Au lendemain de sa rencontre avec le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, Louisa Hanoune a exposé, lors d’une confrérie de presse tenue jeudi 27 novembre, les dossiers sensibles soulevés au Palais d’El Mouradia — de la situation des détenus d’opinion aux restrictions pesant sur les libertés publiques — en soulignant les blocages politiques et institutionnels qui freinent encore l’ouverture démocratique et la transparence de la vie publique.
Louisa Hanoune a souligné la nécessité d’une libération réelle du champ médiatique et politique, avec un accès équitable pour tous les partis et acteurs de la société civile. Elle a rappelé que les citoyens doivent pouvoir contrôler et exercer une pression sur les élus, sans crainte de représailles, et que les élections doivent se dérouler dans un cadre transparent et impartial, empêchant tout mélange entre argent et politique, principal facteur d’abstention et de désaffection.
Le président Tebboune a, pour sa part, insisté sur plusieurs points. Il a reconnu que les chiffres et statistiques sociaux qui lui parviennent sont parfois erronés, compliquant la mise en place de politiques publiques efficaces. Il a également insisté sur la persistance de la corruption et sur l’importance de son éradication pour garantir la transparence et la régularité des élections. Il a affirmé que les scrutins doivent se dérouler dans une compétition libre entre candidats, en toute égalité de conditions.
Sur le volet des droits fondamentaux, le président a réitéré son engagement à respecter la liberté d’expression et l’indépendance de la justice. Il a reconnu la nécessité d’une approche plus claire concernant les prisonniers d’opinion, tout en rappelant que les décisions judiciaires doivent rester strictement autonomes, sans intervention politique.
Enfin, Louisa Hanoune a rappelé la question de la réforme de la loi sur les partis politiques, insistant sur le fait qu’une ouverture réelle ne se limite pas aux déclarations : elle doit se traduire par des actes concrets garantissant la participation effective de tous les acteurs politiques et citoyens.
La stabilité et la légitimité des institutions dépendront autant de la transparence et de la régularité des élections que de la protection des libertés fondamentales et du maintien d’un dialogue politique inclusif. C’est le fil rouge du compte rendu livré par la secrétaire générale du Parti des travailleurs à l’issue de son entrevue avec le président Abdelmadjid Tebboune, dans un contexte national et régional traversé par de fortes incertitudes.
Reste une question centrale : le chef de l’État ira-t-il jusqu’au bout des engagements qu’il dit assumer en matière de libertés publiques, de respect du choix électoral des citoyens et de rupture avec le cycle ininterrompu de poursuites judiciaires et de mises sous écrou pour délit d’opinion ?
En mai 2024, Tebboune avait reçu la cheffe du Parti des travailleurs. On a eu droit à presque la même rhétorique, les mêmes demandes. En vain. Même réponse au moment de la fameuse promesse de Tebboune d’un dialogue national révélée à l’issue de la mascarade présidentielle.
« Au cours du deuxième mandat et dans la mesure où les circonstances le permettront, nous mènerons des contacts et des consultations approfondis avec toutes les énergies vives du pays et entrerons dans un dialogue national ouvert pour planifier ensemble le chemin que nous poursuivrons ensemble, pour incarner la vraie démocratie et non la démocratie des slogans, qui donne la souveraineté à ceux qui la méritent », avait en effet, annoncé Abdelmadjid Tebboune. Plus d’une année plus tard, les Algériens n’ont vu que du feu. A l’époque Le PT comme d’autres partis comme le RCD, avait appelé à de réelles mesures de détente. Autrement dit à un retour à l’Etat de droit et à la voie démocratique. On attend toujours.
Orang Gholi Khani. Crédit image : @ Orang Gholi Khani
Arrivé en France à 18 ans, Orang Gholi Khani est devenu un passeur d’une culture riche et plurielle. Informaticien de formation, il a choisi de se tourner vers la médiation culturelle pour permettre à la diaspora iranienne et au public français de découvrir la profondeur de la culture persane.
À travers sa page Le Miroir Persan, créée en 2011, il relaie des articles, organise des événements bilingues et met en lumière la poésie, la musique, le théâtre et l’art iranien. Il revient pour le Matin d’Algérie sur ses motivations, les défis de cette mission culturelle et ses projets pour faire vivre un héritage millénaire hors des frontières de l’Iran.
Le Matin d’Algérie : Pouvez-vous nous raconter votre parcours et ce qui vous a conduit à créer Le Miroir Persan ?
Orang Gholi Khani : Je m’appelle Orang Gholi Khani, je suis né à Téhéran. Je suis venu en France en 1979, à l’âge de 18 ans, pour poursuivre mes études. J’ai d’abord appris le français, puis j’ai fait des études supérieures dans le domaine de l’informatique industrielle. Par la suite, j’ai travaillé dans différentes sociétés informatiques. Au fil des années, le nombre d’Iraniens en France a augmenté et, lorsque j’ai eu des enfants, j’ai pris conscience que la deuxième génération d’enfants d’origine iranienne allait grandir en France sans forcément avoir accès à la culture persane. J’ai donc décidé de créer cette page culturelle pour les tenir informés de leur culture d’origine via des articles et des événements bilingues. Par ce biais, des Français curieux pouvaient également découvrir la culture persane, qui est encore très peu connue en France. C’est ainsi que, le 27 décembre 2011, j’ai créé la page Le Miroir Persan.
Le Matin d’Algérie : Selon vous, qu’est-ce qui rend la culture persane unique et mérite d’être connue en France ?
Orang Gholi Khani : Il est souvent dit que « la culture persane est pour l’Orient ce que la culture grecque est pour l’Occident ». C’est une culture qui a structuré l’Orient pendant des milliers d’années avant l’arrivée de l’Islam, comme la culture grecque a structuré l’Occident avant le christianisme. Le premier empire perse a été créé il y a 3 000 ans, et depuis, la culture perse n’a cessé de s’enrichir au contact des différentes cultures d’Orient telles que la culture chinoise, égyptienne, arménienne ou turque. À ce titre, elle mérite d’être connue et étudiée. Malheureusement, les Français, à part une minorité d’experts, la connaissent mal. Quand ils pensent à l’Iran, ils imaginent souvent un désert comme dans Lawrence d’Arabie, une cuisine proche de l’Afrique du Nord, ou croient que les Iraniens parlent arabe. Depuis les années 1980, le tourisme mondial s’est fortement développé grâce à la démocratisation des vols aériens, mais l’Iran, pour des raisons politiques, est resté à l’écart. Peu d’Occidentaux y ont voyagé pour mieux connaître ce pays. Cette culture perse, notamment sous les empires achéménides, parthe et sassanide, a profondément influencé non seulement l’Orient mais aussi l’Occident, notamment à travers les échanges commerciaux sur la Route de la Soie, et dans les domaines de l’art, de l’architecture, de la philosophie et des sciences.
Le Matin d’Algérie : Parmi les événements que vous avez organisés, y en a-t-il un qui vous a particulièrement marqué ?
Orang Gholi Khani : Nous n’organisons pas beaucoup d’événements, à part des nuits de poésie bilingues que nous avons intitulées : « Les Mille et Une Nuits de poésie persane à Paris ». Depuis 2014, nous en avons organisé dix-sept. Elles sont toujours bien accueillies, mais par un cercle restreint du public. Je pense que la soirée la plus appréciée a été celle consacrée à Forough Farokhzad. À part cela, l’idée de la page Le Miroir Persan est d’être le reflet de la culture persane dans le monde francophone. Nous relayons toutes les informations publiées dans les médias francophones sur l’Iran, sans parti pris politique. Le public est toujours très touché lorsque les droits des femmes progressent en Iran, ou que des artistes et cinéastes iraniens rencontrent un succès international.
Le Matin d’Algérie : Comment vos activités favorisent-elles le dialogue entre la communauté persane et le public français ?
Orang Gholi Khani : Nous nous adressons à un public francophone, notamment aux enfants de la deuxième génération nés en France. S’ajoutent les personnes mariées avec des Iraniens et les Français qui connaissent l’Iran pour y avoir voyagé.
Beaucoup d’associations iraniennes ont été créées par la diaspora et organisent des événements culturels. En faisant la promotion de ces initiatives, la page joue un rôle de fédérateur et d’amplificateur. J’espère ainsi soutenir ces actions qui rapprochent les différentes générations et leurs amis français, lesquels découvrent les multiples facettes de la culture persane.
Le Matin d’Algérie : Comment choisissez-vous les aspects de la culture persane à mettre en avant ?
Orang Gholi Khani : Nous mettons en avant toutes les formes d’arts persans, qu’elles soient classiques ou modernes. Notre seul critère est que l’œuvre, l’événement, l’exposition ou l’article soit compréhensible par un public francophone. Pour la musique, la peinture et la sculpture, il n’y a pas de barrière de langue. Pour les livres, le cinéma, le théâtre ou les conférences, nous nous assurons qu’il y ait une traduction ou un sous-titrage.
Le Matin d’Algérie : Pouvez-vous partager un exemple qui illustre la force de la culture persane ?
Orang Gholi Khani : Après la mort de Mahsa Amini, un mouvement de protestation sociale s’est déclenché. Ce mouvement a été accompagné de nombreuses œuvres artistiques et poétiques qui ont aidé à sa visibilité et à son succès. Parmi elles, la chanson Barayeh a fait résonner à jamais le slogan « Femmes, Vie, Liberté », ainsi qu’une version persane de Bella Ciao. Cela montre que dans la culture persane, tout est imprégné de poésie. La force de la poésie est telle que personne ne peut l’arrêter en Iran.
Le Matin d’Algérie : Quel rôle jouent les réseaux sociaux et votre newsletter Reflets du Miroir Persan dans votre mission culturelle ?
Orang Gholi Khani : Avant Internet et les réseaux sociaux, il était difficile de suivre toutes les initiatives des petites associations. Les médias français ne pouvaient pas couvrir tous les événements concernant les diasporas. Aujourd’hui, il est possible d’informer rapidement des milliers de personnes avec un coût proche de zéro, grâce au temps investi bénévolement sur ces plateformes. Cette évolution a profondément transformé la manière dont la diaspora iranienne en France maintient le lien avec sa culture et ses initiatives culturelles et politiques.
Le Matin d’Algérie : Quels sont les défis et les surprises que vous rencontrez pour faire vivre cette culture loin de l’Iran ?
Orang Gholi Khani : Avec l’arrivée à l’âge adulte de la deuxième génération et les vagues de migration successives, le nombre d’Iraniens francophones n’a cessé d’augmenter, aussi bien en France qu’au Québec, en Belgique et en Suisse. À cela s’ajoutent d’autres pays persanophones comme l’Afghanistan et le Tadjikistan, ce qui a conduit à plus d’événements et d’articles culturels. C’est une très bonne surprise, car la fédération de tous ces pays francophones et persanophones crée une forte présence culturelle. Cela représente aussi un défi pour Le Miroir Persan, qui doit continuer à couvrir cette activité. Pour le moment, je porte seul cette tâche, avec un réseau d’amis. Nous devons envisager de changer d’organisation sans perdre l’âme de la page.
Le Matin d’Algérie : Travaillez-vous en collaboration avec des artistes ou écrivains persans en France ?
Orang Gholi Khani : En promouvant différents artistes, écrivains et musiciens persans en France, nous avons gagné leur reconnaissance. Ils nous informent de leurs activités. Jusqu’à aujourd’hui, nous étions surtout un média relayant des informations, à l’exception des Nuits de Poésie. Cette année, nous avons créé une structure associative à Issy-les-Moulineaux et travaillons sur des projets culturels et théâtraux avec les associations locales.
Le Matin d’Algérie : Enfin, quel est votre rêve pour Le Miroir Persan dans cinq ans ?
Orang Gholi Khani : J’aimerais trouver des jeunes qui pourraient m’aider et reprendre le flambeau après moi. Mon rêve serait de trouver des financements pour créer un centre culturel où l’on pourrait accueillir des artistes et organiser des événements comme des concerts, des expositions et des conférences.
Plus de 30% de la population active est au chômage en Algérie. Crédit photo : DR
Ne cherchez pas à savoir combien ils sont. Officiellement, on n’a pas les chiffres. Officieusement, on ne veut pas les dire. Alors disons-le clairement : ils sont nombreux. Une foule discrète qui ne défile pas, ne bloque rien, ne demande pas de plateaux télé. Elle traverse la République en silence ; ventre vide, dignité haute.
Le langage du pouvoir les trahit mieux que des statistiques. On se souvient du « faqaqirs » lâché par un ex-Premier ministre, faute de langue ou par ironie : choisissez. On se rappelle l’autre, sûr de lui, jurant que « tout le monde mange du yaourt » et que les Algériens partent en vacances en Tunisie. Fables d’estrade.
Quand la politique parle à la fraction aisée, elle finit par prendre sa minorité pour la moyenne, et sa moyenne pour le pays. Résultat : on gouverne une vitrine et l’on oublie l’arrière-boutique.
Sur le papier, rien n’est compliqué : un SNMG – ce fameux Salaire National Minimum Garanti, clone algérien du SMIC – qui plafonne à peine à 18 000 DA nets ; un panier vital qui dévore la paie avant même qu’elle n’arrive ; un loyer qui assassine la fin du mois. Équation bouclée.
Mais dans la vraie vie, personne ne parle d’indicateurs, ni de tableaux Excel, ni de discours ministériels. Dans la vraie vie, on parle de frigos. Et les frigos, eux, s’en foutent des promesses, des conférences de presse et des selfies pris au marché. Le frigo n’a qu’un verdict : plein pour aujourd’hui, de quoi tenir la semaine. À défaut, c’est le vide.
Pourquoi n’a-t-on pas le chiffre des smicards, des sans-SNMG, locataires, parfois sans appui familial ? Parce qu’aucun indicateur officiel ne croise ces réalités. Parce que la fanfaronnade et la sous-déclaration salariale brouillent les lignes. Parce que le ménage à plusieurs générations camoufle la précarité. Parce que l’informel absorbe les chocs et dissout les preuves. Les invisibles sont statistiquement orphelins. Ils existent, mais en creux.
Eux, que font-ils ? Ils s’organisent. Ils compressent la vie : plus de marche, moins de bus ; plus de légumes, moins de viande ; plus d’heures au noir, moins de sommeil. Ils diffèrent la santé, repoussent les chaussures, couvent la honte. On leur vend la morale du renoncement ; ils achètent, faute d’alternative, le manuel du système D à l’algérienne. Pas par amour de l’illégalité : par refus de l’humiliation. L’État perd d’abord la parole, puis la confiance, enfin la recette.
Au-dessus, en costumes repassés, on détourne, on graisse, on surfacture ; en dessous, sans costume, on se débrouille, on resquille, on vend. Deux grammaires, une même origine : la dignité devenue introuvable au prix du jour. Et quand la clémence de Dieu ne suffit plus, on bascule franchement vers la canaillerie : trafics, drogue, racket. Pas par vocation, par logique. Quand la règle est impraticable au niveau du ventre, l’illégalité devient rationnelle.
Je ne justifie rien, je constate une phrase qui claque comme un diagnostic. Rappelez-vous ce voyou, « El Wahrani », lynché par la foule… crime dans le crime. Avant de tomber, une seule question : « Qui va nourrir ma mère ? » On peut détester l’homme ; on ne peut pas ignorer la question. Elle résume tout : quand la fin du mois devient illégale, la loi perd sa voix.
Le discours officiel, lui, reste imperturbable : « l’inflation ralentit ». Soit. La pente reste pente. Et le trou ne se commente pas, il se remplit. Pendant qu’on aligne panneaux et plans-cadres, le pays se joue à la dernière ligne de l’addition. Aujourd’hui, cette ligne dit : SNMG seul + loyer = rouge. Demain, elle dira la même chose si l’on continue à gouverner pour la partie solvable : commandes publiques pour la vitrine, subventions brumeuses, économie calibrée pour ceux qui passent le portique des centres climatisés.
On ne leur demandera pas de patience : ils en ont trop. On ne leur demandera pas de silence : ils n’ont que ça. On leur doit une arithmétique qui tombe juste, pas une parabole. Reposez les slogans. Écrivez ceci sur la porte du Conseil de vos ministres, gros caractères : Ils sont nombreux, ils existent, ils ont faim, et votre économie fait comme s’ils n’étaient pas là.
Gardez vos portiques climatisés ; testez la température du ventre, si vous osez.
Après La Naturalisation, édité chez Grasset le 29 janvier 2025, Zied Bakir poursuit une aventure littéraire où l’écriture se confond avec la vie. Entre humour discret, quête de légitimité et regard lucide sur l’exil, l’auteur franco-tunisien compose un roman qui interroge la filiation, le territoire, la mémoire et la place du politique.
Écrire en français, dit Zied Bakir, est devenu pour lui un choix vital, presque une manière de se naturaliser par « l’encre versée », dans un monde où l’incertitude pèse lourd sur les écrivains du Maghreb. Dans cet entretien accordé au Matin d’Algérie, il revient sur sa relation intime à la langue, sur son goût pour les villes errantes, sur ses influences musicales et littéraires, et sur ce qui, depuis la jeunesse, continue d’alimenter son œuvre : la nécessité de transformer les blessures silencieuses en matière romanesque. Comme il le confie lui-même : « Peut-être que la seule raison d’écrire est de vouloir être aimé. »
Le Matin d’Algérie : Votre roman s’ouvre sur une quête intime très forte. Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire cette histoire maintenant ?
ZiedBakir :L’écriture, pour moi, est une quête intime, mais elle peut être partagée avec les autres, car la lecture est aussi une quête intime. J’ai tendance à confondre la vie et l’écriture. Quand j’ai voulu m’installer en France j’ai décidé que ce serait pour et par l’écriture, (c’est donc pour cela que j’écris en Français.) Mais c’était un « pari » très risqué. Après avoir publié un premier livre chez Grasset (« L’amour des choses invisibles », 2021.) j’ai demandé à être naturalisé français, disons, par « l’encre versé ». Nous vivons des temps incertains, surtout pour les intellectuels et les écrivains maghrébins (En Algérie, vous êtes bien placés pour le savoir avec les affaires Sansal et Daoud, à titre d’exemple.) Ajoutez à cela une petite dose de paranoïa et la vie devient difficile avec un passeport vert, donc j’ai voulu avoir le rouge, et dans le même temps, j’ai décidé de consolider ma position d’écrivain en écrivant un deuxième livre que j’ai voulu intituler, par plaisir personnel et ironie : La naturalisation. J’espérais faire d’une pierre deux coups, bref, c’est ma petite cuisine interne !
Le Matin d’Algérie : Comment trouvez-vous l’équilibre entre mémoire personnelle et imaginaire romanesque ?
ZiedBakir : La mémoire personnelle est un point de départ. L’imaginaire romanesque doit envelopper le récit de soi, mais au final, on obtient un mélange des deux, donc pour que cela tienne, pour que le texte fasse corps, il faut que l’imaginaire soit compatible avec les éléments réels, tout le défi est là. S’il y a équilibre (équilivre ?) eh bien tant mieux car je ne prétends pas l’avoir trouvé.
Le Matin d’Algérie : Vos personnages semblent porter des blessures silencieuses. Comment travaillez-vous cette vulnérabilité dans l’écriture ?
Zied Bakir : L’humour et l’autodérision sont le ciment de mes textes. C’est une forme d’autodéfense par l’esprit. Cela a évoqué, pour certains de mes lecteurs, l’humour juif, mais on a tous quelque chose en nous de juif. Par ailleurs, l’idée de renvoyer au silence des blessures est peut-être le but ultime de mon écriture. Comme on le sait, le silence est un langage universel. C’est aussi pour ça que mes livres sont courts ! Je n’aime pas le bavardage, mes livres publiés sont la moitié ou le tiers de la première version, si on trouve ça dommage, j’en suis flatté. Écrire pour explorer le silence, c’est un paradoxe exquis et une belle gageure.
Le Matin d’Algérie : Le langage tient une place centrale dans votre style. Comment définiriez-vous votre relation à la langue arabe et à la langue française ?
Zied Bakir : Le français est ma langue de travail et de vie. La langue arabe occupe peu de place dans ma vie, et ce, bien avant mon expatriation. J’ai récemment relu un livre en arabe de Najib Mahfouz parce que je me trouvais au Caire, et je voulais me rappeler des souvenirs de mes premières lectures mais je suis vite revenu à la langue française, comme on revient au travail, ou à la maison. La langue arabe, plutôt que langue maternelle, je dirais « langue de lait », comme les dents de lait, je l’ai perdue mais je sais qu’elle est là, toujours à ma portée. En vérité, la langue de mes livres n’est autre que le « franusien », c’est-à-dire le français tunisien. Vous savez qu’il existe un français belge, suisse, québécois, sénégalais, algérien bien sûr, etc. Eh bien il y a aussi le français tunisien. Mais au final, comme on dit, la langue n’a pas d’os. Et tout ce qui compte, ce sont les émotions véhiculées par un texte.
Le Matin d’Algérie : Quelle importance accordez-vous au rythme et à la musicalité dans votre écriture ?
Zied Bakir : Tout est là, écrire est avant tout une affaire de rythme et de musicalité, c’est composer une symphonie avec des mots. Je rêve d’écrire comme Joan Sebastian Bach ou un compositeur baroque. D’ailleurs, je considère La Naturalisation comme un roman « humoresque », ce terme désigne un genre de musique romantique caractérisé par des morceaux d’humour fantaisiste dans le sens de l’humeur plutôt que de l’esprit. Ce nom vient de l’allemand « humoreske », terme qui a été donné à partir des années 1800 aux contes humoristiques. On peut aussi y lire les mots « humour » et « mauresque ». Comme je suis maghrébin, cela correspond. (rire.)
Le Matin d’Algérie : Plusieurs scènes évoquent la ville comme un personnage à part entière. Comment pensez-vous l’espace narratif ?
Zied Bakir : Je suis un lecteur de Patrick Modiano, et un grand amoureux de Paris. La géographie urbaine m’intéresse beaucoup, dans le sens où mes personnages sont des errants. Les rues, les places, les jardins publics sont souvent les lieux de l’action. C’est une manière d’explorer le territoire, quand on parle d’immigration, et de cheminement, le territoire est une donnée essentielle.
Le Matin d’Algérie : « Le roman aborde la filiation et l’héritage. Ce thème est-il pour vous une clé de lecture de la Tunisie contemporaine ? »
Zied Bakir : La Naturalisation est un roman tunisien, même s’il se déroule en grande partie en France. Une part de la Tunisie, tout comme d’autres pays du monde, se trouve aujourd’hui en France. Nous partageons une histoire et un héritage communs avec ce pays, et il me tient à cœur de le rappeler à mes lecteurs français. Il existe une interdépendance qui doit être comprise et acceptée de la meilleure manière possible. Dans un monde de plus en plus petit, il devient essentiel d’assumer nos différences tout en développant nos points de convergence.
Le Matin d’Algérie : Comment recevez-vous la réaction des lecteurs depuis la parution du livre ?
Zied Bakir : J’ai eu la joie de recevoir quelques messages de gratitude. Nous avons besoin de savoir que nos efforts n’ont pas été vains. Écrire un roman, c’est lancer une bouteille à la mer, je dirais même que c’est un message de détresse, un SMS (Save My Soul, et pas un SOS !) Être lu, entendu, parfois compris, voire aimé, cela donne de la force pour continuer. Peut-être que la seule raison d’écrire est de vouloir être aimé justement. À Tunis, une étudiante en Master de Lettres a décidé de faire son mémoire sur La naturalisation. C’est un honneur.
Le Matin d’Algérie : Vos textes portent souvent une dimension politique, parfois discrète, parfois frontale. Est-ce un choix assumé ou une conséquence de votre regard sur le monde ?
Zied Bakir : Les deux à la fois. Néanmoins, je déplore que la littérature s’intéresse trop à la politique et pas l’inverse. Heureusement que la première est éternelle et moins déprimante que la seconde.
Le Matin d’Algérie : La jeunesse occupe une place particulière dans votre univers. Que souhaitez-vous transmettre à travers elle ?
Zied Bakir : La jeunesse, c’est l’âge des ambitions, mais c’est aussi une période de la vie où l’on se cherche, et où l’on se permet de se perdre. Je crois qu’il est nécessaire de se perdre pour se trouver par ses propres moyens, et non pas en étant guidés par les parents ou les conventions sociales. Jusqu’ici j’ai puisé mon inspiration dans les années de ma jeunesse et de mon enfance. Ce sont des thèmes immuables, surtout dans le récit de soi et la quête initiatique.
Le Matin d’Algérie : Vous faites partie des auteurs qui renouvellent les écritures arabes et francophones. Comment percevez-vous ce mouvement littéraire d’aujourd’hui ?
Zied Bakir :Ce mouvement, s’il en est un, s’inscrit dans la continuité de nos aînés. Même si je considère que notre époque est moins riche que celle de Kateb Yacine, Rachid Boudjedra, Driss Chraïbi et les autres. L’âge d’or de la francophonie n’est pas à venir. Aujourd’hui nous essayons de sauver ce qu’il y a à sauver, la position de la France dans le monde n’étant plus ce qu’elle était. Par exemple, je lis dans Le Monde d’il y a quelques jours : « La Tunisie, nouveau terrain de jeu pour la diplomatie culturelle russe. » Cela en dit long.
Le Matin d’Algérie : Quels sont vos projets littéraires ou artistiques après ce roman ?
Zied Bakir : Pour moi, le travail commence maintenant. Je continue d’écrire avec l’espoir de faire le livre qui correspond le plus à l’idée que je me fais de la littérature : explorer l’âme humaine, à partir de la sienne propre. Plusieurs chantiers sont en cours…
Entretien réalisé par Djamal Guettala
Zied Bakir est né en 1982, à Ghraïba, en Tunisie. Il vit aujourd'hui à Anduze, dans les Cévennes (france). La Naturalisation est son deuxième roman chez Grasset, après L'amour des choses invisibles, en 2021.
Face à l’explosion du trafic de drogue dans certains quartiers populaires, Samia Ghali, maire-adjointe (DVG) de Marseille, met les pieds dans le plat. Elle propose que les policiers reçoivent une prime lorsqu’ils effectuent des saisies, estimant que cette mesure pourrait renforcer leur motivation et leur efficacité sur le terrain, selon la Provence.
Cette déclaration intervient dans un contexte dramatique : l’assassinat de Mehdi Kessaci, qualifié d’« assassinat d’avertissement », a une nouvelle fois mis en lumière la violence qui gangrène certains quartiers de la ville. Présente auprès de la famille de la victime, Samia Ghali plaide pour une stratégie globale, capable de combiner action policière et politiques sociales. Elle réclame des renforts policiers, le retour d’un préfet de police de plein exercice et la création d’un parquet spécialisé à Marseille. Selon elle, ces mesures doivent s’accompagner d’un engagement concret des autres collectivités locales pour sécuriser durablement les quartiers défavorisés.
Déjà en 2012, alors maire des 15e et 16e arrondissements, Samia Ghali avait alerté sur l’ampleur du narcotrafic et n’avait pas hésité à demander l’intervention de l’armée dans certains secteurs. Treize ans plus tard, elle constate que la situation reste préoccupante et que la mobilisation coordonnée de tous les acteurs demeure indispensable.
La proposition de prime pour les policiers relance un débat sensible sur la motivation des forces de l’ordre et sur la manière d’allouer des moyens financiers pour lutter efficacement contre le trafic de drogue. Pour Samia Ghali, seule une action globale et coordonnée pourra produire des résultats durables : renforcer la police sur le terrain tout en soutenant l’éducation, l’insertion et les politiques sociales dans les quartiers populaires.
Cette approche traduit sa conviction que la sécurité ne peut pas se réduire à une seule intervention policière. Prévention, encadrement et soutien social doivent accompagner toute opération répressive. Ghali insiste sur le fait que sans cette stratégie combinée, les trafiquants continueront d’exploiter les zones sensibles et que les jeunes resteront exposés à la violence et au trafic.
Dans cette logique, la prime aux policiers n’est pas une fin en soi mais un outil destiné à améliorer l’efficacité des interventions sur le terrain, tout en envoyant un signal clair : la lutte contre le narcotrafic doit mobiliser tous les acteurs et toutes les ressources disponibles pour protéger les habitants et restaurer la sécurité dans les quartiers populaires de Marseille.
Les avocats de Domingos Simões Pereira, président du PAIGC, et d’Octave Lopes, cadre de ce même parti, tirent la sonnette d’alarme sur la situation politique en Guinée-Bissau après le premier tour de la présidentielle. Dans un communiqué, ils qualifient les événements récents de « pseudo coup d’État » et dénoncent une rupture flagrante de l’ordre constitutionnel.
Selon le collectif, l’absence de publication officielle des résultats, les déclarations unilatérales de victoire, l’intervention illégale de forces militaires et l’arrestation arbitraire de responsables politiques témoignent d’une volonté de confisquer la souveraineté du peuple et de détourner le processus électoral de sa fonction démocratique. Les avocats exigent la libération immédiate et sans condition de Messieurs Domingos Simões Pereira et Octave Lopes, dénonçant la violation de leurs droits civiques et politiques garantis par la Constitution et par les instruments internationaux.
« Leur arrestation, survenue à un moment crucial du scrutin, altère l’intégrité de la compétition électorale et remet en cause la possibilité même d’un processus libre et crédible », soulignent-ils. Les autorités civiles et militaires sont tenues pour responsables de la sécurité physique et morale des deux personnalités.
Le communiqué appelle la communauté internationale, et en particulier la CEDEAO, l’Union africaine, les Nations unies et l’Union européenne, à intervenir rapidement pour rétablir la légalité constitutionnelle, reprendre le processus électoral et respecter la volonté souveraine exprimée dans les urnes. Toute tentative de consolidation d’un pouvoir issu d’un processus interrompu ou manipulé « doit être considérée comme nulle et dépourvue d’effet », avertissent les avocats.
Le collectif affirme qu’il poursuivra tous les recours juridiques nationaux et internationaux pour contester les actes arbitraires et défendre les droits politiques de leurs clients.
Depuis son indépendance en 1974 du Portugal, la Guinée-Bissau a connu en tout, quatre coups d’État et 17 tentatives de putsch.
Le placement sous mandat de dépôt du journaliste Saad Bouakba (79 ans) continue de susciter des réactions au sein de la classe politique. Le RCD réclame sa libération immédiate.
Dans un communiqué rendu public jeudi, le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) exprime sa « profonde préoccupation » et appelle à la libération immédiate du chroniqueur, poursuivi pour des propos tenus lors d’une émission télévisée.
Pour le parti, si le sujet abordé par le journaliste peut être « sensible » ou « prêter à débat », la détention ne saurait constituer une réponse acceptable. Le RCD rappelle que les outils démocratiques – droit de réponse, débat contradictoire, critique publique – suffisent à réguler les opinions, même dérangeantes ou contestables. « La privation de liberté ne peut en aucun cas être une réponse légitime à une opinion », insiste-t-il.
Le communiqué replace cette affaire dans un contexte plus large. Le parti affirme alerter depuis plusieurs années sur la nécessité d’ouvrir le champ politique et médiatique afin d’éviter que des journalistes ou des acteurs publics ne se retrouvent incarcérés pour des prises de position. Il dénonce un « enfermement systématique » qui, selon lui, étouffe progressivement l’espace du débat public.
Le RCD critique également la mise sous scellés des locaux de la web-TV Vision-TV, qui avait accueilli Saad Bouakba dans plusieurs entretiens. La formation politique qualifie cette mesure d’« arbitraire », estimant qu’elle illustre la volonté du pouvoir de réduire les espaces d’expression indépendants. La fermeture d’un média, souligne-t-elle, prive les citoyens d’un droit essentiel : celui à une information pluraliste.
Le parti juge par ailleurs « incompréhensible » la sévérité des mesures prises, d’autant qu’elles visent un journaliste âgé de 79 ans. Selon lui, d’autres voies, plus respectueuses de la dignité humaine et des principes de justice, étaient possibles.
En appelant à la libération de Saad Bouakba et à la levée des scellés imposés à Vision-TV, le RCD réaffirme sa demande d’une « ouverture réelle du champ médiatique ». Pour le parti, seul un environnement libre et pluraliste permet aux citoyens de se forger leur propre jugement et de distinguer « le vrai du faux » dans un moment où le débat public apparaît de plus en plus restreint. Jusqu’à quand le régime demeurera sourd aux nombreux appels des partis, ONG, intellectuels et journalistes ?
Dans la nouvelle Algérie de Tebboune, il est interdit d'avoir une pensée critique. Crédit photo : DR
L’affaire Saad Bouakba dépasse largement le simple cadre judiciaire. Son incarcération est devenue, pour beaucoup, le symptôme d’un mal national profond : la sévère contraction du champ des libertés publiques et de la mise sous cloche du libre débat en Algérie.
L’air devient irrespirable sous la « nouvelle Algérie ». Entre lois spéciales appliquées strictement, accusations liées aux propos tenus et recul ressenti des libertés d’expression, cette affaire révèle un climat où parler de sujets sensibles devient de plus en plus risqué.
La mise en détention provisoire du journaliste Saad Bouakba, poursuivi pour « atteinte aux symboles de la Révolution », a suscité un vif débat au sein des milieux juridiques et médiatiques. Trois argumentaires, portés par Me Sadat, Me Tarek Merrah et le juriste Habib Achi, structurent aujourd’hui les contours d’une affaire où se croisent droit constitutionnel, loi spéciale et exercice du métier de journaliste.
Pour Me Fetta Sadat, la mesure restrictive prise à l’encontre du journaliste contrevient à l’esprit même de la Constitution. Elle rappelle que la détention provisoire est définie comme une « mesure exceptionnelle », dont l’usage doit être strictement proportionné. Or, dans le cas d’un prévenu âgé, malade et présentant toutes les garanties de représentation, le recours à l’incarcération apparaît excessif.
L’avocate souligne également que l’affaire relève d’un délit de presse, un domaine où la Constitution consacre explicitement la liberté d’opinion, d’expression et de la presse. À ses yeux, le mandat de dépôt entre directement en contradiction avec ces garanties fondamentales.
Sur le fond, Me Tarek Merrah recentre le débat sur la nature même de l’acte reproché à Bouakba. Le journaliste n’aurait fait que reprendre un passage de l’ouvrage « Lextrémiste, François Genoud, de Hitler à Carlos », publié en 1996 par Pierre Péan, non contesté devant les tribunaux par l’ancien président Ahmed Ben Bella.
L’avocat estime que la responsabilité du journaliste ne peut être engagée pour la simple citation d’un texte déjà disponible au public depuis près de trois décennies. Incarcérer pour avoir cité un livre reviendrait, selon lui, à étendre indûment la responsabilité pénale des professionnels de l’information. Mais comme écrit précédemment, le placement sous mandat de dépôt de Saad Bouakba est symptomatique de l’autoritarisme imposé à toute la société. Désormais, ceux qui sont aux affaires se sont transformés en directeurs de conscience.
La loi spéciale sur les symboles de la Révolution, un cadre contraignant
Le juriste Habib Achi adopte une approche plus nuancée. Il rappelle que l’affaire pourrait relever d’un cadre juridique particulier : la Loi du Moudjahid et du Chahid, qui impose à l’État de protéger la mémoire des figures révolutionnaires. Cette loi spéciale, par sa nature, pourrait primer sur les principes généraux de la Constitution, notamment en matière de liberté d’expression.
Achi estime par ailleurs que la prudence professionnelle s’imposait. Saad Bouakba, figure publique rompu aux dossiers sensibles, aurait dû consulter un conseiller juridique avant d’aborder des sujets susceptibles de relever du droit spécial. Selon lui, cette omission a facilité la judiciarisation du dossier. Mais alors qu’en est-il des historiens ? Doivent-ils donc s’appuyer systématiquement sur des avocats pour publier leurs recherches ou simplement renoncer à traiter des « dossiers polémiques » ?
Une affaire au croisement des libertés publiques et de la mémoire nationale
Ces trois lectures, loin de s’opposer frontalement, mettent en lumière la tension entre deux impératifs : d’un côté, la protection des libertés publiques, un socle constitutionnel ; de l’autre, la défense de la mémoire de la Révolution, érigée en valeur juridique protégée.
Il appartiendra désormais à la justice de déterminer dans quel sens penche la balance : vers la primauté des droits de la presse ou vers l’application stricte d’une loi spéciale au nom de la préservation du récit national.
Mohamed Khider, Krim Belkacem et Mohamed Boudiaf, trois opposants au régime de Ben Bella-Boumediene. Tous trois assassinés.
L’emprisonnement du journaliste Saad Bouakba, 80 ans, pour « atteinte aux figures de la Révolution » divise l’opinion publique et relance le débat sur la liberté d’expression en matière historique. Dans une tribune remarquée, le journaliste et écrivain Hmida Ayachi appelle à soumettre l’histoire à la raison et à renoncer à l’instrumentalisation politique de la mémoire nationale.
Un débat public polarisé
La mise en détention provisoire de Saad Bouakba a suscité des réactions divergentes sur les réseaux sociaux. Certains internautes dénoncent des propos jugés offensants envers des figures emblématiques de la lutte anticoloniale. D’autres rappellent qu’il s’agit de faits historiographiques déjà documentés et s’inquiètent d’un précédent dangereux pour la liberté d’expression.
La réflexion de Hmida Ayachi : restaurer la rationalité historique
Dans sa tribune intitulée « Bouakba s’est-il trompé ?…Et Khider, Boudiaf, Krim Belkacem et Aït Ahmed ont-ils bénéficié de l’argent de la Révolution ? » Hmida Ayachi replace l’affaire dans un cadre plus large : celui du rapport complexe de l’Algérie à sa mémoire révolutionnaire.
Pour lui, la Révolution demeure sacrée à travers ses martyrs et ses héros, mais cette sacralité ne doit pas conduire à occulter la vérité historique ni à criminaliser la recherche ou l’interprétation.
« Il faut soumettre l’histoire à la raison (…) Mettre en prison un journaliste de quatre-vingts ans n’est pas une solution. Cela n’aide personne, n’améliore pas l’image du pays et affaiblit la confiance du peuple dans ses institutions. »
H’mida Ayachi met en garde contre l’instrumentalisation du passé comme arme politique ou outil d’émotion collective. Pour autant, faut-il taire des pans entiers de notre histoire sous le fallacieux prétexte que des acteurs de notre histoires sont sacrés ?
Une judiciarisation inquiétante du débat historique
L’inculpation de Bouakba interroge : peut-on encore débattre des angles morts de la guerre de libération sans risquer la répression ? Manifestement non. À une époque où plusieurs pays encouragent la confrontation critique avec leur histoire, l’Algérie semble peiner à instaurer un espace serein pour la relecture documentaire et le débat mémoriel. Il y a une certitude : sous Tebboune-Chanegriha notre pays a enregistré une glaciation effrayante en matière de débat en général et de traitement de la révolution en particulier. Pourquoi le régime a-t-il peur du débat ? Ne craint-il pas, derrière ces interdictions de toute expressions, ses contradictions ? Voire ses démons ?
Vers une maturation du rapport à la mémoire nationale ?
L’affaire révèle des contradictions profondes : une société en quête de transparence historique face à des réflexes de (sur)protection des symboles par la mobilisation d’un arsenal judiciaire et répressif et une écriture orientée et fragmentée de l’histoire. En appelant à un traitement rationnel et apaisé du passé, Hmida Ayachi propose une voie pour sortir de la crispation — et éviter que l’histoire ne se transforme en terrain de conflits politiques ou judiciaires. Cela va-t-il suffire car l’absence de débats et de lieux d’expression libres comme les médias audiovisuels, papier et en ligne ne fera qu’épaissir la crise de confiance et cristalliser les rancœurs.
Le juge des délits du tribunal de Bir Mourad Raïs a ordonné, jeudi, le placement en détention provisoire du journaliste Saad Bouakba, après sa présentation en comparution immédiate. L’audience a été renvoyée au 4 décembre 2025, date à laquelle l’affaire sera examinée.
Selon un communiqué du procureur de la République près le même tribunal, une enquête préliminaire a été ouverte à la suite d’une plainte déposée par Mahdia Ben Bella, fille du premier président algérien, Ahmed Ben Bella. Elle accuse le journaliste d’avoir porté atteinte à la mémoire de son père, considéré comme l’un des symboles historiques de l’État, lors d’un entretien diffusé sur la chaîne YouTube Vision TV News, intitulé : « Ainsi les chefs de la Révolution se sont partagés l’argent du FLN ».
D’après le ministère public, l’entretien contient des “informations fausses, erronées ou attentatoires”, mettant en cause plusieurs figures de la Révolution de Novembre. Le journaliste y affirme que des dirigeants du FLN auraient, durant la guerre de libération, détourné des fonds du mouvement en les déposant sur des comptes personnels — des propos qualifiés d’atteinte aux symboles de l’État et de la lutte de libération nationale.
La ministère des Moudjahidine, représenté par son conseiller juridique, s’est constitué partie civile aux côtés de la plaignante. Saad Bouakba est poursuivi pour injure et diffamation via l’utilisation de moyens électroniques à l’encontre de symboles de la Révolution, ainsi que pour diffusion volontaire de fausses informations auprès du public.
Le gestionnaire de la web TV Vision TV News, Abderrahim Harraoui, est également poursuivi pour injure et diffamation, mais le juge a décidé de le laisser en liberté provisoire.
À l’issue de la procédure de comparution immédiate, le dossier a été transmis à la section correctionnelle. Le journaliste, âgé de 79 ans, attendra son procès en détention provisoire, dans un dossier qui relance le débat sensible sur la gestion de la mémoire historique et les limites de la parole publique dans l’Algérie contemporaine.
L’affaire du journaliste Bouakba renseigne sur les limites, voire le refus, de tout débat contradictoire en Algérie.
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