23 novembre 2024
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Comment Israël parvient à éliminer les responsables militaires du Hezbollah

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Fouad Chokr, le plus haut gradé militaire du Hezbollah.
Fouad Chokr, le plus haut gradé militaire du Hezbollah.

Dans sa stratégie d’assassinats ciblés contre les hauts responsables militaires du Hezbollah, Israël combine les avancées technologiques et les ressources humaines classiques.

Malgré le secret dont s’entoure l’appareil militaro-sécuritaire du Hezbollah, l’armée israélienne a enregistré d’importants succès depuis le début de la confrontation entre les deux ennemis, le 8 octobre 2023. Le Hezbollah a perdu plus de 500 combattants, dont son chef militaire suprême Fouad Chokor, tué le 30 juillet dans un raid aérien sur la banlieue sud de Beyrouth, le principal fief du parti au Liban.

Entre la mi-juin et début juillet, l’armée israélienne a réussi à éliminer Taleb Abdallah et Mohammad Nasser, les chefs de deux des trois unités territoriales déployées sur le front du sud du Liban, qui s’étend sur 120 kilomètres, de la côte méditerranéenne aux contreforts du Golan, occupé et annexé par Israël. Ces trois hauts responsables militaires ont des grades équivalents à ceux de généraux dans une armée classique.

Début janvier, trois mois après le début des affrontements, Israël enregistrait son premier véritable succès avec l’assassinat de Wissam Tawil, un important dirigeant de la force d’élite al-Radwan, également déployée le long de la frontière avec l’État hébreu. Des sources bien informées affirment à RFI que vingt-trois autres cadres militaires responsables d’unités de tir de roquettes, de lancement de drones ou de missiles antichars ont également été tués par l’armée israélienne ces derniers mois.

Exploitation de l’intelligence artificielle

Le fait marquant est que la plupart de ces assassinats ont eu lieu loin des lignes du front. Fouad Chokor a été tué alors qu’il se rendait, pour la première fois depuis six mois, dans un immeuble où il possédait un appartement et un bureau, dans la banlieue sud de Beyrouth.

Wissam Tawil effectuait une visite discrète dans son village pour assister aux funérailles d’un cousin. Taleb Abdallah et Mohammad Nasser ont été éliminés alors qu’ils revenaient du front après y avoir passé des mois.

Ces assassinats ciblés montrent que l’armée israélienne connaît parfaitement l’identité de ces cadres militaires inconnus du public libanais et possède les moyens de les localiser.

Des experts militaires et sécuritaires libanais interrogés par RFI indiquent que le succès des opérations israéliennes est dû à une bonne synchronisation entre des renseignements collectés sur le terrain libanais grâce à des ressources humaines et des moyens technologiques avancés développés ces dernières années.

« Les Israéliens utilisent la surveillance des téléphones mobiles, les techniques de reconnaissance faciale, les drones et les satellites dans les opérations d’espionnage », explique Riad Kahwagi, fondateur et directeur de l’Institut d’analyse militaire du Proche-Orient et du Golfe (Inegma), dans une interview accordée au quotidien saoudien Ash-Sharq al-Awsat début août.

« En plus de toutes ces technologies, les Israéliens ont développé des logiciels d’intelligence artificielle de reconnaissance vocale directement reliés à des centres de commandement et de contrôle aériens chargés d’opérer les drones de surveillance et d’attaque, affirme un responsable des services de sécurité libanais. Cette technologie permet d’identifier et de localiser la cible potentielle et facilite une intervention rapide des drones qui survolent en quasi-permanence l’espace aérien libanais ».

Le facteur humain reste essentiel

Les experts interrogés s’accordent cependant sur le fait que l’efficacité de ces technologies reste incomplète sans des données personnelles sur l’identité des membres du Hezbollah, leur lieu de résidence, leur numéro de téléphone, les véhicules qu’ils utilisent, les endroits qu’ils fréquentent. « Ce genre de renseignements est essentiellement collecté par des réseaux d’informateurs actifs sur le terrain et des agents infiltrés au sein du Hezbollah, d’où l’importance du facteur humain », précise le responsable sécuritaire libanais.

Pour rendre la tâche plus difficile aux Israéliens, le Hezbollah a revu et modifié ses protocoles de sécurité concernant les télécommunications, les moyens de déplacement et les lieux de résidence.

Les téléphones portables ont été strictement interdits sur le front et les combattants mobilisés ont été sommés de ne plus intervenir sur les réseaux sociaux même lors de leur permission. Les contacts avec les membres de la famille ont été limités au strict minimum et les déplacements à moto ont été privilégiés sur les voitures et autres véhicules.

Le Hezbollah et les services de sécurité libanais ont par ailleurs intensifié leurs efforts ces dernières semaines pour tenter d’identifier et de neutraliser les réseaux d’informateurs qui fournissent à l’armée israélienne les précieux renseignements lui permettant de localiser et d’assassiner les cadres militaires du parti.

Fin août, les services de sécurité libanais ont arrêté un ancien infirmier à l’hôpital al-Rassoul al-Ahzam (appartenant au Hezbollah) accusé de fournir à l’armée israélienne des renseignements sur les membres du parti et leurs lieux de résidence. Son interrogatoire a permis de mieux comprendre les moyens de recrutement des collaborateurs, la nature des missions qui leur sont confiées et leur mode opératoire.

De nombreuses autres personnes suspectées de collaborer avec l’armée israélienne, dont des ressortissants syriens installés au Liban, ont été arrêtées ces derniers mois. « La crise économique qui frappe le Liban a plongé dans la précarité une armée de jeunes. Cela a facilité les opérations de recrutement qui se font essentiellement à travers les réseaux sociaux. Même si nous avons réussi à neutraliser des collaborateurs avec Israël, nous sommes conscients que de nombreux agents et réseaux restent actifs dans tout le Liban », conclut le responsable sécuritaire.

RFI

Abdelmadjid Tebboune prête serment

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Le président de la République élu, M. Abdelmadjid Tebboune, a prêté serment, mardi, lors d’une cérémonie officielle au Palais des nations (Alger) en présence de hauts responsables de l’Etat et des hautes instances de la Nation.

L’article 89 de la Constitution énonce que le Président de la République « prête serment devant le peuple en présence de toutes les hautes instances de la Nation, dans la semaine qui suit son élection.

Il entre en fonction aussitôt après sa prestation de serment ».

L’article 90 de la Constitution stipule que le président de la République prête serment dans les termes ci-après:

« Fidèle aux sacrifices suprêmes et à la mémoire sacrée de nos martyrs, ainsi qu’aux idéaux de la Révolution de novembre éternelle, je jure par Allah Tout-Puissant de respecter et de glorifier la religion islamique, de défendre la Constitution, de veiller à la continuité de l’Etat, de réunir les conditions nécessaires au fonctionnement normal des institutions et de l’ordre constitutionnel, d’œuvrer au renforcement du processus démocratique, de respecter le libre choix du peuple, ainsi que les institutions et lois de la République, de préserver l’intégrité du territoire national, l’unité du peuple et de la Nation, de protéger les libertés et les droits fondamentaux de l’homme et du citoyen, de travailler sans relâche au développement et à la prospérité du peuple et d’œuvrer, de toutes mes forces, à la réalisation des grands idéaux de justice, de liberté et de paix dans le monde. Allah en est témoin ».

APS

La promesse d’un dialogue national pour consacrer la véritable démocratie 

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Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a affirmé, mardi à Alger, qu’il s’attèlerait, au cours de son second mandat, au lancement d’un dialogue national avec l’ensemble des forces nationales vives, et ce, « en consécration de la véritable démocratie ».

Dans un discours prononcé à l’issue de la cérémonie de prestation de serment au Palais des nations, le président de la République a souligné qu' »au cours du second mandat, nous engagerons des discussions soutenues et des consultations avec l’ensemble des forces vives du pays, politiques économiques et juvéniles ».

« Un dialogue national ouvert sera lancé, nous permettant de baliser ensemble le chemin qu’empruntera notre pays en matière de consécration de la véritable démocratie, non pas celle des slogans, mais celle qui donne la souveraineté à ceux qui la méritent », a soutenu le président de la République.

APS

PT : la présidentielle reflète « une crise systémique profonde qui affecte négativement l’État national »

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Louisa Hanoune
Louisa Hanoune, patronne du PT.

Le Parti des travailleurs (PT) affirme que l’écart entre les résultats préliminaires et finaux de la présidentielle reflètent l’accélération de la crise politique dans le pays. 

Telle est l’analyse contenue dans une déclaration rendue publique, ce lundi 16 septembre, par le bureau politique du Parti des travailleurs, à l’issue de sa session du 15 septembre dernier 

« Le scrutin du 7 septembre dernier et ses développements, à savoir les résultats préliminaires annoncés par l’Anie et la proclamation définitive de ces derniers par la Cour constitutionnelle traduisent l’accélération d’une crise profonde de régime qui impacte l’État national », lit-on dans le communiqué BP du parti trotskiste. 

« Les chiffres définitifs annoncés par la Cour constitutionnelle ont montré des augmentations injustifiées des résultats des candidats, que le parti considère illogiques et non conformes à ce qui s’est passé pendant les élections », poursuit-il.

Et d’ajouter que « selon les résultats définitifs, le taux de participation a augmenté de 100%, le candidat du Front des forces socialistes ayant obtenu plus de 450 000 voix malgré sa demande de 133 000 voix supplémentaires, tandis que le candidat du Mouvement pour la société de la paix a obtenu plus de 725 000 voix. des voix supplémentaires, bien qu’il ait demandé 150 000 voix. Quant au président qui n’a pas fait appel, ses résultats ont augmenté d’environ deux millions six cent mille voix. »

Le parti dirigé par Louisa Hanoune explique que le taux de participation annoncé, qui s’élève à 23% selon l’Autorité électorale nationale indépendante, était exagéré, ce qui a été confirmé par les protestations des trois candidats à travers un communiqué commun.

Il a ajouté que même les résultats finaux ont montré un taux d’abstention allant jusqu’à 54%, avec 1.700.000 votes annulés, ce qui reflète un rejet généralisé du processus électoral et exacerbe la crise au lieu de la résoudre.

Selon le parti, le message envoyé par les Algériens le 7 septembre était clair ; ils ont exprimé un grand scepticisme quant au processus électoral, de la colère et du rejet du statu quo, et ont exigé une rupture avec le système de parti unique.

Le Parti des travailleurs a souligné que les résultats des élections reflètent un large rejet des politiques actuelles et une affirmation des aspirations politiques qui ont émergé depuis 2019.

Pour le PT, « ces messages doivent être compris sérieusement et qu’il est urgent de prendre des mesures sérieuses qui répondent aux aspirations de la majorité politique et sociale », appelant à « une reconsidération du processus électoral et à la reconnaissance de la  nécessité d’apporter un réel changement dans le pays », d’autant plus que ces résultats « reflètent l’accélération d’ une crise systémique profonde qui affecte négativement l’État national ».

Samia Naït Iqbal

Cinq banques lanceront le paiement mobile en octobre

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Paiement en ligne

Cinq banques comptent lancer à partir d’octobre prochain le paiement mobile, permettant d’effectuer des transactions en utilisant le QR code, a indiqué l’administratrice du Groupement d’intérêt économique de la monétique (GIE monétique), Assia Benchabla Queiroz.

« A partir d’octobre 2024, les clients de cinq banques pourront effectuer des paiements en scannant des codes QR », a déclaré à l’APS Mme Benchabla rappelant l’importance de cette technologie « rapide et pratique » en matière de simplification du processus de paiement électronique.

Ce mode de paiement sans carte, est basé sur la technologie de lecture du QR code (Quick Response Code) affiché par le commerçant. Il permet au client de payer ses achats, factures et autres en instantané, tout en réduisant les temps d’attente en caisse.

Le paiement mobile est opérationnel en Algérie depuis 2022. Dans une première phase, le service a été ouvert en intra-bancaire avant de lancer l’interopérabilité des paiements mobiles grâce à la plateforme « Switch Mobile » en juin 2024.

Trois institutions offrent déjà le service du m-paiement : la Banque Nationale d’Algérie (BNA), Al Salam Bank Algeria, et Algérie poste. Avec les cinq banques qui vont lancer ce nouveau mode de paiement, le nombre sera porté à huit.

Le GIE Monétique compte poursuivre ces efforts visant la généralisation du paiement mobile, tout en lançant de nouveaux chantiers en 2025 pour le développement et la promotion du secteur du e-paiement en Algérie.

Les smartphones transformables en TPE dès 2025 

Il s’agit notamment par l’introduction de la technologie SoftPos qui permet de transformer les téléphones mobiles équipés de dispositifs NFC (Near Field Communication) en terminaux de paiement électroniques (TPE).

Grâce à cette technologie, les commerçants pourront accepter des paiements « sans contact » directement via leurs téléphones, que ce soit avec des cartes bancaires ou des téléphones aussi.

Simple à utiliser, la technologie SoftPos offre une solution plus flexible pour les commerçants, en évitant l’achat d’équipements TPE coûteux, souligne Mme Benchabla, rappelant que les cartes intégrant la fonctionnalité « sans contact » sont déjà disponibles depuis 2023.

Cette solution est particulièrement adaptée aux nouveaux commerçants ou à ceux qui préfèrent une alternative plus pratique, tels que les chauffeurs de VTC, les livreurs ou les vendeurs de marchés.

Par ailleurs, le GIE Monétique prévoit le lancement d’une carte de paiement virtuelle, accessible depuis les mobiles, tablettes et ordinateurs, selon l’administratrice.

Cette carte renforcera la sécurité des paiements en ligne en générant un numéro de carte unique pour chaque transaction via une application bancaire.

A travers ces nouveaux moyens de paiement, GIE Monétique vise à enrichir les solutions offertes aux clients et aux commerçants.

« Nous avons déjà des options de paiement en ligne, par carte classique, sans contact via TPE, et par téléphone mobile via QR code. Les nouvelles solutions prévues pour 2025 offriront une gamme encore plus large pour répondre aux besoins diversifiés de nos clients et commerçants, l’objectif étant que, quel que soit le moyen de paiement dont dispose le client, et quelle que soit sa banque domiciliataire, le commerçant aura la possibilité d’accepter ce paiement », a indiqué Mme Benchebla.

En parallèle, le GIE Monétique travaille également à faciliter l’acceptation des paiements internationaux, permettant aux commerçants algériens d’accepter les cartes Visa et Mastercard.

Dans ce sens, Mme Benchabla a affirmé que le processus de mise en place d’une plateforme locale certifiée par les réseaux de paiement Visa et MasterCard est en cours. Cette plateforme sera prise en charge par la SATIM qui représente le centre de monétique interbancaire.

Concernant l’adhésion des commerçants aux systèmes de paiement électronique, Mme Benchabla a indiqué que des enquêtes récentes ont révélé des obstacles, liés notamment à la disponibilité immédiate des fonds et à des questions fiscales.

« Les parties prenantes travaillent sur des solutions pour surmonter ces défis et faciliter l’intégration des paiements électroniques dans le commerce de proximité, » a-t-elle rassuré.

Malgré ces défis, le bilan semestriel du GIE Monétique révèle un engouement croissant pour le « e-paiement », soutenue par l’intégration de certains organismes traitant des flux de transactions importants (paiements des frais d’inscription universitaire, des billets de stade, des impôts et taxes, des frais de douanes, paiement de loyer AADL..).

APS

Présidentielle, la Cour constitutionnelle éteint momentanément l’incendie

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Tebboune

La Cour constitutionnelle a fait le pompier. Alors que le scandale rongeait la présidentielle, cette institution est chargée de venir au secours pour éteindre l’incendie. Sans surprise, elle valide la victoire d’Abdelmadjid Tebboune à la parodie présidentielle. Une victoire saluée, par anticipation, par plusieurs chancelleries étrangères, car instruites des coulisses du système politico-militaire qui dirige d’une main d’airain l’Algérie.

En Algérie, la chose est entendue. Cette présidentielle ne fut qu’une piètre pièce de théâtre dont le clap de fin était connu de tous. «Il était temps d’en finir avec cet imbuvable skeach», soupire un journaliste. «Ils agissent comme si le printemps 2019 ne s’est jamais produit, regrette un universitaire.

«Nos dirigeants n’ont pas le sens de l’Etat, leur aveuglement risque d’entraîner celui du pays et la matière nous ne sommes pas aidés à l’étranger quand je vois comment nombreux pays dits démocratiques se sont empressés à envoyer leurs félicitations, malgré le foin produit par les résultats contradictoires de l’Anie… je crains sérieusement pour l’avenir car les failles apparues dans les annonces des résultats sont symptomatiques d’une fragilité périlleuse de nos institutions», appréhende un universitaire algérois.  

La curiosité n’est donc pas dans ce second mandat acté dès son annonce en mars dernier. Elle est d’abord dans le scandale qui a entouré les annonces des taux de participation et des suffrages exprimés. Les chiffres de la Cour constitutionnelle prêtes à sourire. Non seulement ils viennent remettre en cause ceux de l’Anie, une autre institution qui avait par le passé encadré plusieurs élections.

Comment est-ce possible que cette dernière ait pu ne pas voir près de 3 millions de voix (de 5 329 253 à 7.976.291 voix), comme le montrent les nouvelles de la Cour constitutionnelle ? En vrai, la vox populi regarde amusée le jeu des deux institutions.

«Personne n’est dupe, le scandale des annonces de Mohamed Charfi a fait beaucoup jaser. Les chiffres présentés sont une sacrée humiliation pour Tebboune. En revoyant les chiffres, la Cour constitutionnelle a tenté de donner quelque vraisemblance à cette élection auquelle personne ne croit», constate un militant politique. 

Coup double donc de la part de la Cour : faire porter le chapeau du scandale à l’ANIE et partant crédibiliser l’élection. En la matière, le régime a missionné ses télégraphistes pour relayer la petite musique pour la vendre à l’opinion. Le reste c’est le temps qui fera son oeuvre.   

Sofiane Ayache

Le Nouvel ordre international numérique en construction et les pays du Sud Global

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Gouvernance numérique
Image par Pete Linforth de Pixabay

Dans le silence feutré des centres de données et l’effervescence des métropoles connectées, un nouvel ordre international numérique se dessine, redéfinissant les rapports de force entre les nations, reconfigurant les frontières de notre civilisation à une vitesse vertigineuse, et bouleversant les hiérarchies établies.

Cet ordre, porté par l’explosion des technologies de l’information et de la communication, voit émerger les pays du Sud global comme des acteurs de premier plan, ouvrant la voie à une redistribution inédite du pouvoir mondial.

Dans l’histoire longue des relations internationales, chaque changement d’ordre mondial a souvent été accompagné de révolutions technologiques. Aujourd’hui, nous assistons à une nouvelle métamorphose : le passage à un ordre numérique global. Dans ce nouveau paysage, les pays du Sud global — longtemps marginalisés, dominés, souvent contraints de subir les décisions des grandes puissances — sont en passe de devenir des acteurs incontournables. Mais pour comprendre cette reconfiguration géopolitique, il faut d’abord saisir ce qui sous-tend cet ordre numérique et ce qui permettra aux nations du Sud d’y prendre une place prépondérante.

La Structure du Nouvel Ordre Numérique

Ce nouvel ordre repose sur des fondements bien différents de ceux qui ont façonné le monde industriel. Il ne s’agit plus simplement de dominer des territoires physiques ou des ressources naturelles — bien que celles-ci conservent une importance stratégique — mais d’imposer sa suprématie dans le domaine des données, des plateformes numériques, et de l’intelligence artificielle. Ceux qui maîtrisent ces nouveaux instruments de pouvoir détiennent la clé de la richesse et de l’influence.

Les pays du Nord, en particulier les États-Unis et aussi la Chine du Sud Global, ont pris une avance considérable en contrôlant la quasi-totalité des grandes plateformes numériques globales, des GAFAM (Google, Apple, Facebook devenu Meta, Amazon, et Microsoft) aux BATX (les quatre géants technologiques chinois : Baidu, Alibaba, Tencent, et Xiaomi). Ces géants collectent, traitent et analysent des milliards de données chaque jour, façonnant ainsi les comportements des individus, des entreprises et des gouvernements.

Pourtant, dans l’ombre de cette domination apparente, un phénomène inattendu est en train d’émerger : le réveil numérique du Sud global.

Le Sud Global : une force démographique et technologique en éveil

Les pays du Sud global, souvent perçus comme des acteurs secondaires de la mondialisation, possèdent en réalité des atouts considérables dans ce nouvel ordre numérique. Le premier, et sans doute le plus important, est démographique. L’Afrique, l’Asie du Sud, l’Amérique latine : ces régions concentrent une population jeune, connectée, et en pleine croissance.

Ce vivier d’utilisateurs et de créateurs de contenu devient un levier stratégique pour toutes les entreprises technologiques qui cherchent à étendre leur influence. D’ici une quinzaine d’années, ce sont ces marchés qui définiront les nouvelles tendances numériques, tant en matière de consommation que d’innovation.

Le second atout du Sud global est son agilité à embrasser les technologies mobiles et décentralisées. Dans de nombreuses régions d’Afrique et d’Asie, des millions de personnes, jusque-là exclues des systèmes financiers traditionnels, ont sauté l’étape des banques classiques pour adopter directement le mobile banking. M

-Pesa, en Afrique de l’Est, en est l’exemple le plus frappant : cette plateforme de paiement mobile a permis à des millions de personnes d’accéder à des services financiers de manière rapide, sécurisée et innovante. Il en est de même des succès rapides des applications de mobile banking D17 et Flouci en Tunisie, BaridiMob en Algérie ou Bankily en Mauritanie. Ce phénomène, que certains appellent « l’effet de saut technologique », démontre la capacité du Sud global à adapter des technologies à des contextes locaux spécifiques et à transformer des obstacles en opportunités.

Le rôle cntral des ressources naturelles

Un autre pilier de cet ordre numérique repose sur les ressources naturelles, en particulier celles nécessaires à la production des technologies. Le Sud global, longtemps exploité pour ses richesses minières, détient aujourd’hui les clés de l’économie numérique mondiale.

Les métaux comme les terres rares, le lithium, le cobalt, … indispensables à la fabrication des smartphones, des ordinateurs et des batteries électriques, se trouvent principalement dans les sols africains, sud-américains et asiatiques. Cette réalité confère à ces pays une nouvelle forme de pouvoir stratégique, encore peu exploité mais dont le potentiel est immense.

La gouvernance numérique : une opportunité pour le Sud

Si les pays du Sud global veulent véritablement peser dans ce nouvel ordre, ils doivent s’emparer d’un autre levier essentiel : la gouvernance numérique mondiale. Les grandes plateformes technologiques se développent dans un cadre réglementaire encore flou, où les règles sont souvent dictées par les intérêts des géants du Nord. Le Sud global, à travers des alliances régionales comme l’Union africaine ou l’ASEAN, doit saisir l’opportunité de participer activement à la définition des normes et des régulations internationales du numérique. Il s’agit non seulement de protéger leurs données, mais aussi de garantir une répartition équitable des bénéfices générés par ces nouveaux flux de valeurs.

Les débats autour de la taxation des multinationales technologiques, la protection de la vie privée, et l’utilisation de l’intelligence artificielle sont des enjeux qui affectent particulièrement les pays du Sud. En s’unissant pour défendre leurs intérêts communs, ils peuvent non seulement réduire la fracture numérique qui les sépare du Nord, mais aussi devenir les architectes de nouvelles règles du jeu.

Les défis et les opportunités

Le nouvel ordre international numérique, fondé sur l’essor des technologies décentralisées et l’accélération des flux d’informations, ouvre une voie inédite de financement pour les pays du Sud global. Autrefois contraints par les jugements souvent sévères des grandes agences de notation, ces pays voient désormais émerger des solutions alternatives qui leur permettent de contourner ces systèmes rigides.

A titre d’exemple, la tokenisation d’actifs, permise par les technologies blockchain, offre aux États la possibilité de fractionner et de numériser leurs ressources – qu’il s’agisse de terres, d’infrastructures ou de ressources naturelles – et de les rendre accessibles à un éventail mondial d’investisseurs.

Ce mécanisme fluidifie l’accès au capital en créant des marchés décentralisés où la transparence et la traçabilité des transactions sont garanties, réduisant ainsi le risque perçu par les investisseurs tout en offrant aux nations du Sud une flexibilité financière jusque-là impensable.

Au-delà de la tokenisation, d’autres mécanismes de financement innovants, tels que les plateformes de financement participatif ou les monnaies numériques émises par des banques centrales, redéfinissent les flux de capitaux vers ces régions.

En contournant les intermédiaires traditionnels et en s’appuyant sur la transparence numérique, ces pays peuvent attirer des investisseurs privés, des fonds de pension, des fonds de capital-risque et des partenaires institutionnels sans être soumis aux contraintes imposées par les agences de notation.

Ces nouvelles formes de financement décentralisé permettent non seulement de diversifier les sources de capitaux, mais aussi de renforcer l’indépendance financière de ces nations, tout en stimulant leur croissance.

Ainsi, le Sud global, en embrassant les outils du nouvel ordre numérique, se libère progressivement des schémas traditionnels de dépendance financière pour s’affirmer comme acteur autonome dans l’économie mondiale.

Bien sûr, ces nouvelles perspectives ne doivent pas occulter les défis auxquels sont confrontés les pays du Sud global. La fracture numérique reste profonde, avec des infrastructures inégales, un accès à Internet limité dans de nombreuses régions, et une éducation numérique encore trop insuffisante.

De plus, la concurrence mondiale dans le domaine de l’intelligence artificielle et des technologies de pointe impose une course à l’innovation dont les pays du Sud doivent impérativement s’emparer.

Cependant, l’histoire est jalonnée de périodes où des nations ont su, contre toute attente, s’élever à un niveau de puissance et d’influence inattendu. Le Sud global, fort de ses ressources humaines, naturelles et d’une créativité foisonnante, dispose de tous les atouts pour s’imposer dans cet ordre numérique.

Il leur faut pour cela des stratégies audacieuses, une mobilisation collective et des investissements massifs dans l’éducation et les infrastructures numériques.

Enfin, le nouvel ordre international numérique est encore en construction. Mais il est déjà clair que le Sud global y jouera un rôle majeur, à condition de saisir les opportunités offertes par cette révolution technologique. Ce qui soutient cet ordre, c’est la donnée, la connectivité et l’innovation.

Si les pays du Sud parviennent à s’organiser autour de ces nouveaux vecteurs de pouvoir, ils pourront non seulement combler le retard qui les sépare du Nord, mais aussi contribuer à redéfinir les règles d’un monde de plus en plus connecté, où la géographie physique cède la place à la géopolitique des flux digitaux.

L’avenir appartient à ceux qui sauront naviguer habilement dans ce nouveau monde numérique. Et le Sud global, loin d’être spectateur, peut en devenir l’un des acteurs principaux, façonnant l’avenir de la planète à travers sa jeunesse, sa créativité et sa capacité à innover. Le moment est venu de passer de la marge au centre de la scène mondiale.

Ould Amar Yahya

Economiste, Banquier et Financier

La fondation Tiregwa publie les noms des lauréats des prix littéraires de l’édition 2024

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Tiregwa

Les résultats de l’édition 2023-2024 des concours littéraires que la fondation Tiregwa organise chaque année sont enfin connus. Ils sont rendus publics via un communiqué diffusé depuis Ottawa (Canada), le 15 septembre 2024.

C’est l’une des rares fondations qui maintient le même cap avec constance depuis sa création. L’instauration de ces prix littéraires par la fondation Tirgwa et ses partenaires, a pour but d’encourager la création littéraire dans la langue amazighe.

Il s’agit du prix Belɛid At Ali de la meilleure nouvelle écrite en langue kabyle, organisé depuis 2012 ; du prix Racid-Alliche du meilleur roman (depuis 2014) ; du prix Tawes Amrouche de la littérature jeunesse depuis 2020 ; prix Fouroulou de la littérature biographique (depuis 2021) et enfin du prix Mohya de littérature traduction-adaptation en langue kabyle (depuis 2022).

Palmarès

Les membres du jury ont désigné l’écrivaine Liza  Serik gagnante de la 10ème édition du prix Rachid Alliche 2074/2024 avec son roman « Tasfift tessefsi tussaft » édité aux éditions Imtidad.

Liza Serik est une jeune romancière d’expression kabyle, âgée de 19 ans. Elle est originaire du village d’Iɣil Bulkadi, à Souk El Tenine, Maâtkas. Elle est lauréate du deuxième prix de la 18ème édition du Festival national de Poésie d’Expression amazigh Adrar n Fad. « Tasfift tessefsi tussaft » est son premier roman.

La onzième édition du concours Belaid-At-Ali de la meilleure nouvelle écrite en tamazight, organisée avec la collaboration de l’Association Tiwizi d’Amérique (USA) a connu un franc succès, tout comme les éditions précédentes. Les membres du jury ont désigné les lauréats suivants :

– 1er Prix : Larbi Yahioun, avec sa nouvelle “Deg yirebbi n waktayen“

– 2ème Prix : Djamal Mahroug, avec sa nouvelle “Taneggarut-is, d tamezwarut… »

– 3ème Prix : Achour Fetouche, avec sa nouvelle “Limer heddren iɣersiwen »

Les membres du jury de la cinquième édition du concours Taos-Amrouche de la meilleure littérature jeunesse écrite en tamazight organisée en collaboration avec l’Association culturelle amazighe d’Amérique (ACAA) ont désigné les lauréats suivants :

– Le Prix Taos Amrouche de 0 à 5 ans : Ccix Lyazid, avec son livre “Uccen d yizimer“.

– Le Prix Taos Amrouche de 6 à 10 ans : Fahim Mesɛuden, avec son livre “Taɣuri s wuraren“.

– Le Prix Taos Amrouche de 11 à 18 ans : Farida Bucali Idres, avec son livre “Tules-iyi-d setti Timucuha “.

– Le Prix Taos Amrouche de la bande dessinée : Younsi Belkacem, avec son livre “Wezru“.   

Le prix Tiregwa de la 4ème édition du prix de littérature biographique ou autobiographique en langue kabyle (Prix Fouroulou, anagramme de l’écrivain kabyle Mouloud Feraoun) est initié avec la collaboration de monsieur Yazid Djerbib pour récompenser les auteurs qui produisent dans ce genre littéraire est revenu à l’écrivain Manis Amrioui avec son roman “Talalit-iw Tis Snat” édité aux éditions Tiẓrigin « Axxam N Tmusni ».

Le prix Muhya de la 3ème édition dans le genre littérature traduction-adaptation, revient à l’écrivain Rabah Bouchneb pour sa trilogie « Ajajiḥ », « Aẓeṭṭa », « Axxam Ameqran », une traduction en kabyle des romans en français de « L’incendie », « Le métier à tisser » , « La grande maison »  de l’écrivain Mohammed Dib édité aux éditions « Sédia ».

La trilogie « L’incendie », « Le métier à tisser » et « La grande maison » de l’écrivain Mohammed Dib (1920-2003) était  la denière série de livres traduites par Rabah Boucheneb vers sa langue maternelle. 

La rédaction

La «route migratoire algérienne» vers l’Espagne de plus en plus empruntée

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En Espagne, les arrivées massives d’immigrants se poursuivent depuis l’Afrique occidentale vers l’archipel des Canaries. Une actualité qui accapare l’attention des médias, au point de reléguer au second plan une autre route migratoire, moins intense, mais de plus en plus utilisée. Celle des Algériens.

Elle est nommée la « route algérienne » et inquiète les autorités, qui ne savent pas comment l’endiguer. Selon l’ONG Acnur, 10 639 personnes sont arrivées via cette route en 2023, environ 8 000 cette année jusqu’à la fin du mois d’août. Près de 800 Algériens sont arrivés la première semaine de septembre sur les côtes espagnoles à bord de petites embarcations. Des jeunes, des enfants, des femmes… cette voie migratoire touche tous les âges. Jamais l’Algérie n’a connu autant de départs par ce moyen que depuis la fin des manifestations du  Hirak.

Le désespoir créé suite à la reprise en main autoritaire du pays et le manque de perspective politico-économiques sérieuses ont convaincu de milliers d’Algériens que le seul « salut » est l’exil… par tous les moyens.

La route algérienne correspond à l’ensemble des départs d’embarcations illégales depuis l’Algérie, surtout depuis quatre villes principales : Alger, Oran, Mostaganem, Chlef. Les points d’arrivée se trouvent sur la côte est de l’Espagne, à Almeria, ou au sud, jusqu’à Murcie, Alicante voire Ibiza, aux Baléares.

Ces embarcations sont appelées des pateras, elles sont en fibre, avec des moteurs de 40 à 60 chevaux. D’une capacité de dix personnes, elles sont souvent chargées jusqu’à 20. Les migrants paient entre 2 000 et 4 000 euros pour chaque traversée et le double quand les embarcations sont plus rapides, plus puissantes et plus sûres. Elles ne sont pas cependant sans risque de naufrage. 

La route algérienne, qui existe pourtant depuis 2006, est moins connue que celle qui rejoint les Canaries ou celle qui passe par le détroit de Gibraltar.

Depuis sa création, elle n’a pas cessé de gagner en importance et en intensité, puisque les départs de migrants depuis le Maroc sont de plus en plus surveillés par les forces de l’ordre, aussi bien côté marocain qu’espagnol.

En 2023, le leader socialiste Pedro Sanchez s’était retenu d’aller sur la question du Sahara occidental, et il semble qu’il y ait désormais moins de surveillance depuis le littoral algérien. Cela explique la hausse de l’affluence, d’autant que le long de ces côtes espagnoles, on a beaucoup de mal à intercepter les embarcations.

De source policière, on estime que la moitié des migrants arrivent à leur fin incognito. L’autre moitié est recueillie en mer ou bien meurt noyée, car ce point de passage est dangereux.  

Des centaines de morts par an 

Avec les tempêtes, les moteurs qui cassent, les naufrages, on estime que 500 migrants perdent la vie tous les ans. Pourtant, les départs sont à chaque fois plus nombreux. La plupart des migrants sont de jeunes algériens, qui ne sentent ni avenir ni espoir dans leur pays et qui tentent le tout pour le tout.

On dénombre de plus en plus de diplômés et de familles. Comme il n’y a pas d’accord de rapatriement entre l’Espagne et l’Algérie, ils restent sur le territoire espagnol puis rejoignent la France, pour une grande majorité.

De plus en plus de personnes originaires de pays sub-sahariens empruntent également cette voie, en particulier des Maliens, qui fuient les zones de conflit dans leur pays. 

Avec Rfi

Comment réagir à l’apartheid de genre?

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Afghanistan

Il ne semble pas y avoir actuellement de réponse mondiale cohérente à l’apartheid de genre grandissant que subissent les Afghanes et Iraniennes, malgré une condamnation de l’Organisation des Nations (ONU). 

Narges Mohammadi, prix Nobel de la paix 2023 a rédigé en décembre dernier un appel à ONU. Incarcérée dans la prison d’Evin, à Téhéran, elle demandait au secrétaire général des Nations unies, António Guterres, et aux représentants de ses États membres de criminaliser l’apartheid de genre. Le texte intitulé « L’apartheid de genre est un crime contre l’humanité » rendu public le 25 janvier a été publié en français dans des médias internationaux en mars.

Elle y donnait une vingtaine d’exemples des sévices que vivaient les femmes dans ce pays. En Iran, une femme ne peut obtenir un passeport ni voyager sans l’autorisation de son père ou son époux. Elles doivent être deux pour égaler le témoignage d’un homme en cours, et la vie d’un homme vaut le double de celle d’une femme.

La journaliste à France 2, Dorothée Olliéric, a affirmé en mars que les Afghanes subissaient aussi un apartheid de genre après s’être rendu une vingtaine de fois dans ce pays. Quelques mois plus tard, en juin, une jeune Afghane affirmait anonymement devant le Conseil des droits de l’homme à l’ONU que les femmes y étaient considérées comme des esclaves. Fin 2022, le ministère de la Propagation de la vertu et de la Prévention du vice a interdit aux Afghanes l’accès aux parcs et aux salles de sport. L’Afghanistan est le seul pays au monde où l’éducation des filles a été interdite après l’école primaire.

C’est cependant la promulgation en fin août d’une loi, de 87 pages en 35 articles pour « promouvoir la vertu et prévenir le vice », interdisant les relations amicales avec les non-musulmans, qui a mis le feu aux poudres. L’essentiel des restrictions de cette loi visait les femmes qui doivent maintenant être accompagnées d’un mâle de leur famille pour se déplacer. La ségrégation entre les sexes est exigée dans la plupart des lieux publics. La voix des femmes ne doit plus être entendue hors de leur domicile.

Le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a trouvé répugnant cet apartheid de genre. Selon lui, on ne parle plus de rigorisme, mais d’une persécution systématique des femmes. Le rapporteur spécial pour l’Afghanistan du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, Richard Bennett, affirme que la situation des femmes et des jeunes filles dans ce pays « était l’une des pires au monde ».

Réponses des talibans  

Le chef suprême de l’Afghanistan, Hibatullah Akhundzada, ne voit naturellement pas les choses de cet œil. Il affirmait en juin 2023 à l’occasion de l’Aïd al-Adha, que les femmes ont été « sauvées de l’oppression » par les talibans, que leur statut d’êtres humains libres et dignes avait été rétabli et que des mesures avaient été prises pour assurer une vie confortable et prospère aux femmes conformément à la charia. « Toutes les institutions ont été obligées d’aider les femmes à faire valoir leurs droits en matière de mariage, d’héritage et d’autres droits », commente le gouvernement afghan.

Les autorités d’Afghanistan ont aussi dénoncé fin août l’arrogance des Occidentaux qui ont condamné cette nouvelle loi. Elle est « fermement ancrée dans les enseignements islamiques », affirme dans un communiqué le porte-parole du gouvernement, afghan Zabihullah Moujahid. « Rejeter ces lois sans chercher à les comprendre est, selon nous, une expression d’arrogance », dit-il, soulignant que le fait pour un musulman de critiquer cette loi « pouvait même conduire au déclin de sa foi » et que l’oppression et la force ne seront pas utilisées lors de l’application de ces règles, ce qui devrait être fait avec ménagement, en faisant appel à la compréhension des gens, et en les guidant.

Réactions internationales

La réaction mondiale a été importante. Pas de « réintégration » de l’Afghanistan sans évolution sur les droits des femmes, insiste l’ONU. Pour l’UE, la reconnaissance du régime des taliban par les Européens ne pourra se faire que si Kaboul respecte pleinement ses obligations internationales et envers le peuple d’Afghanistan ». Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a affirmé à la mi-août que toute amélioration des relations avec les talibans est tributaire des droits des femmes. Actuellement, aucun pays n’a reconnu le gouvernement taliban.

La réaction négative à l’apartheid de genre vient de partout. Le CIO a contourné le gouvernement taliban lors des Jeux olympiques. En juin, il a annoncé qu’il avait pris des dispositions pour qu’une équipe spéciale de six athlètes représentant l’Afghanistan, à parité entre les hommes et les femmes, se rende aux Jeux olympiques de Paris. Ses membres ont été sélectionnés par le Comité international olympique (CIO) en consultation avec le Comité olympique afghan.

Richard Bennett a demandé en juin aux États membres de l’ONU d’examiner si l’apartheid de genre mis en place par les talibans à l’encontre des femmes pouvait constituer un crime international, tel que le crime contre l’humanité. Cette importante violation des droits humains ne serait pas reconnue par le statut de Rome de la Cour pénale internationale comme un crime international. Il demande donc aux États d’étudier cette question.

Un collectif d’associations et d’ONG demandait aussi le 10 septembre, deux ans après la mort le 16 septembre 2022 de Mahsa Amini, assassinée par la police des mœurs pour un voile mal porté, et à l’occasion du deuxième anniversaire du mouvement « Femme, vie, liberté », que la France se donner les moyens de condamner l’Iran. La République islamique s’attaque ces dernières semaines aux femmes et à la société civile, prononçant à la chaîne des condamnations à mort. Il y en aurait eu 29 pour le 7 août. Sont entre autres visées la militante féministe Varisheh Moradi, la syndicaliste Sharifeh Mohammadi et la militante des droits humains kurde, Pakhshan Azizi.

Le collectif demande au gouvernement français de mettre en œuvre tous les instruments diplomatiques à sa disposition pour que l’Iran ratifie les conventions internationales abolissant la peine de mort. Il voudrait que la France subordonne au respect des droits humains la poursuite des relations diplomatiques avec l’Iran, qu’elle travaille aussi au plan international pour la reconnaissance et la criminalisation de l’apartheid de genre et que soit facilitée l’obtention des visas humanitaires pour les Iraniens qui trouvent refuge en France. Accorder une protection spéciale aux Afghans qui le demandent est mise de l’avant au niveau mondial. En désespoir de cause, couper l’aide internationale fait aussi partie des possibilités. Cela viendrait cependant avec des risques pour la population afghane, vivant à 80 % sous le seuil de pauvreté.

Michel Gourd

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