C’est un mouvement de protestation inédit, sans doute le plus important de ces dernières années au Maroc. Pour la quatrième fois consécutive, mardi 30 septembre, des centaines de jeunes sont descendus dans les rues de plusieurs villes du royaume à l’appel du collectif Gen Z 212.
À Rabat, Casablanca, Fès ou Tanger, les slogans sont les mêmes : « réformer l’éducation et améliorer les services de santé publique ». Un slogan revient dans les manifestations : « Nous ne voulons de Coupe du Monde, nous voulons des soins. » Les jeunes réclament aussi plus de transparence, d’égalité des chances, de mérite.
Au Maroc, initialement pacifiques, ces mobilisations ont pris depuis quelques heures une tournure plus tendue. Des vidéos montrent des voitures de police incendiées ou renversées, notamment dans la banlieue d’Agadir, dans le sud du pays.
Selon des militants des droits humains contactés par RFI, des heurts ont éclaté entre manifestants et forces de l’ordre dans le nord-est à Oujda ou dans le centre à Beni Mellal.
Jusqu’à présent, les sit-in étaient marqués par le calme. Mais désormais, ils sont systématiquement dispersés par la police, qui procède, chaque soir, à des dizaines d’interpellations. Les organisations de défense des droits humains dénoncent des « arrestations violentes et arbitraires ».
À l’origine du mouvement, un collectif né sur la plateforme Discord, la Gen Z 212, sans leader déclaré.
Des poursuite contre 193 suspects suite aux actes de violence, de destruction et d’incitation ont été lancées. Il y aurait eu plus de 400 arrestations de jeunes dans les différentes villes du royaume chérifien.
Dans son livre Marseille, Essuie tes larmes (sortie prévue ce jeudi 2 octobre 2025 aux éditions le Bruit du Monde, Marseille), Amine Kessaci choisit la forme la plus intime qui soit : une lettre posthume à son frère Brahim, victime du narcotrafic.
Fondateur de l’association Conscience, figure engagée des quartiers nord de Marseille, il transforme une douleur personnelle en plaidoyer collectif. Entre témoignage, dénonciation et appel à l’espérance, il livre un récit qui interpelle autant les habitants des cités que les responsables politiques.
Au fil des pages, c’est toute une introspection qui se déploie : le lecteur suit la trajectoire d’un frère confronté à la perte, mais aussi à la culpabilité, à la colère et à la nécessité de comprendre. Ce livre ne se limite pas au récit d’un drame : il explore la condition des jeunes, les choix imposés par un environnement hostile, et la résilience des familles face à l’injustice. Chaque phrase résonne comme une tentative de donner sens au chaos, de redonner voix à ceux que la société a réduits au silence.
Le Matin d’Algérie : Votre livre commence par une lettre posthume à votre frère Brahim. Pourquoi avoir choisi cette forme intime pour aborder un sujet aussi dur que le narcotrafic ?
Amine Kessaci : Tout le livre est une longue lettre adressée à mon frère. Prendre la plume, c’était une manière de continuer à lui parler, de prolonger ce lien que la mort a brisé trop tôt. J’avais encore des choses à lui dire, des souvenirs à lui confier, mais aussi des questions restées sans réponses. L’écriture est devenue un espace de dialogue posthume, une correspondance impossible mais nécessaire. Ce livre est donc une série de lettres, mais aussi un cri : celui d’un frère qui refuse le silence.
Le Matin d’Algérie : Écrire ce livre a-t-il été avant tout un geste de deuil personnel ou un acte politique ?
Amine Kessaci : Les deux sont inséparables. Bien sûr, l’écriture est née du deuil, d’une douleur intime. Mais dans nos quartiers, le deuil n’est jamais seulement une affaire privée : il est aussi politique, car il dit l’injustice, l’abandon, l’échec des institutions. Mon deuil est devenu une revendication. Écrire, c’était refuser que cette mort soit une fatalité. C’était transformer une blessure personnelle en un plaidoyer collectif.
Le Matin d’Algérie : Vous refusez que votre frère ne soit qu’une statistique. Comment ce refus a-t-il guidé votre écriture ?
Amine Kessaci : Mon frère n’était pas une statistique. Pas plus que ses amis, pas plus que tous les jeunes que le narcotrafic nous arrache. Derrière chaque chiffre, il y a une personne : un fils, un frère, parfois un père, toujours un être humain fait de chair et de rêves. Les statistiques anonymisent, déshumanisent, banalisent. Moi, j’ai voulu redonner des visages, des histoires, une dignité à ces vies fauchées. Les chiffres ne pleurent pas, mais les familles, elles, pleurent chaque jour.
Le Matin d’Algérie : Dans vos pages, vous décrivez une jeunesse happée par l’illusion de l’argent facile. Selon vous, qu’est-ce qui rend ces mirages si puissants dans les quartiers populaires ?
Amine Kessaci : Ce n’est pas seulement l’argent facile. C’est le rêve qu’il promet, l’illusion entretenue par les séries, par la culture dominante, par une société qui glorifie la réussite matérielle sans offrir les moyens d’y accéder légalement. Mais au fond, ce qui piège les jeunes, c’est moins l’appât du gain que la marginalisation. Quand l’école n’ouvre pas de portes, quand le travail est inaccessible, quand les institutions se retirent, alors le narcotrafic devient une voie parallèle, fatale. Et une fois qu’on a mis un pied dedans, il n’y a plus vraiment d’issue, sauf deux : la prison ou le cimetière.
Le Matin d’Algérie : Vous soulignez aussi les résistances quotidiennes des habitants. Pouvez-vous nous donner un exemple qui vous a marqué et qui incarne cette dignité ?
Amine Kessaci : Oui, et c’est essentiel de le dire : les quartiers ne sont pas que des lieux de sang et de larmes. Ce sont aussi des lieux de dignité et de résistance. Ce sont ces jeunes qui se lèvent à l’aube, traversent toute la ville en bus et en métro pour aller étudier à l’université. Ce sont ces mères qui tiennent leur famille debout malgré les drames, ces pères qui travaillent jusqu’à l’épuisement pour sauver leurs enfants du chaos. Ce sont eux, les véritables résistants. Ils incarnent l’honneur et la force de nos quartiers.
Le Matin d’Algérie : Votre engagement à travers l’association Conscience est déjà très fort. Qu’est-ce que l’écriture permet que l’action militante ne permet pas ?
Amine Kessaci : Le monde associatif, dans les quartiers, est le dernier rempart. Mais il est constamment en bout de souffle, condamné à faire avec des miettes ce que l’État et les institutions n’ont pas su faire. L’action militante est indispensable, mais elle se heurte à ses limites. L’écriture, elle, permet autre chose : elle grave la mémoire, elle libère la parole, elle ouvre un espace poétique et politique où la douleur devient langage. Avec un livre, on ne répond pas seulement à l’urgence : on inscrit une trace qui résiste au temps.
Le Matin d’Algérie : Dans votre regard, quel rôle l’État et les institutions portent-ils dans l’essor du narcotrafic à Marseille ?
Amine Kessaci : L’État porte une responsabilité immense. Quand des gouvernements choisissent de couper Marseille en deux, quand un président comme Nicolas Sarkozy supprime la police de proximité, quand un autre comme Emmanuel Macron détruit les services publics dans nos quartiers, ils fabriquent du vide. Et dans ce vide, le narcotrafic prospère. Ce n’est pas seulement une défaillance : c’est le résultat de choix politiques, de renoncements répétés de la République à protéger ses enfants.
Le Matin d’Algérie : Votre livre sort ce jeudi 2 octobre 2025. À qui souhaitez-vous qu’il s’adresse en priorité : aux habitants des quartiers, aux responsables politiques, ou à l’opinion publique au sens large ?
Amine Kessaci : J’aimerais que ce livre parle à tous. D’abord aux habitants des quartiers, à ces résistants du quotidien, à ces jeunes qui, je l’espère, se reconnaîtront dans ces pages. Mais aussi à la société dans son ensemble, à ceux qui nous observent de loin et qui doivent comprendre ce que nous vivons. Et bien sûr aux décideurs, car un livre peut être une arme douce mais redoutable : il oblige à écouter ce que l’on préfère souvent ignorer.
Le Matin d’Algérie : Le titre Marseille, essuie tes larmes suggère une forme d’espoir. Quelle place gardez-vous pour l’espérance, malgré tout ?
Amine Kessaci : Dans nos quartiers, si l’on perd l’espérance, on perd tout. L’espoir est ce qui nous permet de tenir debout, de survivre au milieu du chaos. Mais attention : l’espoir seul ne suffit pas. Il ne fait pas vivre, il fait survivre. Ce que je veux dire, c’est que l’espérance doit s’accompagner de justice, d’égalité et d’action politique. Sinon, elle se transforme en illusion.
Le Matin d’Algérie : Si vous pouviez adresser un message aux jeunes qui, aujourd’hui, se sentent attirés par le trafic, que leur diriez-vous à travers ce livre ?
Amine Kessaci : Je leur dirais d’abord que personne n’est à l’abri. On pense toujours que ça n’arrive qu’aux autres. Mon frère le pensait. Ses amis aussi. Moi aussi. Et pourtant, la mort est venue frapper à notre porte. Le narcotrafic ne fait pas de distinction : il détruit tout, il prend des vies, il déchire des familles, il arrache des futurs. À travers ce livre, je voudrais leur dire : ne laissez pas le système vous condamner d’avance. Croyez en vos rêves, refusez le piège, et surtout sachez que vous méritez mieux que deux issues : la tombe ou la prison.
Entretien réalisé par Djamal Guettala
Une rencontre avec l’auteur est prévue le 29 octobre à la librairie L’Île aux Mots. Marseille 13003
La fille cadette de l’ancien autocrate tunisien Zine el-Abidine Ben Ali, Halima a été arrêtée en France à la demande des autorités tunisiennes, a-t-on appris ce mardi 30 septembre de source judiciaire. Elle est présentée ce mercredi au « parquet général pour notification de la demande d’arrestation provisoire » émise par les autorités tunisiennes.
Halima Ben Ali est présentée, ce mercredi 1er octobre, « au parquet général pour notification de la demande d’arrestation provisoire » émise par les autorités tunisiennes, puis « devant le conseiller délégué pour statuer sur (son) placement sous écrou extraditionnel ou sous contrôle judiciaire », a-t-on ajouté de même source, sans préciser le motif exact de la demande de Tunis. Une audience devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel, compétente en matière d’extradition, aura lieu « ultérieurement », précise cette source.
« Ma cliente est victime d’une chasse à la femme déclenchée par la Tunisie, d’un acharnement sans précédent », a dénoncé auprès de l’AFP Samia Maktouf, son avocate. Selon cette dernière, Halima Ben Ali fait l’objet d’une notice rouge Interpol émise par la Tunisie pour des accusations de détournements de fonds. Elle précise que la trentenaire avait déjà été arrêtée à la demande de la Tunisie en 2018 en Italie, mais qu’elle avait obtenu sa libération.
« Ma cliente n’a jamais commis de crime ou de délit et a quitté la Tunisie alors qu’elle était encore mineure », à 17 ans, assure l’avocate. « On cherche à se venger de l’ancien chef d’État, son père, à travers elle. Nous faisons entièrement confiance à la justice française pour faire triompher le droit », ajoute-t-elle.
Interpellée à l’aéroport à Paris
Halima Ben Ali vit et travaille à Dubaï et allait prendre l’avion pour rentrer chez elle après un séjour de quelques jours à Paris lorsqu’elle a été interpellée à l’aéroport, a expliqué l’avocate, qui craint « un lynchage » si elle est extradée en Tunisie.
Me Maktouf ajoute qu’elle va faire un « signalement » au ministre de l’Intérieur sur les conditions de l’interpellation, au cours de laquelle une policière franco-tunisienne, ayant reconnu la fille de Ben Ali, l’aurait prise à partie et traitée publiquement de « voleuse ».
Le 14 janvier 2011, Zine el-Abidine Ben Ali avait fui son pays après 23 ans au pouvoir à l’issue d’une révolte populaire déclenchée par l’immolation par le feu en décembre 2010 d’un vendeur ambulant de Sidi-Bouzid dans le centre-ouest, excédé par la pauvreté et les humiliations policières. Il était parti accompagné de sa seconde épouse Leila Trabelsi, l’une des personnalités les plus honnies de Tunisie, leur fille Halima et leur fils Mohamed Zine el-Abidine. L’ancien autocrate aura passé les huit dernières années de sa vie en exil en Arabie Saoudite.
Considéré comme la première maladie cancéreuse touchant les femmes dans le monde, le cancer du sein enregistre chaque année 15 000 nouveaux cas en Algérie, entraînant plus de 4 200 décès. Cela représente environ 13 femmes qui en meurent chaque jour. C’est ce qu’a indiqué, ce mercredi, Mme Hamida Kettab, présidente de l’association El-Amel, à l’occasion du début du « Mois rose », dédié à la sensibilisation et à la lutte contre ce type de cancer.
Intervenant dans l’émission « L’invité de la matinale » sur les ondes de la Chaîne 2 de la Radio algérienne, Mme Kettab a expliqué d’emblée qu’Octobre constitue un moment clé pour rappeler l’importance de la prévention afin de se prémunir contre cette maladie qui touche particulièrement les femmes à travers le monde. « Le dépistage précoce est la seule parade efficace contre la propagation du cancer du sein », a-t-elle affirmé.
Selon la présidente de l’association El-Amel, les opérations de sensibilisation initiées par le ministère de la Santé et le mouvement associatif ont permis de faire prendre conscience aux femmes de l’importance du dépistage précoce. La preuve en est qu’aujourd’hui, plus de 68 % des femmes qui se présentent pour des soins sont à un stade précoce de la maladie, alors qu’auparavant, on recevait majoritairement des patientes à un stade avancé nécessitant des traitements lourds (mastectomie totale, chimiothérapie, radiothérapie…).
Comme chaque année, des campagnes de sensibilisation et de dépistage seront lancées durant ce mois d’octobre. L’association El-Amel, pour sa part, a mis en place une caravane médicale qui ciblera particulièrement les zones enclavées. « Notre caravane sera équipée de matériel de pointe, avec mammographe, échographe… et sera composée de spécialistes de la santé ainsi que d’imams, afin de convaincre les femmes hésitantes », a précisé Mme Kettab.
Née et formée en Algérie, Yasmine Iamarene incarne cette génération de talents qui traverse les frontières pour réinventer leur métier et leur environnement. À la tête de Colis Privé, filiale française du groupe CMA CGM, elle devient directrice générale après le rachat de sa start-up Mipi, créée en 2020.
Son parcours, entre audace et pragmatisme, illustre la force tranquille d’une entrepreneuse qui place l’humain et l’innovation au cœur de ses choix.
Avant de fonder Mipi, Yasmine a passé plusieurs années à observer le fonctionnement de la supply chain. Son expérience lui a révélé trois manques essentiels dans la livraison urbaine : l’absence de formation et de valorisation des livreurs, l’insatisfaction des clients, et une quasi-absence de femmes dans un secteur masculin. Elle a choisi de répondre à ces défis en créant une entreprise où chaque décision repose sur la qualité de l’expérience, pour les clients comme pour les équipes.
Chez Mipi, chaque nouveau livreur bénéficie d’une formation complète : sécurité, rigueur, et compréhension de l’expérience client sont enseignées avant même la première livraison. La possibilité de progresser vers des postes de formateur renforce la cohésion et l’esprit d’équipe, réduisant le turnover. Pour Yasmine, le succès d’une entreprise repose autant sur la compétence que sur la considération portée à chacun.
L’inclusion n’est pas un concept, mais une pratique concrète. Quarante pour cent des livreurs sont des femmes, une proportion rare dans ce secteur. Les candidates peuvent découvrir le métier avant de s’engager, un dispositif qui lutte contre la précarité et contribue à répondre à la pénurie de main-d’œuvre. De même, l’engagement écologique traverse toutes les décisions : Mipi combine véhicules électriques, thermiques optimisés et vélos cargo, tandis que l’optimisation des tournées réduit l’empreinte carbone.
En seulement quelques années, Mipi a livré plus d’un million et demi de colis et rassemblé plus de 300 livreurs dans plusieurs grandes villes françaises. L’intégration à Colis Privé, acteur majeur qui a distribué plus de 90 millions de colis en 2024 avec 3 800 livreurs et 400 véhicules électriques, permet à Yasmine d’étendre sa vision à l’échelle nationale et belge.
Le parcours de Yasmine Iamarene est une histoire de détermination et de finesse : elle illustre comment, avec rigueur et humanité, on peut transformer un métier, valoriser les équipes et inspirer confiance aux partenaires internationaux. De l’Algérie à la France, son exemple démontre que l’innovation et la responsabilité sociale peuvent marcher de pair avec la performance économique.
Yasmine Iamarene n’est pas seulement une entrepreneuse accomplie : elle est le symbole de la diaspora algérienne qui réussit à l’étranger, guidée par la réflexion, la prudence et la volonté de bâtir un modèle durable. Dans son parcours, chaque geste et chaque décision raconte une histoire de persévérance, de vision et d’attention à l’autre, offrant une leçon d’ambition mesurée et de réussite inspirante.
Le Comité ministériel conjoint de suivi (JMMC) de l’OPEP et de ses partenaires (OPEP+) a souligné, mercredi, que la « grande majorité » des pays signataires de la Déclaration de Coopération ont démontré un « haut niveau » de conformité aux engagements de limitation de production arrêtés pour les mois de juillet et août 2025.
Réuni par visioconférence à l’occasion de sa 62e session, le JMMC a constaté que « la grande majorité des pays participants continuent de démontrer un haut niveau de conformité, reflétant ainsi leur attachement aux décisions collectives adoptées dans le cadre de l’OPEP+ », indique un communiqué du ministère des Hydrocarbures et des Mines.
Inscrite dans le cadre du dispositif de suivi de la Déclaration de Coopération, cette réunion a rassemblé les ministres du pétrole des pays membres du Comité, à savoir l’Algérie, l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, l’Irak, le Koweït, le Nigeria et le Venezuela pour l’OPEP, ainsi que la Russie et le Kazakhstan pour les pays partenaires.
Lors de cette réunion, dont l’Algérie a été représentée par le ministre d’Etat, ministre des Hydrocarbures et des Mines, Mohamed Arkab, les échanges ont porté sur l’examen du respect des engagements de limitation de production arrêtés pour les mois de juillet et août 2025.
A cette occasion, les membres du JMMC ont mis en exergue « les efforts entrepris pour assurer une application stricte des ajustements de production et le règlement des excédents enregistrés », a ajouté la même source.
Ils ont, également, souligné que « l’équilibre et la stabilité du marché pétrolier international demeurent étroitement liés à la cohésion et à la discipline de l’ensemble des pays signataires ».
Il a été convenu, aussi, que la prochaine session du Comité se tiendra le 30 novembre 2025, afin de poursuivre l’évaluation de la situation du marché et du respect des engagements pris, a fait savoir le ministère.
Les jeunes Marocains vent debout. Crédit : @_yassine_toumi
On croyait avoir tout vu : les printemps arabes colorés de jasmin, les foules pacifiques du Hirak, les slogans fleuris dans les rues. On croyait qu’après cela, les jeunes allaient rentrer chez eux, refermer l’histoire et attendre l’aumône du pouvoir. Raté.
La nouvelle génération n’a plus de fleurs à brandir, seulement des téléphones. Et croyez-moi, un smartphone peut faire plus trembler un régime qu’une gerbe de jasmin.
On les appelle Gen Z212. Ça sonne comme un code wifi, c’est en réalité une clé d’accès à la révolte. Ils n’ont pas de parti, pas de leader, pas de vieux slogan marxiste ou islamiste. Ils ont mieux : TikTok. Là où le pouvoir colle des affiches de la Coupe du monde, eux collent des vidéos d’hôpitaux délabrés. Le contraste est implacable : des milliards pour les stades, zéro lit pour les malades. Leur poésie tient en trois mots : Santé. Éducation. Dignité. Pas besoin de constitutions interminables, pas besoin de leaders barbus ou cravatés. Juste trois mots, aussi lourds qu’un siècle d’injustice.
Nota bene : Gen Z désigne la génération née entre la fin des années 1990 et le début des années 2010. Le suffixe 212 renvoie à l’indicatif téléphonique du Maroc. Ensemble, Gen Z212 signifie donc « la jeunesse marocaine connectée », celle qui manifeste aujourd’hui dans la rue et sur les réseaux.
Les gouvernants savent négocier avec un syndicat, corrompre un parti, enfermer un leader. Mais que faire d’un mouvement sans tête, sans comité central, qui se multiplie à chaque clic ?
On arrête un militant, trois vidéos sortent le lendemain. On bloque une page Facebook, dix comptes TikTok naissent dans l’heure. On peut bien réprimer la rue, mais pas l’algorithme. Le palais se découvre soudain impuissant : on ne dialogue pas avec un hashtag, on ne menace pas une story, on ne censure pas un meme qui circule déjà sur des millions d’écrans.
« Le Printemps arabe » avait encore un parfum d’utopie. On parlait de démocratie, de liberté, de chute des dictateurs. La Gen Z, elle, n’a plus le luxe de rêver. Elle veut l’essentiel : se soigner sans mourir dans une salle d’attente, étudier sans mendier, travailler sans s’exiler. Ses slogans ne sentent plus le jasmin, mais la sueur des salles de classe bondées et la poussière des couloirs d’hôpitaux.
Un ministre peut parler une heure à la télévision ; il sera réduit en dix secondes ridiculisées sur TikTok. Les vieilles élites parlent en kilomètres, la jeunesse en secondes de vidéo. La politique autrefois se jouait en tribune, aujourd’hui elle se joue en scroll. Le rire est devenu une arme, le détournement un bouclier, le montage vidéo une barricade.
Et ce qui se joue au Maroc n’est peut-être qu’un prélude. Car ailleurs, d’autres Gen Z s’éveillent déjà. Au Népal, des milliers de jeunes ont défié la police après le blocage des réseaux sociaux : quatorze morts, un Premier ministre poussé à la démission, et une génération entière qui dit non à la censure et à la corruption.
À Madagascar, les coupures d’électricité et l’arrogance présidentielle ont suffi pour que les jeunes descendent dans la rue : le gouvernement a été dissous sous la pression. Au Pérou, une jeunesse fatiguée de la corruption et de la précarité manifeste contre des réformes injustes. Au Kenya, en Indonésie, aux Philippines, au Mali, les ingrédients sont là : une jeunesse hyperconnectée, un État qui promet sans livrer, une colère qui voyage plus vite qu’un avion, à la vitesse du numérique.
Partout, la pyramide des âges penche du côté des jeunes, et partout, les élites vivent comme si le temps leur appartenait. Partout, la fracture se répète : une élite d’en haut qui construit des stades et des palais, une jeunesse d’en bas qui réclame des lits d’hôpital et des bancs d’école. Gen Z212 n’est donc pas une simple crise marocaine. C’est peut-être le premier chapitre d’un nouveau cycle générationnel : pas une révolution romantique, mais une insurrection pragmatique, une politique de survie qui s’écrit en vidéos de quinze secondes.
Alors, verra-t-on la Gen Z ailleurs ? Déjà, à Alger, on murmure l’ombre d’une Gen Z213, enfermée dans ses frontières et ses désillusions. À Tunis, une Gen Z216 suffoque entre chômage et désenchantement, héritière d’une révolution inachevée. Et plus au sud, au Mali, une jeunesse sans avenir pourrait bien devenir la Gen Z223, fatiguée de la guerre et de la misère.
Le Maroc pourrait bien être le théâtre d’un essai grandeur nature. Si Gen Z212 marque un jalon, d’autres « Gen Z-mouvements » pourraient surgir, du Rif à Bamako, d’Alger au Caire. Parce que la colère, quand elle se digitalise, circule plus vite que les frontières.
Dans un récit à la croisée des continents et des identités, Benny Malapa raconte, à travers Un nègre qui parle yiddish (Fayard, 2025), l’épopée singulière de sa propre famille, marquée par la colonisation, l’exil, les guerres et le métissage.
Le roman suit Paul Malapa, fils d’un roi camerounais et d’une mère allemande, et Suzanne Rubin, juive polonaise rescapée des pogroms, à travers un XXe siècle tumultueux où les identités se construisent et se recomposent dans la douleur et la résistance.
Paul Malapa naît à Hambourg en 1914, fruit d’un métissage rare et complexe. Dès son enfance, il est confronté aux regards, aux stéréotypes et aux frontières invisibles que l’Europe impose aux “enfants des colonies”. Benny Malapa restitue avec finesse ces expériences : le racisme latent, les exclusions sociales, la curiosité des uns et la méfiance des autres. Paul apprend très tôt que l’identité n’est jamais donnée, mais négociée, revendiquée, subie parfois. La maîtrise de plusieurs langues — allemand, français, anglais et yiddish — devient pour lui autant un outil de survie qu’une manière d’accéder à d’autres mondes et d’échapper aux enfermements sociaux.
Le roman s’ouvre sur le grand-père, Malapa M’Adeviné, chef des Batangas au Cameroun. Envoyé en Allemagne par les autorités coloniales, il fait la rencontre de Frida, qui devient la mère de Paul. Ce passage souligne non seulement les dynamiques coloniales, mais aussi la rencontre improbable de cultures et de mondes différents. Le lecteur découvre que la famille Malapa est traversée par des déplacements, des exils et des circulations géographiques qui façonnent profondément ses membres. L’expérience de Paul est donc à la fois personnelle et symbolique : elle illustre la manière dont les héritages coloniaux continuent de structurer les vies longtemps après la fin des empires.
La rencontre avec Suzanne Rubin à Paris transforme l’histoire familiale en une fable universelle de résistance et d’humanité. Suzanne, rescapée des pogroms polonais et de la montée du nazisme, représente une mémoire vivante des persécutions européennes. Leur mariage en 1942, célébré dans le XXe arrondissement de Paris, survient au cœur d’une époque où la peur et la haine structurent les rapports sociaux et politiques.
Benny Malapa illustre ainsi comment l’amour et la solidarité peuvent devenir des actes de résistance silencieux face à la barbarie. Les personnages ne sont pas seulement des témoins passifs de l’histoire ; ils agissent, choisissent, s’aiment malgré les interdits et les violences. Le roman souligne que la vie quotidienne, les choix intimes et les engagements personnels peuvent devenir des lignes de fracture ou de résilience face aux traumatismes collectifs.
Le titre, Un nègre qui parle yiddish, résume la singularité de ce récit. Il met en lumière la collision des cultures, des langues et des identités. La maîtrise du yiddish par Paul, métis africain en Europe, devient un symbole de passage et de survie, mais aussi de subversion face aux catégorisations raciales et religieuses. Benny Malapa transforme la langue en arme et en refuge : elle permet de transmettre des souvenirs, de tisser des liens et de résister à l’effacement des identités minoritaires. Le roman montre que la parole est à la fois un outil de libération et un acte de mémoire, inscrivant l’individu dans l’histoire tout en affirmant sa singularité.
Au-delà des histoires personnelles, le roman dessine une fresque des violences et des migrations du XXe siècle. La colonisation, la Shoah, les exils et les guerres sont autant de forces qui traversent les existences de Paul et Suzanne, leur imposant de négocier leur identité, leur sécurité et leur liberté.
Chaque déplacement, chaque rencontre, chaque décision s’inscrit dans cette toile historique, donnant au lecteur un sentiment de continuité et d’interconnexion entre les destins individuels et les grandes transformations du monde. Benny Malapa montre que la littérature peut être un espace de compréhension et de réflexion sur les mécanismes de domination et les résistances silencieuses qui s’y opposent.
L’écriture de Benny Malapa alterne réalisme et sensibilité poétique. Les paysages de Hambourg, de Paris et du Cameroun deviennent des personnages à part entière, portant les mémoires et les tensions des sociétés qu’ils traversent. L’auteur ne se limite pas à raconter, il explore la psyché de ses personnages et les conflits internes générés par l’histoire et la différence.
Paul et Suzanne incarnent la capacité humaine à créer du lien et à se reconstruire dans un monde fragmenté. Leur parcours résonne avec les questions contemporaines de migration, de multiculturalisme et de mémoire.
Enfin, le roman interroge le rôle de la mémoire dans la construction des identités. En retraçant ses ancêtres, Benny Malapa transforme l’histoire intime en outil de réflexion sur les fractures sociales et les potentialités humaines.
Un nègre qui parle yiddish rappelle que la mémoire n’est pas seulement une archive, mais un acte de résistance, un moyen de comprendre les injustices et de réinventer le lien humain. Le récit souligne que, malgré les violences et les exclusions, il est possible de construire des espaces de dialogue, de reconnaissance et d’humanité.
À travers ce roman, Benny Malapa offre une méditation profonde sur le métissage, l’exil et la mémoire. L’histoire de Paul Malapa et Suzanne Rubin devient un miroir pour penser nos propres identités et nos propres engagements dans un monde marqué par la violence, mais aussi par la possibilité de résistance et de rencontre. Un nègre qui parle yiddish s’inscrit ainsi dans une littérature nécessaire, où la fiction et la mémoire dialoguent pour éclairer les complexités du passé et les enjeux du présent.
Salah Oudahar est à la fois poète et photographe, une double casquette qui lui offre un regard unique sur la mémoire. Par l’entrelacement des mots et des images, il explore les traces du passé avec une sensibilité profonde, donnant à sa création une richesse et une complexité où les deux formes d’expression se répondent et se complètent pour mieux révéler l’intime comme le collectif.
Né en Algérie, pays dont il porte en lui les paysages, les souvenirs et les cicatrices, il vit aujourd’hui en France, ce qui lui confère une perspective singulière sur les questions d’exil, d’identité et de transmission. Son œuvre se distingue par cette capacité à mêler étroitement les mots et les images, non pas comme de simples illustrations, mais comme deux langages qui s’enrichissent mutuellement pour donner corps à une mémoire à la fois intime et collective.
Dans Ce pays d’où tu viens & Les galets de l’oubli, publié en 2025 aux éditions d’en bas, Salah Oudahar propose un recueil construit en deux temps, deux cycles poétiques qui se répondent et se complètent. Le premier, Ce pays d’où tu viens, est un retour à l’enfance et à la terre natale, marqué par la lumière méditerranéenne mais aussi par les ombres portées de la guerre et de la violence. Le second, Les galets de l’oubli, adopte une tonalité plus méditative et minérale, où les galets deviennent métaphores d’une mémoire qui résiste à l’effacement et au silence.
À travers ce double mouvement, le poète explore non seulement les blessures historiques, la guerre, la dépossession, la douleur des absents, mais aussi la force de résilience, la nécessité de transmission et la promesse d’un avenir possible. Son lyrisme oscille entre l’éclat du cri et la douceur du murmure, entre la fracture du passé et l’élan vital qui cherche à se réinventer. En mêlant la poésie à la photographie, il invente un espace de rencontre où le visible et l’invisible, le dit et le non-dit, se conjuguent pour former une mémoire vivante, toujours ouverte à la réinterprétation et à la renaissance.
Ainsi, l’œuvre de Salah Oudahar ne se limite pas à une élégie du passé : elle s’affirme comme un acte de résistance poétique, une invitation à se souvenir sans se laisser enfermer, à dire l’indicible et à faire de la mémoire un levier pour la dignité et la liberté.
Salah Oudahar porte en lui un héritage qui nourrit son art et son engagement. Mais son propos dépasse largement le cadre national : il aborde des thèmes universels, tels que la perte, l’exil, la quête de justice, et l’urgence de la transmission. Dans cet échange, il partage avec nous ses réflexions sur le rôle fondamental de la création face à l’oubli, cet ennemi silencieux qui menace d’effacer non seulement les événements du passé, mais aussi les voix et les identités qui leur sont associées.
Le Matin d’Algérie : Votre livre mêle poésie et photographie dans un dialogue très intime. Comment est née cette volonté de faire coexister ces deux langages, et comment travaillez-vous leur articulation ?
Salah Oudahar : Poésie et photographie sont pour moi deux écritures complémentaires de la mémoire et de la trace. Dans Les témoins du temps et autres traces, mon précédent recueil, j’ai commencé à travailler sur ce qui reste après la guerre et le passage du temps : les ruines, les paysages, les gestes, les blessures, les silences. La photographie saisit ce qui est visible et tangible, tandis que la poésie tente de restituer ce qui est invisible, indicible, ce qui habite le regard et le cœur mais ne se fixe pas. Dans Ce pays d’où tu viens/ Les galets de l’oubli, ces deux langages se répondent comme deux voix de mémoire. L’un fixe, l’autre prolonge ; parfois ils se contredisent, comme la mémoire elle-même qui est toujours fragmentaire. C’est un travail d’échos et de respirations, qui laisse au lecteur la possibilité de circuler entre le visible et l’invisible, entre le tangible et le souvenir.
En mêlant, en croisant, des langages différents, mon intention est de créer, tendre à créer des décalages, des failles, faire surgir, imaginer, voir, les failles, voir, faire voir, entendre, faire entendre la langue des failles, des brisures, fissures, des renoncements, des abandons, la langue de la fragilité des temps et des lieux, de la précarité, contingence mais aussi permanence, des êtres et des choses. Interstices inviolés, inattendus dans les marges du monde, de ce monde clos, comme révolu, supposé définitivement clos, révolu, qui ouvrent sur des béances, des zones obscures, mais aussi sur des rêves, de nouveaux rêves, des songes, incursions, percées dans la roche du temps, voyages dans les imaginaires, nouveaux imaginaires, soustrait au poids pesant des guerres, blessures, violences, déterminismes, fatalismes, scissions…
De ma fenêtre, chez moi à Tigzirt, je regardais, aux aurores, le Cap Tédelès, plonger dans la mer, vaisseau en partance en vain, le soleil surgissant de ses flancs. « Il y avait devant (nous) ce qui se photographie. Il y avait autre chose aussi. Quoi ? Un tremblement, un appel au dépassement de ce que la photographie aurait retenu (…) l’éternité » (Guillevic).
Le Matin d’Algérie : La mémoire semble être au cœur de votre écriture, mais une mémoire blessée, menacée d’oubli. Pour vous, écrire, est-ce d’abord un acte de sauvegarde, de résistance ?
Salah Oudahar : Oui, sauvegarde et résistance à la fois. Ma poésie est traversée par une méditation récurrente sur la mémoire, la perte et la survivance. Les thèmes de la trace et de la ruine, expression d’une esthétique du fragment et de l’absence, mais aussi d’une tentative de résistance au silence et à l’effacement structure une poétique du temps marqué par les blessures du passé et l’espoir d’une reconstruction par le langage.
La poésie contemporaine, notamment dans les contextes coloniaux et postcoloniaux, se fait souvent le lieu d’un dialogue conflictuel avec l’histoire, la mémoire et les formes de l’oubli. Je m’inscris quelque part dans cette veine en recourant à cette esthétique du fragment évoquée plus haut qui permet d’interroger, au travers des figures de la trace et de la ruine non seulement le passé collectif, souvent douloureux, mais aussi le rôle du poète en tant que gardien d’une mémoire menacée.
Métaphore récurrente d’une mémoire blessée, la trace incarne le signe résiduel d’une présence disparue : elle est marque, empreinte, parfois à peine perceptible, mais toujours signifiante, dont l’enjeu est de sauvegarder l’évanescent, de rendre lisible ce qui fut.
La trace est signal du passé et point d’appui pour le présent. Elle constitue une réponse poétique à la menace de l’oubli, qu’il soit individuel ou collectif. Dans un contexte marqué par l’histoire coloniale et postcoloniale, l’exil, ou les violences de la modernité, la trace devient instrument de résistance, refus de l’effacement, reconstitution par fragments, des contours d’une identité souvent brisée.
À côté de la trace, la ruine constitue un autre motif structurant l’imaginaire mémoriel Chargée d’une valeur symbolique forte, elle représente à la fois la destruction matérielle et la dégradation du sens.
Les ruines que j’évoque dans mes recueils, renvoient souvent à une histoire violente, récente et ancienne : ruines coloniales, de la guerre et de l’après-guerre d’indépendance, vestiges d’un monde ancien, ou encore ruines intérieures d’un sujet marqué par la perte. En cela, elles participent d’une lecture postcoloniale du paysage poétique. Elles traduisent un monde où la continuité a été rompue, où la mémoire s’édifie sur des décombres.
Ce qui unit la trace à la ruine, c’est une même tension entre présence et absence, entre ce qui fut et ce qui persiste, résiste, tenace, ne renonce pas. Cette tension donne naissance à une poétique non pas de la nostalgie, mais du recommencement. À partir de l’épars, du brisé, du partiel, il importe de reformuler un nouvel horizon des possibles, de nouveaux rivages de dignité, de justice, de liberté, l’espoir recommencé, d’un pays habitable, rendu à ses hommes et à ses femmes, à sa jeunesse, à ses paysages, ses mémoires, ses langues, son histoire.
La langue poétique, à son tour, est contaminée par ces motifs : elle devient fragmentaire, elliptique, marquée par le silence et l’interstice, le verbe pressuré, la phrase courte, le vers épuré, La syntaxe hésite, le lexique s’érode, comme si l’écriture elle-même portait les stigmates du passé. Pourtant, c’est précisément cette fragilité qui rend possible une esthétique du ressaisissement. Le poème devient dès lors, un lieu où l’on sauve ce qui peut l’être, un chantier de réparation, de reconstruction, mais aussi de création, d’invention, d’innovation, où chaque mot fait trace, chaque image fait sens.
Le Matin d’Algérie : Dans ce pays d’où tu viens, l’enfance est à la fois lumineuse et tragique. Qu’est-ce que ce retour à l’enfance permet d’exprimer que l’histoire collective ne peut pas dire seule ?
Salah Oudahar : Ma poésie prend sa source dans la mémoire de la guerre d’indépendance que j’ai connue dans mon village des Iflissen/Tigzirt, en Kabylie maritime.
Des décennies après, j’ai ressenti le besoin de revenir et de témoigner sur les traces de mon enfance, à travers diverses empreintes, réelles et imaginaires, physiques et symboliques. En revisitant ces lieux livrés à l’érosion du temps, à l’oubli des pouvoirs et des hommes, j’ai voulu m’adonner à une forme de déambulation, de recomposition mémorielle. Au fil d’une narration intime, j’ai cherché à tisser un récit où s’enchevêtrent souvenirs historiques, remémorations personnelles et perceptions singulières.
Ce retour à l’enfance me permet d’exprimer une dimension intime de la mémoire que l’histoire collective ne peut pas seule restituer. L’enfance, avec ses expériences sensibles — jeux, rires, paysages, gestes familiers — offre un point de vue singulier et émotionnel, capable de traduire la fragilité et l’innocence confrontées à la violence de la guerre et à l’exil. Si l’histoire collective raconte les événements, les dates, les pertes massives, elle reste anonyme et abstraite. L’évocation de l’enfance, en revanche, met un visage, une voix, un corps sur ces événements : la lumière et l’émerveillement côtoient la tragédie, révélant l’impact humain, la douleur, la perte et le déracinement. Elle permet aussi de réinventer la mémoire : en rappelant ce qui a été vécu avant la violence, l’enfance devient un lieu de résistance poétique, un espace où l’individuel et l’universel se rejoignent
Le Matin d’Algérie : Les galets dans la seconde partie du livre deviennent des métaphores puissantes de la persistance et du silence. Pourquoi avoir choisi cette image comme pivot poétique ?
Salah Oudahar : L’image des galets est centrale dans ce recueil, simple en apparence mais d’une grande puissance symbolique. Ces pierres modestes, polies par l’eau et le temps, incarnent la persistance face à l’oubli. Elles demeurent là où les existences humaines se brisent : guerre, massacres, villages détruits, enfances arrachées, vies fauchées, bêtes éventrées, arbres calcinés.
Leur silence est au cœur de leur force poétique. Les galets ne parlent pas et pourtant ils témoignent. Recouvrant le corps d’un enfant torturé puis exécuté à l’aube (voir le poème « Et la mer éplorée ») bordant l’oued où coule la mémoire des disparus, ils imposent une mémoire muette, irréductible. Leur mutisme devient un langage : il dit l’absence, la douleur, mais aussi la résistance et l’espoir.
Les galets relient ainsi l’intime et le collectif. Ils gardent la trace des souffrances personnelles et, en même temps, portent le poids de l’Histoire partagée d’un peuple. Dans leur immobilité, ils deviennent des archives naturelles, indestructibles et durables.
En choisissant cette image comme pivot poétique, je voulais affirmer une esthétique de la modestie, de l’humilité et de la résilience. Le galet n’a rien de grandiloquent : il est ordinaire, discret, à l’image du peuple des humbles, des petites gens, mais il se souvent, il résiste et dure. Dans ce contraste entre la fragilité de l’humain et la permanence de la pierre, se profile une métaphore universelle de la mémoire : une mémoire silencieuse mais indestructible, qui continue de parler, de nous parler.
Le Matin d’Algérie : Votre œuvre semble s’inscrire dans une lignée d’auteurs algériens engagés, mais elle déborde aussi le cadre national. Vous sentez-vous appartenir à une littérature de l’exil ?
Salah Oudahar : Ma poésie s’inscrit en effet dans une lignée d’auteurs algériens, trouve son ancrage et ses inspirations dans le socle poétique national dans la diversité de ses expressions esthétiques, linguistiques, culturelles et au-delà comme vous le dites.
Dans « Ce pays d’où tu viens/ Les galets de l’oubli « j’évoque, et cite explicitement de nombreux poètes, écrivains, penseurs, artistes, figures politiques – et plus nombreux encore ceux que je n’aurais pas pu citer – qui m’ont inspiré, à un moment ou un autre, dans l’écriture de ce recueil : Kateb Yacine, Günter Anders, Mohamed Mbougar Sarr, Walter Benjamin, Yves Bonnefoy, Tchicaya U Tam’si, Guillevic, Charles Juliet ; Mouloud Mammeri, Rabah Belameri, François Cheng, Abdellatif Laabi, Guy Debord, Tahar Djaout, Etel Adnan, Nabil Fares, Idir, Ali Mecili.
La question de l’exil traverse l’ensemble de mon écriture. Exil comme expérience de l’arrachement mais aussi comme matrice créative. Dans Les Témoins du temps & Autres traces et Ce pays d’où tu viens / Les galets de l’oubli, j’explore l’exil comme expérience de rupture radicale, de deuil nécessaire mais impossible. J’interroge, entres autres, la perte du pays natal, la quête identitaire et la résistance à l’effacement culturel.
Dans Les Témoins du temps & Autres traces je tente de restituer la mémoire d’une terre, d’un pays, des lieux de l’enfance, abimés, dévasté par la guerre. Les ruines, les pierres, les visages figés, dans le temps deviennent des témoins muets d’une histoire effacée, mais persistante. Ce recueil est un chant de l’exil, une traversée du temps et de l’espace où je cherche à rassembler les fragments d’un passé éclaté.
Dans Ce pays d’où tu viens / Les galets de l’oubli, l’exil est abordé sous l’angle de la mémoire vivante. Les galets, symboles de l’oubli, fil rouge du recueil, deviennent des témoins d’un pays à peine advenu et déjà perdu, un pays qui tâtonne, qui cherche, qui se cherche. Le poème devient dès lors un enjeu, un acte de résistance, une manière de dire l’indicible, de maintenir vivante la flamme d’un pays à retrouver, à réinventer, une promesse d’avenir. Pour répondre donc à votre question, oui, pour toutes ces raisons, je pense que ma poésie pourrait se définir, aussi, comme une poésie de l’exil.
Mardi soir, l’Olympique de Marseille a frappé un grand coup en Ligue des champions. Devant 65 100 supporters – un record européen pour le club – le Vélodrome a vibré à l’unisson, célébrant un succès éclatant contre l’Ajax Amsterdam (4-0).
Le match, chargé d’histoire, rappelait le quart de finale de 1971, mis en avant par un tifo hommage à Johan Cruyff et Victor Zvunka. Roberto De Zerbi n’a pas hésité à surprendre dans sa composition : Arthur Vermeeren, jeune Belge, au milieu, et Igor Paixao, Brésilien, sur le flanc gauche, laissant le capitaine Leonardo Balerdi sur le banc. Ce choix tactique a payé immédiatement.
La prestation collective a été exemplaire. Pierre-Emerick Aubameyang, auteur d’un but et de deux passes décisives, a orchestré l’attaque avec brio. Mason Greenwood, buteur pour le 3-0, et Igor Paixao, également buteur, ont confirmé l’efficacité offensive marseillaise. Mais c’est surtout l’équilibre et l’intensité de l’ensemble de l’équipe qui ont impressionné. L’OM a su combiner pressing, créativité et solidité défensive pour dominer un adversaire pourtant prestigieux.
Au-delà du score, c’est l’énergie et l’état d’esprit des Marseillais qui ont marqué les esprits. Le public, en fusion avec son équipe, a vécu une soirée exceptionnelle. Ce succès, premier de la saison en Ligue des champions, relance les ambitions européennes de Marseille. Reste désormais à confirmer sur la route pour transformer ce festival offensif en une dynamique durable.
Au-delà de l'écrivain, le pédagogue. Le travail de Jean-Michel Wavelet dans son essai « Albert Camus : Enseignant empêché, pédagogue résistant » lève le...
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