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Henri Perrier-Gustin : « Voyager, c’est résister à la brutalité du monde »

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Henri Perrier-Gustin
Henri Perrier-Gustin. Crédit photo : DR

Dans La Badiane et la Soie, Henri Perrier-Gustin ressuscite, trente ans plus tard, un périple de 20 000 kilomètres à travers l’Asie, accompli quasi sans avion avec Florence, sa compagne de route, de vie et d’écriture.

Au milieu des années 1990, ils traversent de Tokyo à Oulan-Bator, des steppes de Mongolie aux montagnes kirghizes puis aux monastères tibétains, en rêvant de Samarcande, tenant ensemble des carnets de voyage tissés de poésie, d’images et de rencontres.

À contre-courant de la frénésie contemporaine, le livre célèbre la lenteur comme une manière d’habiter le monde, de regarder, de comprendre. Il restitue l’émerveillement, mais aussi la profondeur du cheminement intérieur que ce voyage à deux a rendu possible. À travers ces visages croisés et ces paysages encore préservés, apparaît déjà un monde en mutation — celui qui bascule vers la mondialisation accélérée, la numérisation et l’uniformisation culturelle.

Henri Perrier-Gustin et sa compagne ont accepté de répondre aux questions du Matin d’Algérie, offrant un témoignage vivant sur leur itinéraire et leurs rencontres.

Un récit sensible, attentif, lucide.

Le Matin d’Algérie : Vous parlez d’un voyage de 20 000 kilomètres sans avion. Pourquoi ce refus de l’aérien ? Était-ce un choix politique, poétique, ou purement logistique ?

Henri Perrier-Gustin : C’était d’abord la volonté d’éviter la consommation de masse, et le choix assumé de voyager différemment. Les billets d’avion « tour du monde open » étaient à la mode : on enchaînait les pays en visitant souvent de façon superficielle. Il y a une forme de brutalité dans le déplacement en avion, qui va au-delà de l’enjeu écologique. On ne parlait pas encore de bilan carbone. Je voulais prendre le moins possible l’avion qui vous projette sans transition dans un autre lieu. Nous sommes partis huit mois, ce qui nous a donné le temps nécessaire à un voyage terrestre. Pour entrer en contact avec les habitants, avec leur mode de transport : trains, bus, et marche à pied. Le train, la route ont une autre saveur. J’ai une fascination nostalgique pour le train, et il y avait sans doute une démarche mêlant poésie et nostalgie. C’était aussi une façon de nous rapprocher des voyageurs dont les récits ont inspiré notre voyage comme Alexandra David Néel au Tibet ou Henri de Lacoste en Mongolie.

Le Matin d’Algérie : Comment s’est faite l’écriture à deux voix avec Florence ? Avez-vous chacun des parties distinctes, ou tout est-il imbriqué ?

Henri Perrier-Gustin : Dès le départ nous avions le projet d’écrire ces carnets à deux, pour garder une trace pour nous et nos proches. Nous envoyions régulièrement une copie de nos carnets. L’écriture était libre. Le récit est souvent imbriqué car nous relations les mêmes expériences avec des regards différents. Nous nous sommes parfois réparti les lieux en fonction de l’énergie, sans concertation, et avons écrit en alternance, ou en échos, comme un dialogue de nos expériences, de nos perceptions. Tout au long du voyage nous avons tenu ces carnets, avec constance, et malgré la fatigue, nous avons noté nos impressions.

Le Matin d’Algérie : Ce livre est né d’un périple accompli en 1995. Qu’est-ce qui vous a poussé, trente ans plus tard, à le publier aujourd’hui ?

Henri Perrier-Gustin : Cette vaste région a connu de grands bouleversements. Notre récit gardait la trace d’une époque révolue qu’il fallait partager. C’était aussi la partie de notre vie la plus intense, la plus riche en émotions, qui incarnait notre passion commune pour le voyage. Cela s’est imposé à moi et en 2022 je me suis attelé à l’ouvrage. J’ai commencé à compiler mes notes qui conservaient de nombreux blancs, racontés par Florence. C’était un voyage à deux, et la nécessité de fusionner nos carnets devint une évidence. Les carnets de Florence retrouvés, je les mis en forme. Des mois à retranscrire les centaines de pages, puis à sélectionner les passages, les images, à les séquencer. Je suis resté le plus possible fidèle au texte d’origine. Depuis trente ans je songeais à rouvrir ces carnets manuscrits restés dans des cartons.

Le Matin d’Algérie : Dans vos carnets, il y a une attention constante aux visages, aux gestes, aux instants. Quelle place accordez-vous à la photographie dans votre travail de mémoire ?

Henri Perrier-Gustin : Quand on ne peut communiquer en parole, le sourire est souvent la forme d’expression la plus avancée. J’ai essayé de saisir en images ces sourires, ces regards, la joie partagée de découvrir l’autre au bout du monde.

La photographie avait une grande place dans notre voyage et dans ma vie. Nous étions chargés de plusieurs kilos de matériel photographique et de pellicules et je me rêvais comme photographe professionnel. J’avais du mal à choisir entre écriture et photographie comme forme principale d’expression. Les images et les mots ont été indissociables dans ce voyage. Des deux mille diapositives rapportées, nous avons essayé de reproduire celles qui faisaient échos au récit pour permettre au lecteur de suivre notre itinérance et nos rencontres.

Le Matin d’Algérie : On sent dans le livre une grande tendresse pour les peuples traversés. Y a-t-il une rencontre, un moment, une parole, qui vous hante encore aujourd’hui ?

Henri Perrier-Gustin : Il y a effectivement de la tendresse car voyager ne peut se limiter à la visite des monuments et musées. C’est presque secondaire et anecdotique car on les oublie vite alors qu’on n’oublie pas les rencontres. Les monuments et musées permettent de comprendre l’histoire et les lieux de vie ou de pouvoir. L’intérêt premier du voyage est la rencontre des habitants et de leur langue. De nombreuses rencontres m’habitent encore aujourd’hui plus qu’elles ne me hantent. Des Kirghizes nous ont invités à l’occasion d’un mariage. Des discussions dans des monastères avec des moines tibétains sous la surveillance des policiers en civil et la colère de ne pas pouvoir leur parler librement. Des Ouigours nous ont accueillis dans leur maison. On connait aujourd’hui leur quotidien d’adultes. Les conditions de transport dans les montagnes sur des routes défoncées au bord de précipices. Les gardes armés de fusils d’assaut dans le bus qui nous conduisait au Nord du Pakistan à quelques kilomètres de l’Afghanistan en guerre…

Le Matin d’Algérie : Vous citez les grands voyageurs de l’histoire : Marco Polo, Zhang Qian, les pèlerins bouddhistes… Vous sentez-vous dans leur lignée ?

Henri Perrier-Gustin : En privilégiant le voyage terrestre, sur plusieurs mois, nous nous inscrivions dans une forme de continuité avec eux. Nous avons rêvé et organisé ce périple en nous nourrissant de récits de voyageuses et voyageurs comme Alexandra David Néel, Henri de Lacoste, Marco Polo, Chang K’ien. En étudiant l’historienne Luce Boulnois spécialiste de la route de la soie dont les écrits guidaient nos choix d’itinéraire. Son livre Routes de la Soie aux éditions Olizane contient des cartes précieuses. Ce voyage fut un pèlerinage sur les anciennes routes du commerce de la soie et des épices. Un hommage au commerce dans sa part la plus noble. Marco Polo était un commerçant vénitien. Commerce, voyage, et écriture ont toujours été liés.

Le Matin d’Algérie : La route que vous avez empruntée traverse des régions aujourd’hui fermées, sous tension, ou transformées. Que vous inspire cette accélération géopolitique de l’Asie centrale ?

Henri Perrier-Gustin : De nombreuses régions étaient déjà fermées à l’époque ou sous tension. La guerre en Afghanistan dans les années 80 avait éloigné les voyageurs de cette étape essentielle de la route de la soie. En 1991 l’effondrement de l’URSS a conduit à l’indépendance des républiques d’Asie centrale — Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Turkménistan et Tadjikistan — et à une instabilité politique accrue dans la région avec notamment la guerre civile au Tadjikistan en 1992. Les tensions lors de notre voyage étaient permanentes au Cachemire entre l’Inde et le Pakistan. Je ne suis pas expert en géopolitique, mais il est certain que les conflits des dernières années entre Tadjikistan et Kirghizistan, en Ouzbékistan et récemment entre l’Inde et le Pakistan au Cachemire ne vont pas dans le sens de la libre circulation des voyageurs, du commerce et de la paix dans la région. La massification, la mondialisation ont développé partout une forme de brutalité du commerce. La mise en place des nouvelles routes de la soie, ou plutôt des autoroutes de la soie, entraînera certainement des répercussions géopolitiques dans la région.

Le Matin d’Algérie : Vous avez vécu quatre ans au Japon avant ce voyage. En quoi cette expérience a-t-elle nourri votre regard de voyageur ?

Henri Perrier-Gustin : Ces quatre années au Japon nous ont permis de préparer ce voyage, nourris de lectures de livres d’histoire et de consultation de cartes géographiques. Internet était inexistant au début des années 1990. Au Japon nous habitions dans un quartier traditionnel de Tokyo où nous étions parmi les seuls étrangers, intégrés dans la vie locale. Nous faisions beaucoup de photo, j’écrivais et publiai en revues de poésie. Nous partions souvent randonner et camper dans les sentiers de montagne. C’est une période qui a certainement influencé notre sensibilité, aiguisé notre curiosité et sens de l’observation.

Le Matin d’Algérie : Poésie, journalisme, carnet de bord… votre livre est inclassable. Quelle forme littéraire aviez-vous en tête pendant l’écriture ?

Henri Perrier-Gustin : Aucune. Nous voulions seulement saisir les instants, comme des estampes japonaises, avec les images pour la photographie, de courts poèmes, des notes pour relater les événements. Nous étions passionnés par tout ce que nous voyions, les visages rencontrés, les personnalités, l’histoire, la géopolitique et les enjeux économiques. Formés dans les Grandes Écoles, habitués à remettre en question, nous notions nos observations, nos étonnements. Cela donne ce mélange de journalisme, carnet de bord et de poésie. Je n’ai pas voulu réécrire et nous avons gardé les passages qui nous semblaient pouvoir intéresser des lecteurs.

Le Matin d’Algérie : Le livre est également un travail d’édition très soigné, avec couverture d’artiste et graphisme. Était-ce important pour vous que l’objet-livre soit aussi une œuvre ?

Henri Perrier-Gustin : Nous avons souhaité que ce soit un bel objet, visuel, comme un livre d’artiste. Le livre contient plus de deux cents photos et de nombreuses cartes. La couverture est une création partagée entre Claude Ballaré, artiste spécialiste du collage, et sa femme Christiane Ballaré des éditions Droséra. La mise en page très soignée a été faite par la graphiste Catherine Verchère-Julia.

Le Matin d’Algérie : La badiane évoque les épices, la route, le goût du monde. Pourquoi ce titre : La Badiane et la Soie ? Que symbolise-t-il pour vous ?

Henri Perrier-Gustin : La soie et la badiane portent en elles des liens qui unissent l’Europe à l’Asie depuis l’antiquité par le cordon des routes marchandes. Nous avons cherché un titre qui représentait notre voyage à deux. La soie s’est imposée naturellement étant le thème central de notre voyage, emblème avec le thé, des routes commerciales terrestres empruntées par Marco Polo entre Venise, l’Asie centrale et la Chine. La soie symbolise aussi Florence, son écriture, avec le pictogramme d’un papillon de soie (le bombyx du mûrier) devant ses textes. La badiane provient du Sud de la Chine et du Vietnam. Elle incarne les routes commerciales maritimes par la mer et par l’Inde et l’itinéraire retour de Marco Polo. La badiane est un des ingrédients essentiels des boissons anisées appréciées en Méditerranée. Nous avons rapporté une livre de badiane de Chine de notre voyage. Je travaillais pour le Groupe Pernod Ricard, célèbre fabricant de pastis.

Le Matin d’Algérie : Enfin, si un jeune lecteur ou lectrice algérien·ne, marocain·e ou français·e vous lit, quel message ou quelle invitation aimeriez-vous lui transmettre ?

Henri Perrier-Gustin : C’est quand on est jeune que l’on peut entreprendre des voyages. Les voyages sont une grande richesse qui vous serviront toute votre vie. Avant tout aller au bout de ses rêves que ce soit par les lectures ou les voyages. Voyager c’est être curieux et ouvert d’esprit, découvrir d’autres horizons, aller vers l’autre et s’émerveiller. C’est découvrir que nous sommes tous membres d’une même et fragile humanité, liés par le destin d’une planète surexploitée qu’il faut protéger.

La rencontre de l’autre vous enseigne l’empathie et la tolérance. Nous avons eu la chance de faire des études qui nous ont permis de partir travailler et voyager à l’étranger. Les temps actuels incitent à la montée des nationalismes, à la fermeture des frontières, à l’isolement et au rejet de l’autre, au fanatisme religieux, à l’intolérance et au communautarisme.

Entretien réalisé par Djamal Guettala 

Parcours

Né à Grenoble en 1968 Henri Perrier-Gustin a passé son enfance entre Lyon et la Savoie. Après des études de commerce en région parisienne, sa vie professionnelle l’amène au Japon, point de départ d’un voyage de neuf mois sur la route de la soie dont il a tiré un récit, puis en Grèce, à Paris et à Marseille où il vit, travaille et écrit depuis 2014.

Pour le détail voir les publications https://henri-perrier-gustin.com/publications/

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Marseille s’offre une nuit de légendes au Vélodrome

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De grands joueurs au Vélodrome de Marseille.
De grands joueurs au Vélodrome de Marseille.

Marseille s’apprête à vivre, ce 7 décembre 2025, l’une des soirées football les plus spectaculaires de son histoire. L’Orange Vélodrome accueillera un événement inédit mêlant football, show et nostalgie, porté par Universe Football et la Kings League.

L’affiche promet une ambiance électrique avec un casting qui fera vibrer aussi bien les supporters marseillais que les amoureux de football de tout le pays. L’attraction principale reste le retour de Zinédine Zidane sur la pelouse où il a tant marqué les esprits. À ses côtés, une constellation d’anciennes gloires viendra rallumer la magie d’hier : Didier Drogba, Dimitri Payet, Robert Pirès, Blaise Matuidi, Jay-Jay Okocha, Mamadou Niang, Kevin Gameiro, Adil Rami, Souleymane Diawara, Jérémy Ménez, Christophe Jallet, Nene, Taye Taiwo ou encore Marcel Dib. Une réunion de talents rarement vue dans un même événement, qui réveillera la mémoire de plusieurs générations de supporters.

Le programme est conçu comme un véritable marathon footballistique où le rythme et l’intensité tiennent lieu de fil conducteur. Un match de Kings League France ouvrira la soirée avant de laisser place à deux chocs de légendes, opposant Marseille à Paris puis Madrid à Barcelone, dans une relecture amicale mais passionnée de rivalités historiques.

Un match de créateurs France contre International complétera le tableau, reflet d’un football qui s’ouvre à de nouveaux publics, mêlant influence numérique et culture sportive. Les organisateurs misent sur un show global, pensé à la fois pour les familles, les passionnés et les nouveaux fans attirés par le mélange de spectacle et d’innovation.

Entre les rencontres, la pelouse du Vélodrome se transformera en véritable scène musicale. Soolking et Alonzo assureront deux temps forts de la soirée, donnant à l’événement une dimension culturelle qui dépasse le simple cadre sportif. L’objectif affiché est de proposer une fête populaire, combinant stars d’hier, nouvelles tendances et attachement viscéral au football.

Au-delà du spectacle, Universe League inscrit le rendez-vous dans une démarche solidaire : pour chaque billet vendu, un euro sera reversé à l’Association Des Coccinelles Rouges pour Thomas, qui œuvre en faveur d’enfants touchés par des maladies rares. Une manière d’associer l’émotion du terrain à un geste concret de soutien.

Marseille se prépare ainsi à accueillir plus de 60 000 spectateurs pour une soirée qui s’annonce dense, festive et mémorable. Le football redeviendra, le temps d’un soir, un langage commun.

Djamal Guettala 

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Tunisie : l’arrestation de Néjib Chebbi ravive l’unité l’opposition

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Manifestation en Tunisie
Manifestation en Tunisie pour dénoncer les arrestations et l'arbitraire. Crédit photo : DR

La scène politique tunisienne est plongée dans l’expectative mêlée de colère contenue après l’arrestation du leader de la Front de salut national, Ahmed Néjib Chebbi, en exécution d’un jugement de 12 ans de prison dans l’affaire dite du « complot ».

Une décision qui a déclenché une vague de solidarité et de colère dans les milieux politiques, syndicaux et associatifs, poussant plusieurs composantes de l’opposition à appeler à une grande marche nationale, samedi 6 décembre, sous le slogan « L’opposition n’est pas un crime ».

Une spirale d’arrestations qui inquiète

L’affaire du « complot » englobe 37 personnalités politiques et civiles, dont la militante des droits humains Chaïma Issa et l’avocat Ayachi Hammami, tous deux interpellés ces derniers jours après des condamnations devenues définitives. Pour les forces d’opposition, ces arrestations successives marquent une dérive autoritaire qui place la Tunisie dans un climat de « répression systématique ».

Les organisateurs de la marche dénoncent un « récit de la conspiration » devenu un outil central de domination permettant au pouvoir d’écarter les opposants, dans un contexte d’asphyxie économique, sociale et environnementale.

La famille Chebbi monte au créneau

Lors d’une conférence de presse organisée par le Parti républicain, l’un des initiateurs de la manifestation, plusieurs responsables ont estimé que l’arrestation de Néjib Chebbi renvoie la Tunisie à ses heures les plus sombres. Pour eux, seule une mobilisation démocratique et pacifique peut constituer une réponse crédible à ce qu’ils qualifient d’« État de répression ».

Son avocate et fille, Haïfa Chebbi, affirme qu’aucune garantie judiciaire n’existe dans cette affaire : « Le message de mon père est clair : la liberté pour tous les détenus politiques passe par l’unité de l’opposition. » Elle estime que la justice, « soumise aux instructions », n’est plus en mesure d’assurer un procès équitable.

Son fils, Louay Chebbi, regrette quant à lui l’absence de plusieurs médias lors de la conférence, rappelant que son père « a toujours cherché à rassembler et non à diviser ».

Condamnations en cascade et soutien international

Plusieurs partis et organisations tunisiennes et internationales appellent à la réouverture du dossier du « complot », qualifié de procès politique. La Ligue tunisienne des droits de l’homme, à son tour visée par des restrictions, met en garde contre une détérioration profonde des libertés.

À l’étranger, l’ancien chef du gouvernement marocain et secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, a exprimé sa solidarité avec Néjib Chebbi et réclamé la libération immédiate de toutes les personnalités condamnées dans cette affaire.

Une rue à l’épreuve

La marche prévue samedi s’annonce comme un test majeur pour l’opposition, qui cherche à affirmer sa cohésion face à un pouvoir accusé d’étouffer toute expression dissidente. Elle devrait également mesurer la capacité du street tunisien à renouer avec la mobilisation dans un contexte économique particulièrement difficile.

Dans une Tunisie traversée par l’incertitude politique et la fracture sociale, la contestation autour de l’arrestation de Néjib Chebbi pourrait bien ouvrir une nouvelle séquence où les libertés publiques et l’équilibre institutionnel se retrouvent au cœur du débat national.

Mourad Benyahia 

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Mali : l’imam Dicko prend la tête d’une coalition d’opposition aux putschistes

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L'imam Dicko
L'imam Dicko à la grande mosquée d'Alger.

Lancée ce vendredi 5 décembre, la Coalition des forces pour la République (CFR) pose « la résistance » aux militaires en « devoir national » et se fixe pour objectifs le retour à l’ordre constitutionnel, le rétablissement des libertés fondamentales ou encore la préparation d’un dialogue national incluant les groupes armés maliens.

Composée de figures majeures de la société civile et de la scène politique maliennes, elle est emmenée par l’ancien président du Haut Conseil islamique du Mali.

Emmené par l’imam conservateur Mahmoud Dicko, l’ancien président du Haut Conseil islamique duMali, et par Étienne Fakaba Sissoko, un universitaire qui vit aujourd’hui en exil après avoir été emprisonné sous la transition, un nouveau mouvement d’opposition – ou de résistance – doit être lancé ce vendredi 5 décembre au Mali. Son nom ? La Coalition des forces pour la République (CFR).

Bâtie par des adversaires des militaires au pouvoir depuis plus de cinq ans dans le pays, la CFR rassemble, outre l’imam Dicko, des personnalités majeures issues de la société civile ou des partis politiques dissous, selon Étienne Fakaba Sissoko, son porte-parole. Pour des raisons présentées comme « stratégiques », ainsi que pour la sécurité de celles qui se trouvent toujours au Mali, leurs noms ne sont pas rendus public.

Sollicitées par RFI, plusieurs figures du mouvement d’opposition aux putschistes qu’elles vivent en exil ou dans le pays, confirment leur implication. D’autres hésitent encore. Certains, enfin, n’ont pas voulu s’associer. La présence de l’imam Dicko pourrait toutefois tourner la polémique eu égard à sa proximité avec Abdelmadjid Tebobune et le régime algérien où il est accueilli depuis décembre 2023. Durant la prière de l’Aïd al-Adha en juin dernier,Mahmoud Dicko a d’ailleurs été aperçu dans une grande mosquée d’Alger, en prière aux côtés d’Abdelmadjid Tebboune.

« L’histoire jugera ceux qui auront sauvé le pays »

« La résistance » est « un devoir national », pose le communiqué fondateur, « parce que l’État tue ses propres soldats par incompétence, abandon ou mensonge », « parce que des centaines de civils sont massacrés dans le silence imposé par la terreur », ou « parce que la junte a transformé la souveraineté en slogan et livré notre sécurité à des mercenaires ».

Les objectifs de la CFR sont le retour à l’ordre constitutionnel, la protection des populations, le rétablissement des libertés fondamentales – presse, justice, expression – et la préparation d’un dialogue national incluant les groupes armés maliens. En clair : les chefs jihadistes Iyad Ag Ghaly et Hamadoun Kouffa, du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim), ainsi que les rebelles indépendantistes du Front de libération de l’Azawad (FLA), seraient conviés, conformément aux conclusions de toutes les consultations nationales organisées depuis 2017. L’unité du Mali et les principes républicains seraient toutefois des lignes rouges.

La CFR se veut un mouvement non violent et clandestin, qui appelle les citoyens maliens à la désobéissance civile, les militaires à la « désobéissance éthique » et les magistrats à la « résistance judiciaire ». « L’histoire jugera ceux qui auront sauvé le pays et ceux qui auront obéi au détriment du peuple », assène encore le communiqué.

Avec Rfi

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Décès du maître du malouf Ahmed Aouabdia : la scène artistique en deuil

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Ahmed Aouabdia
Le maître du malouf Ahmed Aouabdia. Crédit photo : DR

La scène artistique algérienne, et particulièrement le milieu du malouf constantinois, est en deuil. Le maître incontesté du malouf, le cheikh Ahmed Aouabdia, s’est éteint, laissant derrière lui un patrimoine musical immense et une empreinte indélébile dans l’histoire culturelle du pays.

Figure emblématique du chant andalou et héritier d’une tradition séculaire, Ahmed Aouabdia aura marqué des générations par sa voix chaleureuse, sa maîtrise du répertoire classique et son engagement constant pour la transmission du malouf. Artiste respecté, pédagogue attentif, il incarnait l’élégance musicale et le sens du devoir envers la mémoire culturelle algérienne.

L’annonce de son décès a provoqué une vive émotion à Constantine et dans tout le pays. Artistes, mélomanes, institutions culturelles et anonymes ont exprimé leur tristesse devant la perte d’un pilier du patrimoine musical national.

Nous présentons nos condoléances les plus attristées à sa famille, à ses proches et à toute la communauté artistique.

Djamal Guettala 

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Samir Toumi à Batna : une après-midi entre fiction et mémoire

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Sami Toumi à Batna.
Sami Toumi à Batna.

La librairie Guerfi de Batna invite le public à un voyage intime et politique au cœur de l’Algérie contemporaine, le 11 décembre 2025 à 14h00. À l’occasion de la sortie de son dernier roman, Amin. Une fiction algérienne (Barzakh), l’écrivain algérien Samir Toumi viendra partager ses mots, ses visions et ses silences.

Dans Amin, Toumi tisse les contradictions d’une société en mutation. Alger n’est pas seulement un décor : elle devient miroir des âmes, théâtre des forces qui façonnent les vies et les choix. Les figures du pouvoir – qu’elles soient familiales ou sociétales – vacillent, révélant la fragilité de nos certitudes et la complexité de l’humain.

Auteur également de Alger, le cri (2013) et de L’Effacement (2016, adapté au cinéma en 2024), Samir Toumi poursuit une œuvre qui mêle sensibilité, lucidité et engagement. Ses récits offrent des fenêtres sur des paysages intérieurs et collectifs, où le temps, la mémoire et les blessures s’entrelacent.

Une rencontre animée et ouverte à tous

L’après-midi sera animée par :

Dr. Tarek Benzeroual (Université Batna 2)

Dr. Lina Leyla Abdelaziz (Université Batna 2)

M. Redha Guerfi, éditeur et libraire

Les échanges se prolongeront par une séance de dédicace, et l’événement sera diffusé en direct sur les réseaux sociaux de la librairie pour toucher tous les lecteurs, proches ou lointains.

Un rendez-vous poétique à ne pas manquer

Le 11 décembre, la librairie Guerfi ouvrira ses portes à ceux qui souhaitent écouter l’écrivain, se laisser emporter par ses phrases, ses images et ses silences. Une après-midi où les mots deviennent passerelles entre l’histoire, l’intime et le rêve.

Djamal Guettala 

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Quand la loi humilie la dignité algérienne !

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MInistère de la justice

Il existe en Algérie un trio d’articles pénaux qui n’a rien à envier aux vieilles chaînes de l’esclavage : 148 bis 1, 196 bis, 333 bis 6. 

Certains datent d’hier, d’autres d’avant-hier, mais tous ont été polis, renforcés ou réactivés sous Tebboune pour lui aller comme un costume taillé sur mesure. On pourrait croire à un nouveau groupe de raï. Malheureusement, ce sont des lois.

Trois articles pour faire taire, mais aucun pour faire réfléchir. Trois articles pour punir l’opinion, mais aucun pour protéger la dignité. Trois articles pour fabriquer des suspects, mais jamais des citoyens.

148 bis 1, la diva du Code pénal, punit “l’outrage aux symboles de la Révolution”. Très bien. On aimerait juste savoir qui a décidé que les symboles révolutionnaires étaient si fragiles qu’un micro, une Web TV ou un paragraphe pouvait les faire fondre comme un morceau de beurre sur une poêle chaude. Si la Révolution tient debout, elle n’a pas besoin de béquilles juridiques. Si elle a besoin d’un article pour exister, alors ce n’est plus un symbole : c’est un bibelot.

196 bis, lui, est plus ambitieux. Créé en 2020, c’est l’enfant préféré du pouvoir actuel. Il réprime les “fausses informations”. Sauf que chez nous, la vérité n’est jamais établie par des archives, des commissions indépendantes, des débats contradictoires… Non. Elle est établie par déclaration. Un ministère dit : “Ceci est faux”. Et dès l’instant où il le dit, cela devient vrai. Une logique parfaite pour un univers médiéval où la Terre est plate jusqu’à ce que le vizir décide qu’elle est ronde.

333 bis 6, enfin, l’article boomerang. Lui aussi toiletté récemment pour l’ère numérique. Il s’attaque à ceux qui utilisent les réseaux, les Web TV, les téléphones – comme si l’Algérien qui poste un statut Facebook était plus dangereux qu’un voleur de milliards. Avec cet article, même un soupir numérique devient un crime audiovisuel.

Et les victimes ? Elles sont là.

Les journalistes, les youtubeurs, les chroniqueurs, les internautes, les humoristes, ceux qui écrivent trop, ceux qui parlent trop, ceux qui pensent trop. Les Drareni, les Zeghileche, les administrateurs de pages, les blogueurs, les anonymes, ceux qui se demandent encore comment une phrase est devenue une balle.

Et maintenant, c’est Bouakba.

Bouakba n’est pas un cas isolé : c’est la vitrine. La preuve encore chaude que ces articles ne servent pas à protéger la Révolution, mais à protéger une version de la Révolution. Ils ne servent pas à punir le mensonge, mais à punir la question.

La question qui dérange. La question qui gratte.

La question qui dit : “Où est passé le trésor du FLN ?” Une question vieille de soixante ans, toujours sans réponse, toujours dangereuse. Assez dangereuse pour fermer une Web TV. Assez dangereuse pour mettre un homme devant un tribunal. Assez dangereuse pour faire trembler ceux qui, pourtant, assurent n’avoir rien à cacher.

Quand une République a peur d’une question, ce n’est pas la question qui est malade. C’est la République.

Ce que révèle cette affaire ?

Nous avons aboli l’esclavage. Nous avons aboli le code de l’indigénat. Nous avons arraché l’indépendance. Mais il reste une chaîne, la dernière et la plus insidieuse : celle qui lie les Algériens à la peur de parler.

Un peuple qui ne peut pas interroger son histoire est un peuple sous tutelle.

Un peuple qui ne peut pas critiquer ses symboles est un peuple infantilisant.

Un peuple qui peut aller en prison pour une opinion n’est pas un peuple libre.

Il s’agit de la dignité de l’Algérien, pas d’un débat juridique entre experts.

Ces articles ne protègent personne. Ils humilient tout le monde. Ils transforment la justice en douane de la pensée. Ils transforment le citoyen en mine piégée : il suffit qu’il parle pour qu’il explose.

Il faut abolir ces articles.

Pas seulement les 148 bis 1196 bis et 333 bis 6, mais tout le cortège qui les accompagne : 87 bis144144 bis 24695 bis… toute cette machinerie obscure qui transforme la Constitution en décor et l’Algérien en coupable en attente.

Il est temps de jeter ces articles dans la même fosse où l’humanité a déjà jeté l’esclavage, l’indigénat et les humiliations d’un autre âge.

Parce que le combat n’est pas Bouakba. Le combat, c’est le droit d’exister debout, de parler sans calculer, de penser sans demander pardon.

Tant que ces articles survivront, la vérité avancera étranglée, la liberté marchera sous surveillance, et le mensonge roulera en véhicule administratif, gyrophares allumés, carte grise offerte par l’État.

Et surtout, une question demeurera, la plus explosive de toutes : Comment un homme du pouvoir pourrait-il répondre de ses actes, quand la justice n’a qu’une seule direction, vers le peuple, jamais vers le sommet. Et quand même Hamlaoui, récemment éclaboussé, n’a pas eu à en répondre ?

Abolir ces lois n’est pas un luxe. C’est la seule condition pour qu’un jour, enfin, un Algérien – qu’il soit puissant ou invisible – puisse être jugé à armes égales, et que la justice cesse de choisir ses coupables avant même de connaître ses faits.

Zaim Gharnati

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Bejaïa : réunion de coordination sur le projet d’exploitation de la mine de zinc-plomb de Tala Hamza-Oued Amizour

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Bejaïa : réunion de coordination sur le projet d’exploitation de la mine de zinc-plomb de Tala Hamza-Oued Amizour. Crédit APS

Une réunion de coordination consacrée au projet d’exploitation de la mine de zinc-plomb de Tala Hamza-Oued Amizour s’est tenue jeudi à Bejaïa, dans le cadre des derniers préparatifs en vue du lancement effectif du gisement, a indiqué un communiqué des services de la wilaya. 

La rencontre a été présidée par le wali, Kamel-Eddine Kerbouche, en présence du nouveau président-directeur général du groupe Sonarem, Reda Belhadj, de la directrice de la société mixte algéro-australienne, ainsi que d’élus locaux et de propriétaires terriens concernés par les procédures d’expropriation liées à la réalisation du projet, selon la même source.

Le wali a réaffirmé, à cette occasion, son engagement permanent à garantir les droits des citoyens concernés par les opérations d’expropriation et d’indemnisation, conformément à la législation en vigueur. Il a également instruit les services concernés d’accueillir les propriétaires de terrains concernés afin de les « accompagner et de leur fournir toutes les explications relatives au déroulement de la procédure ».

M. Kerbouche a rappelé l’importance économique du gisement, notamment en matière de création d’emplois locaux, d’opportunités de formation, ainsi que son rôle dans le développement de l’industrie minière de transformation et le transfert de savoir-faire et de la technologie, est-il souligné dans le communiqué.

Il a, aussi, insisté sur la nécessité de renforcer la coordination entre les différents intervenants et d’accélérer le versement des indemnisations, tout en soulignant l’importance d’un dialogue continu avec les citoyens concernés.

Selon le communiqué, la réunion a permis au PDG de Sonarem, d’écouter attentivement les préoccupations des habitants du village Aït Bouzid. M. Belhadj a exprimé sa « totale disponibilité » à mettre en œuvre les engagements pris par les pouvoirs publics et par le groupe Sonarem lors des précédentes rencontres avec les citoyens concernés par ce projet.

APS

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Burkina Faso : la junte du capitaine Ibrahim Traoré va rétablir la peine de mort

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Lors du conseil des ministres qui s’est déroulé ce jeudi 4 décembre, le gouvernement burkinabè a décidé d’adopter un nouveau code pénal qui rétablit notamment la peine capitale pour certaines infractions graves comme la « haute trahison », le « terrorisme » et les « actes d’espionnage ».

C’est l’une des grandes décisions prises lors du conseil des ministres qui s’est tenu ce jeudi 4 décembre au palais présidentiel, à Ouagadougou : le gouvernement burkinabè a décidé d’adopter un nouveau code pénal rétablissant la peine de mort. Abolie depuis 2018, la sentence sera appliquée à certaines infractions comme la « haute trahison », le « terrorisme » et les « actes d’espionnage ».

Considérée comme une « innovation majeure » par le ministre burkinabè de la Justice, Édasso Rodrigue Bayala, cette mesure s’inscrit dans la dynamique des réformes pour une justice destinée à répondre « aux aspirations profondes du peuple », estime également ce dernier.

Le garde des Sceaux affirme en outre que la suppression de la peine capitale, il y a sept ans, a été utilisée comme un argument pour « faire des recrutements, surtout au niveau de la frange jeune », par ceux qui attaquent le Burkina Faso, ces derniers brandissant les conventions internationales pour se protéger en cas d’arrestation. « Ça devient un terreau fertile car il n’y a pas de sanctions », a encore déploré Édasso Rodrigue Bayala, sous-entendant que la peine de mort était la seule sanction valable ou dissuasive contre les groupes armés.

La « promotion des pratiques homosexuelles » sanctionnée

Ce dernier a par ailleurs précisé qu’en ce qui concerne les crimes économiques comme les « détournements » de fonds et les « actes de corruption », les sanctions pourraient désormais aller jusqu’à l’« emprisonnement à vie » lorsque le montant détourné ou l’objet de l’infraction est supérieur ou égal à 5 milliards de francs CFA.

Ce nouveau code pénal préconise enfin d’infliger en priorité des peines de travaux d’intérêt général, « sanctionne la promotion des pratiques homosexuelles et assimilées » et accroît le montant des amendes infligées pour certaines infractions comme les accidents de la circulation. 

RFI

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L’art en évocation : le beau ou l’utile ?

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Street art
Image par Thomas G. de Pixabay

Si nous nous en référons à notre définition et à nos sensations contemporaines, à peu près unifiées dans une grande partie du monde, la question serait  saugrenue car il faudrait non pas opposer le beau et l’utile comme on le fait habituellement  mais les prendre comme formant un tout. La bonne formulation serait donc, « le beau et l’utile ».

On peut affirmer que toutes les sociétés séculaires, depuis l’Antiquité à nos jours, n’ont pas douté du rapprochement du beau avec l’utile dans l’exécution des créations humaines. Ce n’est donc pas la question du lien qui est en débat mais celle de sa nature. Sur ce point, le lien entre le beau et l’utile est toujours resté l’une des plus vivaces interrogations philosophiques. 

Pour nous lancer sur ce chemin réflexion, comment ne pas commencer au préalable par définir le champ de chacun des domaines identifiés par les deux adjectifs, le beau et l’utile

Que nous dit la sémantique contemporaine ?

Le point d’entrée est toujours la définition du dictionnaire pour démarrer avec une bonne racine de recherche qui mènera vers l’analyse plus approfondie. Le Petit Robert nous dit que le beau fait éprouver une émotion esthétique, qui plaît à l’œil. Ses proches manifestations sont les adjectifs, joli, magnifique, ravissant, splendide, superbe. Il s’oppose au laid.

Quant au mot utile ce même dictionnaire nous propose sa définition, il s’agit d’un usage qui  satisfait un besoin et qui est ou peut être avantageux. Le sens est proche (pas forcément synonyme selon le contexte) avec les adjectifs, bon, profitable, salutaire, indispensable, nécessaire. Il s’oppose à l’inutile.

Mais l’affaire est plus complexe, il faut aller plus loin car l’objectif n’est pas seulement de définir les deux notions mais, nous l’avons déjà précisé, en rechercher la nature du lien.

Que nous dit la pensée philosophique ?

Convoquons nos cours de philosophie de terminale et abordons cette relation d’une manière très simplifiée et pédagogique. Si nous voulons entrer dans le territoire de l’Antiquité, il nous faut le passeport à présenter aux deux gardiens du temple, Platon et Socrate (si on accepte de les dissocier comme deux philosophes).

Platon estime que le beau et l’utile convergent ensemble vers l’idée suprême qui représente chez lui la recherche du Bien. Le beau de l’art n’a d’autre utilité métaphysique et morale que ce qui est profitable à la pureté de l’âme.

Le beau n’est que la source de la beauté qui est celle des idées. Toutes les beautés y parviennent, comme celle du corps ou de la recherche des connaissances. 

Socrate estime que le beau n’existe que s’il est lié à l’utile mais dans le sens de la finalité fonctionnelle. Son exemple célèbre est celui du panier à fumier. Pour lui sa beauté est plus élevée qu’un bouclier en or car celui-ci ne protège pas entièrement de la mort. 

De ce fait le plus important pour Socrate est que le beau de l’art soit une copie de la nature par la perfection de ses proportions, son harmonie des lignes et sa parfaite cohérence.

Si nous généralisons à toutes les époques, la beauté d’une pyramide n’est validée que si elle permet la fonction de préparer le voyage du Pharaon vers l’éternité du ciel. L’aqueduc des romains n’est beau que s’il permet un acheminement de l’eau et ainsi de suite.

Au Moyen Âge, le beau est toujours subordonné à une finalité religieuse aussi bien que  fonctionnelle pour y arriver. Cependant cette dernière qualité diffère de l’idée de Socrate car la fonctionnalité est exclusivement celle qui mène vers la spiritualité de l’adoration.

Lui également, Saint Augustin voit le beau comme une expression de la vérité divine et rejoint l’idée de Platon selon laquelle le beau est au service d’une vérité du bien. Saint Thomas d’Aquin estime de la même manière que le beau est un plaisir qui n’a de sens que s’il sert la perfection de l’être, une idée plus proche de la définition platonicienne. 

Pendant la Renaissance nous retrouvons un peu de toutes les finalités précédentes mais avec une dimension supplémentaire, le statut. L’art du beau renforce le prestige d’un édifice, d’un mécène ou d’un artiste. 

En résumé personnel je dirais que l’histoire de la pensée qui théorise le beau et l’utile nous persuade que les deux notions sont très liées lorsque que l’esthétique de l’art provoque une élévation de l’être humain, excluant la sensation de plaisir telle que l’a défini Le Petit Robert dans son sens contemporain. 

Nous aurions pu énoncer beaucoup d’autres positions philosophiques mais la quantité n’est pas importante pour juger de ce lien toujours présent dans la pensée philosophique et des époques. 

La naissance de l’autonomie de l’esthétique

Au début du XIX ème siècle la rupture est consacrée par deux mouvements qui vont se sont succéder au cours de deux siècles, tous les deux étant en résistance et en rejet des traditions classiques de l’art.

Pourtant, les deux mouvements contestataires de la pensée classique seront inverses dans leur approche du lien entre le beau et l’utile. Le premier, dès ce début du XIXème siècle déclare  l’autonomie de l’art en refusant que l’utile soit de l’art. Il n’y aurait plus besoin d’une utilité spirituelle ou fonctionnelle pour susciter un plaisir et une émotion chez l’être humain.

Le mouvement de « l’Art pour l’Art » apparu à cette époque porte bien son nom. C’est surtout l’expression littéraire qui va porter une affirmation tranchée. Pour Oscar Wilde « l’art ne doit servir à rien d’autre qu’à manifester la beauté ». Théophile Gautier va beaucoup plus loin car s’il partage cette position d’autonomie de la beauté, il se risque à une position beaucoup plus brutale en affirmant que « tout ce qui est utile est laid ». 

L’un des exemples les plus commentés pour illustrer cette position est celui qui se déroulera en 1887 avec la construction de la Tour Eiffel. Son concepteur voulait sacraliser le temps de la révolution industrielle et démontrer la puissance des innovations et des nouveaux matériaux comme l’acier. La Tour Eiffel se voulait être en même temps la marque de son époque.

Devenu l’un des monuments les plus visités au monde, on oublie souvent qu’il avait fait l’objet lors de sa conception et sa réalisation d’une résistance farouche. Une partie de la population parisienne trouvait que le projet insultait la beauté de Paris par ses prestigieux monuments hérités de l’histoire. Elle y voyait une laideur qui ne pouvait représenter le Beau qui venait d’être consacré comme autonome de l’utilité.

En rédigeant cet article m’est venu un sourire difficile à contenir en m’imaginant la stupéfaction de Platon ou Socrate devant une toile peinte complètement en noir de Pierre Soulages ou des sculptures et peintures de Fernando Botero. 

Et je ne peux même pas visualiser l’apoplexie qui les foudroierait à la vue des œuvres de Pablo Picasso ou des objets inattendus, parfois incongrus, dans les expositions d’art contemporain.  C’était prévisible que ce soient les populations conservatrices et les régimes totalitaires qui qualifient cet art de civilisation dégénérée qu’il faut combattre, voire éliminer par la force. 

La fusion définitive des beaux-arts et des arts appliqués 

Ainsi est arrivée au XXème siècle la certitude que les beaux-arts et les arts appliqués forment un tout indissociable. L’une des manifestations les plus visibles de cette évolution  est celle du design. Anciennement nommé en français la stylique le mot anglais s’est imposé comme cela est courant.

La question centrale, comment l’objet moderne peut-il répondre à un besoin précis ? Optimiser l’utilisation et l’efficacité peuvent-ils se confondre avec l’utilité ?

L’ergonomie d’une chaise, la fonctionnalité d’un édifice ou la conception d’une fourchette, l’utile convoquent le beau pour former un ensemble.

Cette nouvelle approche a trouvé un juge de paix inattendu dans le droit. Dans tous les codes de protection intellectuelle des pays à droit similaire, la protection juridique est consacrée par la formule « Est protégé toute œuvre de l’esprit ». C’est cette globalisation qui insère définitivement les beaux-arts et les arts appliqués dans une même unité de traitement juridique.

Quant à moi, ancien enseignant dans une école supérieure d’arts appliqués (pas en art mais en droit), je n’aurais même pas pu franchir les grilles de l’établissement si j’avais posé ma candidature en tant qu’étudiant.

Mes œuvres depuis ma jeunesse ne sont classés ni dans le beau, ni dans le classique, ni dans le fonctionnel. Un jour, déjà dans l’au-delà, le triomphe définitif du mouvement artistique liant le laid à l’inutile, comme certains le jugent pour l’art moderne, me rendra hommage. 

Boumediene Sid Lakhdar 

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