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mercredi 17 septembre 2025
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Gaza : le correspondant d’Al Jazeera Anas al-Sharif tué dans une frappe israélienne sur l’hôpital al-Shifa

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Anas al-Sharif,

Le journaliste palestinien Anas al-Sharif, figure bien connue des écrans d’Al Jazeera pour sa couverture inlassable de la guerre à Gaza, a été tué dimanche dans une frappe israélienne qui a visé une tente abritant des journalistes devant l’hôpital al-Shifa, dans la ville de Gaza.

Selon la chaîne qatarie, l’attaque a également coûté la vie à d’autres membres de son équipe, dont le correspondant Mohammed Qreiqeh et deux cameramen. Le lieu ciblé, une tente clairement identifiée comme espace de travail pour la presse, servait de point de rassemblement pour les reporters couvrant la situation dramatique des blessés et déplacés.

Des témoins sur place rapportent que la frappe est survenue alors que les journalistes préparaient des reportages sur l’afflux de victimes dans l’établissement, déjà submergé par les urgences depuis le début de la dernière offensive israélienne.

L’armée israélienne a reconnu avoir mené le raid, affirmant qu’Anas al-Sharif était un « membre actif » de la branche armée du Hamas, accusation rejetée par Al Jazeera et la famille du journaliste. L’ONG Reporters sans frontières a, pour sa part, dénoncé un « crime de guerre manifeste » et rappelé que les journalistes bénéficient d’une protection spéciale au titre du droit international humanitaire.

Âgé de 29 ans, Anas al-Sharif était originaire de Beit Lahia, au nord de Gaza. Depuis le début de la guerre, il avait documenté sans relâche les bombardements et leurs conséquences humanitaires, souvent au péril de sa vie. Sa mort porte à plusieurs dizaines le nombre de journalistes tués depuis le début du conflit, selon le Syndicat des journalistes palestiniens.

Près de 200 journalistes ont été tués à Gaza en 20 mois, dont au moins 45 dans l’exercice de leur profession, selon RSF. Cinq d’entre eux travaillaient pour la chaîne Al Jazeera.

Un homme assassiné. Une voix tue par l’armée israélienne. Son assassinat c’est aussi et surtout le monde qui sera privé des images qui relatent les innommables massacres de Palestiniens dans la bande de Gaza. La disparition de ce reporter reconnu pour son courage et son engagement suscite une vague d’indignation à travers le monde arabe et au-delà, et relance le débat sur l’impunité des crimes commis contre les travailleurs de l’information dans les zones de guerre.

Djamal Guettala

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Canicule en France : records battus, vigilance rouge dans le Sud-Ouest

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La France traverse un épisode caniculaire d’une intensité exceptionnelle. Dimanche 10 août, la chaleur a atteint un premier pic, avec plus de 35 °C sur l’ensemble de la moitié sud du pays et des valeurs dépassant 40 °C dans plusieurs régions. Dans le Gard, le mercure est monté à 41,7 °C à Nîmes et 42,8 °C à Villevieille, pulvérisant des records pour un mois d’août.

Pour l’heure, la canicule reste concentrée sous un axe Nantes–Metz, mais l’air brûlant progresse vers le nord. Météo-France prévoit un paroxysme lundi 11 et mardi 12 août, avec le basculement en vigilance rouge de douze départements du Sud-Ouest. Les maximales devraient y osciller entre 40 et 43 °C, avec des pointes possibles à 44–45 °C.

Les prévisionnistes n’écartent pas la possibilité de records absolus. Plusieurs stations ont déjà atteint des niveaux historiques : 42,4 °C à Argeliers (Aude)42,2 °C à Prades-le-Lez (Hérault)41,9 °C à Moulès-et-Baucels.

Au-delà de l’inconfort, la situation inquiète sur le plan environnemental. Les sols desséchés augmentent le risque d’incendies, notamment dans le pourtour méditerranéen. Des feux se sont déclarés dans l’Aude et l’Hérault, maîtrisés grâce à une intervention rapide des secours.

Les experts soulignent que ces épisodes extrêmes s’inscrivent dans une tendance lourde liée au réchauffement climatique. Si la planète gagne +4 °C d’ici 2100, la France pourrait connaître des étés où les 40 °C seraient la norme, avec des pics flirtant avec les 50 °C.

Consignes sanitaires : boire régulièrement, éviter les efforts physiques aux heures chaudes, fermer volets et rideaux, vérifier l’état des personnes âgées et isolées.

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Mohamed Salah fustige l’hommage « incomplet » de l’UEFA au « Pelé palestinien »

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Mohamed Salah
Mohamed Salah

La star égyptienne Mohamed Salah a publiquement critiqué l’UEFA pour son hommage jugé lacunaire au footballeur palestinien Suleiman Al-Obeid, surnommé le “Pelé palestinien”, décédé cette semaine dans la bande de Gaza.

Dans un message publié sur les réseaux sociaux, Mohamed Salah a reproché à l’instance européenne de ne pas avoir mentionné les circonstances de la mort de l’ancien capitaine de la sélection palestinienne : « Pouvez-vous dire comment il est mort, où et pourquoi ? » a interpellé l’attaquant des Reds.

Selon la Fédération palestinienne de football, Al-Obeid, 41 ans, a été tué mercredi par une frappe israélienne alors qu’il faisait la queue pour recevoir une aide humanitaire dans le sud de Gaza. Sa famille affirme qu’un obus de char est à l’origine de sa mort.

L’UEFA s’était contentée d’un message sobre sur X (ex-Twitter), saluant « un talent qui a donné de l’espoir à d’innombrables enfants, même dans les pires moments », sans évoquer le contexte du décès. Face aux critiques, un communiqué ultérieur attribué à son président Aleksander Ceferin, relayé par la PFA, a reconnu la perte pour le football palestinien et souligné l’impact positif du joueur auprès des jeunes.

Engagé depuis plusieurs mois pour un accès humanitaire à Gaza, Salah a une nouvelle fois utilisé sa notoriété mondiale pour attirer l’attention sur le sort des civils et sur la nécessité de transparence dans la communication des instances sportives.

Djamal Guettala

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Youssef Nacib : le passeur de mémoire 

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Youssef Nacib
Youssef Nacib

Youssef Nacib est une figure discrète mais incontournable de la littérature algérienne et de la préservation du patrimoine amazigh. Discrète, car il a toujours œuvré en retrait, loin des projecteurs et des reconnaissances publiques. Incontournable, car son travail, mené avec patience et rigueur, constitue l’un des repères les plus fiables pour qui s’intéresse à la mémoire kabyle. À travers ses recherches, ses recueils et ses traductions, il a su préserver et faire rayonner une culture orale menacée d’effacement, en lui donnant une voix durable dans le monde des lettres.

Dans un monde où l’urgence de l’actualité efface souvent les voix profondes, Youssef Nacib a choisi de se faire scribe des voix anciennes, archiviste de l’oralité, médiateur entre les générations. Son rôle ne se limite pas à celui d’un chercheur ou d’un écrivain : il est un véritable artisan de la mémoire. En sauvegardant les contes, les proverbes, les chants religieux ou amoureux transmis de bouche à oreille, il donne à la culture amazighe ses lettres de noblesse dans l’espace littéraire et universitaire.

Grâce à sa double formation, intellectuelle et enracinée — il parvient à faire le lien entre la tradition populaire et l’analyse savante, entre la beauté brute des mots kabyles et leur interprétation littéraire.

L’œuvre de Youssef Nacib agit comme un acte de réconciliation : entre la voix et l’écriture, entre le passé et le présent, entre la fierté d’une langue et la conscience critique. Ce qu’il transmet, c’est plus qu’un héritage culturel : c’est une manière d’habiter le monde, de penser la parole comme un bien commun fragile, et de reconnaître dans les mots les plus humbles une profondeur universelle.

Né au cœur de la Kabylie, à Iâavejlilen, l’un des deux plus hauts villages des Ath-Kouffi avec Maâla, dans la commune de Boghni (wilaya de Tizi-Ouzou), une région nourrie par la spiritualité, les contes, les chants et les proverbes, et placée sous la protection du très vénéré Sidi Ali ou Yahia.

Youssef Nacib a très tôt compris que l’oralité était une richesse en péril — et qu’elle méritait d’être transmise, traduite et pensée. Docteur en lettres de l’Université de Paris, il a mené une carrière universitaire entre la France et l’Algérie, tout en consacrant l’essentiel de son œuvre à la collecte, l’étude et la mise en valeur du patrimoine immatériel kabyle. Ce travail de terrain, mené parfois avec l’aide de sa propre mère, l’a conduit à arpenter les villages, à écouter les anciens, à recueillir des trésors de sagesse populaire avant qu’ils ne disparaissent à jamais.

Sa démarche, à la fois érudite et affective, a donné naissance à une œuvre dense et précieuse. En 1988, il publie Chants religieux du Djurdjura, un recueil unique en son genre qui rassemble près de six cents poèmes mystiques transmis oralement, souvent anonymes, et porteurs d’une foi populaire d’une grande intensité. On y découvre un monde spirituel kabyle où se croisent tradition musulmane et imagerie amazighe, dans une poésie simple mais vibrante, souvent récitée dans les veillées et les cérémonies.

Quelques années plus tard, en 1994, paraît Anthologie de la poésie kabyle, l’un des sommets de son œuvre. Ce volume bilingue (kabyle-français) couvre deux siècles de création orale, de la période ottomane à l’époque postcoloniale. On y entend les voix des exilés, des amoureux, des sages, des révoltés. Les femmes y ont leur place, les anonymes aussi. Ce n’est pas seulement une compilation : c’est une archive vivante, un acte de reconnaissance et de transmission. Le poète devient ici philosophe, le chant populaire devient littérature.

Dans Proverbes et dictons kabyles, Youssef Nacib continue sa mission de sauvegarde. Il y rassemble plus de 1 500 proverbes recueillis dans sa région natale, traduits, commentés et organisés avec minutie. Ces courts aphorismes disent tout d’un peuple : son humour, sa résilience, sa vision du monde. Derrière chaque maxime, il fait apparaître une société rustique mais sage, où chaque mot a le poids de l’expérience.

Ce qui distingue véritablement Youssef Nacib, c’est sa capacité à traduire sans trahir. Il ne collecte pas pour le musée, mais pour la vie. Ses livres sont des ponts entre les générations, entre les langues, entre les cultures. Il interprète, il commente, il éclaire. Il relie l’universel au particulier et donne une voix savante à ceux que l’histoire a souvent laissés muets. Grâce à lui, la littérature orale kabyle a trouvé son chemin vers l’écriture, et la bibliothèque humaine s’est enrichie de récits longtemps considérés comme « mineurs ».

Youssef Nacib a consacré un ouvrage essentiel à Cheikh Noureddine, également connu sous le nom de Noureddine Meziane — comédien, poète, chanteur kabyle. Publié en 1998 chez El Ouns, ce livre intitulé Cheikh Noureddine : comédien, poète, chanteur, est une monographie approchant les 383 pages, réalisée sous sa direction scientifique.

Cheikh Noureddine, né en 1918 à Larbaa Nath Irathen (Kabylie), fut à la fois un acteur de théâtre, un pionnier de la radio kabyle (avec la création de la Chaîne II) et un poète-compositeur prolifique, auteur de centaines d’isefra, ces poèmes chantés dans la tradition orale kabyle. Malgré une carrière de plus de 60 ans, il est resté longtemps méconnu pour ses poèmes écrits, souvent relégué au rôle de voix radio ou personnage de cinéma.

Dans ce volume, Youssef Nacib assume la double casquette de traducteur et d’éditeur scientifique. Il propose près de deux cents poèmes traduits du kabyle en français, accompagnés d’une biographie du poète et d’un riche éclairage culturel sur son univers : théâtre, radio, chansons, engagement populaire.

Youssef Nacib met ainsi en lumière un poète jugé mineur par les circuits officiels, en révélant ses thèmes de prédilection : l’amitié, la foi, l’identité, le destin, l’amour, la mort et la vie quotidienne. Il restitue aussi le contexte social et historique de ses compositions (avant la Seconde Guerre mondiale jusqu’aux années 1990), soulignant la portée de sa poésie comme reflet de l’âme kabyle moderne.

L’approche de Youssef Nacib est fidèle à son éthique : il ne fait pas que publier un corpus, il l’analyse. Il présente Cheikh Noureddine non seulement comme un aède, mais aussi comme un témoin du siècle — un créateur discret mais profond, qui a touché l’Algérie rurale avec des mots simples et puissants. Grâce à cet ouvrage, le poète reçoit enfin la reconnaissance qu’il mérite, et ses vers s’intègrent à l’histoire plus vaste de la poésie amazighe contemporaine.

En résumé, le travail de Youssef Nacib sur Cheikh Noureddine est un prolongement naturel de sa mission de passeur : il prête une voix écrite à un créateur oral, il cartographie des poèmes ignorés, il restitue une poésie qui existait dans les marges. Ce faisant, il ne fait pas seulement entrer Cheikh Noureddine dans le champ littéraire, mais il enrichit l’image de la Kabylie contemporaine en lui offrant une mémoire plurielle et vivante.

Mais l’un de ses travaux les plus marquants reste sans doute Slimane Azem, le poète, publié en 2001. Dans cet essai biographique et critique de plus de 700 pages, Youssef Nacib se penche avec une rare acuité sur la vie et l’œuvre de Slimane Azem, immense poète et chanteur kabyle de l’exil.

Slimane Azem, né en 1918 à Agouni Gueghrane, exilé en France dès sa jeunesse, a composé des centaines de chansons empreintes de mélancolie, d’humour, de critique sociale et de sagesse populaire. Censuré en Algérie, peu diffusé dans les médias officiels, il est pourtant devenu la voix tutélaire de toute une génération, le chantre d’un exil digne et lucide.

Youssef Nacib ne se contente pas de retracer la biographie d’Azem : il analyse ses textes avec la rigueur du philologue et l’empathie du compatriote. Il en propose des traductions sensibles, des interprétations littéraires et philosophiques, et replace chaque chanson dans son contexte historique, social et personnel.

Il classe les œuvres par thèmes, nostalgie, amour, identité, résistance, satire et montre comment Slimane Azem fut à la fois poète de l’intime et observateur critique du monde. Il met en lumière son art du conte, son usage du symbole, sa proximité avec les poètes oraux comme Si Mohand ou M’hand. Grâce à ce livre, Slimane Azem entre dans le panthéon littéraire, non plus seulement comme un chanteur populaire, mais comme un penseur de l’exil.

Ce travail a profondément marqué la recherche sur la chanson kabyle. L’ouvrage est aujourd’hui considéré comme une référence incontournable, souvent cité, réédité, et traduit. Il est la preuve que la chanson populaire peut, elle aussi, devenir objet de savoir et de reconnaissance.

Youssef Nacib n’est pas seulement un chercheur ou un écrivain. Il est un gardien de la mémoire, un veilleur de l’ombre, un passeur d’âmes anciennes. Il écrit avec fidélité et humilité, en laissant passer les voix plutôt qu’en les recouvrant. Il croit à la langue comme outil de paix, à la parole comme lien entre les vivants et les morts, à la littérature comme résistance douce contre l’oubli.

Lorsqu’il est invité à des salons du livre ou des rencontres culturelles, il insiste toujours sur cette nécessité de transmettre : pas pour figer une identité, mais pour enraciner un dialogue.

Grâce à lui, des fragments d’un monde paysan et poétique trouvent leur place dans notre modernité. Il nous rappelle que la mémoire n’est pas un musée, mais un chant qu’il faut écouter, traduire et faire vibrer à nouveau. Sa voix, discrète mais puissante, continue d’accompagner ceux qui cherchent dans la langue la trace d’un monde disparu — et pourtant encore vivant.

Dans cet entretien, Youssef Nacib nous ouvre les portes de son univers de chercheur et de passeur de mémoire. Il partage son regard passionné sur la littérature kabyle, la richesse du patrimoine oral amazigh, et les voix singulières qui l’ont marqué, comme celles de Slimane Azem ou Cheikh Noureddine. À travers ses réponses, c’est toute une histoire culturelle, souvent méconnue, qui se révèle, celle d’une langue, d’un peuple et d’une poésie qui résistent au temps et à l’oubli.

Le Matin d’Algérie : Qu’est-ce qui vous a d’abord poussé à vous intéresser à la littérature orale kabyle et au patrimoine amazigh ?

Youssef Nacib : Je m’intéresse à la littérature orale d’expression kabyle et, plus généralement, au patrimoine culturel oral. Pourquoi ?

Voyons ce qui m’a poussé à m’intéresser à la langue et, plus généralement, au patrimoine culturel immatériel de notre pays, l’Algérie. Je dis bien l’Algérie car je ne me suis pas intéressé seulement au patrimoine hérité en kabyle. 

Mon D.E.S je l’ai consacré à la perception par Rousseau de l’évolution d’une société. Ma thèse de 3° cycle a porté effectivement sur la poésie kabyle. À la Sorbonne, je me suis intéressé aux civilisations qui, privées de l’écriture, ce porteur de cultures, se logent dans l’oralité. Mais ma thèse d’État (à la Sorbonne toujours), je l’ai consacrée à Bou-Saada. Pourquoi Bou-Saada ? Avant la réforme de l’enseignement supérieur en 1970, la section d’ethnologie qui s’intéressait à la culture véhiculée par le verbe avait en charge le Certificat d’études supérieures de sociologie et ethnographie de l’Afrique du Nord », section dirigée par Mouloud Mammeri. 

Nous étions cinq enseignants dont Claudine Chaulet, épouse du professeur Pierre Chaulet, ce couple héroïque qui a milité avec acharnement pour l’indépendance de l’Algérie. Pour ne citer que deux faits historiques les concernant, c’est Pierre qui a amené Frantz Fanon à la Révolution et c’est Claudine qui a sorti dans sa 2 CV, Abane Ramdhane, jusqu’à Blida où la wilaya 4 l’a pris en charge.

Quand Mammeri a été nommé directeur du CRAPE (CNRPAH aujourd’hui), je l’ai remplacé. On avait décidé, pour initier déjà les étudiants à la recherche, de leur organiser, au cours de l’année universitaire, un séjour de travail sur le terrain. On définissait des thèmes. Un sujet pouvait être traité par un étudiant ou un groupe de 2 ou 3. On les préparait sur le plan méthodologique (questionnaire, entretien directif ou semi-directif, enregistrement, comportement avec l’informateur etc…). 

On trouvait des solutions aux questions logistiques.  Ainsi Tlemcen, Tizi-Hibel, Tamanrasset, deux villages aurésiens, et… Bou-Saada ont été des terrains d’accueil pour les étudiants qui, sur place, étaient encadrés par des enseignants. Quand il a fallu travailler sur cette oasis, j’ai découvert qu’elle n’avait pratiquement pas été l’objet d’études académiques, hormis le DES d’un étudiant sérieux.

Or, l’oasis de Bou-Saada portait en elle un patrimoine historico-culturel remarquable. Le professeur Jacques Berque qui connaissait l’Algérie, a accepté volontiers de diriger ma thèse. L’oasis m’a rappelé et m’a convaincu que son patrimoine était partagé.

Mais l’éveil de mon intérêt pour ce patrimoine culturel immatériel, je le tiens d’abord, de la conviction que j’ai acquise durant mes études, que cette culture que l’ethnologie coloniale n’a jamais appelée « civilisation » avait pour vecteur l’âge avancé et que, de ce fait, elle était très vulnérable. J’ai observé que mes informateurs auprès desquels j’ai recueilli les poèmes, les contes et les proverbes des livres que j’ai publiés, ces informateurs, étaient tous, hommes et femmes, des vieillards.

Ils étaient les maillons d’une chaîne qui a transmis verbalement un savoir et une sagesse de siècle en siècle. Il y avait donc urgence à recueillir la matière première de ces trésors avant leur disparition puisque ce sont les mots qui les véhiculaient. 

Mon ami Rachid Touri qui fut pendant des années recteur de l’Université d’Alger, me taquinait gentiment en me disant : « Pourquoi tu t’intéresses aux discussions avec des vieux ? ». Quelques jours après le décès de son père, il m’a dit : « Tu sais, je regretterai toujours une chose : je n’ai jamais enregistré mon père qui étaient une encyclopédie ». Hampaté Ba (l’anthropologue malien) m’a toujours impressionné. Son œuvre anthropologique est précieuse. C’est lui qui a cité ce proverbe : « La vieillesse c’est l’hiver pour les ignorants et le temps des moissons pour les sages ». Et c’est lui qui a écrit : « Un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle ». Je ne voulais pas voir brûler les bibliothèques de mon pays.

Le Matin d’Algérie : Comment décririez-vous le rôle de la transmission orale dans la préservation de la culture kabyle aujourd’hui ?

Youssef Nacib : La transmission orale de la culture a pour cause majeure l’analphabétisme. L’Europe, avant l’invention de l’imprimerie par Gutenberg et l’émergence de la modernité, vivait une culture plus verbale qu’écrite, même si elle compte des écrivains depuis le Moyen-Age comme Marie de France. Mais les œuvres littéraires n’étaient pas lues par les masses.  Quand De Bourmont a investi la Casbah en 1830, il ne savait pas qu’il y avait plus de medersas dans la ville historique d’Alger que d’écoles dans beaucoup de villes françaises. Mais le monde rural en Algérie vivait massivement dans une civilisation portée par la parole.

D’ailleurs, le statut socio-culturel de cette parole implique des valeurs charriées par le verbe, comme l’honneur, le courage, la fierté, ainsi que le révèle le proverbe « argaz d awal maci d aserwal ».

Dans la culture traditionnelle et millénaire kabyle, ce fut la langue qui a dessiné, porté et appliqué la loi. Ce qui était consigné parfois sur un registre comme « qanun » villageois était de création orale, celle de paysans ne sachant ni lire, ni écrire, mais qui savaient ce qu’ils voulaient et l’exprimaient clairement en écoutant attentivement les membres de l’assemblée.

D’ailleurs, dans la djemaa de naguère, quand un villageois achevait son intervention, il finissait sa contribution par une phrase collectivement bien reçue. Il disait : « deg wawal d nniɣ, ma weqmeɣ ḥemdu Llah, ma delmeɣ seteɣfir Allah » (dans les paroles de mon propos, si j’ai bien dit, gloire à Dieu, si je me suis trompé, que Dieu me pardonne).  Les premiers à fixer systématiquement par écrit cette culture furent paradoxalement les colonisateurs. Ils tenaient à découvrir la langue et les traditions du colonisé pour mieux le connaître, donc mieux le dominer. 

C’est ainsi que Hanoteau et Letourneux, par exemple, ont enregistré sur des volumes entiers, poèmes, légendes et traditions. Sans le vouloir, ils nous ont préservé des parts d’un patrimoine précieux qui aurait pu se perdre sans les livres qu’ils ont laissés. Il y eut des cas, où la compréhension du kabyle par Hanoteau laissait à désirer. Il a, par exemple, entendu le verbe « Aɣ » qui signifie « prendre ». « Aɣ abrid », c’est prendre un chemin. « Aɣ awal » c’est prendre une parole, suivre un conseil. « Aɣ a ray » c’est obéir.  « Aɣ lmitaq » c’est prendre le chemin d’un cheikh n tariqa.  « Aɣ argaz » c’est prendre un mari. « Aɣ irden » c’est prendre du blé en le payant. Hanoteau a conclu que « Aɣ tametut » c’est acheter la femme. 

Aujourd’hui, la transmission orale est vouée, si on n’y prend garde, à l’extinction. La population alphabétisée est très largement majoritaire. Nous ne sommes plus dans la période coloniale où l’on cherchait dans les villages un homme qui savait lire pour écrire les lettres destinées aux émigrés. En Kabylie, des jeunes villageois sont titulaires de licences. L’oralité n’est plus un instrument indispensable et singulier pour transmettre la culture.

Par ailleurs les outils que la technologie offre comme le livre, la presse, cinéma, la télévision et le téléphone portable marginalisent la fonction véhiculaire de l’oralité. C’est pourquoi il y a urgence à sauver de l’oubli la part encore vivante du patrimoine culturel matériel et immatériel comme (à titre d’exemples seulement) l’artisanat, le vêtement, le bijou, la gastronomie, la poésie, le conte, le proverbe, la légende…Qu’il faille corriger des traditions désuètes comme le statut féminin qui n’a pas toujours été élévateur et favorable à la femme, soit. Mais la sauvegarde de la culture héritée sur des siècles et des siècles s’impose aussi comme une dimension majeure et irréfragable de l’identité de l’Algérie. 

Le Matin d’Algérie : Dans votre travail de collecte et de traduction, comment trouvez-vous l’équilibre entre fidélité au texte original et accessibilité pour un public plus large ?

Youssef Nacib : Les Italiens nous ont laissé un mot à graver en lettres d’or : « traddutore tradittore », traduire c’est trahir. Il s’agit bien entendu de textes à transposer dans une autre langue. Littérature, philosophie, théologie etc… Mais c’est surtout dans la poésie que la traduction peut aisément passer à côté du contenu sémiologique originel du poème. Pourquoi ? Parce que le texte n’est pas porteur du seul instrument visible et audible : la langue dans sa morphologie, sa syntaxe et sa phonologie. Au-delà du verbe entendu, il y a la culture. Or, pour comprendre le sens d’un poème, il faut non seulement la maîtrise de la langue utilisée par le poète mais aussi et inévitablement la connaissance de la culture et même de l’histoire sur lesquelles s’appuie le poème. On prendra un exemple pour voir les choses de plus près avec un poème de Si Muhend :

Ufi uwday di Lhamma

Isem-is Merdexxa

Yettak anza di ssifa-s

Asmi izznuzu ttelwa

ɣurneɣ i gella

Am netta am yessetma-s

Tura yedda d nsaṛa

Yebna ssṛaya

Yettu igɛaddan fell-as

Le poème fait référence, mais une référence douloureuse, au décret Crémieux du 24 octobre 1870 qui accorda la nationalité française aux seuls juifs d’Algérie qui, jusque-là, étaient des sous-citoyens soumis au code de l’indigénat comme nos ancêtres. Sitôt pourvus de leur nouvelle nationalité, ils accédèrent au premier collège, c’est-à-dire aux droits des Français. Ils dominaient dès lors ceux qui sont restés indigènes.

Donc le poète ici exprime la rage des laissés pour compte dans leur propre pays qui voient les juifs les commander. Ce juif vu au Hamma s’appelait Merdaxxa. Amerdax en kabyle c’est la souricière dans laquelle on attrape les rats. Et ce piège à rats « yettak anza di ssifa s » donne ressemblance à son visage, (traduction littérale). Si on creuse l’idée qui brûle Si Mohand, le juif émancipé n’en a pas moins conservé sa physionomie de colonisé.

Si maintenant on analyse la pensée du poète, on pourra traduire par : « même naturalisé, le juif garde la marque de celui qui, jadis, était regardé comme un rat par le colonisateur antisémite ». D’ailleurs, quel statut social était le sien avant le décret Crémieux ? Il était vendeur de marc de café et très proche comme ses sœurs des autres indigènes, les musulmans.  La naturalisation est signalée avec un mot « nsara » (les Français avec lesquels il s’alignait). Ce que déplore le poète c’est l’ingratitude des juifs et leur décision d’oublier le passé. 

Or, on sait qu’en 1492, quand les rois catholiques ont expulsé d’Andalousie les juifs et les musulmans, les israëlites ne sont pas allés vers l’Europe où ils ont souffert de maltraitance pendant des siècles. L’Eglise voyait alors dans les juifs les assassins de Jésus. Pourquoi ? Parce que c’est le Sanhédrin, le tribunal des rabbins, qui, selon l’Evangile, a condamné à mort le Christ qu’elle a remis aux Romains pour le crucifier.

Dès lors, les juifs étaient appelés « déicides » puisque Jésus est divinisé par l’Eglise.  Ils ont opté massivement pour aller vers l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, l’Egypte, la Turquie, l’Iran etc… c’est-à-dire en terre d’Islam. Pourquoi ? Parce que la dhimma qu’ils payaient dans les pays musulmans leur garantissait la protection de l’État pour ce qui est de leur religion, leur langue, leur cimetière, leur habitat, leur travail. 

Le Matin d’Algérie : Parmi vos nombreuses publications, quels ouvrages vous tiennent le plus à cœur, et pourquoi ?

Youssef Nacib : Cultures oasiennes est le fruit d’un travail de longue haleine qui m’a permis d’étudier une oasis touristiquement célèbre mais ignorée par la recherche. Seuls deux ou trois Bou-Saadis, comme mon collègue et ami cheikh Bendjeddou, se sont vraiment intéressés à leur oasis.

Slimane Azem, le poète est un livre qui a eu le mérite pour la première fois de présenter au lecteur la grande majorité des poèmes de Silmane Azem en kabyle avec une traduction et une étude appuyée sur une recherche qui m’a amené non seulement à rencontrer le poète mais à voir son frère aîné, sa sœur, les habitants de son village. Je tenais aussi à le réhabiliter car on lui a fait un procès injuste en l’accusant de harki. 

Cheikh Noureddine que l’on connaissait seulement comme acteur et musicien méritait d’être connu et reconnu également comme poète.

Proverbes et dictons kabyles qui offrait pour la première fois à l’époque au public près de 1600 proverbes patiemment collectés dans les villages dans les années 1970. L’impression n’a pas été réussie car le premier éditeur ne voyait pas d’un bon œil des proverbes en kabyle. Il m’avait exigé la transcription en caractères arabes. Pas de problèmes. Mais comme le manuscrit (pas d’ordinateur à l’époque !) n’a pas été lu comme il se doit, des coquilles apparaissent dans le livre. 

Le chant religieux du Djurdjura donne un aperçu sur le soufisme dans le cadre de la Rahmaniyya. L’éditeur n’a accepté que la traduction. Il m’a fallu, le rééditer avec le texte en langue vernaculaire.

Ccna asufi édité par le HCA qui offre des chants mystiques.

Le Matin d’Algérie : Comment voyez-vous l’évolution de la littérature amazighe contemporaine, notamment face aux défis de la mondialisation et de la modernité ?

Youssef Nacib : L’écriture est l’arme salvatrice de la littérature amazighe, qui s’écrit aujourd’hui en caractères latins, en caractères arabes et en tifinaɣ. Par ailleurs, les sources de production et d’écriture littéraire sont nombreuses. Il y a les universités, les centres de recherche, les éditeurs et le HCA qui sont outillés pour enrichir et stimuler l’évolution productive de cette littérature. Le HCA, à lui seul, a déjà édité plus de 400 titres.

Le Matin d’Algérie : Quel message aimeriez-vous transmettre aux jeunes générations kabyles à travers votre œuvre et votre engagement ?

Youssef Nacib : Les jeunes chercheurs ont du pain sur la planche. L’harmonisation des 14 variantes de tamazight est déjà un chantier exigeant. Comme la science et l’humilité qu’exige la probité intellectuelle vont avec l’humilité, il ne faut pas se concevoir comme supérieur ou inférieur à d’autres spécialistes, mais œuvrer dans l’intérêt d’une langue nationale qui mérite effort et sacrifice.

Le Matin d’Algérie : Cheikh Noureddine reste longtemps méconnu malgré une carrière riche et diverse. Comment avez-vous abordé la tâche de redonner vie à son œuvre, et quelles sont, selon vous, les spécificités qui distinguent sa poésie au sein du patrimoine kabyle ?

Youssef Nacib : Cheikh Noureddine a été un ami. C’est lui qui m’a fait rencontrer Slimane Azem. Il est connu par le grand public comme acteur comique et musicien. Un jour il m’a appelé pour me dire qu’il voulait me voir le jour même. Rendez-vous dans un café. Il me dit : « Si Youssef, ad taruḍ taktabt af isefra yinu ». Je lui ai dit : kečč d bu riwayat, sketchs, lmuziqa, maci d amedyaz ». Puis je l’ai vu sortir 3 registres. En fait, il avait composé près de 600 poèmes inédits et inconnus. Des poèmes transcrits en caractères arabes car cheikh Noureddine a été élève de zaouia, pratiquant l’arabe mais pas le français. J’ai donc trié dans le lot et j’ai écrit le livre sur le poète et sa poésie. Sa poésie est une jolie plaidoirie en faveur des anciens (lejdud), les traditions édifiantes comme l’honneur, la générosité, le courage, le respect. Le livre est paru heureusement avant sa mort. À l’occasion de la sortie du livre, un hommage émouvant lu a été rendu chez lui, à Larbaa n At Yiraten.

Le Matin d’Algérie : Dans votre ouvrage consacré à Slimane Azem, vous mettez en lumière la richesse et la profondeur de son œuvre. Selon vous, quelle est la portée philosophique et sociale de celle-ci, et comment Slimane Azem a-t-il réussi à incarner la voix de l’exil kabyle ?

Youssef Nacib : Slimane Azem restera dans l’histoire de la littérature orale d’expression kabyle comme une voix portante et écoutée. D’abord sa poésie est pudique. Ses chansons sont écoutées en famille sans aucun obstacle. Ses thèmes sont intimement indexés au patrimoine culturel immatériel qu’il a appris et vécu dans son Djurdjura natal. Slimane Azem ne priait pas, selon ce que j’ai appris. Il a bu dans sa carrière. Mais il a définitivement abandonné l’alcool. C’est cheikh Noureddine qui m’a raconté qu’il a appelé Slimane un premier janvier, jour de l’an. Sa femme lui a répondu au téléphone. Cheikh Noureddine veut prendre des nouvelles de son ami. Sa femme, mécontente, lui dit alors : « Ah ! je ne sais pas ce qu’il a. Hier soir, il n’a pas voulu prendre une coupe de champagne et il a décidé qu’il ne boirait plus jamais ».

Le fait est que si Slimane Azem n’était pas pratiquant, sa foi en Dieu est indiscutable. Il était dans son enfance et sa jeunesse proche de sa grand-mère qui était une soufie affiliée à un cheikh n tariqa. Elle l’emmenait avec quand elle allait en pèlerinage à Ouelhadj, les jours de fête religieuse comme l’aïd, le mouloud et taɛacuṛt. Sa foi s’exprime par l’espérance en Dieu qui revient des dizaines de fois dans ses poèmes. Il cite 15 saints dans son livre en les implorant de l’aider à regagner sa terre natale. 

Inna di taɣuct-is :

Ɛabdeɣ tissit n cṛab

Iɛerqiyi ula d swab

Ǧǧiɣ ula d ddin-iw

Di taɣuct tayeḍ :

Taẓallit d ttafat n ddin

Ma ara naweḍ ɣer din

Asm’ ara tqum lqiyyama

Di taɣuct tayeḍ :

Ay agellid a Lkamel

Fella-k kan ay nettkel

Ay aḥnin bab l-lqudṛa

Di lwaqt n Slimane Azem, tamurt is tezdeɣ ul-is. Taɣuct « idehṛed waggur » d asiwel seg ul, i listiqlal.  

Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?

Youssef Nacib : Des chercheurs ont travaillé sur les saints. J’aimerais réaliser un livre sur les saintes, thème anthropologique s’il en faut, parce qu’elles ont été souvent oubliées. Or leur signalisation relève autant de l’histoire que de la légende. Si celle-ci a eu une tendance excessive à les glorifier, leur attribuant parfois des pouvoirs surnaturels, elles n’en demeurent pas moins des modèles de courage, de comportement et de sagesse. Des personnages comme lalla Khelidja (le « l » a supplanté le « d ») dont le nom a été donné au plus haut sommet du Djurdjura ou Yemma Gouraya qui surplombe la Méditerranée à Béjaïa, sont aussi des référents culturels et identitaires non négligeables. 

Lalla Khelidja qui vivait dans une grotte avec ses chèvres en ermite est un paradigme pour le soufisme montagnard des khouans qui optaient pour une spiritualité intérieurement riche et éclairée et non pour un simple rituel périphérique des surfaces.

La tradition dit que des élèves de zaouïa sont montés jusqu’au sommet de la montagne pour demander à la sainte femme de leur égorger un chevreau. Sa religion à elle l’encourageait à rencontrer Dieu par la prière, le jeûne, le refus de la haine, la propreté du cœur et de l’esprit, la distanciation par rapport à la matière, à l’argent, à la bouffe, aux vanités de ce monde. 

Ses visiteurs qui se targuaient de connaître la religion n’avaient même la pudeur de respecter et protéger une femme solitaire. Ils n’attendaient que le festin. Voici le dialogue entre lalla Khelidja et les jeunes des igawawen que rapporte un poème anonyme :

Lalla Khelidja :

Ayen a Syadi lɛulum
Tawim abrid ma tessnem
Tenfam-eɣ nukni d nniya

Ad yeg Sid ay gesseḥsen
D Netta ay gebnan lecqaf
Ayen ixzen degsen yessen

Les tolbas :


A yemma Khelidja b wezṛu
Barka asenduder b wallen
Nekwni nbaad


Ay nella deg igawawen
Zlu yiwen deg wakniwen

Lalla Khelidja :


A Rebbi fked ameccim
Deg igenni ad yeg aalawen
Ad teqefel tizi tamcumt


Yellan gari d igawawen
Lemḥibba nsen d aɣilif
Tamussni nsen d asawen
Ma tiwim-d azal n sin
Kret ad telzum yiwen

Quand lalla Khelidja a compris qu’en fait de visiteurs, elle a devant elle des voraces grotesques et non pas des savants comme ils se croient, elle comprend que « leur compassion génère le souci et leur savoir est une côte raide ». Alors, dans leur langage, elle les met au défi, peu d’avance pour eux :

« Si vous avez apporté le prix de deux, alors égorgez un chevreau ». 

Mais à 85 ans, je ne sais pas si j’aurai devant moi l’énergie suffisante pour écrire ce livre.

Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?

Youssef Nacib : Je voudrais que soit rendu un hommage mérité au professeur Abdeslam Ali-Rachedi , ex-ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, à qui la communauté universitaire doit la création du premier Institut de Langue et Culture Amazighes, ouvert à Tizi-Ouzou.

Comme on dirait en kabyle : «D netta i gerẓan asalu », c’est lui qui ouvrit la voie pour qu’ensuite soient ouverts les instituts similaires de Béjaïa, Batna, Tamanrasset et Bouira.

Entretien réalisé par Brahim Saci

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« Vie à vie, Feraoun & Giono », essai de Lucrèce Luciani

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Vie à vie, Feraoun & Giono, essai de Lucrèce Luciani, Éditions Petra (coll. Méandre), 2024.
Vie à vie, Feraoun & Giono, essai de Lucrèce Luciani, Éditions Petra (coll. Méandre), 2024.

Lucrèce Luciani, qui vit entre Kabylie et France, a publié plusieurs essais, certains au Cerf, d’autres à La Bibliothèque, et deux aux éditions Frantz Fanon, Tizi-Ouzou (Bibliobled ou Vous êtes un livre, 2018, repris par Marsa en 2023, et Les Yeux d’Alger, 2021). Parmi les sujets qu’on peut repérer d’après les titres de sa bibliographie, il y a des études concernant le christianisme (« de saint Paul à Lacan »), la psychanalyse (Lettre à Lacan, collectif), les livres, l’Algérie (Kabylie particulièrement). 

Le superbe incipit de cet ouvrage sur Mouloud Feraoun et Jean Giono mérite citation intégrale : « Je suis arrivée en Kabylie avec mes yeux. Tous mes yeux. La paire qu’on voit dans le visage, la mienne est bleue, accordée ou pas au ciel kabyle souvent pluvieux, parfois neigeux. Et puis l’œil dans chaque main, ouvert dans le cœur, échappé des bras qui s’écartent soudainement de joie. / Une girandole de z-yeux. / Dans ce pays feuillu, feuilleté je n’ai vu que ses livres. Même les gens sont des livres où chacune et chacun vous ouvre ses pages, il suffit de le vouloir. »

Mais je m’éloigne pour rendre compte, d’abord, d’un chapitre qui insiste sur un lien important entre Mouloud Feraoun et Jean Giono, celui qu’ils ont eu avec Edmond Charlot, le libraire éditeur d’Alger (pp. 107-114), qui a publié Giono et aurait pu publier Feraoun si Amrouche n’avait pas bloqué cela, hélas. (Mais Charlot prit ensuite les exemplaires invendus du Fils du pauvre et les diffusa).

Lien avec un homme et avec son lieu, cette librairie mythique des Vraies Richesses (nom emprunté à un titre de Giono, en hommage). La colonne vertébrale est cela, un univers d’écriture, hanté par des figures remarquables (dont Camus, Sénac, Audisio, les Amrouche, Saint-Exupéry, Roy, Roblès, Clot…). Mais la colonne vertébrale, c’est aussi le « dénominateur commun » qu’est pour eux la Méditerranée, inséparable de leur écriture. Il n’y a qu’une affirmation avec laquelle je ne suis pas d’accord, dans ce chapitre, celle où il est écrit que « mieux que Camus pourtant l’inventeur de la formule, Giono et Feraoun incarnent le « tragique solaire » de la Méditerranée ». Non, Camus est loin de n’être que « l’inventeur de la formule », car hanté par ce tragique, il l’est profondément, au point d’en souffrir cruellement.

Quant à l’absence des Algériens dans ses romans cela a été amplement commenté. Pourrait-on dire que les Pieds-Noirs y soient ? Pas vraiment plus, sauf dans son livre posthume, avec sa famille. Les personnages de ses récits sont des abstractions. De même la manière de nommer ou ne pas nommer « l’Arabe » de L’Étranger : lui-même l’a expliqué, et l’essayiste spécialiste de Camus, Alice Kaplan le rappelle dans son essai En quête de « L ‘Étranger » (Camus a utilisé la même méthode que James M. Cain, dans Le Facteur sonne toujours deux fois, où « le Grec » n’est pas nommé, ce qui accentue l’invisibilisation produite par le racisme). Ce qui fait dire à Ali Chibani (chronique sur L’Étranger dans Cultures Sud n°14, 2010) que ce livre « ouvre la voie à une autre métaphorique littéraire farouchement anticoloniale ». Mais passons, l’essentiel est la vérité de Feraoun et Giono, si bien approchée dans cet essai.

En 4e de couverture, une citation d’Emmanuel Roblès (ami proche de Feraoun, qui lui suggéra d’écrire son Journal). Il y fait déjà le lien avec Giono, à partir de l’univers qui nourrit l’œuvre de chacun, Kabylie pour l’un, Provence pour l’autre, mais « pour atteindre l’universel ». 

Le premier chapitre chante la Kabylie (la Haute Kabylie précisément), de manière concrète, par le vécu, le parcours de lieux vus, contemplés : champs, oliviers, fleurs, et bien sûr les êtres. Regarder avec avidité la beauté de la montagne, le mont du Djurdjura, marcher en parcourant « mille chemins qui se croisent et qui se recroisent et qui m’accueillent dans leurs bras ici et là », et passer prendre ou rendre des livres en bibliothèque. Mais pour elle tout est livre, même les regards. Les livres…

Émouvante confidence de Malika, une voisine, qui lit « pour ne pas oublier » : « Pour ne pas oublier souffle-t-elle que j’ai appris le français à l’école avec mes petites camarades françaises et juives ».

Émotion, aussi, que celle que provoque la lecture de l’histoire du mari de Malika, torturé de souffrance, « Hébété de douleur d’avoir perdu son fils aîné, tué par les islamistes ». Deux témoignages et c’est tout un pan de l’histoire algérienne qui surgit du passé : la fraternité, la complexité, et les douleurs terribles. Pages en déclaration d’amour par celle qui écrit sur une région « qui est venue à [elle] » et dont elle peut dire « J’y suis à jamais moins seule ». Cette dernière phrase invite à la réflexion, importance que cet accord avec un lieu, l’ancrage dans une terre étant présence en soi. 

Autre chapitre, la naissance de ce livre, genèse d’une idée. Rapprochement entre les deux écrivains qui lui paraissait si évident qu’elle pensait qu’il était une « « vérité  » énoncée et admise dans le ciel littéraire ». Mais seul Emmanuel Roblès y avait pensé (reliant Lorca et l’Andalousie, Feraoun et la Kabylie, Giono et la Provence). Mais elle constate qu’il n’y a pas que l’importance de leur lieu régional qui les rapproche, il y a d’autres proximités étonnantes.

Ainsi leur rapport matériel à l’écriture, comme ce choix d’une encre foncée (« bleu nuit » pour Feraoun, « très noire » pour Giono), et l’absence de rature, l’écriture d’un jet, mûrie intérieurement. Et aussi la pratique des notes, dans les « Cahiers » de Feraoun, les « carnets » de Giono. À cela s’ajoute le lien entre la terre arpentée par l’un comme l’autre, ou leur regard porté sur les oliviers, et les mots qui en naissent. 

« Itus et Reditus », riche idée que glisser entre des chapitres, trois fois, des pages de citations faisant alterner des phrases ou paragraphes des deux auteurs, révélatrices des thématiques qui se rejoignent. Ce peut être l’évocation des oliviers, la force du « vivre », la joie, le regard vers le mont (Feraoun) ou les collines (Giono), les livres, la fontaine, la ville décrite (Alger, Marseille). Les êtres… « Boussad N’amer en train de confectionner un panier avec des brins d’olivier sauvage » (Feraoun), ou « une petite silhouette noire, debout » […] « un berger » (Giono). Et d’autres, ceux de la campagne. Et encore les arbres, les fleurs… Puis les valeurs semblables, les joies simples, l’importance de la terre : « Notre terre » (Giono), « Les choses de la terre » (Feraoun), les animaux. Mais aussi la mort, les naissances : « on fait des gosses sans y penser » (Feraoun), « On les fait comme on est et ce qu’on est on ne le sait pas » (Giono)…

Photolalie… Biographies croisées des deux auteurs qui ne se sont ni lus ni rencontrés, sous la photographie de l’un puis de l’autre. Mais leurs vies se rencontrent. La guerre, pas la même et pas la même fin, la pauvreté, l’origine liée à la terre, deux pères qui marquent, figures fortes, l’amitié (Emmanuel Roblès, pour Feraoun, Lucien Jacques pour Giono).

L’aversion pour la ville, eux qui préfèrent leur terroir : « Marseille est un exil plus insupportable que les rochers de Guernesey » (Giono), « Alger que je n’ai jamais portée dans mon cœur » (Feraoun). Les crises morales. Feraoun : « Parfois je me mets à souhaiter […] devenir fou ». Giono : « Je traverse une crise morale très pénible ». Giono dit avoir « inventé un pays » (pour en fait le révéler à lui-même), et Feraoun, qui a traduit et publié le grand Si Mohand, cherche à « traduire l’âme kabyle ».

Je ne dirais pas, cependant, que Feraoun veuille « passer par-dessus la fameuse description camusienne de Misère de la Kabylie ». Car écrivant à Camus il loue cette enquête et l’attitude de Camus alors, en Kabylie. Mais son propos est différent, et Camus, lui, ne cherchait pas à faire un portrait culturel (même si ses articles montrent aussi la beauté des êtres), son but était de dénoncer la misère et les injustices, dans un travail journalistique, alors que Feraoun, en écrivain, cherchait à révéler l’essence d’une identité. 

Journal… Les deux en tiennent un. Avec la même exigence du témoin, et les mêmes hésitations, le même désir de paix quand la guerre est leur horizon. Humanistes, pacifistes, refusant toute violence. Les citations de leurs journaux confirment leur lucidité assez désespérée, l’absence d’illusions sur les motivations de certains « patriotes » capables de crimes.

Conclusion ?  Non. « Pas de conclusion » est-il noté en titre. Mais « Pas » est en italique, car son sens est double, explique le texte qui suit, négation et « pas » vers, comme on avance encore, par « un pas d’ouverture ». Donc « Il ne saurait y avoir de conclusion ».  

J’ai aimé et cité l’incipit. J’aime aussi l’excipit, et le cite : « Et si ce récit était un oiseau, Feraoun et Giono en seraient les ailes et Charlot son petit corps palpitant, son velours palpé et le bec à trouer le ciel. // Et juste en dessous la tharoumit dans ses oliviers ». Ce qui signifie la Française, elle, sous l’aura de ses auteurs admirés. 

Espérons que son bel essai ouvre vers le commencement d’une « « vérité  » énoncée et admise dans le ciel littéraire », le rapprochement entre Feraoun et Giono aidant la compréhension de ces deux grands auteurs. 

Marie-Claude San Juan

Vie à vie, Feraoun & Giono, essai de Lucrèce Luciani, Éditions Petra (coll. Méandre), 2024.

LIENS :

Vie à vie, Feraoun & Giono, page éditeur, Petra (site inaccessible certains jours) : 

https://www.editionspetra.fr/livres/vie-vie-feraoun-giono

Vie à vie, Feraoun & Giono, page librairie : 

https://www.laprocure.com/product/1632760/luciani-lucrece-vie-a-vie-feraoun-et-giono

Lucrèce Luciani, présentation :

https://www.livre-provencealpescotedazur.fr/ressources/annuaire/personnes/luciani-lucrece-3702

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Finalisation de l’opération de transfert de propriété de la compagnie Tassili Airlines à Air Algérie

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Air Algérie

La compagnie nationale Air Algérie a annoncé, ce samedi dans un communiqué, la finalisation officielle de l’opération de transfert de propriété de la compagnie Tassili Airlines à son profit, en application de l’accord signé avec la société holding Sonatrach activités externes et de soutien (SAES).

La finalisation de l’opération de transfert de propriété est «le fruit d’un processus réglementaire et juridique rigoureux, adopté conformément aux plus hauts standards de gouvernance, afin d’assurer une transformation fluide et transparente, et garantir la continuité de l’activité ainsi que la qualité des services offerts aux clients», souligne la même source.

A cet égard, Air Algérie a affirmé qu’elle procédait à la restructuration de la compagnie intégrée afin de renforcer son efficacité opérationnelle, précisant que la nouvelle charte de la compagnie sera appliquée «graduellement» sur la flotte consacrée au transport domestique pour mieux «répondre aux aspirations des voyageurs et optimiser la qualité des services».

Le premier vol commercial est prévu à travers les lignes aériennes domestiques avant la fin du mois d’août courant, précise le communiqué ajoutant que cela marquera le début d’une nouvelle étape dans le processus du transport aérien domestique, basée sur la complémentarité et la performance, au service du citoyen dans toutes les régions du pays».

Par ailleurs, Air Algérie a réaffirmé «son engagement total à mobiliser toutes ses ressources humaines et techniques afin d’assurer la réussite de l’intégration de la compagnie «Tassili Airlines» au sein de son système, et à œuvrer à développer le réseau de transport aérien domestique au service du citoyen algérien, dans le cadre de la vision nationale de promotion de l’aviation civile».

APS

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Quatre terroristes abattus par l’ANP aux frontières sud-est de l’Algérie

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ANP
Des soldats de l'ANP en opération dans le sud algérien.

Quatre terroristes armés activant au sein de groupes terroristes à l’extérieur du pays et ayant tenté de s’introduire par les frontières sud-est (4e Région militaire), ont été abattus, samedi, par un détachement relevant des Services de la Sécurité de l’Armée, indique dimanche un communiqué du ministère de la Défense nationale (MDN).

«Dans le cadre de la lutte antiterroriste et contre la criminalité organisée multiforme, un détachement relevant des Services de la Sécurité de l’Armée a abattu, dans la matinée d’hier 9 août 2025, au niveau des frontières sud-est en 4e Région militaire, 4 terroristes armés de 4 pistolets mitrailleurs de type kalachnikov activant au sein de groupes terroristes opérant à l’extérieur du pays.

Lesdits terroristes ont tenté de franchir nos frontières nationales et de s’introduire à l’intérieur du pays», note la même source.

«Il s’agit de : Amrani Moad, Bousbaa Houssam, Ghadir Bachir Maamer et Bedghiou Okba», précise le communiqué, ajoutant que cette opération «confirme, une autre fois, la vigilance et la détermination des Forces de l’Armée nationale populaire à éliminer quiconque qui oserait franchir nos frontières nationales et porter atteinte à la sécurité des citoyens».

APS

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Vers un festival des influenceurs : le ministre Hidaoui veut recruter pour la propagande 2.0 

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Mustapha Hidaoui, ministre de la Jeunesse
Mustapha Hidaoui, ministre de la Jeunesse, entend imposer un narratif nouveau favorable à la doxa du régime.

Derrière le « grand festival des créateurs de contenu » annoncé pour 2026, le ministre de la Jeunesse prépare un réseau d’influenceurs chargés de défendre le récit officiel sur les réseaux sociaux.

L’obsession du régime est d’imposer un narratif qui cadre avec « la nouvelle Algérie » de Tebboune. Mais comment faire quand on connaît l’abyssale impopularité d’un système lunaire, perché sur des certitudes hallucinantes !

La solution semble trouvée. Derrière l’emballage séduisant d’un « grand festival national » pour les créateurs de contenu, annoncé pour le premier trimestre 2026, Mustapha Hidaoui, ministre de la Jeunesse et président du Conseil supérieur de la jeunesse, semble préparer tout autre chose : la mise sur pied d’une armée numérique au service du pouvoir.

Le décor est posé lors de la conférence préparatoire au « Mokhayem ( camp) des créateurs de contenu » : Mustapha Hidaoui parle de « mise en réseau des efforts », de « rassemblement des compétences », de « défense de l’Algérie contre tout ciblage ». Le vocabulaire n’est pas neutre. Il sonne comme le manuel d’instruction d’une milice digitale chargée de filtrer, contrer et saturer l’espace virtuel d’un discours unique.

L’idée est claire : transformer les influenceurs et vidéastes en soldats du récit officiel, des proxys chargés de relayer la propagande 2.0 sous couvert de patriotisme. Car dans la rhétorique gouvernementale, les « menaces » contre la jeunesse incluent aussi — et surtout — les voix critiques sur les réseaux sociaux. Le festival ne serait alors qu’une vitrine, un moment de repérage et de cooptation pour intégrer les plus influents dans un dispositif plus vaste de communication politique.

Cette stratégie n’est pas isolée. D’autres régimes ont déjà compris qu’une bataille se joue sur TikTok, Instagram et YouTube, et qu’il est plus efficace de recruter des influenceurs « amis » que de censurer frontalement. La différence, en Algérie, c’est que cette opération semble désormais assumée au grand jour par un ministre.

L’art de transformer la créativité en allégeance

Ainsi, sous le vernis de l’animation culturelle, se dessine un projet d’encadrement idéologique. Une légion numérique prête à occuper le terrain virtuel, répondre aux critiques et marteler le message officiel. Le pouvoir, conscient que les réseaux sociaux échappent encore à son contrôle total, mise sur la séduction, l’encadrement et la loyauté.  

En somme, derrière l’affiche séduisante d’un « grand festival » pour les créateurs de contenu, Hidaoui semble dessiner les contours d’une force numérique 2.0, destinée autant à « défendre » l’image du pays qu’à prolonger, dans l’espace virtuel, le contrôle narratif du pouvoir, déjà assuré de l’allégeance de l’ensemble de la presse nationale, toutes tendances confondues, désormais réduite au rôle de chien de garde.

Samia Naït Iqbal

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Halima Alma : une étoile de la télévision algérienne s’éteint à 39 ans

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Halima Alma
Halima Alma s'est éteinte.

La scène artistique algérienne est en deuil. La comédienne Halima Alma, de son vrai nom Halima Khaddache, s’est éteinte le 7 août 2025 en Espagne, à l’âge de 39 ans, après un long et courageux combat contre un cancer.

La nouvelle a bouleversé ses proches, ses collègues et un large public qui l’avait adoptée pour son talent, sa sincérité et sa présence lumineuse à l’écran.

De Jijel  à la télévision nationale

Née en 1986 à Jijel, Halima Khaddache suit d’abord un parcours académique en médecine dentaire. Mais sa passion pour l’art l’éloigne peu à peu de la blouse blanche. Elle commence par chanter, puis, poussée par son père, tente un casting pour le feuilleton Mudh-hani en 2011. Cette expérience marque ses débuts dans le monde de la télévision, où elle impose rapidement son style naturel et sa capacité à habiter ses personnages.

Une carrière marquée par des rôles forts

Halima Alma se fait connaître du grand public grâce à ses interprétations sensibles et nuancées dans plusieurs productions télévisées. Parmi ses rôles les plus marquants figure celui de Kenza, avocate déterminée, dans la série à succès Yemma. Elle apparaît également dans Babour Ellouh et El Ikhtiyar El Awwal, confirmant sa place dans le paysage audiovisuel algérien.

Une lutte courageuse

Ces dernières années, la comédienne affrontait un cancer avec un courage admirable, partageant peu de choses de son combat, préférant préserver son intimité et celle de sa famille. Elle laisse derrière elle deux enfants, ainsi qu’un héritage artistique empreint de sensibilité et d’authenticité.

Un dernier voyage vers sa terre natale

Sa dépouille sera rapatriée dans les prochains jours pour être inhumée dans sa ville natale de Jijel, où famille, amis et admirateurs pourront lui rendre un dernier hommage. Sur les réseaux sociaux, de nombreux messages saluent une artiste « au grand cœur », « généreuse et vraie », qui avait su toucher le public par son humilité et son dévouement à son art.

Halima Alma s’en va trop tôt, mais ses rôles et son sourire resteront gravés dans la mémoire collective. « L’art n’est pas seulement un métier, c’est une part de soi que l’on offre aux autres », disait-elle un jour en entretien. Cette part, Halima l’a donnée sans compter.

Djamal Guettala

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Peut-on se débarrasser des religions sans éduquer les croyants ?

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Croyance
Image par Tep Ro de Pixabay

« Iqra ! iqra ! iqra !  Wech yeqraw ? », telle fut la question que posa Mohammed Arkoun en son temps. Il n’en a pas fallu plus pour qu’il soit sommé de déguerpir comme un vulgaire malpropre de la conférence islamique organisée en Algérie dans les années 1970 par les gardiens de la « pensée islamique » unique. Parmi eux, Mouloud Kacem Naït Belkacem et Youssef Al-Qaradâwî !

Pourtant, il suffit de jeter un regard sur l’œuvre de Mohammed Arkoun, cet intellectuel qui s’inscrivit dans la tradition des Lumières en tant qu’historien, islamologue et philosophe, pour s’imprégner du fait que toute réforme de l’Islam est mission impossible, si l’on ne réforme pas, en premier lieu, le croyant musulman. Et, cette réforme passe par un canal unique, celui de s’accorder sur un postulat universel, à savoir que la croyance est, avant tout, une affaire personnelle. Et, là on en revient toujours au même constat.

C’est que l’Islam est victime d’un panurgisme béat sur lequel reposent toutes sortes de comportements enflammés initiés par n’importe quel gugus qui se prétend détenteur de la vérité absolue. Inutile d’aller plus loin, sinon affirmer que l’écrasante majorité des musulmans n’a jamais lu le Coran. Comment peut-il en être autrement quand on sait que l’analphabétisme touche aussi la majorité des citoyens dans les pays du monde dit arabe ? Ne parlons pas de ces contrées éloignées de la Mecque dont les citoyens ne comprennent pas un traitre mot de la langue arabe, et qui, pourtant, se revendiquent bons musulmans.

Réformer l’islam commence par l’acceptation par les ulémas des textes sacrés d’une confrontation avec leurs homologues éclairés, c’est-à-dire entre ceux qui se réclament de l’université d’El-Azhar et ceux qui ont une connotation proche ou lointaine avec des institutions telles que la Sorbonne.

À cet égard, il est utile de revenir sur la carrière de Mohammed Arkoun :

Mohammed Arkoun est né le 1er février 1928 à Taourirt-Mimoun, dans la commune d’Ath Yenni, Tizi-Ouzou, et mort le 14 septembre 2010 à Paris. Selon son souhait, il est enterré au Maroc.

Il est internationalement reconnu, comme le démontre, par exemple, les Gifford Lectures qu’il donna en 2001. Des cours intitulés « Inauguration d’une critique de la raison islamique ». Il fut, entre autres, professeur émérite d’histoire de la pensée islamique, à Paris III. Il enseigna l’« islamologie appliquée », discipline qu’il a développée, dans diverses universités européennes et américaines, en référence à l’anthropologie appliquée de Roger Bastide. Parmi ses sujets de prédilection, l’impensé dans l’islam classique et contemporain.

Mohammed Arkoun, humaniste, laïque, était un militant actif du dialogue entre les religions, les peuples et les hommes. Spécialiste de l’islam, il plaidait pour un islam repensé dans le monde contemporain. Il y a consacré de très nombreux ouvrages dont La Pensée arabe (Paris, 1975), Lectures du Coran (Paris, 1982), Penser l’islam aujourd’hui (Alger, 1993), ou encore The Unthought in Contemporary Islamic Thought (Londres, 2002).

Mohammed Arkoun a enseigné à la faculté des lettres et sciences humaines de Strasbourg (1956-1959), au lycée Voltaire de Paris (1959-1961), comme maître-assistant à la Sorbonne (1961-1969), professeur associé à l’université de Lyon II (1969-1972), puis comme professeur à l’université Paris VIII et à Paris III – Sorbonne Nouvelle (1972-1992). Il a été membre du Wissenschaftskolleg de Berlin (1986-1987 et 1990) et de l’Institute for Advanced Study de Princeton, dans l’État du New Jersey, aux États-Unis (1992-1993), professeur affilié de l’université de Californie à Los Angeles (1969), de l’université Temple, de l’université de Louvain-la-Neuve (UCL) en Belgique (1977-1979), de l’université de Princeton (1985), du Pontifical Institute of Arabic Studies à Rome et à l’Université d’Amsterdam (1991-1993). Il a également dispensé de nombreux cours et conférences à travers le monde.

Inutile d’en reproduire davantage pour se convaincre du lourd bagage intellectuel et de la lucidité de cet homme qui a marqué son temps, mais dont l’œuvre tombe peu à peu dans le gouffre des oubliettes, noyée dans le discours ténébreux de moult incultes qui se croient détenteurs de la vérité absolue, et qui formatent les masses à leur image.

Comparez donc ce CV lourd à celui d’Ali Belhadj (lui qui n’a même pas réussi à décrocher son baccalauréat après moult tentatives) ou celui de Abdallah Djaballah ! et la boucle est bouclée.

Réformer l’islam a pour corollaire incontournable celui de la réforme de l’École, avec le courage politique d’y inclure des programmes qui inculquent à l’enfant les éléments fondamentaux de la tolérance, à travers des enseignements qui ne sclérosent pas son esprit dès les premières années de scolarité. Et partant, le mener petit à petit à une ouverture qui lui permette de s’intéresser aux travaux des Mohamed Arkoun, Djabelkehir, Fatima Mernissi, Hela Ouerdi, et tutti quanti, et d’examiner, de lui-même, au lieu d’avaler toutes sortes de sornettes débitées par des enseignants souvent mal formés, eux-mêmes sclérosés du cerveau.  

Mais est-ce vraiment cela que veulent tous ces docteurs ès-dictatures du monde musulman ?

That is the question !

Les autres religions ne sont pas en reste au vu des nombreuses sornettes débitées sans relâche par les gardiens des temples sacrés.

Comment, en l’an de grâce 2025 peut-on croire que Jésus est le fils de Dieu, enfanté par la « vierge » Marie ?

Comment pousser la crédulité jusqu’à accepter l’idée que ce même Jésus a dédoublé le pain et marché sur l’eau ?

Quant à Moïse, limitons-nous à rappeler le miracle le plus populaire : « Moïse étendit le bras sur la mer. Le Seigneur chassa la mer toute la nuit par un fort vent d’est ; il mit la mer à sec, et les eaux se fendirent. » (Exode 14, 21-27). Le miracle accompli par Moïse, premier personnage à être nommé « homme de Dieu » dans la Bible, est sans doute l’un des plus célèbres.

Sans parler d’Abraham qui avait bien failli égorger son propre fils pour faire plaisir à Yahvé !

Trêve de sornettes ! Dieu, s’il existe, n’a rien à voir avec toutes ces fadaises inventées par l’Homme pour dominer l’homme, et surtout la femme, d’ailleurs !

Kacem Madani

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