la modernité. J’ai travaillé pour le jeu vidéo et je suis assez à l’aise, par exemple, avec les technologies.

J’ignore pourquoi j’ai des affinités avec le passé. Peut-être grâce à mes vies antérieures ? Il m’est beaucoup plus naturel de raconter une chevauchée à cheval qu’un voyage en avion. L’expérience de la chevauchée est riche en odeurs, en couleurs, en sensations… Le voyage moderne, au contraire, revient principalement à zapper d’un écran à l’autre, de son téléphone au moniteur diffusant des films à bord. Ça n’a aucun intérêt.

Le Matin d’Algérie : Avec des œuvres comme Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes et Antarctique, vous abordez des thématiques écologiques et philosophiques. Quelle est votre vision de la place de l’homme dans la nature et de son rôle face aux défis environnementaux ?

Olivier Bleys : Il faudrait plus que quelques lignes pour développer mon point de vue ! J’ai été attentif au témoignage du philosophe Francis Wolff, lu récemment dans Le Monde, qui contestait la vision horizontale et égalitaire de toutes les espèces vivantes, répandue sottement chez nombre de penseurs contemporains. Je crois comme lui que l’homme tient une place spéciale dans ce qu’on appelait autrefois la Création, que des responsabilités particulières lui incombent et que si le monde va en effet à sa destruction, c’est d’abord sa faute. Il a davantage de devoirs que le chien ou la libellule mais, pour pouvoir les remplir, il doit jouir aussi de davantage de droits. 

Pour les besoins de mon dernier livre paru, La Marche aux étoiles, j’ai randonné pendant des semaines dans les montagnes de Californie, où les ours sont nombreux (on en compterait plus de 30 000 dans cet État américain) et la probabilité de les rencontrer, assez élevée. On lit partout que l’ours est « chez lui » dans ces montagnes, sous-entendu que l’homme y serait intrus. Je n’aime pas cette vision des choses, qui réduit l’homme à un admirateur coupable et repentant de la beauté sauvage. Nous abdiquons notre dignité d’espèce objectivement dominante, qui a façonné le monde à son image. En la matière, je suis partisan d’un certain humanisme.

Le Matin d’Algérie : Vous êtes également scénariste et auteur de bandes dessinées. Qu’est-ce qui vous plaît dans ce format et comment diffère-t-il de votre travail romanesque ?

Olivier Bleys : C’est un hommage à mes propres influences, car je suis lecteur régulier d’albums de bandes dessinées. J’aurais aimé développer davantage ce rayon de ma bibliothèque, mais le temps me manque, et peut-être aussi une inspiration vraiment originale. Hélas, je ne sens pas en moi un univers d’auteur assez riche, assez dense pour bâtir une grande œuvre de scénariste BD. Cela reste marginal dans ma création.

Le Matin d’Algérie : Vous intervenez souvent auprès des jeunes publics dans les écoles et médiathèques. Quel rôle attribuez-vous à la transmission de la littérature et de l’imaginaire auprès des nouvelles générations ?

Olivier Bleys : Non, en réalité, j’interviens assez peu dans les établissements scolaires et ce n’est pas un exercice que je prise particulièrement. Certains ont la vocation de transmettre, pas moi. Je trouve difficile de s’adresser au jeune public qui, en majorité, ne lit plus, n’a qu’un accès et une fréquentation scolaire des ouvrages imprimés, et pour qui l’écrivain est une figure étrange et surannée, ce que pouvait être de mon temps un sabotier. C’est même assez humiliant d’être regardé comme une antiquité ! Les jeunes veulent rencontrer des footballeurs, des influenceuses, des chanteurs de rap… Pourquoi les contrarier ? Notre public, hélas, se compose en grande majorité de personnes d’un certain âge. Il vieillit comme vieillit le livre lui-même. Nous devons l’accepter.

Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?

Olivier Bleys : Fort heureusement, puisque je vis de cette activité. Pas de chômage pour les écrivains, ni congés payés, ni tickets-restaurants ! Ecrire, c’est comme rouler à vélo : si l’on cesse de pédaler, on tombe !

J’ai donc entrepris l’écriture d’un roman à thème scientifique. Comme La Marche aux étoiles, ce récit situé dans l’Amérique des années 1930 traite d’astronomie. Je travaille aussi sur des projets audiovisuels. J’ai pris beaucoup de plaisir à réaliser le film-documentaire de La Marche aux étoiles, et j’aimerais en tourner d’autres dans des conditions plus professionnelles.

Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?

Olivier Bleys : Visitez mon site, riche d’informations sur mes livres et mes autres activités ! https://olivierbleys.com/

Entretien réalisé par Brahim Saci

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Le PCF lance une campagne de collecte pour « implanter un million d’oliviers » en Palestine

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Gaza
Image par hosny salah de Pixabay

Le Parti communiste français (PCF) a annoncé mardi le lancement d’’’une campagne de collecte’’ pour ‘’implanter un million d’oliviers’’ en Palestine, parallèlement à la visite d’une délégation de l’Organisation de libération de la Palestine prévue le 4 juin à Paris.

‘’Le PCF recevra une importante délégation de l’OLP le 4 juin prochain, en notre siège, pour lancer une campagne européenne pour la reconnaissance de l’État de Palestine’’, a expliqué le patron du parti communiste, Fabien Roussel, sur la radio RTL.

Le dirigeant communiste a annoncé lancer ‘’parallèlement une campagne pour collecter de l’argent et implanter un million d’oliviers dans les territoires palestiniens’’, en ‘’symbole de la terre que les Palestiniens doivent conserver.’’

‘’Nous avons été nombreux à condamner’’ l’attaque du 7 octobre 2023 ‘’mais ça ne justifie pas le génocide d’un peuple, l’effacement d’un peuple’’, a soutenu Fabien Roussel, affirmant que ‘’la famine est utilisée comme arme de guerre’’ et exhortant les Français à ‘’ne pas détourner les yeux’’.

Fabien Roussel a réitéré une nouvelle fois son appel au président Emmanuel Macron pour qu’il reconnaisse ‘’enfin l’Etat de Palestine’’.

’’S’il le fait dans deux mois, il ira le planter où le drapeau palestinien ? Sur une terre exsangue où se construiront des colonies israéliennes’’, a-t-il déclaré.

La reconnaissance de l’État palestinien pourrait être actée lors de la conférence internationale coprésidée par la France et l’Arabie saoudite pour relancer une solution pacifique au conflit israélo-palestinien dite ‘’solution à deux Etats’’, qui se tiendra à New York du 17 au 20 juin.

De son côté, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a estimé que ‘’L’époque des mots est dépassée et ce qu’il faut, c’est des sanctions’’.

Et d’ajouter : ‘’Ce qu’il faut, c’est que Netanyahu et son gouvernement suprémaciste d’extrême droite entendent que le monde entier ne laissera pas faire et que nous ne laisserons pas commettre un génocide à Gaza’’, a-t-il déclaré sur la chaîne France 2.

A. A.

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Mali : les terroristes du Jnim déciment le camp militaire de Dioura

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Mali
Les terroristes du Jnim ont décimé un camp militaire.

Au Mali, une quarantaine de soldats ont été tués le 23 mai 2025 dans l’attaque du camp militaire de Dioura, région de Mopti, dans le centre du pays. Les terroristes du Jnim, liés à al-Qaïda, ont revendiqué avoir pris le contrôle du camp, ce que les sources locales, civiles et sécuritaires, jointes par RFI, ont confirmé. Le Jnim a également diffusé des vidéos des soldats maliens tués et des armes et véhicules dérobés. L’armée n’a pas communiqué sur cette attaque.

Il s’agit sans doute de l’attaque la plus sanglante commise ces derniers mois par les tueurs du Jnim sur le territoire malien. Les terroriste du Jnim ont attaqué en début d’après-midi, avant 14h. Ils ont pris le contrôle du camp militaire et y sont restés jusque tard dans la nuit. Le camp a été entièrement contrôlé par les terroristes qui ont exécutés les soldats blessés. Le camp a été entièrement pillé et plus de 20 véhicules ont été incendiés dont des véhicules blindés. Il y aurait

Plusieurs sources locales témoignent même d’allers-retours des terroristes dans la journée du samedi, dans le camp mais aussi dans la ville de Dioura, au Mali.

Les soldats maliens qui ont subi l’attaque n’ont reçu aucun renfort. Aucune intervention aérienne n’a été rapportée. Un détachement de l’armée est arrivé à Dioura dimanche – le surlendemain – et n’a pu que constater les dégâts. Ce détachement est toujours sur place.

Quarante et un soldats tués

Les images de l’attaque diffusées par le Jnim pendant le weekend sont effroyables. On y voit les corps de nombreux militaires morts au combat. Les jihadistes se mettent en scène à l’intérieur du camp, qu’ils saccagent et incendient. Le Jnim affiche aussi, comme à son habitude, ses nombreuses prises de guerre : véhicules, armes, munitions, téléphones, papiers d’identité de soldats tués…

Le Jnim revendique la mort de quarante militaires maliens, un bilan particulièrement lourd. De source sécuritaire malienne, 41 soldats précisément ont été tués. Le chef du camp et son adjoint font partie des victimes. « Une attaque terrible, ils ont dévalisé le camp », confirme encore cette source, qui déplore des manquements : « Il y avait eu des alertes, mais la hiérarchie a été trop négligente. »

Le camp de Dioura a déjà été visé à plusieurs reprises par les terroristes du Jnim, ces dernières années. Il y a un an et demi, les rebelles indépendantistes du FLA (Front de libération de l’Azawad) l’avaient eux aussi attaqué. À l’époque, la coalition rebelle s’appelait CSP.

L’armée malienne n’a pas communiqué sur cette dernière attaque et, sollicitée par RFI, n’a pas donné suite. Dans son dernier communiqué, publié le 24 mai, l’état-major affirme avoir « neutralisé plusieurs terroristes » dans une opération menée vendredi près de Sofara, également dans la région de Mopti, sans faire mention de l’attaque de Dioura.

Par ailleurs, ce lundi matin, c’est le camp militaire de Soumpi, dans la région de Tombouctou, qui a été visé par des tirs de drones. Cette fois, ce sont les rebelles indépendantistes du FLA qui revendiquent l’attaque. Aucun bilan n’a pu être vérifié à ce stade.

Les terroristes ont aussi attaqué une société chinoise samedi dans la région de Kayes (ouest du Mali).

La rédaction avec Rfi

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Affaire des parrainages présidentiels : Saïda Neghza, Belkacem Sahli et Abdelhakim Hamadi lourdement condamnés

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Saïda Neghza, Belkacem Sahli et Abdelhakim Hamadi
Saïda Neghza, Belkacem Sahli et Abdelhakim Hamadi lourdement condamnés.

Le pôle pénal économique et financier près le tribunal de Sidi M’hamed (Alger) a rendu, ce lundi 26 mai, son verdict dans l’affaire liée à l’achat de parrainages pour l’élection présidentielle de 2024. Une condamnation très lourde si l’on sait qu’elle est basée sur un faisceau de soupçons.

Selon les informations rapportées par le quotidien Echourouk dans son édition en ligne du 25 mai, trois figures connues de la scène politico-économique nationale ont été lourdement condamnées : Saïda Neghza, présidente de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), Belkacem Sahli, ancien ministre et responsable de formation politique, ainsi qu’Abdelhakim Hamadi, ex-candidat à la présidentielle.

Les trois principaux accusés ont été condamnés chacun à dix ans de prison ferme assortis d’une amende de 1 million de dinars (l’équivalent de 100 millions de centimes). Les juges ont donc suivis les réquisitions et ont voulu frappé les esprits avec ces condamnations.

Peines supplémentaires

Les enfants de Saïda Neghza, également poursuivis dans cette affaire pour complicité et blanchiment d’argent, ont été condamnés à des peines allant de 6 à 8 ans de prison ferme.

En ce qui concerne les autres accusés — dont plusieurs élus locaux, membres ou proches de la CGEA et divers intermédiaires — le tribunal a prononcé des peines variant entre 5 et 8 ans de prison ferme, tandis que certains ont bénéficié d’un acquittement faute de preuves suffisantes.

Rappel des faits

L’affaire remonte à la période précédant la présidentielle de 2024. Une enquête judiciaire, ouverte à la suite de soupçons de pratiques frauduleuses, avait révélé l’existence d’un vaste réseau impliqué dans l’achat et la vente de parrainages, un mécanisme exigé par la loi électorale algérienne pour la validation des candidatures à la magistrature suprême.

Si les verdicts sont tombés, cette affaire n’a toutefois pas livré tous ses secrets. Dans une vidéo publiée sur sa page Facebook, Saïda Neghza, tout en clamant son innocence, affirme être victime d’un complot ourdi par des cercles influents du sérail militaire et économique, qu’elle accuse d’avoir orchestré une cabale contre elle.

Samia Naït Iqbal

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Christophe Lafaye : « J’estime entre 5 000 et 10 000 le nombre de combattants algériens tués par armes chimiques »

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Christophe Lafaye
Christophe Lafaye, historien.

Près de soixante ans après la guerre d’indépendance algérienne, la France continue d’entretenir un déni institutionnel et mémoriel profond concernant les crimes coloniaux, en particulier l’usage d’armes chimiques dans les Aurès. Christophe Lafaye, historien spécialiste de cette période, dénonce l’omerta qui entoure ces violences et souligne l’importance cruciale de porter la mémoire locale, celle des habitants et des témoins directs, au cœur de la recherche historique.

Christophe Lafaye met en garde contre les manipulations politiques et médiatiques qui entretiennent la division et l’ignorance, au détriment d’une vérité nécessaire à la réconciliation. Selon lui, seule une coopération sincère entre chercheurs algériens et français, un travail rigoureux d’archives orales et privées, ainsi qu’une reconnaissance claire des faits pourront permettre d’établir une mémoire apaisée mais juste.

Face à ces blessures historiques, Christophe Lafaye invite à une vigilance démocratique et à un engagement partagé, afin de reconstruire un récit commun fondé sur la vérité, sans repentance ni oubli.

Le Matin d’Algérie : M. Lafaye, pourriez-vous nous préciser comment vous avez été conduit à vous intéresser spécifiquement à l’usage des gaz toxiques par l’armée coloniale française durant la Guerre de libération nationale ?

Christophe Lafaye : Tout a commencé en 2011, lors de la réalisation de ma thèse de doctorat. Je travaillais sur l’engagement de l’armée française, en particulier du génie, en Afghanistan, qui réutilisait des retours d’expérience de la guerre d’Algérie pour son entraînement. En 2011, j’ai suivi la préparation opérationnelle de sapeurs spécialisés, qui mettaient en œuvre certaines techniques de combat souterrain développées en Algérie. C’est à ce moment-là que j’ai découvert l’existence des sections « armes spéciales », qui ont opéré de 1956 jusqu’à la fin de la guerre.

Quatre ans plus tard, j’ai rencontré par hasard, à Besançon, Yves Cargnino, un ancien combattant de l’une de ces sections, qui, en raison de son service, souffrait de graves lésions pulmonaires. Nous avons réalisé plusieurs entretiens et il m’a présenté d’autres anciens combattants, dont certains témoignent dans le documentaire de Claire Billet, Algérie, sections armes spéciales. J’ai alors pris conscience de l’ampleur de l’emploi de ces unités en Algérie, et surtout des spécificités du recours aux armes chimiques.

Le Matin d’Algérie : Quelles méthodologies historiques, archivistiques ou de terrain avez-vous mobilisées pour documenter ces faits, souvent dissimulés ou non reconnus officiellement ?

Christophe Lafaye : J’ai travaillé à partir des archives publiques accessibles au Service Historique de la Défense (SHD) à Vincennes et Châtellerault, aux Archives Nationales d’Outre-mer (ANOM), aux archives diplomatiques (Nantes et La Courneuve), ainsi qu’aux archives du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Genève.

Les archives publiques du SHD concernant la guerre chimique en Algérie ont été largement ouvertes entre 2015 et 2019, puis refermées à la faveur de la crise liée à l’application du « secret défense » (IGI n°1300), qui imposait la déclassification des documents classifiés depuis 1940. Après une mobilisation des archivistes et des historiens, le Conseil d’État a annulé cette IGI n°1300 en juin 2021. Le ministère des Armées a ensuite complexifié l’accès à ses archives avec de nouvelles restrictions introduites dans la loi de prévention des actes terroristes (PATR) du 30 juillet 2021.

En 2022, lorsque j’ai tenté de consulter de nouveau ces archives, le SHD m’a opposé l’article L 213-2, II de la loi de juillet 2008, qui rend ces documents incommunicables sans possibilité de dérogation, sous prétexte qu’ils pourraient permettre de concevoir, utiliser ou localiser des armes de destruction massive. En réalité, cette fermeture vise moins à protéger des secrets techniques qu’à verrouiller une mémoire historique.

Heureusement, j’ai pu recueillir de nombreux témoignages oraux en France et en Algérie, ainsi que des fonds d’archives privées, constituant ainsi des archives alternatives indispensables. Pour documenter des crimes de guerre, il est essentiel de disposer de sources contradictoires pour effectuer des recoupements. Plus de soixante ans après les faits, il devient urgent de collecter ces mémoires.

Le Matin d’Algérie : Quels types d’archives ou de témoignages ont été les plus difficiles à obtenir ou à authentifier dans le cadre de vos recherches ?

Christophe Lafaye : Les archives publiques du SHD sont particulièrement difficiles à collecter. De nombreux cartons ont été refermés depuis 2019. Même lorsque la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) donne un avis favorable à leur ouverture, celui-ci reste consultatif, et le SHD peut choisir de ne pas s’y conformer. J’ai le sentiment qu’une véritable guerre d’usure s’est installée entre l’administration et les chercheurs sur ces documents sensibles liés à l’histoire du ministère des Armées.

Je ne suis pas le seul à me heurter à cette opacité. J’espère qu’avec le changement de direction à la tête du SHD à la fin de 2024, la situation évoluera. J’ai un profond respect pour les archivistes et j’espère que la raison prévaudra sur ce dossier sensible mais historiquement essentiel.

Concernant le traitement des archives, tous les éléments doivent être recoupés par d’autres sources : c’est la base même de la méthode historique. Mais plus on s’éloigne des faits, plus ces recoupements deviennent complexes. D’où l’importance du travail de terrain en Algérie.

Le Matin d’Algérie : Pouvez-vous nous détailler quels types de substances chimiques ont été employées par l’armée française en Algérie et quels étaient leurs effets immédiats et à long terme sur les populations et l’environnement ?

Christophe Lafaye : Une lettre retrouvée lors de nos recherches à Vincennes indique que le ministère des Armées a souhaité encadrer l’usage de ces armes chimiques :

« Sur les propositions du Commandement des Armes Spéciales faites pour répondre à des demandes du général commandant la 10ᵉ région militaire [le général Henri Lorillot], dans le cadre de la mission définie par la note n°7657 EMA/CAB du 19 avril 1956, certains procédés chimiques pourront être employés au cours des opérations en Algérie. »

Une arme chimique est une arme utilisant au moins un produit toxique pour l’être humain. Ces agents peuvent être incapacitants, neutralisants, psychotropes, ou létaux. La lettre précise que « ces procédés ne devront mettre en œuvre que des produits normalement utilisés dans les différents pays pour le maintien de l’ordre [souligné], c’est-à-dire limités à l’utilisation du bromacétate d’éthyle, de la chloracétophénone et de la diphénylaminochlorarsine ou de corps possédant des propriétés très voisines ».

Le ministre conclut prudemment : « Comme pour le maintien de l’ordre, ils ne devront être employés qu’à des concentrations telles qu’elles ne puissent entraîner aucune conséquence grave pour des individus soumis momentanément à leurs effets. »

En réalité, de multiples vecteurs de diffusion ont été développés (grenades, chandelles, roquettes, bombes, etc.) pour neutraliser les réduits souterrains. Cette pièce d’archive confirme les informations publiées en 2009 par le colonel Olivier Lion :

« Durant les opérations en 1958-1959, les "sections de grotte" utilisèrent des projectiles chargés de lacrymogènes (grenade modèle 1951, contenant 80 g de CN2D ou de CND – mélange de chloracétophénone et d’adamsite – ou grenade modèle 1959, chargée de CND ou de CB – appellation française du CS) pour neutraliser les occupants de refuges souterrains. Certains sites auraient été contaminés afin d’en interdire l’usage aux rebelles. »

Le gaz CN2D, mis au point par les laboratoires français, appartient aux incapacitants. Sa grande agressivité permettait de neutraliser les occupants des grottes tout en demeurant actif plusieurs mois grâce à l’ajout d’arsines, selon l’humidité et la ventilation du lieu. En milieu clos, son emploi pouvait devenir mortel. Bien que les gaz aient été conçus pour capturer des prisonniers et obtenir du renseignement, leur usage aboutissait souvent à la mort.

Le témoignage d’Yves Cargnino est édifiant : « Les corps étaient boursouflés, de la bave jaunâtre leur sortait de la bouche. Ils présentaient une érection… comme les pendus quoi… ils étaient asphyxiés. Nous ne remontions pas les corps. Pour quoi faire ? Et souvent c’était impossible. Nous fouillions les lieux puis nous faisions sauter l’entrée à l’explosif, quand cela était possible. »

L’exposition au CN2D n’épargnait pas les soldats. Yves Cargnino fut intoxiqué à deux reprises entre 1959 et 1961. À son retour, il souffre d’insuffisance pulmonaire. En 2008, il demande une revalorisation de sa pension d’invalidité. Le jugement du tribunal des pensions de Besançon du 8 décembre 2016 conclut :

« Les gaz CND, CN2D et CN DM sont létaux en milieu fermé. Les soldats, chargés de fouiller les galeries après explosion des grenades, ont nécessairement respiré ces gaz. »

Aujourd’hui, les anciens combattants français peuvent faire reconnaître leur préjudice. En revanche, en Algérie, il est encore impossible d’évaluer l’impact humain et environnemental de cette guerre souterraine. L’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OIAC) a intégré ces leçons : l’article 5 de la Convention de 1993, entrée en vigueur en 1997, interdit désormais l’usage des agents antiémeute comme moyen de guerre.

Un combattant de l’ALN capturé par l’armée française.

Le Matin d’Algérie: Selon vos estimations, quelle est l’ampleur géographique et humaine de ces opérations, notamment dans les régions des Aurès et de Kabylie ?

Christophe Lafaye : Il est essentiel de comprendre que ces opérations ne se sont pas limitées aux régions des Aurès ou de la Kabylie. Elles ont eu lieu dans toute l’Algérie : Oran, Alger, Tlemcen, Sétif, Constantine… Les sections « armes spéciales » sont intervenues sur l’ensemble du territoire. Le travail de documentation reste colossal : il faut ouvrir les archives françaises, mais aussi entamer un travail de mémoire et de collecte en Algérie pour construire une histoire alternative.

En 1956, face à la montée de l’Armée de libération nationale (ALN), l’État-major expérimente les armes chimiques pour neutraliser les refuges souterrains, difficiles à investir militairement. Le film retrace ce processus, de l’expérimentation dès 1956 à la validation politique, puis au développement des unités spécialisées et à leur rationalisation en 1959.

L’objectif était double : d’une part, offensif, pour gazer les grottes occupées avec du CN2D, forcer les occupants à sortir ou les tuer ; d’autre part, préventif, pour contaminer les grottes inoccupées et les rendre inutilisables.

J’estime entre 5 000 et 10 000 le nombre de combattants algériens tués par armes chimiques, sur la base d’environ 450 opérations recensées dans les archives.

Mais il ne s’agissait pas uniquement de combattants. Ces grottes étaient aussi des lieux refuge pour des civils. À Ghar Ouchetouh, les 22 et 23 mars 1959, 118 habitants ont été tués par intoxication. Par la suite, certains membres des unités spéciales sont eux-mêmes morts des suites de l’exposition au gaz. Yves Cargnino en témoigne dans le documentaire de Claire Billet : « On a tué par les gaz et ça me poursuit encore maintenant. »

 Le Matin d’Algérie : Existe-t-il des documents militaires ou des instructions officielles qui attestent de la systématicité ou du caractère prémédité de l’utilisation de ces armes ?

Christophe Lafaye : Oui. Le documentaire de Claire Billet, Algérie, sections armes spéciales, présente des documents qui prouvent l’organisation méthodique de cette guerre chimique. L’année 1956 est consacrée aux expérimentations, validées par la IVe République de Guy Mollet, avec François Mitterrand à l’Intérieur, Maurice Bourgès-Maunoury à la Défense, et Max Lejeune comme secrétaire d’État à la Guerre. Cette politique est soutenue par Robert Lacoste, gouverneur général et ministre de l’Algérie.

Des traces de ces décisions politiques existent dans les fonds du SHD et des ANOM. La Ve République, à partir de 1959, va rationaliser cette guerre avec le plan Challe, confié au général Maurice Challe. C’est une campagne militaire implacable contre l’ALN, menée sur tout le territoire algérien entre février 1959 et avril 1961.

Derrière cette doctrine, il y a l’influence du général Charles Ailleret (1907–1968), commandant l’état-major des armes spéciales, qui, dès 1947, plaidait pour l’usage structuré des innovations technologiques dans la guerre. Une doctrine de guerre souterraine est rédigée dès novembre 1958 par la batterie « armes spéciales » du 411ᵉ régiment d’artillerie antiaérienne. Elle sert de manuel pour former les unités et organiser l’utilisation des gaz.

Il s’agit donc d’une guerre chimique expérimentée, planifiée puis généralisée sur tout le territoire algérien. Les documents accessibles le démontrent sans ambiguïté.

Le Matin d’Algérie : Comment analysez-vous le silence ou le déni institutionnel français autour de ces crimes, près de 60 ans après la fin de la guerre ?

Christophe Lafaye : En tant qu’historien, je pense que nous n’avons pas encore regardé en face ce qu’était réellement la guerre d’indépendance algérienne. Il est difficile d’affronter cette guerre dans toute l’étendue de ses violences, atrocités et cruautés. « Nous préférons regarder la guerre de biais plutôt que de face, à tel point qu’avant de nous tromper sur la guerre, nous nous trompons sans doute sur notre propre société et sur nous-mêmes », rappelait l’historien Stéphane Audoin-Rouzeau lors d’une allocution à l’université de Bordeaux en 2023.

Faute d’avoir jugé pénalement les responsables des violences coloniales pour édifier les consciences, ces violences peinent encore à s’imposer dans le récit médiatique et politique sur la guerre d’Algérie.

Ainsi, l’extrême droite, qui a repris vigueur dans les années 1970 autour du combat de l’Algérie française, impose des thèses qui empoisonnent la vie politique en France, notamment sur des thèmes comme le « grand remplacement », qui n’existe pas. Ces thèses ont de puissants relais médiatiques qui se multiplient à l’heure où les réseaux sociaux appauvrissent le débat public. Je suis persuadé du rôle néfaste de ces réseaux et des médias « aux ordres » d’une pensée politique extrême, parfois soutenue par des États qui cherchent à déstabiliser la France. C’est un danger pour notre démocratie.

Il suffit d’observer le rôle joué par Fox News ou X dans l’ascension de l’extrême droite de Donald Trump aux États-Unis. En appauvrissant les débats et en martelant des contre-vérités, ce sont les fondements du pacte républicain qui sont attaqués. Le thème de l’Algérie réveille les démons d’une histoire traumatique et divise la société en diffusant des mensonges. C’est sur la haine, l’injustice, l’ignorance, la peur et les clivages que prospère le fascisme contemporain. Les responsables politiques soucieux de l’avenir de notre démocratie doivent en tenir compte.

Le Matin d’Algérie : À votre avis, quels mécanismes mémoriels entravent encore aujourd’hui une reconnaissance pleine et entière de ces faits par l’État français ?

Christophe Lafaye : La France bute encore sur la qualification du « colonialisme » et, in fine, sur sa condamnation absolue. Les chercheurs, dont je fais partie, doivent poursuivre leur travail pour améliorer la connaissance du public français sur ces événements traumatiques, souvent sujets à de nombreuses manipulations. Malgré tout, depuis près de trente ans, les historien·ne·s ont montré la spécificité du système colonial en Algérie.

La révélation de l’usage des armes chimiques représente un nouveau pas vers la lumière sur la nature réelle de cette guerre. Mais je suis préoccupé : le savoir universitaire peine à s’imprimer dans la sphère publique. Nous montrons que la Terre est ronde, mais dans les discours, elle semble toujours plate. Depuis la diffusion du documentaire, aucune réaction politique notable n’a eu lieu, ni du Président de la République ni du Premier ministre. Pourtant, la démonstration est implacable

Le Matin d’Algérie : Comment les sociétés algérienne et française peuvent-elles coopérer pour faire émerger une mémoire apaisée mais juste autour de ces crimes ?

Christophe Lafaye : Les échanges entre universitaires algériens et français sont constants. Cette collaboration autour du documentaire « Algérie, sections armes spéciales » en est un exemple concret. Lorsque les sociétés civiles des deux rives de la Méditerranée travaillent ensemble, de grandes avancées sont possibles. Je pense cependant que les historien·ne·s algériens surestiment parfois l’importance des archives publiques françaises. Dans le cas des crimes de guerre, ces archives sont souvent des archives de la dissimulation.

Il est urgent de lancer en Algérie des programmes de collecte de la mémoire locale sur la guerre d’indépendance. Si les archives françaises dissimulent, les villages et les individus, eux, n’oublient pas. C’est dans cette recherche commune de la vérité historique que se trouve le chemin le plus sûr vers la réconciliation.

Le Matin d’Algérie : Pensez-vous que l’usage de ces gaz toxiques pourrait être qualifié de crime de guerre ou de crime contre l’humanité au regard du droit international humanitaire ?

Christophe Lafaye : Mon rôle d’historien est d’établir des faits solides et d’écrire cette histoire. C’est aux juristes spécialisés en droit international humanitaire de se saisir de ces travaux pour qualifier juridiquement ces faits. Ce que je peux affirmer, c’est que le massacre de Ghar Ouchettouh, les 22 et 23 mars 1959 (Aurès), constitue incontestablement un crime de guerre ayant entraîné la mort de plus de 118 civils. La qualification juridique est importante, mais encore une fois, la tâche de l’historien est de fournir des faits rigoureux et de les replacer dans leur contexte national et international. Il faut manier ces termes avec précision et professionnalisme. Les juristes sont les mieux placés pour nous éclairer, en s’appuyant sur les textes et normes internationales.

Le Matin d’Algérie : Avez-vous identifié des séquelles environnementales persistantes dans les zones où ces armes ont été utilisées, notamment à Ghar Ouchettouh dans la commune de Taxlent ?

Christophe Lafaye : J’ai effectué des prélèvements de terre et de roches en Kabylie et dans les Aurès, mais jusqu’à présent, je peine à trouver un laboratoire acceptant d’analyser ces échantillons. Il y a un véritable besoin de travail pluridisciplinaire pour étudier les séquelles environnementales de cette guerre chimique. Ce sont les biologistes, les spécialistes des sols, et d’autres experts qu’il faut mobiliser. La guerre chimique est par nature un sujet de recherche interdisciplinaire. L’historien seul ne peut pas apporter toutes les réponses.

Le Matin d’Algérie : Des recherches scientifiques ou médicales complémentaires seraient-elles nécessaires pour évaluer l’impact sanitaire durable sur les populations locales ?

Christophe Lafaye : En Haute-Kabylie, des bergers nous ont confiés que certaines grottes étaient refermées volontairement car les effets des gaz y sont encore ressentis. Au début des années 1980, un jeune berger du village Aït Mislayène s’est brûlé chimiquement à la jambe en manipulant de la terre provenant d’une grotte contaminée pendant la guerre. Il a fallu deux mois de soins quotidiens, assurés à l’époque par des médecins coopérants russes, pour guérir sa blessure. Ces témoignages montrent que les indices d’atteintes environnementales sont bien présents. Il est urgent de les étudier scientifiquement.

Le Matin d’Algérie : Votre documentaire a été interdit de diffusion en France mais diffusé en Algérie et en Suisse. Comment percevez-vous la réception contrastée de vos travaux des deux côtés de la Méditerranée ?

Christophe Lafaye : Le documentaire était initialement prévu pour une diffusion en Suisse le 9 mars 2025, puis il a été rapidement diffusé en Algérie sur les chaînes nationales. En France, la diffusion programmée pour le 16 mars 2025 a été déprogrammée, officiellement pour des raisons d’actualité. Ce refus a suscité un véritable scandale, provoquant des réactions très vives en Algérie dans l’opinion publique et les médias. Paradoxalement, cet épisode a amplifié la visibilité du film et du sujet de la guerre chimique en France.

Le 4 avril, le festival international du film documentaire de Douai a décerné son grand prix Terre d’Histoire(s) à Algérie, sections armes spéciales, renforçant sa légitimité.

Finalement, France Télévisions a annoncé sa diffusion pour le dimanche 8 juin 2025 à 23h sur France 5, dans l’émission La Case du siècle. C’est une victoire. Je tiens à remercier toutes les Algériennes et tous les Algériens qui nous ont envoyé leurs messages d’encouragement et de soutien. En France aussi, une chaîne de solidarité s’est créée autour du film. J’ai eu l’occasion de le présenter à plusieurs reprises, à Dole, Arbois, Lons-le-Saunier dans le Jura, ainsi qu’à Paris, lors de soirées organisées par des associations engagées à transmettre cette histoire pour mieux comprendre la guerre d’indépendance algérienne et le colonialisme. Travailler sur une histoire aussi « chaude » expose souvent à des critiques, parfois fondées, parfois injustes, venues des deux rives de la Méditerranée. L’historien est toujours sous le regard de ses pairs, des témoins, et parfois du juge. C’est le prix à payer pour aborder ces blessures de l’histoire.

Le Matin d’Algérie: Quelles pistes de recherches ou collaborations internationales envisagez-vous à l’avenir pour approfondir ces questions sensibles mais essentielles ?

Christophe Lafaye : Les corpus de témoignages et d’archives privées (photos, documents…) doivent constituer des archives alternatives pour interroger les archives publiques françaises. C’est un chantier majeur à ouvrir, sans quoi l’histoire restera incomplète. L’Algérie peut jouer un rôle central dans le champ international de l’histoire orale, en attendant l’ouverture totale de ses archives sur cette période.

Sans les témoignages des survivants de Ghar Ouchettouh, il aurait été impossible de reconstituer la chronologie de ce crime de guerre. En 2026, après la soutenance de mon habilitation à diriger des recherches en France, je souhaite lancer un projet de terrain intitulé « La mémoire de la guerre chimique dans les Aurès (1956-1962) ».

À partir de la cartographie des opérations que je continue d’élaborer grâce aux archives, l’objectif sera de localiser les sites et de collecter les mémoires dans les villages proches. Ce travail de terrain consistera en une vaste enquête orale afin de constituer un fonds d’archives orales qui sera déposé à l’université de Batna.

Parallèlement, une base de données sera créée pour répertorier les lieux de mémoire : coordonnées GPS, itinéraires, numérisation 3D des grottes, notices historiques, lieux de batailles, monuments, camps (de transit, de regroupement, d’interrogatoire, militaires, SAS, etc.) dans les Aurès. Cette première cartographie pourrait inspirer d’autres études locales sur la guerre chimique à travers toute l’Algérie. Tout dépendra des financements qui pourront être mobilisés autour de ce projet-pilote.

Le Matin d’Algérie : Quel message souhaiteriez-vous adresser aux chercheurs, aux étudiants et aux historiens algériens qui souhaiteraient poursuivre ce travail de mémoire ?

Christophe Lafaye : Je leur dirais de ne pas hésiter à se lancer dans la collecte des mémoires locales, ainsi que dans l’identification des lieux de mémoire liés à la guerre d’indépendance algérienne. L’accès aux archives françaises est presque secondaire comparé à la richesse de la mémoire orale et aux traces spatiales conservées en Algérie, qu’il faut impérativement capter au plus vite. À l’image des sociologues, il faut construire des enquêtes de terrain, identifier les sites, organiser des campagnes de collecte de témoignages oraux et d’archives privées, et constituer des bases de données sur tous les lieux de batailles, crimes, détentions et tortures. La guerre chimique est une découverte récente en France, mais comme l’a rappelé à juste titre le président algérien Tebboune, les mémoires locales en Algérie en conservent les traces. Ce sont ces archives alternatives qui permettront de discuter les archives officielles françaises.

De nombreux sujets d’histoire locale méritent d’être développés, notamment dans les Aurès, la Kabylie, l’Oranais.

Par ailleurs, un important travail de traduction doit être entrepris pour rendre accessibles aux chercheurs arabophones les résultats des recherches actuelles. De même, il faut intensifier la traduction en français ou en anglais des témoignages des anciens Moudjahidines arabophones. Beaucoup évoquent l’usage des armes chimiques dans la guerre des grottes. Ces récits sont une mine d’informations qui peuvent compléter, confirmer ou contredire les archives françaises et les témoignages français, constituant ainsi des archives alternatives précieuses. La traduction facilite la circulation des savoirs et des sources, essentielle dans un contexte d’élaboration d’un savoir nouveau et traumatique.

Mon habilitation à diriger des recherches, que je prépare en France sur la guerre chimique en Algérie (1956-1962), vise également à transmettre ces connaissances via la co-direction de thèses en France et en Algérie. C’est un champ d’étude émergent qui occupera sans doute plusieurs générations. Il faut se lancer, et je serai à l’écoute pour accompagner, dans la mesure de mes connaissances, les chercheurs algériens et françaises engagés dans ce travail. J’espère contribuer, avec mes collègues algériens, au développement de ce domaine.

Le Matin d’Algérie : En visitant Batna aujourd’hui et en présentant vos recherches à l’université Hadj-Lakhdar, quel regard portez-vous sur l’importance de réhabiliter cette mémoire localement, là où ces crimes ont été commis ?

Christophe Lafaye : En tant qu’historien, j’aimerais que mes collègues s’emparent de ce sujet et développent davantage les études d’histoire locale sur la guerre d’indépendance. En tant qu’humaniste convaincu, je pense qu’il est crucial de collecter, tant qu’ils sont encore parmi nous, les témoignages des habitants des Aurès qui ont vécu ces événements ou y ont participé.

Cette histoire, racontée par les « petites gens » — un terme que j’emploie sans aucune connotation péjorative — permet de mieux comprendre et de renouveler notre regard sur ce qu’a réellement été la guerre dans les campagnes algériennes. Cette mémoire doit être préservée avant qu’elle ne disparaisse. Il est aussi essentiel d’entendre les femmes, qui ont tant à nous apprendre et à transmettre sur leur vécu.

La dignité et la force des témoins, à travers leurs paroles et leurs regards, témoignent de ce combat libérateur contre le colonialisme et pour la liberté. Je crois que c’est cette force et cette détermination que le film documentaire de Claire Billet et Olivier Jobard parvient à transmettre. L’émotion suscitée en Algérie montre que les spectateurs ont ressenti cette intensité.

Le Matin d’Algérie : Pensez-vous que la vérité historique, une fois pleinement documentée, peut constituer un pont de réconciliation sincère entre l’Algérie et la France ?

Christophe Lafaye : Je rêve qu’un jour la France et l’Algérie puissent tourner ensemble la page de cette histoire traumatique. Pour citer Pierre Audin lors de son voyage à Alger en 2022 — qu’il repose en paix — il ne faut « pas d’excuses, pas de repentance, juste la vérité ». C’est par la recherche commune de cette vérité que nous pourrons emprunter le chemin de la réconciliation.

Cela demande un travail sincère, des deux côtés de la Méditerranée et ensemble, sur toutes les questions les plus sensibles : les disparus, les massacres, les effets de la guerre chimique, les essais nucléaires en Algérie, etc. Reconnaître les souffrances, les documenter et œuvrer à réparer ce qui peut encore l’être. Mais cela implique que la France regarde en face ce qu’a été le colonialisme et prenne pleinement sa responsabilité historique.

Entretien Réalisé par Djamal Guettala

Cristophe Lafaye 

"Docteur en histoire en histoire contemporaine de l’université d’Aix-Marseille et archiviste, mes travaux de recherches en histoire du temps présent portent sur la collecte, l’archivage et la valorisation de l’expérience combattante des XX e et XXI e siècles.
Ma thèse de doctorat s’intéresse à « L’emploi du génie en Afghanistan (2001-2012). Adaptation d’une arme en situation de contre-insurrection. Hommes, matériel et emploi » (sous la direction de Rémy Porte / laboratoire CHERPA (EA 4261) – Sciences Po Aix). Elle est lauréate du Prix d’Histoire Militaire 2014 et a reçu une lettre de félicitations dans le cadre du Prix de l’IHEDN 2014.
Le livre issu de ma thèse, publié chez CNRS éditions, a reçu le prix Raymond Poincaré 2017 de l’UNOR.
Spécialiste de l’armée de Terre, de la Légion étrangère et de l’arme du génie, je porte un intérêt tout particulier aux conflits contemporains menés par l’armée française. Menant une recherche sur la guerre chimique menée par la France en Algérie (1956-1962), j’ai réalisé l’enquête historique pour le documentaire 
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Installation du général Hassan, le ministère de la Défense joue la transparence

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Chanegriha entouré de généraux pour installer le nouveau chef de la DGSI.
Chanegriha entouré de généraux pour installer le nouveau chef de la DGSI.

Il a fallu attendre quelque 48 heures pour que le ministère de la Défense nationale rendent publiques les images de la rencontre qui a officialisé la nomination du général Abdelkader Aït Ouarabi alias Hassan à la tête de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

L’absence d’images sur le limogeage du général Abdelkader Haddad et son remplacement par le revenant général Hassan a laissé libre cours à une multiplication d’informations relayées par des « influenceurs » bien inspirés.

Le général Hassan, patron de la DGSI.

Afin de démentir ce qu’on peut appeler des fake-news, le ministère de la Défense a rendu publique les images d’une rencontre en présence de Saïd Chanegriha avec autour de lui notamment l’ex et le désormais nouveau patron de la DGSI.

Ces images se veulent comme un démenti sur l’arrestation voire même les tortures qu’aurait subi Abdelkader Haddad, comme relayé par certains youtubeurs.

Le fonctionnement opaque du système politico-militaire algérien et le limogeage de Nacer El Djenn moins d’un an après sa désignation ne pouvaient susciter que suspicion, voire les scénarios les plus invraisemblables. D’où l’urgence d’une opération transparence pour étouffer toutes les supputations.

Le général Haddad limogé.

Pour autant, l’instabilité chronique à la tête des deux directions de renseignements, les arrestations de nombreux généraux, ministres, hommes politiques restent des signes de grande fébrilité au sein du cercle des décideurs. Ce qui inévitablement n’augure rien de rassurant pour le pays.

Sofiane Ayache

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« Algérie, sections armes spéciales » : un documentaire choc bientôt diffusé sur France 5

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"Algérie, sections armes spéciales"

C’est un documentaire à la fois puissant, rigoureux et nécessaire qui sera diffusé sur France 5 le dimanche 8 juin 2025 : « Algérie, sections armes spéciales », réalisé par Claire Billet et Olivier Jobard, jette une lumière crue sur une page méconnue — ou délibérément oubliée — de la guerre d’Algérie.

À travers des témoignages inédits, des images d’archives saisissantes et un travail d’enquête minutieux, les réalisateurs s’attachent à révéler l’existence de ces unités spéciales de l’armée française, chargées d’opérations clandestines et particulièrement violentes. Le documentaire soulève des questions cruciales sur les pratiques de torture, les exécutions extrajudiciaires et les responsabilités politiques de l’époque.

Dans un contexte où les appels à une reconnaissance complète des crimes coloniaux se multiplient, cette œuvre audiovisuelle s’inscrit dans une démarche salutaire de vérité historique. Elle contribue également à faire vivre le droit à la mémoire et à la justice pour les victimes oubliées de cette guerre.

« Algérie, sections armes spéciales » est bien plus qu’un documentaire : c’est une prise de parole courageuse, un acte de transmission, et un plaidoyer pour la liberté d’expression et la transparence historique.

À voir absolument le 8 juin 2025 sur France 5. Case du siècle à 23h

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Le « Sedrata » reprend la mer après une saisie de 3 ans en Belgique

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Le Sedrata

Le navire algérien « Sedrata » a récemment repris ses opérations, après avoir été détenu pendant plus de trois ans dans le port d’Anvers en Belgique.

Selon un communiqué publié dimanche par le ministère des Transports, cette opération s’inscrit dans le cadre du renforcement de la flotte maritime national et en application des instructions du ministre des Transports, M. Said Sayoud, visant à régulariser la situation des navires algériens.

Le communiqué indique que le navire algérien « Sedrata » a subi une inspection technique approfondie le 22 mai 2025, par Lloyd’s Register, qui lui a accordé un certificat de conformité le même jour. Le 23 mai 2025, il a fait l’objet d’une inspection complète par les autorités portuaires d’Anvers, qui comprenait une inspection de ses équipements.

Une fois toutes les conditions remplies, le navire reprit directement sa navigation, chargeant des marchandises du port d’Anvers vers l’Algérie .

La même source a souligné que ce processus est l’aboutissement d’une série de réunions de coordination , au cours desquelles des directives précises ont été émises et un suivi strict a été entrepris par le ministère des Transports , dans le but d’accélérer le rythme des procédures et de surmonter les obstacles administratifs et techniques.

Cette réalisation représente une nouvelle étape dans le développement du transport maritime national et le renforcement de sa présence sur la scène internationale, reflétant l’image professionnelle et engagée de l’Algérie dans ce domaine stratégique.


Radio Algérienne Multimédia

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“L’Excursion” : quand le théâtre fait sa révolution… sur roues

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À Sétif, dans l’atelier théâtre de la Maison de la Culture Houari Boumediene
À Sétif, dans l’atelier théâtre de la Maison de la Culture Houari Boumediene

À Sétif, dans l’atelier théâtre de la Maison de la culture Houari-Boumediene, une troupe composée uniquement de comédiens IMC signe une performance bluffante de justesse, d’humour et de rigueur, sous la direction du metteur en scène Toufik Mezaache.

Sétif – Il y a des spectacles qui divertissent. D’autres qui émeuvent. Et parfois, il y en a qui réveillent. “L’Excursion” fait tout cela à la fois. Créée par une troupe composée de Nesrine, Chiraz, Lahsen, Walid, Houssem, Mohamed, Hadjer et Firaz — tous atteints d’infirmité motrice cérébrale — cette pièce est un petit miracle de théâtre. Pas un miracle au sens mystique. Un miracle d’effort, de maîtrise, de don de soi. Un moment rare, né dans l’Atelier de la Maison de la Culture Houari Boumediene à Sétif, et dirigé par Toufik Mezaache, artisan du verbe et maître de scène, dont l’humilité n’a d’égale que le talent.

Une excursion vers l’essentiel

La pièce, entièrement écrite et mise en scène par Toufik Mezaache, prend pour décor le départ d’un bus. Le chauffeur, Lahsen, est le personnage central. Un râleur attendrissant, qui peste contre ses passagers toujours en retard. Il en faut peu pour que le quotidien bascule : Chiraz a perdu un sac. Pas n’importe lequel : le sac de sa grand-mère. Et le départ tourne court. Pas de sac, pas de voyage. Ce simple incident devient prétexte à une série de scènes hilarantes, parfois tendres, souvent décalées, où chaque personnage – Nesrine, Walid, Houssem, Mohamed, Hadjer, Firaz – y va de son humeur, de ses soupçons, de ses maladresses et… de ses vérités.

On rit. Mais pas seulement. On écoute. On regarde. Et on se tait.

Handicap ? Non. Talent. Oui !

Ce qui frappe ici, ce n’est pas que les acteurs soient atteints d’un handicap moteur. C’est qu’on oublie complètement qu’ils le sont. Parce que la diction, les mouvements, les silences… tout a été travaillé, scénarisé, peaufiné. Parce qu’ils ne jouent pas à être drôles : ils le sont. Parce qu’ils ne cherchent pas l’émotion : elle est là, brute, vive, non feinte.

Et pendant que certains “valides” se plaignent de ne pas avoir assez de moyens ou d’attention, ces huit artistes montent une pièce de groupe, précise, drôle, équilibrée, qui ferait rougir bien des troupes dites “professionnelles”.

Toufik Mezaache, l’ombre qui éclaire

On connaît l’homme. Il a foulé toutes les scènes ou presque, signé des textes profonds, souvent engagés, parfois drôles, toujours vivants. Ici, il s’efface derrière les siens. Derrière ce collectif de comédiens qu’il appelle non pas ses élèves, mais ses partenaires. Il les écoute. Il les guide. Il construit avec eux.

Et il le dit sans détour :

« Le théâtre ne guérit rien, mais il libère tout. Ces comédiens n’ont pas besoin de ma pitié. Ils m’ont offert bien plus que je ne leur ai appris. »

Quand on voit Chiraz lancer une réplique avec justesse, Hadjer tenir un silence comme une note suspendue, Mohamed improviser une grimace inattendue, ou Firaz tourner un regard complice vers le public… on comprend que ce théâtre-là est plus que du théâtre. C’est un manifeste. Une preuve que le talent ne réside pas dans les jambes, ni même dans les cordes vocales. Il vit ailleurs. Plus profondément.

À la Maison de la Culture Houari Boumediene de Sétif, les projecteurs s’allumeront bientôt sur cette “Excursion” pas comme les autres. Une pièce née d’un atelier, mais portée par une troupe. Une vraie. Une qui ne revendique pas, mais agit. Une qui ne supplie pas le regard des autres, mais qui oblige à l’admiration. Une qui ne mendie pas la reconnaissance, mais qui l’impose.

Et si vous y allez pour “voir ce qu’ils arrivent à faire malgré leur handicap”… vous risquez de repartir avec le vôtre : un regard à réapprendre.

Toufik Hedna

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