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jeudi 3 juillet 2025
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Tunisie : la loi antiterroriste transformée en loi de la terreur

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Kais Saied
Kais Saied, le prototype d'un dictateur arrivé au pouvoir par le vote.

Ironie tragique ou logique obscure des régimes autoritaires ? En Tunisie, la loi antiterroriste, censée protéger la démocratie émergente, façonnée par certains de ceux persécutés ou employés par le régime actuel, est devenue une arme pour le saper.

Ce texte, devenu aujourd’hui une pierre angulaire de la machine de répression politique, a été écrit en 2015 dans un contexte de choc national suite aux attentats terroristes du Bardo, de Sousse et de Tunis.

A l’époque, l’ingénieur juridique Mohamed Saleh Ben Aissa, alors ministre de la Justice et ancien doyen de la Faculté de droit, prônait la mise en place d’un cadre juridique « strict mais équilibré ».

Le projet de loi a été présenté au Conseil des ministres et voté à main levée à la quasi-unanimité – seuls Mahmoud Ben Romdhane, Latifa Lakhdar et moi-même nous sommes abstenus.

Nous avons refusé de soutenir un texte qui inclurait la peine de mort dans 17 cas et établirait un régime d’exception permanent. Le projet de loi a ensuite été renvoyé à la Chambre des représentants, où il a été voté à une confortable majorité.

Les voix de l’opposition étaient peu nombreuses et isolées, embourbées dans un climat général de peur d’être accusé de complaisance envers le terrorisme.

Après dix ans, cette loi n’est plus un outil de protection de l’État de droit, mais plutôt un moyen de le saper. L’un de ses architectes les plus éminents, Mohamed Saleh Ben Issa, est désormais devenu un rouage essentiel du système de Kais Saied, occupant le prestigieux poste de représentant de la Ligue arabe en Tunisie.

Ainsi, le cercle était bouclé : ce qui était censé protéger la république est devenu un outil pour l’étrangler.

Même la justice ne peut plus résister. Les juges ne jugent plus, mais obéissent. Ils écrivent des jugements comme on écrit des confessions. La vérité judiciaire a été remplacée par des récits fabriqués et des scénarios concoctés dans lesquels journalistes, avocats, figures de l’opposition et militants sont mélangés pour créer un réseau fictif d’« ennemis ».

Mais ce qui est encore plus dégoûtant, c’est le comportement de certains juges : ils ne se contentent pas de se soumettre, mais exécutent les instructions avec zèle. Ils poursuivent avec passion. Ils règnent avec une froideur mortelle. Ils ont arrêté de rendre justice. Ils sont en train d’exécuter.

C’est l’essence du régime autoritaire imposé depuis le 25 juillet 2021 : la loyauté est le moyen de s’élever, la soumission est la méthode de gouvernance et la haine est la force motrice. L’État de droit n’est plus une forteresse, mais une décoration. Les lois ne sont plus un cadre, mais un prétexte.

Oui, la haine peut ouvrir les portes du progrès. L’immunité contre les sanctions peut offrir une protection temporaire. Mais cela ne dure pas éternellement.

Les systèmes fondés sur la vengeance, la peur et la trahison de leurs propres lois doivent finalement se retourner contre eux-mêmes. Il est en train de tomber, entraînant avec lui ses fidèles serviteurs dans les poubelles de l’histoire.

Kamal Jandoubi, ancien ministre des droits de l’homme en Tunisie

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Revoilà le procès de la prise d’otages de Tiguentourine !

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Tiguentourine.
Le site gazier de Tiguentourine a connu une des attaques les plus spectaculaires et sanguinaires en 2013.

Renvoyé dès son ouverture en mai 2024, le procès de l’attaque du complexe gazier de Tinguentourine (In Amenas), par un commando islamiste armé, en janvier 2013, reprend ce dimanche 25 mai à Alger.

Quatre hommes sont jugés pour appartenance à un groupe terroriste armé, prise d’otages, homicides volontaires avec préméditation et détérioration de biens de l’État. Ce procès est relancé au moment où le général Hassan prend la tête de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

Le procès de l’attaque terroriste d’In Amenas, dans le sud-est de l’Algérie, en janvier 2013, qui avait été renvoyé dès son ouverture, au mois de mai 2024, en raison de l’absence de l’avocate de l’un des accusés, reprend ce dimanche 25 mai à Alger. Sur le banc des accusés : quatre hommes qui comparaissent – entre autre – pour appartenance à un groupe terroriste armé, prise d’otages, homicides volontaires avec préméditation et détérioration de biens de l’État. 

Ces derniers sont poursuivis pour avoir été membres du commando terroriste qui, durant 3 jours, en janvier 2013, a pris en otage quelque 800 employés du site gazier de Tinguentourine, près de la localité d’In Amenas, jusqu’à ce que les autorités algériennes réagissent par une opération de sauvetage musclée.  

L’opération était menée par les Signataires par le sang, un groupe terroriste islamiste dissident d’Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) que dirigeait Mokhtar Belmokhtar.

Elle avait commencé à l’aube du 16 janvier avec l’entrée de 10 pick-up dans l’enceinte du complexe gazier. Les terroristes islamistes qui en étaient descendus avaient alors rapidement séparé les expatriés des travailleurs locaux et préparé le siège. Selon des témoins, ils avaient notamment fait porter des ceintures d’explosifs à leurs otages, menaçant de faire sauter le site.

Cette attaque particulièrement sanglante est alors menée en réaction à l’opération française Serval déclenchée cinq jours plus tôt pour aider l’armée malienne à repousser l’offensive d’une coalition de groupes islamistes qui menace de marcher sur Bamako, selon les assaillants. Demandant aux militaires algériens qui encerclent le périmètre de quitter la zone, le commando islamiste avait exigé notamment « la fin de l’agression française au Mali ». Pour mettre fin à la prise d’otages, l’armée algérienne lance deux assauts, les 17 et 19 janvier, dans lesquels une trentaine de terroristes sont tués, mais aussi une quarantaine d’employés du site de Tiguentourine.

Alors que plusieurs familles de victimes seront présentes au procès de ce dimanche, ces dernières espèrent que les audiences permettront aussi de faire toute la lumière sur l’intervention de l’armée algérienne à qui elles demandent transparence et vérité. C’est par exemple le cas de Marie-Claude Desjeux, la présidente de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs, qui cherche depuis 12 ans à connaître les circonstances précises de la mort de son frère.

« Ce qui est très étrange, c’est que sur les 40 otages tués, c’est le seul sur lequel on n’a pas d’informations. J’arrive donc à ce procès, où je vais avoir la chance de m’exprimer, avec plusieurs questions : pourquoi un site d’exploitation majeur comme celui-ci n’a-t-il pas été plus protégé ? Comment un commando a-t-il pu s’infiltrer presque portes ouvertes ? Et comment, finalement, celui-ci a-t-il pu attaquer de façon assez tranquille ? », explique-t-elle.

Des dizaines de morts

Cette prise d’otages a marqué les esprits. Au lendemain de quatre jours d’une prise d’otage meurtrière, le ministre des affaires étrangères, Mourad Medelci, a estimé que l’assaut donné par les forces spéciales algériennes pour libérer les otages détenus par des terroristes sur le site d’In Amenas a permis d’éviter une « véritable catastrophe »

Selon un décompte effectué par l’agence Reuters, la prise d’otages a provoqué la mort de 80 personnes. L’armée algérienne a abattu 32 preneurs d’otages, lors de l’assaut final lancé samedi contre les ravisseurs, selon un communiqué du ministère de l’Intérieur algérien. Selon ce premier bilan officiel, 23 étrangers et Algériens sont morts. En outre, les corps de 25 otages ont été retrouvés sur le site dimanche. Un otage roumain est par ailleurs décédé de ses blessures. Cela pourrait porter à près de 50 le nombre d’otages tués au cours de l’opération.

Le ministre de la communication de l’époque, Mohamed Saïd, a déclaré dimanche que le nombre de victimes risquait d’être « revu à la hausse ». D’autre part, 685 employés algériens et 107 étrangers ont pu être libérés.

Cette opération, préparée de longue date a permis à ses auteurs de réclamer, entre autres, l’arrêt de l’intervention militaire française au Mali lancée cinq jours auparavant.

La rédaction avec Rfi/Reuters/AFP

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Karim Benzema et Lyna Khoudri officialisent leur relation au Festival de Cannes

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Benzema et Lyna Khodri
Benzema et Lyna Khodri. Crédit : @InstantFoot

Le Festival de Cannes 2025 a été le théâtre d’une belle surprise ce vendredi 23 mai. Le Ballon d’Or 2022, Karim Benzema, et l’actrice franco-algérienne Lyna Khoudri ont officialisé leur relation en arrivant main dans la main sur le tapis rouge.

Les deux stars étaient présentes à la projection hors compétition du film « 13 jours, 13 nuits », une œuvre réalisée par Martin Bourboulon, dans laquelle Lyna Khoudri tient le rôle principal d’Eva, une jeune humanitaire franco-afghane. Le film, qui relate l’évacuation de l’ambassade de France à Kaboul en août 2021, est une adaptation de l’ouvrage autobiographique de Mohamed Bida, incarné à l’écran par Roschdy Zem.

Cette apparition publique marque une nouvelle étape dans leur histoire, jusque-là discrète. Ancienne vedette du Real Madrid et ex-avant-centre de l’équipe de France, Karim Benzema, et Lyna Khoudri, révélée dans plusieurs productions françaises, mêlent désormais sport et cinéma avec élégance sous les projecteurs cannois.

Le film « 13 jours, 13 nuits » sortira en salles en France le 27 juin 2025, promettant une belle visibilité à l’actrice et à cette nouvelle idylle très suivie.

G. D 

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Cannes 2025 : Gaza, Tunis et Téhéran sous les projecteurs

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Hafsia Herzi et Nadia Melliti

Le Festival de Cannes 2025 a mis en lumière des voix issues des franges du monde arabe et de l’Iran.

Trois œuvres marquantes, à la fois personnelles et politiques, ont été récompensées : le Prix de la mise en scène a été attribué aux Palestiniens Arab et Tarzan Nasser pour Once Upon a Time in Gaza, Nadia Melliti a décroché le Prix d’interprétation féminine pour La Petite Dernière de Hafsia Herzi, et Jafar Panahi, figure emblématique du cinéma iranien, a reçu le Prix du Jury pour Un simple accident.

Gaza, entre colère et tendresse

Once Upon a Time in Gaza brosse le portrait de deux jeunes hommes pris dans la violence quotidienne du territoire palestinien. Arab et Tarzan Nasser signent un film sobre et intense, salué pour sa mise en scène puissante et sa dimension profondément humaine.

Une révélation franco-tunisienne

Dans La Petite dernière, Hafsia Herzi filme avec délicatesse l’histoire d’Amel, adolescente tiraillée entre ses origines tunisiennes et sa vie en banlieue française. Nadia Melliti, dans son tout premier rôle, livre une prestation d’une grande justesse, qui lui vaut une distinction majeure et la propulse parmi les révélations de Cannes 2025.

L’Iran au cœur de la résistance artistique

Assigné à résidence, Jafar Panahi poursuit son combat pour la liberté d’expression à travers Un simple accident, une comédie noire filmée clandestinement en Iran. Le Prix du Jury récompense non seulement un film audacieux, mais aussi l’engagement d’un artiste qui refuse de se taire face à la censure.

Cannes 2025 consacre ainsi un cinéma de résistance, porté par la jeunesse, la mémoire et la quête de liberté. Gaza, Tunis, Téhéran : des voix fortes, des regards nécessaires.

Djamal Guettala

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Le général Aït Ouarabi installé à la tête de la DGSI

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MDN

Le général Abdelkader Aït Ouarabi Abdelkader est installé officiellement dans des fonctions de Directeur général de la Sécurité intérieure par le général d’Armée Saïd Chanegriha, ministre délégué auprès du ministre de la Défense nationale, Chef d’Etat-major de l’Armée nationale populaire (ANP), indique un communiqué du ministère de la Défense nationale (MDN), comme le veulent les usages en Algérie.

L’information a été révélée il y a plusieurs jours, le général Hassan revient donc au devant de la scène sécurité à un poste de premier plan. Celui de chef des renseignements intérieurs en lieu et place du général Abdelkader Haddad, alias Nacer El Djenn. Bien sûr, aucune information n’est donnée sur les raisons qui ont présidé à ce changement brutal, surtout quand on sait que Nacer El Djenn n’a même pas bouclé une année à la tête de la DGSI. Ce qui suppose que des motifs sensibles, voire graves ont poussé à cette nouvelle et énième recomposition à la chefferie de la Sécurité intérieure. N’a-t-on pas entendu à la télévision le chef de l’Etat dire au général Haddad pendant une cérémonie de l’Aïd.

« Au nom de Monsieur le Président de la République, Chef Suprême des Forces armées, ministre de la Défense nationale, Monsieur le Général d’Armée Saïd Chanegriha, ministre délégué auprès du ministre de la Défense nationale, Chef d’Etat-Major de l’Armée nationale populaire, a supervisé, ce matin samedi 24 mai 2025, au siège de la Direction générale de la Sécurité intérieure, la cérémonie d’installation officielle du général Aït Ouarabi Abdelkader, dans les fonctions de Directeur général de la Sécurité intérieure en remplacement du Général Haddad Abdelkader », lit-on sur le communiqué venu confirmer l’information donnée au début de semaine par plusieurs influenceurs et nous avons également repris.

Cette cérémonie d’installation a été « une occasion pour Monsieur le Général d’Armée de se réunir avec les cadres de cette Direction, durant laquelle il leur a donné des instructions et des orientations d’ordre pratique, notamment, en termes de rigueur dans l’accomplissement des lourdes missions qui leur incombent, et qui requièrent de consentir davantage d’efforts persévérants et loyaux, afin de parfaitement s’en acquitter », ajoute le communiqué du ministère de la Défense.

A retenir qu’aucune image de la cérémonie n’a été diffusée par les médias. Ce black out sur mes images de cette cérémonie est une première depuis l’avènement du Hirak. Pourquoi garder le mystère ?

Il reste par ailleurs à savoir quels sont les possibles changements que le général Hassan va apporter à la DGSI après qu’il fut éclipsé pendant 10 ans des affaires de premier plan.

Yacine K.

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Le coup d’envoi du match amical Algérie-Rwanda avancé à 18h

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Equipe nationale

Le coup d’envoi du match amical Algérie-Rwanda, programmé le 5 juin au stade Chahid-Hamlaoui de Constantine, prévu initialement à 20h a été avancé à 18h, a annoncé la Fédération algérienne de football (FAF), jeudi dans un communiqué.

Les « Verts » qui entreront en stage au Centre technique national (CTN) de Sidi Moussa le lundi 2 juin, rallieront Constantine le 4 juin, à la veille de leur confrontation face aux « Amavubi. »

L’équipe nationale disputera un second test amical, le mardi 10 juin, face à son homologue suédoise, au Strawberry Arena de Solna (près de Stockholm) à 18h00 (heure algérienne).

Avant d’affronter l’Algérie, la Suède sera en appel pour défier la Hongrie dans un premier test amical, programmé le vendredi 6 juin au stade Ferenc-Puskas à Budapest (18h30).

Ces deux rencontres entrent dans le cadre de la préparation pour la reprise des qualifications de la Coupe du monde 2026, prévue en septembre, avec au menu la réception du Botswana et un déplacement en Guinée.

APS

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Le  MSP s’en prend au  ministre Mohamed Meziane : quand le parti frériste défend un allié idéologique 

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MSP
MSP, un parti islamiste défenseur du courant conservateur et arabiste

Derrière la charge frontale du Mouvement de la société pour la paix (MSP) contre le ministre de la Communication, Mohamed Meziane, se cache moins un attachement sincère aux principes du contrôle parlementaire qu’un alignement idéologique avec le pseudo-historien Lamine Belghit. Le parti islamiste joue une partition politique bien connue : travestir un soutien doctrinal en croisade pour la légalité institutionnelle.

Le décor est planté. Une déclaration officielle du MSP publiée, hier vendredi, condamne avec véhémence les propos tenus par le ministre de la Communication, Mohamed Meziane, à l’encontre du député Abdeslam Bachaâgha. Le ministre, rappelons-le, avait qualifié la prise de parole du parlementaire, qui dénonçait le traitement médiatique de l’affaire Belghit, de « discours ignorant » sur le fonctionnement des médias publics.

Pour le MSP, cette réponse constitue un « dérapage grave », remettant en cause les équilibres entre les institutions et la séparation des pouvoirs. Mais à y regarder de plus près, ce qui mobilise réellement le parti islamiste, ce n’est pas tant le souci de l’orthodoxie parlementaire que la volonté de voler au secours d’un universitaire controversé et idéologiquement proche : Lamine Belghit, incarcéré et poursuivi par la justice.

Une indignation sélective

Le parti islamiste fait mine de s’ériger en défenseur de la liberté d’expression et du respect de la présomption d’innocence. Il dénonce ce qu’il appelle une « justice télévisuelle » orchestrée contre Mohamed Lamine Belghit par le média public. Pourtant, ce même MSP est resté étrangement silencieux face aux innombrables cas de journalistes inquiétés, d’intellectuels censurés ou de médias muselés, aussi bien publics que privés.

Cette indignation à géométrie variable trahit la vraie nature de son engagement : une solidarité de camp, motivée par la proximité idéologique avec un universitaire dont les thèses — notamment sur l’identité arabo-islamique exclusive de l’Algérie — résonnent avec le logiciel culturel du parti.

Belghit, un pseudo historien négationniste déguisé en victime 

Décrit dans un reportage de l’ENTV comme un « marchand d’idéologies dans le marché de l’Histoire », Lamine Belghit, enseignant d’histoire à l’université d’Alger, est une figure polémique. Ses positions sur l’Algérie « exclusivement arabe » et ses prises de parole virulentes sur les réseaux sociaux ont alimenté de nombreuses polémiques, notamment dans le contexte des débats sur la place de l’amazighité et la mémoire nationale.

Son arrestation et son placement en détention proivisoire, dans le cadre d’une affaire en cours de traitement judiciaire, a suscité peu de réactions dans la communauté académique. En revanche, elle est devenue un cheval de bataille pour le MSP, et l’ensemble du courant islamo-conservateur qui en font un martyr d’une supposée dérive autoritaire des médias d’État et de la justice. 

Un ministre critiquable, mais mal critiqué

Il serait pourtant simpliste de faire de Mohamed Meziane un champion des médias libres. Le ministre de la Communication, issu du sérail académique, ne s’est jamais illustré comme défenseur de la pluralité ou de l’indépendance de l’ENTV. Bien au contraire, il est un pâle donneur de leçons. Son ministère continue d’exercer un contrôle strict, voire un magistère souverain, sur les lignes éditoriales des médias, et ses rares sorties publiques manquent cruellement de vision réformatrice.

Mais l’attaque du MSP n’est pas dirigée contre cette emprise structurelle. Car il est tout aussi intolérant à l’idée démocratique. Elle se focalise sur une querelle de forme, qui masque mal son fond idéologique : protéger un allié culturel, tout en tentant de gagner des points dans l’opinion conservatrice. Ce faisant, le MSP instrumentalise le débat parlementaire et détourne les enjeux de la liberté d’expression.

Posture idéologique sous vernis institutionnel

En somme, la virulence du MSP n’est pas une bataille pour les principes, mais une offensive identitaire travestie en croisade institutionnelle. Le parti islamiste défend la figure de Belghit non pour ce qu’elle incarne en termes de droits ou de libertés, mais pour ce qu’elle représente en termes de combat idéologique : la préservation d’un récit arabo-islamique exclusif.

Rappel des faits 

Lors d’une journée d’étude à Sétif, le ministre de la Communication, Mohamed Meziane, a réagi aux propos du député Abdeslam Bachagha en déclarant : « Le député a tenu des propos déplacés et a fait preuve d’un manque de culture institutionnelle et d’informations précises. C’est le ministère de la Justice, représenté par le procureur de la République, qui a publié le communiqué, et non la télévision publique. » Il a précisé que la télévision publique « ne produit pas les communiqués des institutions, mais se contente de les diffuser dans le cadre de ses missions de service public. »

En réponse, le groupe parlementaire du mouvement Hamas a dénoncé une riposte « maladroite » et « inappropriée », estimant que les propos du ministre constituent « une atteinte flagrante aux représentants du peuple » et « un dépassement manquant aux plus simples conventions de l’État et des institutions. » Le groupe a souligné que ces déclarations « s’écartent du cadre institutionnel et excèdent ses prérogatives », rappelant le droit de contrôle parlementaire garanti par la Constitution.

Samia Naït Iqbal

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Mali : les soldats maliens ont exécuté des civils et ciblé les Peuls, disent la FIDH et Amnesty

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Mali

Au Mali, après les révélations de RFI la semaine dernière, après l’enquête de Human Rights Watch en début de semaine, c’est au tour de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et d’Amnesty International de rapporter l’exécution d’une vingtaine de civils par l’armée à Diafarabé, près de Tenenkou, dans la région de Mopti.

Le 12 mai 2025, entre 23 et 27 hommes ont été interpellés sur le marché par les militaires maliens avant d’être égorgés et jetés dans des fosses communes. C’est ce qu’ont rapporté, mercredi 21 mai, les deux organisations de défense des droits humains. RFI a joint Maître Drissa Traoré, secrétaire général de la FIDH.

Il dénonce la méthode, avec ces exécutions extrajudiciaires, il dénonce également le ciblage de l’ethnie peule : « Nous ne contestons pas que l’armée combatte les jihadistes, qui commettent des crimes affreux. Ce que nous dénonçons ici, c’est la manière de procéder. Des civils, des non-combattants, qui sont arrêtés, transportés et exécutés de façon sommaire. C’est-à-dire que des militaires maliens, en connaissance de cause, ont arrêté des personnes qui ne sont pas armées et les ont exécuté. C’est une manière de faire qui viole toutes les règles, même les règles de la guerre. Car n’oublions pas que nous parlons d’une armée régalienne, républicaine, d’une armée légale. Or là nous constatons que ce sont les civils qu’elle devait protéger qu’elle exécute. »

« Vengeance » contre la communauté peule

Les jihadistes de la katiba Macina du Jnim (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), liés à al-Qaïda, contrôlent de larges pans du territoire malien, notamment dans le centre du pays, et mènent régulièrement des attaques contre l’armée malienne. Fin mars, le Jnim avait revendiqué une embuscade contre une patrouille de l’armée malienne et de ses supplétifs chasseurs traditionnels dozos, entre Diafarabé et Nouh-Bozo, qui avait fait plusieurs dizaines de morts. La katiba Macina recrute largement parmi la communauté peule – mais pas uniquement – jouant notamment sur les rivalités inter et infra-communautaires.

Comme au Burkina Faso voisin, la communauté peule est très souvent victime d’amalgame et ciblée lors des opérations militaires : « Les témoignages nous disent que ce ne sont que des Peuls qui sont concernés (par les exécutions de Diafarabé, ndlr), donc c’est comme une sorte de vengeance, de vendetta. Or on ne peut pas assimiler tous les Peuls à des jihadistes ! S’attaquer à ce groupe ethnique, c’est une manière pour les personnes qui ont commis ces actes de tenter de se venger contre les jihadistes. Hélas ce sont des civils qui ont été exécutés, malheureusement », conclut Maître Drissa Traoré.

Enquête

Après trois journées de protestation dans la localité de Diafarabé, des proches des victimes avaient finalement été autorisés le 15 mai à se rendre sur le lieu des exécutions. Accompagnés de chefs traditionnels et de conseillers communaux, ils avaient alors découvert les fosses et procédé à l’inhumation de leurs parents.

La semaine dernière, tout en annonçant l’ouverture d’une enquête, l’armée malienne a dénoncé des allégations « instrumentalisées à des fins subversives ». La « politisation des droits humains » est régulièrement invoquée par les autorités de transition pour contester les exactions attribuées aux forces armées et tenter de décrédibiliser les médias et ONG en faisant état.

Avec RFI

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Sadek Sellam raconte Ahmed Boumendjel, cette voix singulière de l’Algérie combattante

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Sadek Sellam

À l’occasion du séminaire « La traduction littéraire et ses enjeux », organisé par les Éditions Dar El Amir en partenariat avec le Centre Culturel Méditerranéen, à la Bibliothèque de l’Alcazar à Marseille, j’ai eu l’opportunité de rencontrer l’historien Sadek Sellam. Ce moment d’échange s’est articulé autour de son ouvrage majeur consacré à Ahmed Boumendjel (1908-1982), une figure intellectuelle, politique et diplomatique incontournable du nationalisme algérien.

Cette œuvre a particulièrement attiré mon attention pour une raison personnelle et générationnelle : appartenant à une époque qui n’a pas connu ce personnage, j’ai découvert à travers ce livre une mémoire enfouie, une voix effacée du récit national. Ce face-à-face avec l’histoire m’a également rappelé combien je refuse la culture de l’oubli, trop souvent imposée à notre mémoire collective.

En redonnant à Ahmed Boumendjel la place qu’il mérite, ce travail de recherche – fondé sur des archives inédites – nous permet de repenser les chemins de la souveraineté, la complexité des luttes anticoloniales et la richesse des trajectoires individuelles dans le mouvement de libération.

Le Matin d’Algérie : Qu’est-ce qui vous a motivé à consacrer un ouvrage à Ahmed Boumendjel, une figure assez méconnue du nationalisme algérien ?

Sadek Sellam : Ahmed Boumendjel fait partie des nombreuses figures du mouvement national qui semblaient vouées à l’oubli. Mais la multiplicité de ses engagements passés lui valait d’être cité de temps à autre. Son nom n’était pas totalement passé sous silence, en raison de son rôle dans le syndicalisme étudiant dans les années 1930. Il restait mentionné dans les biographies de Messali, dont il avait été l’avocat à partir de 1936. Et son nom revenait à chaque rappel des négociations, comme celle de Melun. Cela faisait ressentir le besoin d’une vue d’ensemble sur son parcours.

Le Matin d’Algérie : Avez-vous déjà travaillé sur lui ? Ou s’est-il imposé dans vos recherches ?

Sadek Sellam : En France, son nom revenait à chaque rappel du truquage des élections en Algérie qu’il avait dénoncé dans un article remarqué de 1951, « L’Algérie unanime », paru dans la revue Esprit. Il dénonçait cette pratique antidémocratique aussi vigoureusement que les refus obstinés d’appliquer la loi de 1905 à l’Islam, malgré l’article 43 de cette loi, et le décret d’application de 1907. Ses articles parus dans La République algérienne, le journal de l’UDMA, mériteraient d’être republiés, tellement ils restent d’actualité. Il y avait aussi des articles plus durs signés « SNP Ahmed ben Mohamed ». Selon le colonel Schoen, chef du SLNA (Service des Liaisons Nord-Africaines), ils étaient rédigés par Ahmed Boumendjel, qu’il présentait comme « le chef de file de l’aile intransigeante de l’UDMA ».

Le Matin d’Algérie : Les archives familiales ont joué un rôle central dans votre enquête. Quelles découvertes majeures ont-elles permis ?

Sadek Sellam : Avant de rentrer en Algérie début juillet 1962, il a pris soin de déposer ses archives à Paris, où sa famille était restée après son départ à Tunis en juillet 1957.

Ces documents permettent de classer Boumendjel parmi ce que le 2e Bureau a appelé « les têtes pensantes qui sont en train de donner à un mouvement armé les titres de noblesse d’une révolution digne de l’intérêt international ». C’était après la récupération des documents de Krim Belkacem, que transportait la mule arrêtée par l’armée française à Tazmalt fin juillet 1956. Le 2e Bureau déconseilla aux journalistes de faire état du contenu de ces documents, pour mieux continuer à faire passer les combattants algériens pour des « sanguinaires », « fanatiques », etc.

Pour affirmer la légitimité du combat du peuple algérien, Boumendjel ne se contentait pas des arguments fournis habituellement aux journalistes et hommes politiques à convaincre. Il faisait usage aussi bien des poèmes de Jean Sénac que du manuscrit de L’afro-asiatisme, consacré à la conférence de Bandung par Malek Bennabi début 1956, et qui devait être préfacé par Jean-Paul Sartre pour les éditions du Seuil. On y trouve également des textes d’une grande érudition envoyés au Vatican pour rassurer sur le devenir de l’Église d’Algérie dans l’Algérie indépendante.

Très instructives sont également les correspondances avec des émissaires de paix, comme Jean Amrouche (qui n’hésitait pas à comparer certains ultras d’Algérie aux nazis) et critiquait la rhétorique anti-impérialiste et marxisante de certains articles du Moudjahid. On y trouve surtout un paquet de rapports d’autres émissaires du « gaullisme exploratoire », beaucoup plus discrets, comme Abdelkader Barakrok, Larbi Lemmou et Ahmed Hamiani, qui servaient d’intermédiaires entre De Gaulle et le GPRA via Edmond Michelet, un ancien d’Auschwitz acquis à la décolonisation.

Le Matin d’Algérie : Comment expliquer l’adhésion au nationalisme de cet instituteur de père en fils très francisé ?

Sadek Sellam : L’étude de son parcours individuel montre que les Algériens « évolués », comme les instituteurs qui devaient contribuer à la « conquête morale » de l’Algérie, finirent par rejoindre les mouvements revendicatifs. Les succès électoraux de l’émir Khaled, la résistance de l’émir Abdelkrim dans le Rif, les échos dans l’Ouest algérien notamment de la candidature d’Abdelkader Hadj-Ali aux élections législatives de mai 1924, ainsi que les provocations liées à la célébration ostensible du centenaire de la prise d’Alger expliquent l’éloignement de ce jeune instituteur, fils d’instituteur, du rôle assigné par l’administration à ces francophones unilingues.

L’étude des débuts d’Ahmed Boumendjel permet de découvrir qu’à l’École normale de Bouzaréa, que Louis Massignon considérait comme un modèle d’égalité entre Européens et « indigènes », il existait une discrimination qui dura jusqu’à la victoire du Cartel des gauches. Ahmed Boumendjel commença ses études pour devenir instituteur en 1924, année de la fusion du « Cours normal » pour « instituteurs-adjoints indigènes » avec l’École normale de Bouzaréa, qui était jusque-là réservée aux Européens et aux musulmans naturalisés.

La persistance de cette discrimination incitait à réfléchir sur la nature du système colonial et poussait à l’engagement politique. La discrimination dans les écoles primaires devait durer jusqu’à la fusion des classes A (pour Européens) et B (pour « indigènes ») en 1949, par Hadj Sadok. Cela en dit long sur le décalage entre les discours assimilationnistes « égalitaires » et les discriminations qui étaient consubstantielles au système colonial jusqu’en 1954.

Ces discriminations scolaires ont profondément marqué Boumendjel. Devenu conseiller à l’Assemblée de l’Union française, il dénonça en 1951 le scandale de la privation des allocations familiales à un retraité musulman de l’armée française, au motif que ses enfants étaient scolarisés dans une école des Oulama. C’est également lui qui, à l’issue d’une réunion à Paris avec les cheikhs Brahimi et Tébessi, fit adopter une motion réclamant le financement public de l’enseignement de l’arabe pour les enfants des travailleurs algériens en France.

Le Matin d’Algérie : Comment décririez-vous l’évolution politique d’Ahmed Boumendjel, de l’UDMA au FLN ?

Sadek Sellam : Dès son arrivée à Paris en 1931, Boumendjel s’est distingué par son application dans ses études de droit ainsi que par ses engagements associatifs et politiques. En plus de sa présidence d’une association d’étudiants algériens, il a adhéré au Comité pour le retour de l’émir Khaled, à un groupement antifasciste dont faisait partie Jacques Soustelle, et à une association d’Algériens en France créée avant l’Étoile nord-africaine.

À la fin de ses études de droit, en 1936, il est devenu l’un des avocats de Messali Hadj et a représenté les Algériens de l’Île-de-France au Congrès musulman algérien de juin 1936, où il n’a fait que croiser Ferhat Abbas. Après ce qu’il a appelé « la trahison de la gauche », il s’est fait élire en 1938 conseiller municipal d’Alger grâce aux voix des militants du PPA.

En 1942-43, il s’est rapproché de Ferhat Abbas, qui était revenu de ses illusions sur « l’assimilationnisme électoral » (selon la formule de Jacques Berque) pour réclamer un État algérien. Il a participé à la rédaction du Manifeste et joué un rôle actif dans les succès des AML (Amis du Manifeste et de la Liberté). Ses anciennes relations avec Messali ont facilité la réalisation de ce grand rassemblement, resté sans équivalent, puisque le FLN n’a pas réussi à empêcher le conflit avec le MNA.

Il devient l’un des chefs de file du « nationalisme fédéraliste » (réclamant un État algérien associé à la France). Marqué par l’expérience des AML et se souvenant de la mise en échec par Georges Bidault et le PCF de la deuxième Constituante de juin 1946, qui prévoyait la transformation des Colonies en États associés, il n’a cessé de militer pour un « Front algérien » à partir de 1947.

On peut difficilement l’enfermer dans la case « udmiste », comme on le fait dans certains ouvrages sur l’UDMA. Il appartient à une catégorie d’intellectuels devenus militants nationalistes qui refusaient l’enfermement dans un seul parti et recherchaient l’union avec les autres formations. De ce point de vue, on peut le comparer à son ami le Dr Abdelaziz Khaldi qui, juste après avoir fait partie des fondateurs de l’UDMA en 1946, a organisé une réception en l’honneur de Messali Hadj (qui rentrait de son exil à Brazzaville) à Toulouse, où il était président de la section de l’AEMNAF.

Le Matin d’Algérie : Son ralliement au FLN était-il une rupture brutale ou une continuité logique à vos yeux ?

Sadek Sellam : Le ralliement au FLN était la suite logique de son action en faveur d’un Front algérien et de son appréciation des changements, notamment en Orient. Ses désillusions face aux différentes Assemblées françaises l’amenèrent à se tourner vers le Bureau du Maghreb arabe, ouvert au Caire en 1947 sous l’égide de l’émir Abdelkrim.

En 1948, il fit voter à un congrès de l’UDMA à Sétif une motion contre l’Assemblée de l’Union française — où il siégeait. En 1949, il prononça sa célèbre déclaration : « Nous aurons notre État algérien à l’Assemblée algérienne, à l’Assemblée nationale à Paris, ou à l’Assemblée de l’Union française de Versailles ; sinon à l’Assemblée des Nations Unies à New York ». Sur ses conseils, Abbas se rendit en 1951 au Caire où il fut reçu par le général Nédjib, l’émir Abdelkrim, et même le guide des Frères Musulmans. C’est au retour de ce voyage qu’Abbas déclara publiquement : « Il ne reste plus que les mitraillettes ! »

Enfin, la « Motion des 61 » de septembre 1955 doit beaucoup à Boumendjel et Ahmed Francis, qui ont « radicalisé » le texte modéré dans lequel le docteur Bendjelloul se contentait de condamner la répression. Les deux lieutenants d’Abbas condamnèrent la politique d’intégration de Soustelle, affirmèrent la « vocation de l’Algérie à être une nation indépendante ». Ils firent signer ce texte par des élus « modérés » sur lesquels comptait le Gouverneur général pour créer sa « troisième force ».

Le Matin d’Algérie : Quel rôle a-t-il joué concrètement dans la diplomatie internationale du FLN et dans les négociations d’Évian ?

Sadek Sellam : Le 2 novembre 1954, Abbas avait déclaré au sous-préfet de Sétif, Jacques Lenoir, que « le seul moyen pour le gouvernement français d’éviter [la guerre] est de proclamer la République algérienne ». Les gouvernants actuels en sont incapables, et c’est pourquoi « l’UDMA va soutenir le FLN ».

Abbas et Boumendjel ont essayé d’éviter l’aggravation de la guerre en participant activement aux contacts secrets avec les gouvernements d’Edgar Faure et de Guy Mollet. Lacoste, qui était opposé à une solution négociée, le considérait comme « un homme très dangereux ». Au vu de l’impuissance des gouvernements de la IVe République, il recommanda à Abbas le ralliement au FLN et son départ au Caire en avril 1956.

Boumedjel participait à l’organisation des rencontres d’Abbas avec des journalistes et des hommes politiques à Montreux, où Abbas venait régulièrement depuis le Caire. Il prit aussi part à la mission secrète de Goëau-Brissonnière, un diplomate mandaté par le gouvernement Bourgès-Maunoury. Pour préparer les négociations, cet émissaire rencontra à Tunis des dirigeants du FLN qui s’apprêtaient à aller au Caire pour le deuxième CNRA.

Le Matin d’Algérie : Quel a été l’impact personnel et politique de la mort tragique de son frère Ali en 1957 ?

Sadek Sellam : La mort d’Ali Boumendjel l’a beaucoup affecté. Mais contrairement à ce qu’on croyait, ce n’est pas la vraie raison de son départ définitif de Paris pour la Suisse, puis Tunis. Au retour de sa mission secrète à Tunis, Goëau-Brissonnière, après avoir enquêté sur le sabotage de cette mission, l’a informé qu’il risquait l’arrestation.

Le Matin d’Algérie : Ce drame a-t-il modifié ses priorités ou sa manière d’aborder la lutte ?

Sadek Sellam : Il était au courant de la dureté de la répression en Algérie. Il était informé notamment par les élus algériens que faisait venir le préfet Mécheri à l’Élysée, où le président Coty se plaignait de la rétention du renseignement par Max Lejeune et Lacoste. Pour l’un d’eux, le Dr Bensalem, « la pacification est une extermination ». La mort de son frère l’a affecté sans trop le surprendre.

Il n’a pas perdu son sens diplomatique, comme il l’a montré au Colloque méditerranéen de Florence d’octobre 1958. Devant une assemblée d’intellectuels et d’universitaires, il a su trouver le ton juste pour expliquer la cause algérienne, sans trop politiser ce colloque réuni en réaction au projet de « Pacte méditerranéen » proposé par les USA. C’est ce vieux projet qui a inspiré l’idée d’« Union pour la Méditerranée » de Sarkozy.

Après l’affaire de Sakiet Sidi Youssef (8 février 1958), les USA ont commencé à revoir leur soutien à l’effort de guerre en Algérie, et le State Department a ouvert un dialogue avec le FLN. C’est Boumendjel qui a été chargé des contacts réguliers avec le consul américain à Tunis. C’était le meilleur moyen de démentir la propagande française qui faisait passer le FLN pour communiste afin de bénéficier de la solidarité atlantique.

En avril 1958, il a fait partie de l’importante délégation dépêchée par le CCE à la conférence intermaghrébine de Tanger (Abbas, Boussouf, Francis, Mehri, Boumendjel, Kheireddine). C’était la première fois qu’Abbas, Mehri et Francis renouaient avec les militaires qui refusaient leurs demandes d’explications sur l’affaire Abane. À Tunis, la délégation du CCE a failli repartir lorsqu’elle n’a pas vu le drapeau algérien à la réunion intermaghrébine de juin 1958. C’est Boumendjel qui a dissuadé ses pairs de ne pas créer d’incident.

Après la création du GPRA, Boumendjel est chargé du service politique du ministère de l’Information et représente l’Algérie aux conférences africaines.

Invité en juillet 1959 à Hambourg, ses explications sur la cause algérienne à des socialistes européens ont obligé la délégation française de la SFIO à quitter la réunion de l’Internationale socialiste.

En 1959, il a fait partie de la forte délégation algérienne à l’ONU qui a mis la France en difficulté. Il a tenu sa promesse faite en 1949 de plaider à New York si rien n’était obtenu des Assemblées françaises.

Le Matin d’Algérie : Son parcours d’avocat a-t-il influencé sa manière de militer et de négocier ?

Sadek Sellam : Tous ces éléments expliquent pourquoi Ferhat Abbas le classe, au moment des contacts secrets avec les émissaires de De Gaulle, parmi les « trois meilleurs diplomates algériens », les deux autres étant Saad Dahlab et Tayeb Boulahrouf.

Sa formation de juriste a été un atout majeur. Il a notamment fait partie de la Commission africaine chargée d’enquêter sur les massacres au Cameroun, que les Camerounais appellent encore la « Commission Boumendjel ».

Dans l’hélicoptère qui l’emmenait, avec Benyahia, le 24 juin 1960 d’Orly vers une destination inconnue, il a noté dans ses papiers : « Sommes-nous des prisonniers ? » Malgré les tensions liées à une grande méfiance, à Melun, il a fait preuve de patience et de bonhomie face à une délégation française peu disposée à la paix.

Ses talents de négociateur ont été reconnus dans un rapport du SDECE qui le considérait « meilleur que Roger Morris », chef de la délégation française désigné par Michel Debré. Ce dernier déconseilla de communiquer ce rapport au général De Gaulle.

Ses archives permettent aussi de relier l’affaire de Melun à celle de Si Salah, ce que la plupart des auteurs oublient. En août 1960, il est informé à Lausanne de « l’affaire de l’Élysée » par le cadi de Médéa, Kaddour Mazigh, qui avait servi d’intermédiaire entre le conseil de la wilaya 4 et De Gaulle. Il attribua le cynisme de la délégation française à Melun à la stratégie de « paix fractionnée » de De Gaulle, qui comptait sur l’annonce d’un cessez-le-feu accepté par toute l’ALN, menée par la wilaya de l’Algérois, pour faire plier le GPRA. Cela relativise les reproches des militaires français qui accusent De Gaulle d’avoir « lâché la proie pour l’ombre » en privilégiant les politiques extérieurs aux combattants de l’intérieur.

En février 1961, lors de la pré-négociation de Lucerne, face à Pompidou, Boumendjel fit preuve d’une grande fermeté, notamment sur la question du Sahara, soulevée pour la première fois.

À la conférence de juillet 1961, c’est lui qui lut un texte de 40 pages pour répliquer aux arguments français sur le Sahara. Sa fermeté et la précision de ses arguments démentaient les soupçons de modération portés contre Abbas et Francis, alors tentés de renoncer au Sahara. Son argumentation historique et juridique embarrassait la délégation française bien plus que la rhétorique ultranationaliste de Bentobbal, qui refusait toute législation française post-1830.

Le Matin d’Algérie : Pourquoi Ahmed Boumendjel s’est-il retiré de la vie publique peu après l’indépendance ?

Sadek Sellam : Juste avant de quitter Tunis pour Alger en juillet 1962, lors d’un tour de table où chacun exprimait ses souhaits, Boumendjel s’est contenté de dire : « Je souhaite être oublié ! »

Dans ses notes manuscrites au CNRA de Tripoli, il exprime sa déception et ressent les difficultés à faire de la politique avec les nouveaux acteurs.

Le Matin d’Algérie : Ce retrait était-il volontaire ou contraint par le contexte politique d’après 1962 ?

Sadek Sellam : Il a pu être ministre des Travaux publics dans le premier gouvernement Ben Bella, qui lui était reconnaissant d’avoir été porte-parole du Bureau politique à Tlemcen. Mais il s’est complètement retiré de la politique après le remaniement de décembre 1964, suite à la Charte d’Alger adoptée au Congrès du FLN d’avril 1964.

Il disait à Abbas, qui s’était retiré en août 1963 : « Nous avons vécu pour la politique, contrairement à ceux qui, de nos jours, vivent de la politique. »

Le Matin d’Algérie : Selon vous, pourquoi son nom, comme celui d’autres figures, est-il resté en marge de la mémoire officielle algérienne ?

Sadek Sellam : Cela a été le sort de toute l’ancienne génération, surtout après le 19 juin 1965. L’Algérie s’est privée des compétences de ceux qui avaient une expérience politique dans le parlementarisme français et des contacts avec les mouvements nationalistes d’autres pays.

On sait aujourd’hui, grâce aux révélations d’un proche du colonel Chaabani, que Boumédiène lui avait demandé, à l’été 1962, de l’aider à exclure tous les politiques restés à l’extérieur pendant la guerre de libération.

On sait aussi qu’avant l’entrée de l’Armée des frontières à Alger, le groupe d’Oujda avait promis, à Bou Saada, d’exclure tous les membres du dernier GPRA des gouvernements de l’Algérie indépendante.

Le Matin d’Algérie : En revisitant son parcours, que nous dit-il sur la diversité et la complexité du nationalisme algérien ?

Sadek Sellam : La naissance de Boumendjel en 1908 en fait « un témoin du siècle », comme le disait Malek Bennabi. Sa première prise de conscience coïncide avec les débuts du nationalisme algérien moderne, dont il est devenu un acteur.

Retracer son parcours politique, c’est revisiter l’histoire du nationalisme algérien dans sa diversité. Cela permet d’en améliorer la connaissance et, si possible, d’en tirer des enseignements pour aujourd’hui et pour demain.

Le Matin d’Algérie : Quel message souhaitez-vous transmettre aux lecteurs d’aujourd’hui, en Algérie comme en France, à travers cette biographie ?

Sadek Sellam : Boumendjel est un exemple d’intellectuel engagé en politique pour combattre le système colonial. Sa culture française lui a fait croire, comme Ferhat Abbas, aux possibilités d’émancipation en opposant la France de 1789 à la France coloniale. Mais, lorsqu’ils ont pris conscience des blocages coloniaux, ils ont rejoint la lutte armée.

Leur parcours peut inspirer l’édification d’une vraie démocratie algérienne, qui réhabiliterait la politique, sans la réduire ni au militaire, ni au religieux.

Enfin, le sens du pluralisme de la République algérienne, qui ouvrait ses colonnes à toutes les sensibilités, devrait inspirer la presse algérienne d’aujourd’hui.

Entretien réalisé par Djamal Guettala

Ahmed Boumendjel (1908-1982) un ouvrage de 552 pages publié en 2021 chez Hémisphère en France, puis en 2022 chez Barzakh en Algérie, puise dans des archives familiales inédites pour offrir un regard neuf sur cette personnalité complexe. 
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Asnuged n « Tagenzi-inu d Yeha », ungal amezwaru n Samy Assad

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Samy Assad
« Tagenzi-inu d Yeha», ungal amezwaru n Samy Assad

« Tagenzi-inu d Yeha »  (Mon Arc et Yeha) n Samy Assad, d ungal i d-ineccden ameɣri akken ad yessen Dzayer talqayant s tsektiwin-nnes tamezruyant, tadelsant d tmerrant yernu yella-d waya s teḥkayt n yiwen n yiminig akamruni. Ungal-a yeffeɣ-d melmi kan.

D taddart n teẓrigin n Hibr i d-yesnugden ungal-a n 193 n yisebtar yernu iḥekku-d udlis-a taḥlayt yessewhamen n Roger, d imniwel ilemẓi akamruni i d-yessemlal urtum d yiwen n umsudem isem-nnes Yeha, d yiwen i yessukkuyen iminigen s tuffra. Yeha yessumer-as-d i Roger ad d-yalel akken ad d-yesseḍru target-nnes yellan d inig ɣer Tuṛuft mer aneggaru-a ad as-yeg kra n tnuraf.

D wa i d ungal amezwaru n Samy Assad yernu wa d ungal yeṭṭafaren timseksalin n yilemẓi-a akamruni i yeddan seg temdint-nnes, deg Kamrun, ɣer Dzayer,  yernu yekka ɣef mennaw n temdinin timezruyanin deg usikel-nnes, akka am Timgad (Tabatent) d Yiɣzer n Mẓab (Taɣerdayt).

Deg usikel-a aɣwali, Roger yemlal d mennaw n yimsudmen, gar-asen Yeha, ameglasaḍ, yellan d yiwen n uxelwi d arejdal i yeddren deg yigaluzen n Timgad.

Deg temseksal-nsen, Yeha d Roger nsan deg yideggen yemgerraden n Dzayer yernu snarmen tamurt-a tameqqrant i ilan idles d anesbaɣur yernu d amanuḍ.
Ungal-a yettwaru deg wudem wis kraḍ n wasuf, yernu yefren umeskar-nnes ad t-yaru akka akken ad ili ugar n tlelli akken ad yesbuɣer taḥkayt-nnes s uglam n yideggen d tegnatin ideg d-tettili teḥkayt d uglam n yimsudmawen-nnes -i iban niɣ i ihan- s ṣṣifat-nsen “tilqayanin” akk.

S tutlayt d tafessast i ugzay ulama amawal-nnes ila aswir d unnig, ungal-a yella-d am “uɣmis n usikel” n unemseksal akamruni Roger, yernu d win i d-ineccden ameɣri ad yessen tibuɣar n turt s tsemseksal i iga yilemẓi-nni deg mennaw n temnaḍin n Dzayer. 

APS

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