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Aïda Amara : « Je sais d’où je viens »

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Aïda Amara
Aïda Amara. Photo © Pierre Saïah

Publié le 2 septembre 2025 aux Éditions Hors d’Atteinte, Avec ma tête d’Arabe est le premier roman dans lequel Aïda Amara remonte le fil de sa lignée pour affronter un traumatisme longtemps enfoui : celui des attentats du 13 novembre 2015.

Aïda Amara a accepté de revenir, pour Le Matin d’Algérie, sur cette plongée intime où se croisent la mémoire de son père né en Kabylie pendant la guerre d’indépendance, les silences de sa mère originaire d’Annaba et la trajectoire des siens au cœur de la colonisation, de l’exil et des violences politiques.

Journaliste et réalisatrice, Aïda Amara délaisse ici la distance professionnelle pour explorer, sans détour, la part la plus sensible d’une histoire familiale marquée par le racisme, les assignations identitaires, mais aussi par une transmission vivante, une dignité inébranlable et une résilience forgée par les mots et la mémoire. Elle a accepté cet entretien spécialement pour Le Matin d’Algérie.

Le Matin d’Algérie : Votre livre s’ouvre sur le traumatisme des attentats du 13 novembre 2015. Qu’est-ce qui vous a poussé à raconter cette expérience si personnelle sous la forme d’un roman ?

Aïda Amara :Le traumatisme du 13 novembre est arrivé plus tard dans mon processus d’écriture. J’ai commencé par m’interresser à mon histoire familiale, mon père est né et a grandit en Kabylie pendant la guerre d’indépendance, ma mère vient quant à elle, d’Annaba. C’est en fouillant dans leurs histoires que mon propre traumatisme a refait surface. Je ne pouvais pas raconter mon histoire, sans en parler.

Le Matin d’Algérie : Vous parlez de l’arabité comme d’un fragment de votre identité qui vous a été imposé après le traumatisme. Comment définiriez-vous ce que signifie être une femme arabe en France aujourd’hui ?

Aïda Amara : Je fais la distinction entre les identités qui me traversent (Française, Algérienne, Parisienne) et les assignations venant de l’extérieur, qui, qu’on le veuille ou non, rythment encore aujourd’hui le quotidien des enfants d’immigrés algériens en France. Je me garde bien de définir « la femme arabe en France » parce qu’elle n’existe pas pour moi. Il y a autant d’expériences d’« arabité » qu’il y a de femmes. Ce que nous partageons, en revanche, ce sont le racisme, les assignations, les clichés encore tenaces qui structurent notre expérience « d’Arabe en France », l’idée que nous serions encore un « autre », l’altérité au « nous » national.

Le soir des attentats, quand je témoigne auprès d’un policier, il me dit : «Ce n’est pas de votre faute », comme si je devais me sentir responsable des actes d’un « autre Arabe ». Les jours qui suivront seront du même registre : déchéance de nationalité pour les binationaux, injonction pour les « Arabes » à se désolidariser. Le climat est devenu étouffant.

Le Matin d’Algérie : La mémoire familiale et l’histoire de vos parents occupent une place centrale dans votre récit. Comment vos racines algériennes vous ont-elles aidée à surmonter vos traumatismes ?

Aïda Amara : Après la déflagration traumatique qu’ont été les attentats, j’ai eu besoin de me raccrocher à quelque chose de fort, de tangible. Comme un arbre chahuté par la tempête, je me suis raccrochée à mes racines, mes parents, et à travers eux, l’Algérie. J’ai récolté les récits familiaux que j’avais peur de voir disparaître, parce que, comme le répète souvent mon père, il est un homme de tradition orale. Je me suis intéressée à son enfance passée dans un camp de regroupement pendant la guerre d’indépendance, mais aussi à la vie de ma grand-mère Taous.

En me plongeant dans cette histoire, j’y ai trouvé des modèles de résilience, de dignité, qui m’ont donné la force d’affronter le racisme en France. J’ai aussi pris conscience que je n’étais pas la seule de ma famille à avoir subi la violence armée : ils l’ont vécue avant moi, à travers la guerre et la colonisation. Malgré cela, ils n’ont pas perdu leur capacité à aimer, à transmettre et à résister par les mots. Ma grand-mère Taous était connue pour sa répartie !

Le Matin d’Algérie : Vous êtes journaliste et réalisatrice avant d’être romancière. Comment ces expériences professionnelles ont-elles influencé votre écriture et votre regard sur les événements que vous racontez ?

Aïda Amara : Pour écrire ce roman, j’ai dû laisser la journaliste au placard. Je ne pouvais pas être dans une démarche détachée et analytique comme je le fais dans mes reportages. Je racontais mon histoire, celle de ma famille : c’était intime.

Cependant, je ne peux pas m’empêcher de toujours mettre en perspective ce que je vis. Quand je parle de mon expérience du racisme, ce n’est pas seulement pour me raconter, mais pour mettre un visage — parmi tant d’autres — sur une expérience partagée par des millions de Français.

Le Matin d’Algérie : Le roman explore la question des clichés et des préjugés liés à l’immigration et à l’arabité. Quel rôle espérez-vous que ce livre joue dans la discussion sur ces sujets en France ?

Aïda Amara : J’espère que ce livre pourra ajouter une goutte dans la mer des récits d’enfants issus de l’immigration algérienne en France. Montrer la diversité de nos vécus, ce qui nous rassemble aussi.

Le Matin d’Algérie : Vous racontez avec humour et acuité les micro-agressions du quotidien. Comment avez-vous appris à transformer ces expériences en force et en répartie ?

Aïda Amara : Cela me vient de mon père, qui le tient lui-même de sa mère, Taous. Elle disait en kabyle : « Soyez des agneaux à la maison mais des lions à l’extérieur ! »

Cette image, mon père me l’a transmise : on ne se laisse pas faire.

Face au racisme, on rend coup pour coup, avec les mots pour arme. Quand je lui rapporte une remarque raciste, il me demande toujours : « Qu’est-ce que t’as répondu ? » Enfant, en le voyant répondre aux micro-agressions, je n’avais aucun doute : l’ignorance venait d’en face. Je l’ai toujours vu moralement supérieur à ses agresseurs.

Le Matin d’Algérie : Violence et résilience sont des thèmes majeurs. Comment avez-vous trouvé l’équilibre entre réalité historique et narration romanesque ?

Aïda Amara : La partie sur l’Algérie coloniale est romancée, car je n’y étais pas. Chaque chapitre part d’un souvenir familial ; ensuite, j’ai dû créer, tout en faisant beaucoup de recherches. Quel était le quotidien d’un village kabyle pendant la guerre ? Qu’y mangeait-on ? Comment travaillait un forgeron dans les années 1940 ?

Pour les passages sur ma vie parisienne, chaque chapitre devait nourrir le récit. Avec le « je », je voulais éviter le journal intime. Je racontais une histoire de lignée, de transmission.

Le Matin d’Algérie : Votre histoire familiale traverse colonisation, guerre d’Algérie et décennie noire. Comment ces héritages influencent-ils votre perception de la France contemporaine ?

Aïda Amara : Tout ce que je sais de l’histoire entre la France et l’Algérie, je l’ai appris à la maison. À l’école, on en parle à peine.

Connaître cette histoire me permet de comprendre les restes coloniaux en France. Je suis moins chahutée par les clichés racistes : je sais d’où je viens.

A travers l’histoire de ma famille, je comprends mieux ce qui se joue aujourd’hui, notamment la nostalgie de « l’Algérie française » dans l’extrême droite.

Le Matin d’Algérie : Vous insistez sur la nuance et la multiplicité des identités. Comment souhaitez-vous que les lecteurs reçoivent ce message ?

Aïda Amara : Je suis binationale, donc multiple. Mon identité évolue sans cesse.

Comme une mosaïque, je suis faite de fragments : française, parisienne, avec une part d’Algérie, de Kabylie, d’Annaba.

Même dans ma famille, ma grand-mère kabylophone avait besoin d’un traducteur pour parler à ma mère arabophone. Elles étaient du même pays. Il est important de ne pas figer l’identité ni l’imposer aux autres. Accepter les identités plurielles nous enrichit.

Le Matin d’Algérie : Vous avez réalisé podcasts et documentaires sur la mémoire migratoire. En quoi prolongent-ils les thèmes du roman ?

Aïda Amara : Avec ma tête d’Arabe est un livre sur la lignée, avec ses silences. J’ai perdu ma mère jeune et avec elle sa parole.

J’étais déterminée à enregistrer l’histoire de mon père ; à travers lui, j’ai retrouvé celle de l’Algérie. Après mes podcasts, beaucoup d’enfants d’immigrés m’ont écrit pour dire qu’ils n’avaient jamais osé interroger leurs parents. Le silence est encore présent, par pudeur. La mémoire fait vivre le passé et nous ancre dans le présent.

Le Matin d’Algérie : Quels conseils donneriez-vous à ceux qui cherchent à comprendre ou préserver leur héritage familial ?

Aïda Amara : Écouter, enregistrer, écrire. La tradition orale est belle, mais fragile. Laisser des traces est essentiel pour les générations futures.

Le Matin d’Algérie : Quels projets littéraires ou médiatiques après ce roman ?

Aïda Amara : J’aimerais faire vivre ce livre en France et en Algérie, notamment à Annaba, la ville de ma mère. Puis me consacrer à d’autres récits mémoriels, en France et en Algérie.

Entretien réalisé par Djamal Guettala 

Aïda Amara est journaliste et réalisatrice. Née de parents algériens, elle grandit à Ménilmontant, dans le XXᵉ arrondissement de Paris. Après plusieurs années en journalisme télé, notamment pour France TV et Canal +, elle réalise le podcast Transmissions, consacré au parcours migratoire de son père, ainsi que Revenir, un documentaire sur son retour en Algérie. Elle anime également des ateliers d’écriture et de podcast auprès de jeunes avec les médias Le Bondy Blog et la Zone d’expression prioritaire.
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Boualem Sansal s’exprimera dimanche soir sur France 2

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Boualem Sansal

Après sa libération de la prison en Algérie et son retour en France, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal accordera sa première interview au journal de 20 heures, dimanche, et répondra aux questions de Laurent Delahousse.

Il a été gracié le 12 novembre par l’Algérie après un an de prison. L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal s’exprimera pour la première fois depuis sa libération, dimanche 23 novembre, dans le journal de 20 heures de France 2, a annoncé France Télévisions dans un communiqué. « Après sa libération et son retour en France [mardi], il accordera sa première interview à France Télévisions et répondra aux questions de Laurent Delahousse », a annoncé le groupe public.

Incarcéré en Algérie pendant un an pour certaines prises de position sur son pays natal, Boualem Sansal, 81 ans, a retrouvé la liberté le 12 novembre. Il a été gracié par le chef de l’Etat algérien Abdelmadjid Tebboune, qui a répondu favorablement à une demande des autorités allemandes. L’écrivain, qui était au cœur d’une crise diplomatique entre Alger et Paris, est rentré en France mardi, après avoir d’abord été transféré à Berlin pour des soins médicaux. Il a été reçu par Emmanuel Macron dès son retour.

Boualem Sansal « est conscient qu’il arrive dans un contexte profondément marqué par la difficulté de la relation franco-algérienne et que ce contexte pèse vraisemblablement sur son expression publique », a déclaré à l’AFP Arnaud Benedetti, fondateur de son comité de soutien, qui lui a parlé au téléphone vendredi. Selon Arnaud Benedetti, après France 2, Boualem Sansal devrait prendre la parole lundi à la radio et dans un quotidien national. 

Si Boualem Sansal a bénéficié de l’intervention du président allemand pour retrouver la liberté après une condamnation arbitraire à 5 ans de prison ferme, il reste encore dans les prisons algériennes près de 250 détenus d’opinion. Deux d’entre eux (Mohamed Tadjadit et Cherif Mellal) mènent depuis une semaine une grève de la faim. Le régime de la dyarchie Tebboune-Chanegriha a imposé un régime autoritaire, démantelant tous les leviers de l’Etat de droit.

La rédaction avec AFP

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Économie : le PIB ralentit légèrement au 2ᵉ trimestre 2025

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Importations
Les importations ont bondi. Crédit photo : DR

Selon la dernière note trimestrielle de l’ONS, le PIB de l’Algérie a enregistré une croissance de 3,9 % au deuxième trimestre 2025, contre 4,5 % au premier trimestre. Malgré ce léger ralentissement, la croissance reste supérieure aux niveaux des années précédentes, portée par les secteurs non pétroliers et le dynamisme de la demande intérieure.

Le PIB en valeur courante atteint 9 410 milliards de dinars, soit une progression de 5,1 % par rapport à la même période en 2024, avec une inflation modérée de 1,1 %.

Le secteur des hydrocarbures a connu une reprise limitée (+1,5 %), tandis que le commerce et l’électricité/gaz affichent des taux de croissance de 6,7 % et 9,7 % respectivement.

Les exportations totales ont légèrement progressé (+0,5 %), mais les importations ont bondi de 30,6 %, surtout dans les biens (+34,1 %). La consommation finale totale a augmenté de 3,7 %, soutenue par les ménages (+3,9 %) et les administrations (+3,1 %).

L’économie algérienne affiche ainsi une croissance solide mais prudente, avec un poids croissant des secteurs non pétroliers et un maintien du rôle moteur de la demande intérieure.

La rédaction

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Atmane Mazouz : « Si l’Algérie veut éviter le déclassement… »

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Atmane Mazouz, président du RCD
Atmane Mazouz, président du RCD. Crédit photo : Hamid Arab

Tribune. « Ces derniers jours, au fil des discussions pressantes avec des amis de divers horizons, des opérateurs économiques au bord de l’asphyxie et de citoyens déboussolés, incapables de faire face à la flambée des prix et à l’insécurité matérielle qui s’installe, un constat s’impose avec une force implacable : la dévalorisation du dinar n’est pas un simple indicateur technique. C’est le symptôme d’une gouvernance en déroute, d’un système qui a renoncé à piloter le destin économique du pays et qui se contente de gérer la survie au jour le jour.

Les entrepreneurs parlent désormais en termes de survie, non plus d’investissement ; les familles parlent d’arbitrages tragiques, non plus de projets. La monnaie, élément fondamental de la souveraineté, est devenue le baromètre d’un effritement plus profond : celui de l’État, de sa vision et de sa capacité à protéger sa population.

Il faut le dire sans détour : ce qui arrive au dinar face à l’euro et au dollar n’a rien d’une fatalité. La dépréciation continue résulte d’un mode de gouvernance fondé sur l’improvisation permanente, l’opacité décisionnelle et l’incapacité chronique à anticiper.

Le Projet de loi de finances 2026 en fournit une illustration éclatante.

Les recettes prévues y sont limitées à 8 009 milliards de dinars, alors que les dépenses explosent à 17 636 milliards, creusant un déficit abyssal équivalent à 12,4 % du PIB.

Un déséquilibre budgétaire d’une telle ampleur fragilise mécaniquement la monnaie nationale : un État incapable d’équilibrer ses comptes est un État qui dévalue.

Dans un pays où plus de 90 % des recettes en devises proviennent des hydrocarbures, fragiliser le dinar revient à fragiliser l’État lui-même. Les responsables politiques qui se félicitent du rebond ponctuel des prix du baril feignent d’ignorer que la structure de l’économie demeure inchangée depuis des décennies : une économie de rente, dépendante de l’extérieur pour s’alimenter, se soigner, produire et même se projeter.

Le PLF 2026 le confirme : 657 milliards de dinars sont encore nécessaires pour subventionner les produits de large consommation (céréales, lait, huile, farine), massivement importés. Chaque glissement du dinar renchérit ces importations, creuse la facture extérieure et alimente l’inflation.

L’État, pour maquiller ses déficits, joue sur la dépréciation monétaire comme on manipule un artifice comptable. Le gonflement artificiel des recettes en dinars issues des exportations d’hydrocarbures, par le simple jeu du taux de change, n’est pas une stratégie économique : c’est un leurre. Dans le PLF 2026, la masse salariale représente 33,6 % du budget, soit 5 926 milliards de dinars, preuve qu’une grande partie des ressources sert à maintenir une administration hypertrophiée plutôt qu’à investir dans la création de richesse. Le reste est absorbé par les transferts sociaux, qui atteignent 2 812 milliards de dinars, dont plus de 420 milliards pour l’allocation chômage et 424 milliards pour les retraites. Tout cela pour soutenir une société affaiblie, mais sans créer les conditions de sa résilience.

La Banque d’Algérie, qui devrait être le dernier rempart contre l’arbitraire, n’est plus qu’une chambre d’exécution. Son absence d’indépendance et le silence opaque qui entoure ses décisions privent le pays d’un outil essentiel de stabilisation.

Lorsqu’une banque centrale cesse d’être un acteur crédible pour devenir un instrument politique, la monnaie cesse d’inspirer confiance. Et lorsque la confiance disparaît, toutes les digues cèdent.

Dans les marchés et les foyers, cette crise se traduit par une inflation brutale. L’essentiel des produits étant importés, chaque glissement du dinar entraîne mécaniquement une hausse des prix. Le PLF 2026 table sur une croissance de 4,1 %, présentée comme la preuve d’un redressement hors hydrocarbures.

Mais cette projection repose davantage sur la communication que sur une dynamique réelle : aucune politique industrielle structurée, aucune stratégie agricole souveraine, aucune vision pour l’innovation.

Le pari gouvernemental sur une croissance « non pétrolière » relève davantage du vœu pieux que de la planification.

Pendant ce temps, l’informel prospère. Le fossé entre le taux officiel et le taux parallèle des devises traduit une vérité simple : les Algériens ne croient plus en la valeur de leur monnaie. Et comment pourraient-ils y croire quand l’économie formelle est accablée par l’arbitraire administratif, l’instabilité réglementaire et l’absence de visibilité ?

Depuis plus de vingt ans, l’Algérie est privée d’une vision économique cohérente. Les institutions qui devraient contrôler, réguler, alerter ou corriger ont été neutralisées. Le Parlement n’exerce aucun contre-pouvoir réel. La Cour des comptes est muselée. Les autorités de régulation sont devenues symboliques. Dans ce contexte, les dépenses publiques sont orientées selon des priorités politiques, non économiques.

Ainsi, pour la quatrième année consécutive, plus de 20 % du budget général est consacré à la défense. Sans débat, sans transparence. Un choix qui dit tout : préserver le système avant de préserver la société.

Dans un tel paysage, comment s’étonner que la confiance internationale se soit effondrée ? L’opacité totale qui entoure les conditions d’investissement, l’arbitraire des décisions administratives, l’instabilité fiscale et réglementaire éloignent les partenaires sérieux. Le pays se retrouve isolé au moment même où sa monnaie se dégrade et où son économie s’étouffe.

Ce qui se joue aujourd’hui n’est pas un simple débat technique sur la valeur du dinar : c’est un enjeu de sécurité nationale. Une monnaie qui s’effondre affaiblit l’État, ses institutions et sa souveraineté. Plus le dinar chute, plus le pays dépend des financements extérieurs, des importations vitales, du bon vouloir de ses partenaires. Une trajectoire dangereuse pour un pays doté de ressources considérables, mais incapable d’en faire un moteur de prospérité.

Face à cette situation, il faut rappeler que la stabilité d’une nation ne repose ni sur des manipulations monétaires ni sur des artifices comptables.

Elle repose sur la transparence, sur l’État de droit, sur des institutions solides et sur la création de richesse. Redresser le dinar exige une réforme profonde de la gouvernance économique, une indépendance réelle de la Banque d’Algérie, un investissement massif dans la production nationale, et une réorientation des dépenses publiques vers l’avenir plutôt que vers la survie.

La dévalorisation du dinar est le miroir d’un système politique à bout de souffle, incapable de se réformer, sourd aux alertes, détaché des réalités vécues par le peuple. C’est un avertissement majeur : un pays qui laisse glisser sa monnaie sans stratégie laisse glisser avec elle sa stabilité, sa cohésion et sa souveraineté.

Si l’Algérie veut éviter le déclassement, elle doit ouvrir sans délai la voie à un changement de gouvernance, à une transition démocratique et à une modernisation économique capable de répondre aux attentes de ses citoyens comme aux défis du monde. L’heure n’est plus aux expédients ni aux discours rassurants. L’heure est à la vérité, à la responsabilité et au courage politique.

C’est la survie du pays qui se joue maintenant.

Atmane Mazouz 
Président du RCD

Cette tribune nous a été envoyée par son auteur.

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Marseille : la librairie Transit dénonce une campagne diffamatoire après la soirée du 12 novembre

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La librairie Transit
La librairie Transit. Crédit photo : Le Matin d'Algérie

Dans un communiqué publié le 20 novembre 2025, la librairie Transit, à Marseille, revient sur les incidents survenus lors de la présentation du livre Le sionisme, une invention européenne, organisée le 12 novembre en partenariat avec le collectif Tsedek, en présence de l’autrice Sonia Dayan-Herzbrun et du réalisateur Eyal Sivan.

La librairie Transit explique que la soirée a été « momentanément perturbée » par un petit groupe de manifestants. Ces derniers, malgré leur revendication de lutter contre l’antisémitisme, ont refusé l’expression de voix juives critiques de la politique du gouvernement israélien menée par Benjamin Netanyahou.

Selon la librairie, ce même groupe mène depuis une « campagne d’insultes et de calomnies » sur les réseaux sociaux, allant jusqu’à associer Transit à des accusations aussi graves que le nazisme ou l’antisémitisme. Des attaques que la librairie qualifie d’« ignobles ».

Transit rappelle dans son texte que ses principes reposent sur un engagement clair contre toutes les formes de racisme — qu’il s’agisse d’antisémitisme, d’islamophobie ou d’autres discriminations. Elle affirme qu’elle « ne se laissera pas intimider » et qu’elle poursuivra son travail éditorial en accueillant les auteurs et les ouvrages qu’elle juge nécessaires.

Soutien des adhérents

En tant qu’adhérents, nous exprimons notre solidarité pleine et entière avec la librairie Transit. Nous soutenons son engagement constant pour la liberté d’expression, la pluralité des voix et la lutte contre toutes les formes de racisme. Nous dénonçons les tentatives d’intimidation dont elle fait l’objet et réaffirmons notre confiance dans le rôle indispensable qu’elle joue au sein de la vie culturelle marseillaise.

Mourad Benyahia 

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Dominique Hamdad-Vitré : « Parler plusieurs langues c’est habiter plusieurs mondes intérieurs »

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Dominique Hamdad-Vitré
Dominique Hamdad-Vitré/ Crédit photo : DR

Entre les déchirures de l’histoire et les élans du cœur, Le fils de la Française, odyssée d’un natif de Kabylie, publié par Dominique Hamdad-Vitré le 31 juillet 2025 dans la collection Graveurs de Mémoire — raconte bien plus qu’un parcours individuel : il révèle ce que signifie grandir dans les fractures laissées par la colonisation, l’exil et les identités qui se cherchent.

Dans ce récit courageux, Dominique Hamdad-Vitré ne se contente pas d’évoquer la Kabylie et la France comme deux territoires géographiques : il en fait deux forces qui tirent, bousculent, forgent, et parfois blessent.

Entre une enfance façonnée par les montagnes kabyles et un destin qui se déploie en Europe, il interroge les silences familiaux, les migrations forcées, les amours impossibles et les contradictions d’un pays qui accueille mais qui exige souvent qu’on se renie. Son livre s’inscrit dans cette zone sensible où la mémoire intime rencontre la mémoire collective, où l’on comprend que chaque identité née dans l’entre-deux est un combat quotidien, mais aussi un espace d’invention et de résistance.

Le Matin d’Algérie : Votre livre raconte un parcours entre la Kabylie et la France. Comment décririez-vous ce double enracinement et l’impact sur votre identité ?

Dominique Hamdad-Vitré : Je vis ce double enracinement comme une tension créatrice, mais aussi comme une source de richesse. Être à la fois kabyle et français, c’est vivre entre deux histoires, deux langues, deux imaginaires. Loin de me diviser, cela m’a offert une vision élargie du monde. J’ai longtemps cherché à réconcilier ces deux parts de moi avant de comprendre qu’elles ne demandaient pas à être unifiées, mais simplement écoutées et honorées.

Le Matin d’Algérie : Dans votre récit, l’enfance en Algérie occupe une place centrale. Quels souvenirs ont le plus marqué votre regard sur le monde ?

Dominique Hamdad-Vitré : Les souvenirs qui m’habitent encore aujourd’hui sont ceux de la terre et des odeurs. Je me souviens des longues journées rythmées par la lumière en été et par la neige sur les montagnes en hiver. Cette lumière organisait le temps et façonnait mon regard, m’apprenait à m’émerveiller des choses simples. Elle m’a aussi très tôt sensibilisé aux blessures de l’Histoire.

Le Matin d’Algérie : Vous évoquez les silences et les non-dits familiaux. Comment ces expériences ont-elles façonné votre rapport à la mémoire et à l’écriture ?

Dominique Hamdad-Vitré : L’écriture est devenue pour moi un acte de réparation, un espace où les ombres pouvaient parler. Écrire, c’est rendre audible ce que l’histoire familiale n’a pas su, ou pas pu, nommer.

Le Matin d’Algérie : L’adolescence et la découverte de l’Europe constituent un tournant. Que représente pour vous ce passage vers un monde plus vaste ?

Dominique Hamdad-Vitré : Cela a été un moment de vertige, mais aussi de libération. Découvrir l’Europe, c’était m’arracher à mes repères initiaux, élargir mes horizons, questionner mes croyances. C’était aussi prendre conscience de mon altérité. Ce déplacement géographique a provoqué un déplacement intérieur, me permettant de me confronter à moi-même autrement, avec plus de lucidité, mais aussi plus de tendresse.

Le Matin d’Algérie : L’amour et la rencontre en Autriche jouent un rôle important dans votre odyssée personnelle. Pouvez-vous nous parler de ce que ces expériences vous ont apporté ?

Dominique Hamdad-Vitré : C’est une histoire d’amour fulgurante, qui a laissé en moi une trace à la fois lumineuse et incandescente. Un amour interdit, traversé de contraintes et de choix douloureux, mais porteur d’une intensité rare. Il incarnait toute la complexité de ces rencontres qui bouleversent une vie, entre passion, beauté et souffrance. Cet amour m’a aidé à grandir, à aimer avec plus de justesse et de vérité. Il marque un point de bascule dans ma quête d’identité.

Le Matin d’Algérie : Votre parcours professionnel en France, entre enseignement et ingénierie, semble intimement lié à votre réflexion sur l’identité et la transmission. Comment conjuguez-vous ces deux dimensions ?

Dominique Hamdad-Vitré : Mon parcours a toujours gravité autour de l’humain et de la transmission. De conseiller d’éducation à enseignant, chaque étape m’a permis de comprendre que l’éducation dépasse le cadre scolaire : elle touche à la construction de soi. Ma formation scientifique m’a apporté la rigueur, mais c’est dans la relation pédagogique que j’ai trouvé ma véritable vocation. Transmettre, pour moi, c’est relier les savoirs, les cultures et les générations.

Le Matin d’Algérie : Vous êtes un polyglotte et un passeur de cultures. Quel rôle la langue et la communication ont-elles joué dans votre cheminement ?

Dominique Hamdad-Vitré : Les langues ont été des clés. Elles m’ont permis de créer des ponts, de décoder les nuances, de faire entendre ma voix. Parler plusieurs langues, ce n’est pas seulement maîtriser des codes, c’est habiter plusieurs mondes intérieurs. Cela m’a permis de ne pas être prisonnier d’un seul récit. Chaque langue m’a apporté une manière différente d’aimer, de penser et de rêver.

Le Matin d’Algérie : L’exil et la résilience sont des thèmes récurrents dans votre livre. Comment avez-vous appris à transformer blessures et silences en force ?

Dominique Hamdad-Vitré : Par l’écoute, l’introspection et le refus de la victimisation. J’ai compris que mes blessures portaient une énergie qu’il me fallait orienter. La résilience est née du choix de ne pas renier mes douleurs, mais de les transformer en matière vivante. Les silences ne m’ont pas réduit au mutisme ; ils m’ont poussé à créer une parole habitée.

Le Matin d’Algérie : Votre écriture explore le lien entre mémoire et humanité. Comment percevez-vous le rôle de la littérature dans la compréhension des trajectoires personnelles et collectives ?

Dominique Hamdad-Vitré : Issu d’une formation scientifique, je ne viens pas du monde littéraire. Mon rapport à la langue s’est d’abord forgé dans l’exactitude, la logique et le concret. Ce n’est que plus tard, en m’ouvrant à la littérature et à la philosophie, que j’ai découvert une autre dimension du langage : celle de l’intériorité, de la nuance et du questionnement. C’est cette rencontre tardive avec les mots qui m’a donné envie d’écrire. Les langues que je parle – kabyle, français, arabe, anglais, allemand – m’ont permis de naviguer entre les cultures, de m’adapter, mais aussi de porter en moi plusieurs voix, plusieurs mémoires. La communication, pour moi, n’est pas qu’un outil : c’est un pont. Un pont entre les mondes, les générations, les blessures et les espérances.

Le Matin d’Algérie : Quels conseils donneriez-vous à ceux qui, comme vous, naviguent entre plusieurs cultures et tentent de trouver leur place ?

Dominique Hamdad-Vitré : Je leur dirais de ne pas chercher à trancher entre leurs identités, mais de les accueillir toutes, même lorsqu’elles semblent contradictoires. De transformer la fracture en ressource. La complexité n’est pas un obstacle, c’est une richesse. Il ne s’agit pas de choisir, mais d’harmoniser. D’oser être soi, pleinement, même si cela dérange les cases prédéfinies.

Le Matin d’Algérie : En écrivant ce récit, avez-vous découvert des aspects de vous-même que vous ignoriez ?

Dominique Hamdad-Vitré : Oui. L’écriture a été un miroir révélateur. Elle a fait émerger des émotions que j’avais enfouies, des souvenirs que je croyais oubliés. Elle m’a permis d’entrer en dialogue avec mes rêves, mes ancêtres et mes contradictions. J’ai découvert en moi une force de réconciliation que je n’imaginais pas. Et aussi une capacité à aimer le passé, même dans ses zones d’ombre.

Le Matin d’Algérie : Si vous deviez résumer en une phrase ce que vous souhaitez transmettre à vos lecteurs à travers Le fils de la Française, que diriez-vous ?

Dominique Hamdad-Vitré :Je dirais : il est possible de faire de ses racines un envol, de ses blessures une lumière, et de son histoire un pont vers l’autre.

Entretien réalisé par Djamal Guettala 

Dominique Hamdad-Vitré

Ingénieur électronicien et enseignant à Paris depuis plus de trente ans, Dominique Hamdad-Vitré est issu d’une double culture franco-kabyle. Polyglotte et passionné par la transmission, l’écriture et la réflexion politique, il a été distingué par les Palmes académiques. Son œuvre explore les liens entre identité, mémoire et humanité.
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Pourquoi notre société est-elle devenue si agressive ?

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Arrestation d'un délinquant par des gendarmes.
Arrestation d'un délinquant par des gendarmes. Crédit photo : APS

Il suffit aujourd’hui d’un mot, d’un geste banal ou d’un simple regard pour que tout explose.

Dans la rue, sur la route, au travail, dans nos cités, même dans les familles : la tension est permanente, la nervosité omniprésente. Beaucoup disent : « Le peuple est devenu nerveux. » Mais cette nervosité n’est pas née du vide.

Je suis convaincu que la décennie noire a laissé en nous des séquelles morales et psychologiques d’une profondeur inouïe. Pendant ces années sombres, nous avons vécu sous la peur, la suspicion, la mort quotidienne.

Nous avons appris à nous méfier de tout : du voisin, du passant, du bruit au coin de la rue. Nous avons appris à faire taire nos émotions, à contrôler nos gestes, à étouffer nos colères pour survivre.

Ces traumatismes, jamais réellement nommés, jamais soignés, sont restés là — silencieux mais vivants. Aucune politique nationale de reconstruction psychologique n’a été menée.
Aucune écoute collective, aucun espace de parole. On a voulu tourner la page sans jamais la lire.

Des images qui ravivent un passé douloureux

Ces dernières années, les réseaux sociaux ont ajouté une couche supplémentaire à ce malaise national. Chaque semaine, nous voyons circuler des vidéos d’une violence extrême : des hommes armés de couteaux, de sabres, des scènes de règlements de comptes d’une brutalité inouïe, parfois même l’usage d’outils comme des compresseurs pour torturer des victimes.

Ces images réveillent brutalement les souvenirs de la décennie noire, ces années où la vie humaine valait si peu. Elles ravivent les traumatismes enfouis, renforcent la peur, normalisent la violence.

Une agressivité devenue langage courant

Ce passé non traité a façonné une génération entière.
Ceux qui ont grandi dans les années 90 ont transmis, souvent sans le vouloir, leur anxiété, leur méfiance, leur dureté.
Aujourd’hui, l’agressivité s’est installée dans le quotidien :
• dans les échanges dans les files d’attente,
• dans la conduite en ville,
• dans les interactions administratives,
• dans les discussions politiques et familiales.

À cela s’ajoute l’effondrement de certaines valeurs traditionnelles :
– l’école qui ne joue plus son rôle d’éducation citoyenne,
– les institutions qui peinent à inspirer confiance,
– la société de consommation qui impose l’individualisme,
– la compétition pour exister qui transforme chaque interaction en lutte.

Quand tout devient combat, la violence devient le langage naturel.

Peut-on guérir collectivement ?

La question essentielle n’est pas : « pourquoi sommes-nous devenus agressifs ? » Elle est : «Comment sortir de cet héritage traumatique que nous n’avons jamais affronté ? »

Nous avons besoin :
• d’une véritable politique de guérison collective,
• d’espaces de parole,
• d’éducation au respect et à la gestion des conflits,
• de revalorisation du lien social,
• d’un travail de mémoire sur cette décennie qui a brisé notre société.

Ce n’est pas de la nostalgie. C’est une nécessité pour reconstruire un vivre-ensemble fragilisé.

Sommes-nous condamnés à rester les héritiers d’une époque violente que nous n’avons jamais su dépasser ? Ou pouvons-nous, enfin, affronter nos cicatrices invisibles pour reconstruire un avenir plus apaisé ?

Ces questions ne concernent pas seulement notre passé, elles déterminent ce que nous voulons devenir.

Aziz Slimani

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Tommy Recco, l’homme ayant passé le plus de temps en prison en France, est mort à 91 ans

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Tommy Recco
Tommy Recco, criminel récidiviste, mort à 91 ans. Crédit photo : DR

Tommy Recco, de son vrai nom Joseph‑Thomas Recco, est mort à l’âge de 91 ans à l’hôpital de Marseille le 20 novembre 2025, mettant fin à l’histoire d’un criminel devenu une figure tristement emblématique du système carcéral français.

Originaire de Corse, Recco détient le record du détenu ayant passé le plus de temps derrière les barreaux en France, avec plus de 55 ans d’incarcération cumulés, répartis sur deux périodes distinctes.

La première période commence dans les années 1960. Condamné en 1962 pour le meurtre de son parrain, il purgera sa peine jusqu’en 1977. À sa sortie, il bénéficie d’une certaine liberté, mais replonge rapidement dans la criminalité, donnant lieu à une seconde vague de crimes particulièrement violents.

En décembre 1979, Recco tue trois caissières d’un supermarché à Béziers, un meurtre qui choque l’opinion publique par sa brutalité et son caractère prémédité. Quelques semaines plus tard, en janvier 1980, il commet un autre crime terrible à Carqueiranne, tuant une fillette de 11 ans, son père et leur voisin. Ces actes lui valent une condamnation définitive à la réclusion criminelle à perpétuité, peine qu’il purgera jusqu’à sa mort.

Tout au long de sa détention, Recco a nié ces meurtres, multipliant les demandes de libération conditionnelle, qui lui ont toutes été refusées. Ses requêtes répétées et son long séjour en prison ont suscité un intérêt médiatique considérable, faisant de lui un symbole de la gestion des peines longues et des détenus dits « dangereux » dans le système judiciaire français.

Au fil des années, son état de santé s’est détérioré, ce qui a motivé son transfert vers un établissement pénitentiaire près d’Aix‑en‑Provence, puis son hospitalisation à Marseille, où il est finalement décédé de causes naturelles. Sa mort clôt un parcours exceptionnel par sa longueur et marqué par des crimes particulièrement violents, qui ont durablement marqué l’opinion publique et laissé une trace dans l’histoire criminelle française.

Tommy Recco laisse derrière lui le souvenir d’une trajectoire sombre et complexe, entre récidives meurtrières et décennies de prison. Son parcours interroge à la fois sur la nature de la criminalité violente, la gestion des détenus à long terme, et les limites du système de réinsertion en France. Il reste ainsi une figure emblématique, inquiétante et fascinante, du paysage pénal français du XXe siècle.

Mourad Benyahia

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Macron évoque une possible reprise du dialogue avec Alger : avec « respect et exigence »

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Macron Tebboune
Macron invite Tebboune-à paris

En conférence de presse au G20 de Johannesburg, Emmanuel Macron a évoqué une possible relance des relations franco-algériennes. Tout en reconnaissant une situation  » insatisfaisante  » de part et d’autre, le président français mise sur une reprise progressive du dialogue, fondée sur le « respect » et « l’exigence ».

On est donc loin des déclarations enflammées. Les liens se fond recoudre avec des trésors de prudence non dénuée de méfiance décidément. En marge de l’ouverture du Sommet du G20 à Johannesburg, Emmanuel Macron s’est exprimé sur la perspective d’une reprise des relations diplomatiques entre la France et l’Algérie. Interrogé  sur l’absence d’Abdelmadjid Tebboune a ce Sommet auquel il devait participer et sur l’état du dialogue bilatéral, le président français a défendu une approche méthodique et dédramatisée.

Emmanuel Macron a rappelé que la relation reste prise en étau entre les agendas politiques internes des deux pays : « Beaucoup veulent transformer le lien franco-algérien en un sujet de politique domestique. Si l’on laisse ces logiques de part et d’autre faire l’agenda, on n’avance pas. » Le président français s’adresse là à la droite et l’extrême droite qui ont fait de la question algérienne leur mantra politicien pour gagner les faveurs d’un électorat anti-immigration.

Le chef de l’État français revendique une méthode constante fondée sur le « respect et l’exigence ». Le respect, conseille-t-il, parce qu’« on n’obtient rien en insultant son interlocuteur » ; l’exigence, parce que la situation demeure insatisfaisante sur plusieurs dossiers — sécurité, migrations, économie. On est là bien loin des déclarations comminatoires de son ancien ministre de l’Intérieur, un certain Bruno Retailleau.

Le président français a confirmé avoir lancé, « il y a plusieurs semaines », un processus de reprise technique du dialogue : réunions entre directeurs d’administration, consultations entre secrétaires généraux des affaires étrangères, puis rencontres ministérielles à venir.

Selon lui, ces mécanismes commencent à produire des « premiers résultats », citant notamment la réouverture de la Voie mécanique.

Echaudé, Emmanuel Macron appelle néanmoins à la prudence et à la constance : « Il faut de l’humilité et du respect. C’est un sujet que nous devons régler, au moment où les conditions seront réunies pour obtenir des résultats. » Puis le président français précise : « Il y a donc un processus que j’ai décidé en réunissant les ministres et les services concernés il y a plusieurs semaines, c’est celui qu’on applique. Il a conduit à des réengagements de discussions et c’est comme ça qu’on re-prépare, qu’on re-déclenche les choses. Je constate qu’on a déjà eu des premiers résultats, et la libération de Boualem Sansal est un premier résultat dont il faut se féliciter. Maintenant, il faut avoir beaucoup de constance et je le dis, d’humilité et de respect. Et pour moi, c’est un sujet qu’on doit régler ».

Une manière d’indiquer que la normalisation du dialogue politique dépendra de ces avancées préalables — et qu’elle ne peut être précipitée. Très affaibli à l’intérieur, Emmanuel Macron joue le démineur et la prudence. Long sera manifestement le sentier de la normalisation des relations entre les deux capitales.

La rédaction

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Belaïd At Ali : Aẓidan d umerẓagu (Tazmamt n°6, asebter 221)

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Belaïd At Ali Les cahiers de Belaid ou la Kabylie d'antan
Belaïd At Ali Les cahiers de Belaid ou la Kabylie d'antan. Crédit photo : Le Matin

Illa di zman n zik yiwen umexluq, d argaz ameqqran, d amussnaw irna yekseb d ayen ur nferru. Netta ɣur-s yiwen mmi-s. Mmi-s nni mazal-it cwiṭ meẓẓi. Lamaâna, deg wakken iwala iman-is umɣar-nni qrib ad immet, ifra d yiman-is ad as-yefk rray seg imir-nni, ur yurǧi ass aneggaru. Walakin inna-yas, welleh ar alamma jerrbeɣ-t.

Ass-nni, ihi, tameddit, akken di mi ččan imensi, zzin i ukanun, ilaɛi-t :

– A mmi, tura waqila tewḍeḍ d argaz. Llah ibarek. Nekkini ur yi-d-mazal ara, meqqreɣ, irna aâyiɣ, daɣ netta ilaq ad tebduḍ ad tsewqeḍ ɣef uxxam, meskud ddreɣ i wakken ma yella kra ur tessineḍ ara ad ak-t-mleɣ.

Inna-yas uqcic :

– Yirbeḥ a baba.

Iṭṭef umɣar, inna-yas :

– Ihi, tura ad tebduḍ deg wayen isehlen. Azekka ma nedder, d ssuq. Aɣ idrimen, ruḥ sewweq-aɣ-d d keč ; ad ak-wessiɣ kan, awi-yaɣ-d ayen tufiḍ ẓid.

– Amek ? Ayen ufiɣ ẓid ?

– Ih, ayen tufiḍ di ssuq ẓid, aɣ-aɣ-t-id

Inna-yas uqcic,

– Yirbeḥ a baba.

Azekka-nni sbeḥ, ikker uqcic, ibges ɣef yiman-is, iṭṭef abrid ɣer ssuq. Sakin, segmi yeffeɣ seg uxxam netta yettxemmim, yettḥebbir, amek a sidi Rebbi ara yexdem, dacu n ssuq ara isewweq, ladɣa dacu n lḥaǧa-agi ẓiden i yas-ilaqen ad tt-id-yaɣ.

Issen baba-s, iẓra seg wass-nni kan ara yettkel fell-as neɣ ara t-iḥqer. Iẓra-t d win d-ijebbden lmaâna di cwiṭ. Ileḥḥu, iteddu ɣer ssuq, ittnadi, isseḥsab di lxaṭer-is, armi yeqḍaâ yiwet terbaât i d wi-yeddukel, i d wi-yemmejbed lhedra, isi yettu aɣbel-is. Akken di mi yewweḍ ɣer ssuq, ikcem iffeɣ di tḥuna, di leqhawi, di rreḥbat. Imlal-d akked yeḥbiben-is, ihder d umecṭuḥ d umeqqran. Iqqim akked imussnawen, iḍsa deg yaâggunen. 

Akken lḥasun armi ttqarib d tameddit, am win ara t-id-iwten s ubeqqa, iṭṭef-itt d tazzla ɣur igezzaren, yaɣ-d yiwen yiles, yawi-t-id di tsaâleqt, iṭṭef-d abrid dɣa syen s axxam. Iwweḍ-d, yuɣ lḥal, a tilawin, yemma-s akked tmeṭṭut-is, ar t-ttraǧunt am aggur n lɛid. Nnant-as : Mi d ssuq-is amezwaru, ar d aɣ-d-yawi d alebaâḍ n texxamin n uksum uɣelmi is ara aɣ-tewwet tmagart.

Armi d taneggarut, issers-d sdat-sent iles, iles weḥd-s ! Irna, iḥun Rebbi, iwessa-t umɣar ad d-yawi ayen ẓiden ! Ma d amɣar-nni yessusem kan, ur d-inni zzant wala rɣant. Sewwent iles-nni, ččan imensi amzun kra ur illi. Wa ur inni i wa. Azekka-nni, mkul wa yaâna ccɣel-is. Amɣar irra iman-is am akken yettu, ma d aqcic ittraǧu ad t-id-ilaɛi baba-s.

Tezzi-d ddurt, azekka-nni diɣen d ssuq, yaâwed inna-yas :

– Azekka diɣen ruḥ ad d-tsewwqeḍ d keč. Lamaâna abrid-agi ṭṭalabeɣ deg-k ad aɣ-d-tawiḍ d ayen rẓagen. Ih, ayen tufiḍ d amerẓagu di ssuq, awi-yaɣ-t-id.

Inna-yas uqcic :

– Yirbeḥ a baba.

Ssuq-nni amezwaru, yuɣ lḥal yesaâ sebba is d-yuɣ iles. Daɣ netta ihegga ara yehder i baba-s lukan di yas-d-ijbid awal. Wamma tikkelt-agi tis snat yettuaâwweq s tidet. Iteddu diɣen ɣer ssuq, yesaâttib tamelɣiɣt-is : « a Rebbi d acu rẓagen di ssuq ? ». Lamaâ ikkat s wa, ijebber s wa. 

Ikcem diɣen talemmast n ssuq, iṣubb, yuli, ikcem iffeɣ di mkul amkan i yessen, mazal ur yufi ayen iɣef ittnadi. Akken ttqarib d tameddit armi yas-iḍher lɣaci n ssuq yenhewwal, la ttazzalen medden ɣer yiwen umkan, zzin i wissen dacu. Mkul wa la s-iqqar « Ayyaw ad teẓrem ! », yazzel-d ula d netta ɣer dinna, yesteqsa yiwen, « dacu yeḍran ? », inna-yas-d winna : « d yiwen i yewwten wayeḍ »… « Acimi t-inɣa ? »… « d rregmat kan i t-irgem wagi akka yemmuten, dɣa wayeḍ inɣa-t ?! »… « Amek d rregmat kan i t-irgem, d awal kan i s-inna, dɣa yewwi rruḥ-is ?!… « Anaâm ih, d awal kan ». Iqqim uqcic, dɣa dinna am win iseraân, am win tewwi tnafa. Ittu diɣen mkullec… Armi… am win ad t-id-iwten s ubeqqa. Isked akka d wakka, yazzel armi d anda yufa agezzar, yaɣ-d iles, yaâlleq-it-id, iṭṭef abrid s axxam.

Ass-nni, ttraǧunt tlawin ayen « ẓiden », ferḥent, armi sent-ikkes ṭṭmaâ yiles. Ma d ass-nni uɣalent kan di ttelbiba, dacu n urẓagan-agi ara sent-d-yasen i yimensi. Armi ata yekka-d urgaz seg yimi n tebburt, issers-asent-d di tɣerɣert… iles ! D iles diɣen am umezwaru ! Iḥun bab n lḥanna : i mi d iles, d iles meqqar, ccwi ! Ma d taḍsa, rwant-tt deg ulawen-nsent : « dacu-t waâggun-agi yessnen kan ad d-yaɣ ilsawen ? », ma d amɣar, netta ikemmez kan tamart-is, armi fuken imensi. Sakin, ilaɛi mmi-s : 

– « Tura a mmi, ata tufiḍ-iyi-d am akken wehmeɣ. Irna ḥesbeɣ iman-iw zadeɣ di lefhama. Amek ? Nniɣ-ak awi-d ayen ẓiden, tewwiḍ-d iles ; sutreɣ-ak ayen rẓagen, ternuḍ-d d iles ! Ihi… lexbar sɣur-k ».

Inna-yas uqcic :

– S tidet a baba, illa wayen deg ara yewhem bnadem ; illa ula d win ara yeḍsen neɣ ara yi-iḥesben d aâggun. Lamaâna, lemmer ttafeɣ, lxersum d keč ad iyi-tfehmeḍ. Ih a baba ṣelli ɣef Nbi. Asmi yi-d-tessutreḍ tamezwarut, wḍeɣ ɣer ssuq… ttuɣ ayen i wuɣur ttuceyaâɣ, ala si mi qqimeɣ akked kra n yemdanen, akken ufiɣ la heddren ala tameslayt-nni tebɣiḍ s sidi Rebbi, dayen isi nutni heddren, nek wḍeɣ armi yas-nniɣ i yiman-iw : « A ziɣ ulac am yiles, muqel, irna a baba, di laânaya-k, di ddunit ma yella kra t-iɣelben di tiẓeṭ. Tamezwarut, d netta i yaɣ-iferqen d lmal, d netta is ttemsefhamen laâibad, lḥasun is d-nettader awal amaâzuz n « sidi Rebbi ». Tis snat, mel-iyi di laânaya-k, ma yella kra di ddunit yifen awal aẓidan, mel-iyi, ttxil-k, menyif talqimt ara yessiẓden taɣect-ik neɣ iles yesferḥen ul-ik d lxaṭer-ik ?

– S tidet a mmi, ad ak-yaâfu Rebbi. Welleh ar tufiḍ ayen ẓiden di ddunit. Ulac am yiles… Lamaâna… arǧu… i mi dɣa yeɣleb mkullec tiẓeṭ, amek armi…

– Amek armi t-ufiɣ ass-agi d arẓagan ? Tura dagi waqila ara yi-tesḍelmeḍ. Aâlaxaṭer am akken ula d nek ur fhimeɣ ara i yiman-iw. Waqila, ur meyyzeɣ ara akken ilaq, neɣ d urrif i yi-iɣelben. Lḥasun ata wayen illan : seg llina di ssuq, ufiɣ argaz inɣa wayeḍ ? Seqsaɣ dacu ay d sebba-nsen. Nnan-iyi d rregmat, d awal kan i yenna yiwen i wayeḍ. Dɣa nniɣ-as ihi welleh a yiles d-issasen lmut, a yiles is ara d-teggri taâdawt i warraw n warraw, ma yella wayen rẓagen am netta, dayen is yawen-d-wwiɣ daɣen iles.

Iṭṭef umɣar, imiran kan, ifka-yas i mmi-s taxriṭ, irnu-yas tisura, inna-yas :

– Aɣ a mmi ! Tura ttekleɣ fell-ak, seg wass-a d keč i d amsewweq, d keč i d rray n uxxam.  

Belaïd At Ali, 07/1946

Timerna/notes :

1. Tadyant n yiles (« Iles d ayen ẓiden, d ayen rẓagen akk di ddunit / la langue est la meilleure et la pire des choses ») tekka-d si tmussni tagrikit taqburt : Esope, idder di lqern/tasut tis 6 qbel Aâisa, yura tiqsidin d-iqqimen ar ass-a.

Belaïd At Ali yugem-d si tmussni-nni, teffeɣ tmuɣli-s akkin i tlisa, irra-d taqsiṭ n yiles ɣer teqbaylit amzun di taddart n Aẓru At Xlef i d-tlul !

Socrate s timmad-is, ittader-d Esope, ittawi-d tiqsidin-is, akken ad issezri tikta i d-ilmed sɣur-s.

2. « Taxxamt n uksum » : d asaâlaq n uksum ; zik aksum ittnuẓ s tiṭ, mačči s lmizan ; (illa  diɣ : « taxxamt (n) lxedma » : d asaâlaq n ikerciwen, dewwara.

Tella yiwet teqsiṭ di taddart ɣef tsuqqilt ur nwata : yiwen yura-d tabrat si Fransa i aâmm-is illan di taddart d amsewweq-is, inna-yas-d : « … merci d’acheter chaque semaine une ‘’chambre de travail’’ à ma famille ».

3. Is = swayes  (fr. avec, au moyen de…)

4. Isi = imir kan (fr. aussitôt que, à l’instant…)

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