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mercredi 17 septembre 2025
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Soudan : un centre de recherche dévoile un camp militaire des FSR en territoire libyen

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Hemetti et les Emiras
Les Emirats arment et financent les FSR de Hemetti, selon plusieurs médias.

Un centre de recherche spécialisé dans le numérique et les sources ouvertes, The Center for Information Resilience (CIR), a publié, jeudi 31 juillet, une enquête qui permet d’affirmer la présence des combattants des Forces de soutien rapide (FSR), les paramilitaires soudanais, sur le sol du sud libyen.

Ce territoire serait utilisé comme arrière-base pour leurs actions militaires au Darfour. S’appuyant sur des images satellites, des vidéos, des photos publiées par les combattants eux-mêmes, l’enquête a pu localiser avec précision un camp militaire soudanais en plein désert libyen, près d’al-Koufra.

L’étude intitulée « Comment nous avons trouvé un camp militaire des RSF dans le désert libyen », démontre que les mêmes véhicules identifiés dans ce camp libyen ont été repérés plus tard à el-Facher, dans le camp de Zamzam, au nord du Darfour. Ce camp, théâtre d’un massacre, abritait uniquement des déplacés depuis avril dernier. Un lien direct est également établi entre ce site libyen et un haut commandant des FSR, présent ensuite à Zamzam.

L’enquête met en lumière d’imposants convois de véhicules Toyota Land Cruiser équipés d’armes variées, stationnés à différents moments dans le désert. Ces véhicules sont rassemblés dans un camp naturel encerclé de rochers, au sud de la Libye, avant d’apparaître à Zamzam.

Selon nos informations, Zamzam sert aujourd’hui de base à des mercenaires colombiens, parmi d’autres combattants étrangers, participant aux offensives contre el-Facher, capitale du nord-Darfour, encerclée par les FSR depuis un an et demi.

Uniformes, véhicules, indices visuels: une signature FSR

Certaines vidéos montrent clairement les écussons d’épaule des FSR, ainsi que leurs tenues de camouflage. Les véhicules, sans plaques d’immatriculation, portent les mêmes caractéristiques techniques : même modèle, même armement, mêmes récipients d’eau. Les véhicules ne portent évidemment pas de plaques d’immatriculation, mais des numéros sont peints à la bombe sur les capots et les portières. 

Autre indice : les couvertures de nuit utilisées par les combattants sont de fabrication libyenne, comme l’indique leur emballage en plastique.

Selon l’enquête du CIR, certains de ces véhicules réapparaissent au Darfour et précisément à Zamzam.

Les dirigeants des FSR se servent-ils du sud libyen comme base arrière ?

L’enquête du CIR établit également la présence du général Hamdane al-Kajli, responsable de la sécurité d’Abdul Rahim Hamdan Dagalo, numéro deux des FSR. Il est visible à plusieurs reprises, notamment à bord d’un véhicule repéré à Zamzam en avril.

Selon nos informations, ce haut gradé a été grièvement blessé près d’el-Facher début avril, alors qu’il circulait dans un véhicule blindé. Il a ensuite été évacué vers l’hôpital turc de Nyala, au Darfour du sud, où sont soignés les blessés FSR. D’autres hommes directement chargés de la sécurité de Dagalo ont été tués. Leurs photos ont été révélées par les faire-parts de leurs familles ou par des compagnons d’armes. 

Depuis Abu Dhabi vers le Darfour via la Libye

Toujours selon l’enquête du CIR, l’équipement militaire des FSR transite à grande échelle par la Libye. Ces accusations confirment les constats des experts de l’ONU, qui dénonçaient déjà en 2024 des violations de l’embargo sur les armes, en évoquant une route d’approvisionnement depuis Abou Dhabi vers le Darfour via le Tchad, mais aussi via la Libye.

En avril dernier, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’est alarmé du flux continu d’armes et de combattants vers le Soudan, qualifiant cette guerre de « brutale » et appelant à cesser tout soutien extérieur.

En juin dernier, les FSR ont réussi à prendre le contrôle du triangle frontalier situé à l’ouest-nord du pays et surplombant le Soudan, la Libye et l’Égypte. Cette zone « stratégique » selon eux, leur permet désormais d’acheminer sans obstacle les aides logistiques depuis la Libye. 

Le maréchal Khalifa Haftar, qui contrôle l’est et le sud libyen, est, comme les paramilitaires soudanais, un allié des Émirats arabes unis, qui nie toujours son implication dans le conflit.  

Avec RFI

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RTA : rendez-nous Fatiha et Leila !

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RTA

Que le lecteur oranais me corrige si les prénoms cités ne correspondent pas aux bonnes personnes. Ma rapide recherche me dit que oui par concordance avec les dates qui concernent ma chronique d’aujourd’hui. Mais qu’importe le prénom, le fond est le plus important pour l’évocation de mon sujet.

Durant leurs heures de gloire, pas question de les nommer par leur nom de famille, elles en faisaient partie car elles étaient tous les soirs invitées dans leur salon. Certains médisants disaient en ronchonnant que c’était en vérité elles qui s’invitaient tous les soirs, à l’heure du repas.

Nous la regardions avec angoisse et espérions que ce qu’elle allait nous dire ne nous tombe pas sur la tête. Car si l’invitée du soir nous annonçait souvent une bonne soirée avec un bon film ou un bon feuilleton, c’est également souvent qu’un coup de massue allait nous fracasser la tête. C’était, soit la joie soit le coup de massue. Les événements de la vie sont toujours binaires.

Comme pour tous les membres de nos familles nos connaissions le regard et la voix qui annonçaient le malheur. Et la sentence redoutée tombe par cette phrase, chers téléspectatrices et téléspectateurs, nous sommes dans le regret de vous annoncer la modification de nos programmes en raison d’un événement de dernière minute….

Le souci est que les nouvelles de dernière minute était journalières et connues depuis de nombreux jours. La visite de Fidel Castro, si nous ne retenions que le plus court orateur de l’histoire, n’est tout de même pas un événement qui surprend les programmateurs de la télévision.

À ce moment de mon écriture, je m’étouffe de rire. Je visualise la tête des jeunes d’aujourd’hui devant une image fixe au temps inépuisable. Eux qui ne restent qu’une fraction de seconde sur une image postée sur TikTok. Vous les enfermez cinq heures avec la même image du même orateur,  le Sida n’aurait pas causé autant d’hospitalisations.

Il y avait une autre annonce que nous redoutions, celle de, mes chers téléspectatrices et téléspectateurs, nous nous excusons de cet incident involontaire et momentané. Le souci était que la définition du momentané nous échappait tant il nous semblait éternel. 

Nos Fatiha et Leila étaient comme une caisse de résonance de nos humeurs. Sur qui d’autres allions-nous nous décharger ? Elles étaient là, elles assumaient les risques et nous ne nous privions pas de le leur rappeler par nos accusations et nos sarcasmes.

Mais au fond, nous ne pouvions pas imaginer qu’elles ne soient pas là, nos speakerines. Elles étaient la ponctuation de nos longues soirées. Nous ne pouvions les éviter et nous ne l’aurions pas fait. Pour être honnête, c’est qu’à cette époque, il n’y avait qu’une chaîne, qu’une télévision, qu’une seule présentatrice et qu’une seule programmation.

Pas de smartphone, pas d’internet, pas de câble pour un choix multiple et pas de sortie après vingt heures pour les adolescents. Toute l’Algérie avait la même soirée, le même écoulement du temps. C’est ce qu’on appelle l’unité nationale. 

Toute l’Algérie était dans le choix 1 et l’atteinte du 2 semblait lointain encore. Mais lorsque je vois la liste des programmes de télévision en dernière page du Quotidien d’Oran, je me dis qu’on est peut-être allé trop fort dans le nombre. Passer du un au multiple infini, c’était vouloir reproduire le un avec une télécommande tant les programmes et rediffusions sont très souvent identiques. J’espère que les jeunes savent maintenant pourquoi la télécommande n’existait pas.

Hélas, si cela était la même chose dans le monde entier, ou presque, je ne peux éviter de m’indigner que cet emploi était exclusivement réservé aux femmes. À Fatiha et Leila, il n’aurait pas été une incongruité de rajouter un Hamid ou Kamel. Ah non ! Diraient les familles, un homme, ça risque de manger beaucoup plus, lui qui s’inviterait également tous les soirs dans notre salon. 

Bon, maintenant, il me faut vous laisser. Je dois repasser sur YouTube les discours de notre tribun Fidel et vous en faire une prochaine chronique. J’en ai pour cinq jours…au moins.

Boumediene Sid Lakhdar

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France : un incendie ravage plus de 16 000 hectares dans l’Aude, le plus grand depuis 1949

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Incendie dans l'Aude
Photo by Lionel BONAVENTURE / AFP

La France traverse une crise environnementale sans précédent avec le plus grand incendie déclaré depuis 1949. Dans le département de l’Aude, au sud du pays, un feu d’une ampleur exceptionnelle dévore actuellement plus de 16 000 hectares de forêt et de garrigue, une superficie plus grande que celle de la capitale Paris.

Une catastrophe qui progresse à la vitesse de la marche humaine

Le feu, qui s’est déclaré dans la commune de Ribaute, avance à une vitesse alarmante de 5 à 6 kilomètres par heure, portée par des vents violents et une sécheresse prolongée. Les flammes atteignent régulièrement 10 à 15 mètres de hauteur, rendant la tâche des pompiers extrêmement périlleuse. Plus de 2 000 sapeurs-pompiers, appuyés par des avions et hélicoptères bombardiers d’eau, luttent sans relâche pour contenir la progression des flammes.

Un bilan humain lourd

Cette catastrophe a déjà fait une victime : une femme de 65 ans, qui a refusé d’évacuer son domicile malgré les appels des autorités, a été surprise et ensevelie par les flammes. Treize personnes ont été blessées, dont sept pompiers, victimes des conditions extrêmes auxquelles ils sont confrontés. Trois autres habitants restent portés disparus.

Les autorités ont procédé à l’évacuation de milliers de résidents dans les communes proches de l’incendie, ouvrant des centres d’accueil pour les sinistrés. L’état d’alerte a été élevé au maximum avant d’être légèrement atténué, offrant un répit temporaire aux équipes de secours.

Un feu amplifié par le changement climatique

Le Premier ministre François Bayrou a lié ce sinistre à la crise climatique actuelle, pointant du doigt les températures records et la sécheresse qui ont fragilisé la végétation. La suppression des pare-feu naturels, comme les vignes qui autrefois ralentissaient la propagation des flammes, a également aggravé la situation.

Des conséquences écologiques et environnementales majeures

Au-delà des pertes humaines, l’incendie dévaste des milliers d’hectares d’écosystèmes, menaçant la biodiversité locale et augmentant les risques d’érosion des sols. La qualité de l’air est fortement dégradée par la fumée et les particules fines, avec des impacts à court et moyen terme sur la santé publique.

Une mobilisation massive face à un défi grandissant

Face à cette situation dramatique, l’armée a été déployée pour appuyer les secours, et l’Union européenne a proposé son aide à la France. Cette catastrophe souligne l’urgence d’adapter les stratégies de prévention et de gestion des incendies, alors que les épisodes extrêmes se multiplient en Europe.

Cet incendie, le plus dévastateur en France depuis plus de 70 ans, rappelle cruellement l’importance de la lutte contre le changement climatique et la nécessité d’une mobilisation collective, à la fois locale, nationale et internationale, pour protéger les territoires et les populations.

Djamal Guettala

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France–Algérie : Macron suspend l’exemption de visas pour les officiels algériens

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El Qods
Macron.

Le président français Emmanuel Macron a ordonné, mardi, la suspension immédiate de l’accord de 2013 qui permettait aux titulaires de passeports diplomatiques et de service algériens d’entrer en France sans visa.

La mesure, qualifiée de « nécessaire » par l’Élysée, intervient sur fond de tensions accrues entre Paris et Alger, notamment autour de la détention en Algérie de deux ressortissants français — l’écrivain Boualem Sansal et le journaliste Christophe Gleizes— ainsi que du refus d’Alger de délivrer des laissez-passer consulaires pour plusieurs ressortissants algériens sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

« Les autorités algériennes ont choisi d’ignorer nos demandes. Il n’y a plus d’autre choix que d’adopter une ligne plus ferme », a déclaré Emmanuel Macron, en appelant à « un changement d’attitude de la part d’Alger ».

Selon les autorités françaises, plus d’une soixantaine de ressortissants algériens visés par des mesures d’éloignement n’ont pas pu être expulsés en raison de l’absence de coopération consulaire.

L’accord suspendu permettait aux diplomates, ministres, hauts fonctionnaires et porteurs de passeports de service algériens de se rendre en France sans visa pour des séjours de courte durée. Désormais, ces catégories devront formuler une demande de visa préalable, comme tout citoyen voyageur. Ce durcissement de ton sonne comme une caution à Bruno Retailleau en guerre avec l’Algérie depuis son arrivée au ministère de l’Intérieur. Curieusement aucun fait public ne justifie cette brusque impatience d’Emmanuel Macron.

Aucune réaction officielle n’avait été émise du côté algérien au moment de la publication de cette dépêche. Des sources diplomatiques à Alger évoquent toutefois des concertations en cours et n’excluent pas une réponse de principe dans les prochaines heures.

Mourad Benyahia 

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Apulée n°10 – Humanité(s) : la chair et les rêves du monde

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Apulée


La revue littéraire Apulée dirigée par l’écrivain Hubert Haddad (rédacteur en chef) fête ses dix ans avec un numéro d’une ampleur rare, entre engagement, poésie et cosmopolitisme.

Apulée n°10 : Humanité(s), la revue des grands éveils

A numéro fétiche, thématiques exceptionnelles. Le dixième numéro d’Apulée interroge ce que signifie encore “être humain” dans un monde fracturé. Pluralité des langues, mémoire des luttes, poétiques du corps et du vivant : une traversée littéraire et politique essentielle.

« Toute contreculture en phase d’assimilation fait le lit de nouvelles doxas dans un bouillonnement doctrinal sans repères, amplifié jusqu’à saturation par la chambre d’écho soutenant l’intrication exponentielle des réseaux sociaux et des médias », écrit Hubert Haddad dans sa présentation portant le titre : Prélude à un nouvel humanisme.

De la poésie aborigène aux récits caribéens, des écrivains algériens postcoloniaux aux auteurs roms d’Europe centrale, ce numéro est une traversée polyphonique, entre mémoire et création. On y croise des fictions, des essais, des poèmes, mais aussi des regards visuels, des entretiens rares, le tout porté par une langue exigeante, toujours ouverte. On y trouve dans cette partie des poèmes de poètes algériens comme Smaïl Aït Djaffar, Samira Negrouche, Salah Oudahar…

Une revue pour dire le monde autrement

Depuis sa création en 2016, Apulée s’est imposée comme une revue singulière dans le paysage éditorial francophone. Pensée comme un carrefour littéraire et artistique, elle explore les imaginaires du monde avec une exigence rare, en marge des tendances et des récits dominants. À sa tête, Hubert Haddad, écrivain majeur, défend une littérature-monde, curieuse des marges, des langues oubliées, des pensées en résistance.

Chez Apulée rien n’est anodin. Ce dixième numéro, intitulé « Humanité(s) : la chair et les rêves du monde », marque une étape symbolique. Dix ans de parutions, dix années de dialogues entre continents, entre récits de filiation et visions de rupture. Cette fois, la revue prend pour thème l’humanité elle-même, ou plutôt les humanités, au pluriel : celles qu’on détruit, celles qui résistent, celles qu’il faut réinventer.

L’art, la langue, la liberté

À contre-courant des discours désenchantés, Apulée fait le pari de l’imaginaire comme force politique. Chaque texte, chaque image, chaque voix contribue à ce que la revue appelle une « communauté d’espérance ». Car si les tensions du monde contemporain sont bien présentes – racisme systémique, montée des nationalismes, déracinements climatiques – elles sont ici abordées non par le prisme de la plainte, mais par celui de la création, de l’altérité, de la parole vivante.

Le projet est ambitieux : croiser les disciplines, les formes et les langues pour faire naître une polyphonie libre. On y lit des récits fragmentaires, des lettres, des proses enfiévrées, des entretiens intimes. On y trouve aussi des œuvres visuelles, des photographies, des dessins. Autant de manières d’entrer dans cette « chair du monde » que la revue explore avec rigueur et passion.

« J’ai au plus près du mot tous les sons maintenant

« Je siffle de vieilles chansons

Partout en chaque mot

Font irruption les sens… », écrit Mercé Claramunt dans le poème Habiter le présent traduit du catalan.

Un monde en éclats, des voix en archipel

Ce numéro comme les précédents d’ailleurs est dense. Epais et protéiforme. À travers 416 pages de textes, d’images, de fictions, de poèmes et d’essais, Apulée n°10 rassemble une constellation d’écrivains, penseurs et artistes venus des quatre coins du globe. Des poètes aborigènes d’Australie aux voix caribéennes (Jamaïque, Barbade), des écrivains algériens héritiers des fractures coloniales aux écrivains roms d’Europe de l’Est, le volume donne à lire une humanité multiple, complexe, souvent méconnue.

Le fil rouge est clair : penser l’humain non comme une identité stable, mais comme une expérience traversée par la mémoire, les corps, les rêves et les blessures de l’Histoire. Il ne s’agit pas ici de proposer une définition de l’humanité, mais de cartographier ses formes mouvantes, ses résistances poétiques et ses élans utopiques.

L’art, la langue, la liberté

À contre-courant des discours désenchantés, Apulée fait le pari de l’imaginaire comme force politique. Chaque texte, chaque image, chaque voix contribue à ce que la revue appelle une « communauté d’espérance ». Car si les tensions du monde contemporain sont bien présentes – racisme systémique, montée des nationalismes, déracinements climatiques – elles sont ici abordées non par le prisme de la plainte, mais par celui de la création, de l’altérité, de la parole vivante.

Le projet est ambitieux : croiser les disciplines, les formes et les langues pour faire naître une polyphonie libre. On y lit des récits fragmentaires, des lettres, des proses enfiévrées, des entretiens intimes. On y trouve aussi des œuvres visuelles, des photographies, des dessins. Autant de manières d’entrer dans cette « chair du monde » que la revue explore avec rigueur et passion.

Yacine K.

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Emmanuel Macron : Paris doit agir avec «plus de fermeté» vis-à-vis d’Alger

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Emmanuel Macron.

Nouveau chapitre dans la relation tendue entre Paris et Alger. Dans une lettre au Premier ministre François Bayrou et révélée par Le Figaro mercredi 6 août, le président français, Emmanuel Macron, demande au gouvernement « plus de fermeté et de détermination » vis-à-vis de l’Algérie et appelle à la suspension de l’exemption de visa sur les passeports officiels et diplomatiques algériens.

La lettre du président au chef du gouvernement est affichée sur le site web du journal Le Figaro. Dans celle-ci, Emmanuel Macron met d’abord en avant « les difficultés croissantes » rencontrées « en matière migratoire et sécuritaire avec l’Algérie » ainsi que le sort réservé à l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal (80 ans) et au journaliste français Christophe Gleizes. Le premier a été arrêté en novembre 2024 en Algérie et condamné à cinq ans d’emprisonnement ferme notamment pour « atteinte à l’unité nationale » ; le second a été arrêté en mai 2024 et a été condamné à sept ans de prison pour « apologie du terrorisme ».

« Les autorités algériennes ont fait le choix délibéré de ne pas répondre à nos appels répétés au cours des derniers mois à travailler ensemble dans l’intérêt de nos deux nations. Il aurait pu en être autrement. Désormais, nous n’avons pas d’autre choix que d’adopter une approche de plus grande fermeté », justifie-t-il.

En conséquence de quoi, le président français entend réajuster complètement son approche vis-à-vis de l’Algérie. « La France doit être forte et se faire respecter. (…) Elle ne peut l’obtenir de ses partenaires que si elle-même leur témoigne le respect qu’elle exige d’eux. Cette règle de base vaut pour l’Algérie aussi », martèle le président de la République auprès de son Premier ministre François Bayrou, dans une missive qui marque une nouvelle étape dans la crise diplomatique aiguë que traversent les deux pays.

Emmanuel Macron approuve la ligne de Bruno Retailleau

Le chef de l’État invoque aussi « le non-respect par Alger de ses obligations concernant les réadmissions » et « la cessation de la coopération des 18 consulats algériens présents en France avec les services de l’État français ». Et pour Emmanuel Macron, les mesures jusque-là prises par le gouvernement français ne sont pas suffisantes : « Il nous faut acter (…) la suspension (…) de l’accord de 2013 (sur) les exemptions de visas sur les passeports officiels et diplomatiques. »

Il demande au ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, de notifier les autorités algériennes, et au ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, de s’assurer de l’effectivité immédiate de cette décision, notamment que les visas court séjour puissent être refusés aux officiels algériens. Un durcissement de ton de la part d’Emmanuel Macron qui va ainsi dans le sens de Bruno Retailleau, tenant d’une ligne dure vis-à-vis d’Alger.

Le chef de l’État souhaite que « face à la délinquance des individus algériens en situation irrégulière, le ministre de l’Intérieur et ses services agissent sans repos et sans répit ».

« La réponse des autorités algériennes à nos exigences en matière de coopération migratoire et consulaire déterminera la suite de nos démarches », conclut Emmanuel Macron.

La rédaction avec Rfi

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Quand la passion du manga trace un pont entre Alger et Tokyo

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L’ambassade du Japon en Algérie vient de lancer la deuxième édition de son concours national de manga, une initiative artistique qui connaît un succès grandissant auprès de la jeunesse algérienne passionnée par la culture japonaise.

À la clé : un billet d’avion aller-retour Alger-Tokyo, offert par le partenaire JTI, pour le ou la lauréat·e du premier prix. Les second et troisième prix, ainsi qu’un prix spécial attribué par vote du public, recevront quant à eux du matériel de dessin professionnel fourni par TECHNO.

 L’objectif : encourager la création locale et faire rayonner le talent algérien dans un genre artistique universel, ancré dans l’imaginaire collectif mais encore peu institutionnalisé dans le pays.

Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 1er septembre 2025. Les détails et le formulaire d’inscription sont disponibles sur le site de l’ambassade :

https://www.dz.emb-japan.go.jp/itpr_ja/11_000001_00379.html

Cette nouvelle édition s’inscrit dans la continuité de la première, qui avait révélé des talents prometteurs comme Hakima Touileb, lauréate du premier prix en 2024. C’est d’ailleurs elle qui signe l’affiche de cette édition 2025.

Au-delà de la compétition, ce concours dessine aussi une passerelle culturelle entre deux peuples. Une invitation à créer, rêver et raconter autrement.

Djamal Guettala

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Le militant tunisien Hatem El-Aouini sera expulsé jeudi via la Jordanie

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Hatem El-Aouini
Hatem El-Aouini

Selon son épouse Turkia Chaïbi, le militant tunisien Hatem El-Aouini, arrêté après sa participation à la mission humanitaire de la flottille Handala en direction de Gaza, sera expulsé ce jeudi 7 août via le poste-frontière d’Al-Lenby (pont du Roi Hussein), situé au sud de la vallée du Jourdain, en Jordanie.

Dans une déclaration au site tunisien Boîte de Tunis (بوابة تونس), elle a précisé que la majorité des militants détenus ont déjà été expulsés, à l’exception de son mari et d’un activiste américain, en attente de l’organisation de leur retour.

De son côté, Najet Hedri, professeure de droit international humanitaire, a indiqué sur les réseaux sociaux que les avocats de l’ONG Justice ont pu se rendre mercredi matin dans le centre de détention où sont retenus les derniers militants. Elle appelle l’ambassade de Tunisie à Amman à se mobiliser pour accueillir El-Aouini à la frontière, garantir sa sécurité physique et morale, et veiller à ce qu’il bénéficie d’un examen médical dès sa libération, avant de l’accompagner jusqu’à son retour à Tunis.

Rappelons que la flottille « Handala », partie mi-juillet depuis les côtes italiennes, a été interceptée par les forces israéliennes à quelques milles nautiques de Gaza. Vingt-et-un militants originaires de dix pays étaient à bord, dont deux députées françaises du parti La France Insoumise et deux journalistes d’Al Jazeera. Plus de douze d’entre eux ont entamé une grève de la faim pour dénoncer leur arrestation et les conditions de détention.

Les autorités israéliennes accusent les militants d’avoir pénétré illégalement dans les eaux israéliennes. Quatre activistes ont accepté de signer une « déclaration de départ volontaire », tandis qu’El-Aouini et d’autres ont refusé, estimant qu’un tel document reviendrait à reconnaître une infraction qu’ils n’ont pas commise.

La mission avait choisi pour nom « Handala », en référence à la figure emblématique du caricaturiste palestinien Naji Al-Ali : un enfant de dix ans, pieds nus, tournant le dos au monde, symbole d’une Palestine digne, résistante et irréductible face à l’injustice et aux compromis politiques imposés.

Djamal Guettala

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Visas : comment les chancelleries européennes saignent la dignité des Algériens

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Visas pour les Algériens

Chaque année, des centaines de milliers d’Algériens se pressent aux portes des consulats étrangers. En 2024, près de 545 000 demandes de visa Schengen ont été déposées par nos concitoyens. Derrière ces chiffres froids se cachent des vies entières suspendues à une décision arbitraire, une dignité bafouée au quotidien par un système devenu indigne et inhumain.

L’Algérien comme tout autre citoyen du monde éprouve un besoin de mobilité, de voyage et d’exploration. Sous couvert de réguler et juguler l’immigration, les différentes chancellerie et ambassades profitent de ce besoin pour engranger des sommes colossales sur le dos des Algériens. Déjà en imposant des Visas dont les procédures sont couteuses, lourdes, contraignantes et opaques, mais aussi et surtout, en s’accordant le droit de refuser des autorisations de voyage de manière arbitraire sous couvert de souveraineté.

Oui, je suis pour qu’un pays souverain s’accorde le droit de refuser l’accès à son territoire. Malheureusement, certains refus ne sont pas motivés par un exercice de souveraineté, mais plutôt une cupidité sordide face à une situation pensée, organisée et maintenue pour saigner toute une population.

Où est la souveraineté quand elle se mue en une exploitation flagrante d’un besoin de mobilité humain ? Où est la justice, ou sont les droits de l’homme quand un jeune Algérien doit débourser des fortunes, subir des procédures humiliantes, s’exposer à des intermédiaires douteux, simplement pour le droit fondamental de découvrir le monde, de faire du tourisme, de s’éduquer ailleurs, de faire du business, ou même de rendre visite à sa famille ?

L’Algérie a une population jeune, et on sait que les jeunes ont soifs de voyage, d’exploration, de mouvement. Un jeune aime se sentir libre de bouger et de voyager. Or, la proximité linguistique, géographique & culturel avec l’Europe (langue latine, culture méditerranéenne, cout de transport) font que, naturellement les jeunes, veulent visiter l’espace Schengen pour ses nombreux avantages (25 pays accessible avec un seul visa, langues, culture, proximité, cout…).

Les pays européens, profitent cyniquement de notre proximité culturelle et géographique pour tirer des profits colossaux sur le dos de nos jeunes. Des agences privées, mandatées par ces mêmes États, facturent sans scrupule des frais exorbitants à chaque étape d’un processus devenu opaque et inéquitable. Un véritable marché noir du désespoir a pris racine, où même le simple rendez-vous pour déposer une demande se négocie au prix fort, privant de mobilité ceux qui n’en ont pas les moyens.

Beaucoup ne cherchent pas à quitter définitivement leur pays, mais simplement à pouvoir circuler, aller et venir, apprendre ailleurs pour revenir construire ici. Combien d’Algériens, aujourd’hui, se retrouvent forcés de s’installer durablement à l’étranger simplement pour décrocher un document qui leurs assure plus de mobilité pour ensuite revenir à leurs pays d’origine ?

Bien souvent, ce n’est pas tant l’attrait des pays du Nord ou le cadre de vie qui pousse à partir, mais plutôt le manque de liberté de mouvement. Nombreux sont ceux qui immigrent dans le but d’obtenir des papiers, une expérience puis de revenir au pays avec une « Mobilité améliorée ».

Dans un tel contexte, Le visa n’est plus seulement une autorisation de voyage : il est devenu un commerce juteux bâti sur la souffrance, l’angoisse et l’humiliation. Chaque refus, souvent non justifié, plonge un citoyen, une famille, un professionnel dans une spirale de frustration et de détresse psychologique. En 2023, 43 % des demandes algériennes pour l’espace Schengen ont été rejetées, plaçant l’Algérie tristement en tête des pays les plus discriminés.

Certaines chancelleries, conscientes de cette situation depuis longtemps, profitent pour taxer les demandeurs de visa en refusant, 2, 3 et 4 fois avant d’accorder un visa, en sachant qu’en cas de refus, les frais ne sont pas remboursables. Ces pratiquent leurs permettent de maintenir ce Business Model malsain afin de garder les mamelles à flot au détriment des Algériens.

Ce n’est pas un simple dysfonctionnement bureaucratique. C’est une stratégie pensée, soutenue, orchestrée. Car les chancelleries européennes, loin d’ignorer cette situation, y participent et l’encouragent sournoisement.

Pourquoi voudraient-elles remettre en question un système qui leur rapporte des millions d’euros chaque année ? Pourquoi assainir un processus aussi profitable, aussi rentable ? En maintenant un taux élevé de refus, elles doublent mécaniquement leurs revenus. En fermant les yeux sur les dérives des agences sous-traitantes, elles alimentent un marché parallèle dont elles contrôlent les clés.

Ce système entretient sciemment un sentiment d’injustice profonde. La jeunesse algérienne ne rêve pas de fuir : elle rêve de liberté, d’exploration, d’ouverture au monde. 

C’est une atteinte fondamentale à la dignité humaine. Priver un être humain du droit à la mobilité, c’est le priver d’une liberté essentielle, c’est nier son droit à grandir, à découvrir, à se construire librement. C’est maintenir délibérément toute une génération sous une pression psychologique permanente, en lui refusant ce qui est donné sans question à d’autres citoyens du monde.

Face à cette injustice quotidienne, l’Algérie doit réagir. Nos autorités doivent urgemment négocier une égalité de traitement, exiger une transparence totale des procédures et des frais imposés. Nos citoyens méritent mieux que ces humiliations répétées. Ils méritent que leur pays défende activement leur dignité, leur liberté et leur droit fondamental à la mobilité. Il est temps que cela cesse. Il est temps que voyager redevienne un acte libre, humain, respecté. Il est temps que les Algériens retrouvent pleinement leur droit à la dignité.

Cet appel est celui d’un cœur qui refuse l’humiliation et réclame, tout simplement, le droit fondamental à la liberté de circuler.

Mais au-delà de l’indignation, il faut aujourd’hui construire une réponse collective. Une réponse digne, lucide, stratégique. La société civile algérienne, les intellectuels, les artistes, les entrepreneurs, les étudiants, doivent prendre leur place dans ce combat pour la liberté de circulation. Non pas en quémandant des faveurs, mais en bâtissant des alternatives.

Il est temps d’élargir nos horizons. Tournons-nous vers les pays frères d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie. Tissons des ponts avec les nations qui partagent notre aspiration à l’équilibre, au respect mutuel et à la coopération équitable. Organisons des forums citoyens sur la mobilité, créons des plateformes de solidarité pour faciliter les démarches et dénoncer les abus.

Il nous revient, en tant que peuple, de redonner du sens à notre dignité, de refuser la mendicité diplomatique, et d’imaginer un monde plus juste où la liberté ne serait pas le privilège de quelques passeports.

L’Algérien n’est pas un mendiant de visa, c’est un citoyen du monde qui mérite d’être accueilli avec la même humanité qu’il offre.

Relevons la tête, agissons ensemble, et reprenons la main sur notre destin mondial. Le combat pour la mobilité est un combat pour la liberté. Et la liberté, elle se conquiert, elle ne se demande pas.

Dr Ali Benbekhti

Consultant Expert en Stratégie & Management

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Florence Beaugé sur la guerre d’Algérie : « On m’a souvent accusée de remuer la boue »

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Florence Beaugé
Florence Beaugé

Journaliste au Monde, Florence Beaugé est l’une des premières à avoir brisé le tabou des violences sexuelles perpétrées par l’armée française pendant la guerre d’Algérie. En 2000, son entretien avec Louisette Ighilahriz marque une rupture historique. Deux ans plus tard, son enquête sur le poignard retrouvé dans la Casbah d’Alger et attribué à Jean-Marie Le Pen met en lumière un autre pan occulté de l’histoire coloniale. En 2025, elle réédite Algérie, une guerre sans gloire, enrichi de nouveaux témoignages.

Dans cet entretien accordé au Matin d’Algérie, elle revient sur vingt ans d’investigation, la difficulté à faire émerger la vérité en France, le rôle central des témoins et l’impensé colonial toujours vivace.

Le Matin d’Algérie : Vous avez enquêté sur le cas du poignard retrouvé dans la Casbah d’Alger en 1957. Qu’est-ce qui vous a incitée à raconter cette histoire restée longtemps enfouie ?

Florence Beaugé : En avril 2002, le leader de l’extrême droite en France, Jean Marie Le Pen, s’est retrouvé, à la surprise générale, aux portes de l’Élysée. Au premier tour de l’élection présidentielle, il a en effet devancé le candidat socialiste, Lionel Jospin, et est resté en lice avec Jacques Chirac pour le second tour. Ça a fait l’effet d’un coup de tonnerre en France mais aussi en Algérie où, vous le savez mieux que moi, la population vit par procuration l’actualité politique française, faute d’y avoir vraiment droit chez elle. Au Monde, où j’étais entrée deux ans plus tôt, j’ai rappelé à Edwy Plenel, le directeur de la rédaction de l’époque, dès l’an 2000, le passé trouble de Jean-Marie Le Pen. Ce nom revenait souvent dans les conversations que j’avais à Alger. De même que celui du lieutenant Schmitt (qui deviendra plus tard général et chef d’état-major des armées françaises, sous François Mitterrand…) Il était aussi question d’un poignard et d’un enfant de 12 ans. J’avais alors demandé à Plenel s’il voulait que je creuse ce sujet. Il ne m’avait pas répondu. Ce qui d’une certaine façon m’avait soulagée, car personne n’avait envie de se mesurer à cette grande gueule qu’était Jean-Marie Le Pen. Quand le président du Front National est passé, en 2002, au second tour des présidentielles, Plenel nous a demandés, au Monde, de traiter l’événement « sous tous ses angles ». Je lui ai alors rappelé ma proposition. Cette fois-ci, Plenel a répondu oui, en ajoutant : « C’est même notre devoir de le faire, et d’informer nos lecteurs », et ce, malgré les lois d’amnistie qui nous interdisent de dénoncer les anciens tortionnaires.

Le Matin d’Algérie : Que vous a transmis Mohamed Cherif Moulay, ce témoin-clé, en termes de mémoire mais aussi de silence hérité ?

Florence Beaugé : Mohamed Moulay m’a apporté la preuve, comme beaucoup de rescapés des exactions commises par l’armée française, que la vérité, à défaut de justice, aide à cautériser les plaies et à réconcilier les esprits. Il a pu dire au tribunal, en 2003, au cours du procès que nous a intenté Le Pen, tout ce qui s’était passé dans la nuit du 2 au 3 mars 1957 au 7, rue des Abencérages, dans La Casbah d’Alger. Il a pu surtout dire que son père n’avait pas parlé sous la torture, contrairement à ce qu’affirmait le leader d’extrême droite, pour salir la famille Moulay. Mohamed y tenait beaucoup. Il faut dire que 20 ans plus tôt, il avait eu affaire à Le Pen. Mon confrère Lionel Duroy avait déjà soulevé cette affaire de poignard dans les colonnes de Libération, ce que j’ignorais totalement quand je me suis lancée dans mon enquête pour Le Monde. Le procès qui s’était tenu à Paris en juin 1985 avait été très éprouvant pour Moulay. Et Le Pen avait gagné. Libération avait été condamné pour diffamation. Moulay ne s’était jamais remis de cette injustice.

Le Matin d’Algérie : Lors du procès intenté par Jean-Marie Le Pen en 2003 contre Le Monde, le poignard a été présenté comme pièce à conviction. A-t-il eu un poids dans la décision judiciaire ?

Florence Beaugé : Je suis persuadée que même sans le poignard – que j’ai réussi à rapporter en France dans des conditions rocambolesques quinze jours avant le procès – Le Pen aurait perdu. Mon enquête était sérieuse, et mes témoins, exceptionnels. Outre Mohamed Moulay, il y avait les témoignages d’Abdelkhader Ammour, Mustapha Merouane, Mohamed Amara et Mohamed Abdellaoui. Aujourd’hui encore, alors que la plupart sont décédés, je leur en garde une reconnaissance infinie et j’aimerais que leurs familles le sachent. Je salue ces témoins pour leur courage, et je les admire pour leur absence totale de ressentiment envers la France.

Le Matin d’Algérie : Malgré les éléments matériels et les témoignages, pourquoi l’enquête sur l’assassinat d’Ahmed Moulay n’a-t-elle jamais abouti ?

Florence Beaugé : Si vous parlez de la pseudo-enquête lancée par les gendarmes français en mars 1957, à la demande insistante d’un voisin des Moulay dans la Casbah, un père blanc, le père Nicolas, horrifié par ce qui s’était passé dans la nuit du 2 au 3 mars, ça n’a rien d’étonnant. L’armée étouffait alors toutes les plaintes et maquillait toute honte bue ses exactions. Chaque fois il était répondu qu’il s’agissait d’un « règlement de comptes entre fellaghas », ou d’un suicide, ou n’importe quelle autre version mensongère.

Dans le cas d’Ahmed Moulay, la version officielle était « tentative de fuite ». C’était d’autant plus scandaleux et absurde que Moulay portait des traces de tortures sur tout le corps, avait eu les lèvres tailladées au couteau, et qu’une rafale de mitraillette lui avait été administrée sur le visage et la poitrine !

Le Matin d’Algérie : Vous êtes aussi l’autrice d’Algérie, une guerre sans gloire, dont la réédition en 2025 intervient dans un contexte de réveil mémoriel. 

Florence Beaugé :  : Cette réédition a été mise à jour et enrichie, avec par ailleurs une préface des historiens Malika Rahal et Fabrice Riceputi. Parmi les inédits, il y a notamment le témoignage  de Habib Reda, torturé l’été 1957 par le général Schmitt à l’école Sarouy, ainsi que sa femme Aouicha. En 2005, je n’avais pas eu la place de publier ce témoignage. Cette fois-ci, il y est, et c’est pour moi une façon d’honorer la mémoire de cet artiste et ancien responsable politico-militaire de la région III d’Alger. Habib Reda est mort il y a quelques années. Je ne l’ai pas oublié, ni lui ni aucun de ceux et celles qui ont eu le courage de témoigner dans mon enquête sur le général Schmitt pour Le Monde en mars 2005 : Lyès Hani, Mouloud Arbadji, Ahmed Bachali, Rachid Ferahi et Zehor Zerari. Je les garde au fond de mon cœur.

Et j’ai une pensée particulière pour Ourida Meddad, défenestrée à 19 ans, nue, du premier étage de l’école Sarouy, un jour d’août 1957. J’ai visité dans les années 2000 la salle de classe où cette jeune fille a été affreusement torturée par Schmitt et ne l’ai jamais oubliée.

J’ai toujours aussi une pensée pour Malika Ighilahriz, la sœur de Louisette, elle aussi atrocement torturée à l’école Sarouy l’été 1957.

Le Matin d’Algérie : Ce qui a changé entre 2000 et aujourd’hui, et qui, à votre avis, justifie la réédition d’Algérie, une guerre sans gloire ?

Florence Beaugé : Ce qui a changé entre 2000 et aujourd’hui, et qui, à mon avis, justifie la réédition d’Algérie, une guerre sans gloire, c’est qu’en France les leçons du « retour de mémoire » des années 2000 n’ont pas été tirées. C’est même pire. Le ressentiment s’est accumulé entre les deux pays. Paris et Alger ne se sont pas rapprochés, au contraire. Le contentieux est aujourd’hui encore plus lourd qu’hier.

Mais je vois un aspect positif à la crise actuelle : tout est remis à plat. Ce n’est plus seulement la question de la guerre d’indépendance algérienne qui est soulevée comme en 2000 mais le principe même de la colonisation. Cela dit, l’attente, du côté algérien, me paraît être beaucoup plus grande qu’il y a 20 ans. À l’époque, les Algériens (je parle de la population) ne réclamaient qu’une reconnaissance des faits. Une simple reconnaissance qui ne soit pas un renvoi des deux camps (FLN/Armée française) dos à dos pour les atrocités commises.

Aujourd’hui, l’incompréhension et l’amertume me paraissent beaucoup plus grandes du côté algérien, car les petits pas accomplis par Emmanuel Macron (Maurice Audin, Ali Boumendjel, Larbi Ben M’hidi) sont arrivés trop tard. Je dirais en résumé : trop peu, et trop tard. Et les grandes figures de l’indépendance algérienne sont toujours considérées par l’Élysée comme des « fellaghas », pas comme des résistants.

Ici, personne ou presque ne sait que les combattants algériens se sont inspirés de la résistance française contre les nazis pour combattre l’armée française. Louisette, par exemple, m’a toujours dit que lorsqu’elle était torturée, elle pensait à Jean Moulin pour tenir bon. Et on ignore que Larbi Ben M’hidi a été en quelque sorte le Jean Moulin algérien.

Tout cela pour vous dire : je vois mal désormais comment la France échappera, tôt ou tard, à des excuses, en plus d’une reconnaissance des faits. Et si elle attend encore 20 ans, on lui demandera encore plus ! Malgré les lois d’amnistie ! Je ne sais pas quoi, mais le prix à payer sera à mon avis bien plus lourd.

Le Matin d’Algérie : Le témoignage de Louisette Ighilahriz, que vous avez révélé dans Le Monde le 20 juin 2000, a marqué une rupture. En quoi cette parole de femme a-t-elle ouvert la voie à d’autres récits de guerre ?

Florence Beaugé : En 2000, Louisette a révélé qu’elle avait été violée au troisième trimestre 1957, au PC de Massu, sur les hauteurs d’Alger. Il faut un courage fou pour avouer ça. Car en Algérie comme en France, les victimes de viol se sentent honteuses de ce qui leur est arrivé. Comme si c’était elles les coupables… Dans les rangs des moudjahidate, c’était un secret bien gardé. On ne peut que comprendre ce sentiment de salissure dont une femme, ou un homme, ne se remet jamais. Mais Louisette a brisé l’omerta. Elle a ouvert une brèche, et en France, grâce au Monde, on a bien été obligé de l’entendre.Jusque là, le silence était total sur les viols commis par l’armée française pendant – et avant – la guerre d’indépendance. C’était l’angle mort des historiens français, et pour cause : ils ne travaillent que sur les archives. Et ce n’est pas là qu’ils risquent de trouver des informations sur l’étendue des viols. Il faut aller sur le terrain et recueillir les témoignages oraux, aussi précieux, et sans doute plus encore, que les archives qui sont, dans ce domaine (comme dans celui des armes chimiques) non seulement dissimulatrices, mais mensongères comme le souligne l’historien Christophe Lafaye.

Il n’y a que l’historienne Claire Mauss-Copeaux qui s’était penchée sur la question des viols, avant les révélations du Monde en 2000. Pour une raison très simple : elle allait sur le terrain, en Algérie, et à ses frais, pour mener ses recherches. Les autres historien(nes) ont embrayé ensuite, après Le Monde. À défaut d’aller en Algérie, il aurait suffi pourtant qu’ils (elles) lisent le Journal de Mouloud Feraoun (publié en 1962) ou le livre de Danièle Djamila Amrane-Minne, Des femmes dans la guerre d’Algérie (1994)…

J’ai fait deux enquêtes pour Le Monde sur ce drame des viols commis par l’armée française. L’une en 2000, l’autre en 2021, parce que je trouvais que rien n’avait évolué en France dans ce domaine. Dans le rapport Stora, par exemple – un historien que j’estime beaucoup et qui fait tout ce qu’il peut pour rapprocher la France et l’Algérie – le mot viol n’apparait qu’une seule fois sur 160 pages !

En France, on préfère penser qu’il s’est agi de simples dérapages. Les viols ont pourtant eu un caractère massif pendant la guerre d’indépendance, à l’occasion des raids dans les mechtas, et dans les centres d’interrogatoires. Je pense notamment à l’école Sarouy, à la villa Sésini, aux Bains Maures, à Alger, mais aussi à la ferme Améziane à Constantine, ou encore au Bastion 18 à Tlemcen, de véritables usines à tortures et à viols. Ça ne veut pas dire que tous les militaires français ont torturé et violé, loin de là. Mais il a suffi d’une minorité – un sur dix peut-être – pour violer une majorité de femmes quand elles étaient arrêtées et interrogées. L’avocate Gisèle Halimi me disait que 9 fois sur 10 les femmes étaient violées quand elles étaient conduites dans les centres d’interrogatoires. J’ajoute que le viol des hommes a commencé dès 1830. Le viol des femmes, lui, n’est arrivé, à ma connaissance, qu’à partir de 1954. Mais celui des hommes, bien plus tôt ! Dans les commissariats et les PC de gendarmerie, la sodomie par la bouteille était un mode d’interrogatoire comme un autre depuis la conquête par la France. On en trouve trace dans les archives. Demandez à des historiens comme Hosni Kitouni, Daho Djerbal ou encore Alain Ruscio ! Des universitaires comme André Mandouze et Francis Jeanson s’en sont alarmés dans les années 1940, le journaliste Claude Bourdet également. Mais en France, on a toujours préféré voir ça comme de simples dépassements, un dommage collatéral propre à toute guerre. Et pourtant, les deux traumatismes qui subsistent en Algérie aujourd’hui, je le répète toujours, ce ne sont pas les tortures à l’électricité, à l’eau ou au chalumeau, mais les viols et les disparitions forcées.

Le Matin d’Algérie : Dans ce livre, comme dans l’affaire Moulay, vous insistez sur le rôle des institutions militaires. Qu’est-ce qui, selon vous, empêche encore la reconnaissance pleine et entière des faits de torture par l’État français ?

Florence Beaugé : Il y a d’abord les lois d’amnistie décrétées en cascade depuis 1962 et qui interdisent non pas de dire que la torture a été généralisée et institutionnalisée en Algérie – de l’aveu même du général Massu que j’ai interrogé à deux reprises en 2000 pour Le Monde – mais de dénoncer nommément les tortionnaires. D’où les procès que m’a intentés Le Pen. Il y a ensuite une forme de honte et d’incrédulité collectives, en France, à ce sujet. On a du mal à imaginer qu’on se soit conduit en Algérie, par moments et par endroits, comme des nazis. Le journaliste Jean-Michel Aphatie a mis les pieds dans le plat en déclarant récemment que la France avait commis « des Oradour-sur-Glane par centaines en Algérie » depuis 1830. Il a rendu, je trouve, un service inestimable car il nous a obligés à regarder la vérité en face.

Cela dit, le couvercle risque de retomber vite. Ce n’est pas le genre de choses que les Français ont envie d’admettre. En fait, il nous a manqué après 1962 quelques grands procès comme ceux qui ont eu lieu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (procès Barbie, procès Papon…). De tels procès auraient eu valeur d’enseignement et auraient imprimé les esprits. Dans le cas de la guerre d’Algérie, l’amnistie a permis voire imposé l’amnésie en France, ce qui arrange tout le monde, tant la honte et l’incrédulité, je le répète, sont fortes.

Le Matin d’Algérie : Vous avez récemment co-signé avec Aurel une bande dessinée dans La Revue Dessinée : Le Pen, le poignard d’Algérie. Pourquoi avoir choisi ce format aujourd’hui ?

Florence Beaugé : La BD permet d’atteindre un public plus large et plus jeune qu’un journal ou un livre classique. Reste que La Revue Dessinée est chère à l’achat, donc pas accessible à tous. Je le regrette. Car en France, tout le monde ou presque connaît plus ou moins l’histoire du poignard nazi de Le Pen depuis les articles du Monde en 2002. Mais on voit ça presque comme une anecdote, (surtout quand on sait mes difficultés à rapporter le poignard en France pour mon procès). La question de Louisette et des viols, elle, finit par entrer dans les esprits. Un court métrage animé que nous avons réalisé, Aurel et moi, en 2022, avec Le Monde vidéo, y est sans doute pour beaucoup. Tapez sur internet « Louisette ou le dernier tabou de la guerre d’Algérie », et vous le verrez apparaître. Il est en libre accès. Il fait 11 minutes et il cartonne : plus d’un million de vues depuis sa sortie ! Avec la voix de l’actrice Françoise Fabian dans le rôle de Louisette. J’en ai écrit le scénario, et Aurel a fait les dessins, avec son immense talent.

En plus de Louisette, il est question de Khéira Garne et de son fils Mohamed qui se dit « français par le crime ». Cet homme est né en 1960 de viols collectifs infligés par des militaires français à sa mère âgée de 15 ans. Une histoire révélée par Le Monde en 2000. Ce dessin animé, je le trouve bouleversant.

Le Matin d’Algérie : Enfin, entre votre enquête journalistique, la bande dessinée et votre livre, quel rôle le témoignage joue-t-il pour vous ? Est-il une matière brute, une force de vérité, ou un point de départ vers la justice ?

Florence Beaugé : C’est un peu tout cela à la fois. Je mesure assez, je crois, la souffrance que peuvent ressentir les Algériens en l’absence de justice. En France, on ne le comprend pas. Même moi, on m’a souvent accusée de « remuer la boue » avec mes enquêtes. C’est faux. Je ne tente qu’une chose : savoir ce qui s’est passé et le mettre au jour. Comme l’historien Pierre Vidal-Naquet, je crois bien plus au devoir de vérité qu’au devoir de mémoire. Et la vérité est la seule façon d’aboutir, j’en suis persuadée, à une réconciliation durable entre la France et l’Algérie 

Entretien réalisé par Djamal Guettala

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