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Chaïma Bencharef : « Préserver les abeilles, c’est préserver la vie elle-même »

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Chaïma Bencharef
Chaïma Bencharef. Crédit photo : DR

Lors de la Foire internationale de Marseille, sur le stand de l’Algérie, nous avons rencontré Chaïma Bencharef, apicultrice passionnée et fondatrice de la marque Bee Royal.

À travers son travail minutieux et son discours empreint de conviction, elle incarne une nouvelle génération d’entrepreneures algériennes engagées dans la valorisation du miel naturel, le respect de la biodiversité et la promotion d’une apiculture durable.

Le Matin d’Algérie : Pouvez-vous nous raconter l’histoire de Ruchers Chaïma et comment est née l’idée de Bee Royal ?

Chaïma Bencharef : L’aventure Bee Royal est née d’une passion profonde pour la nature et d’un amour sincère pour les abeilles, symboles d’équilibre et de générosité. Depuis mes débuts dans l’apiculture, j’ai toujours rêvé de créer une marque qui allie savoir-faire traditionnel et approche moderne, offrant un miel pur, noble et authentiquement algérien.

C’est ainsi qu’est née Bee Royal, une marque qui incarne l’excellence, la transparence et la beauté naturelle de notre terroir.

Le Matin d’Algérie : Quelles sont les valeurs et la mission de Bee Royal ?

Chaïma Bencharef : Bee Royal repose sur trois valeurs fondamentales : 1.Pureté absolue : préserver la nature sans intervention chimique ni transformation.

2.Engagement : respect de l’abeille, de la nature et du consommateur.

3. Excellence : offrir un produit haut de gamme, alliant qualité et élégance. 

Notre mission est de promouvoir la culture du miel naturel comme aliment et remède, tout en encourageant une apiculture durable et responsable en Algérie.

Le Matin d’Algérie : Quels types de miel produisez-vous et quelles sont leurs particularités ?

Chaïma Bencharef : Nous produisons plusieurs variétés de miel pur, issus des régions florales riches d’Algérie : Miel de jujubier (sidr) : rare, puissant et reconnu pour ses vertus médicinales. Miel de thym : idéal pour renforcer le système respiratoire et l’immunité. Miel d’eucalyptus : bénéfique pour la gorge et riche en antioxydants. Miel de déranger : léger, aromatique et énergisant. Miel de montagne : pur, aromatique et fortifiant, récolté sur les fleurs sauvages des hauteurs. Miel de chardon de chameau : un miel rare au goût intense, renforçant l’immunité et soutenant la santé respiratoire et digestive. Miel de Labbina : apaise les allergies respiratoires, renforce l’immunité et facilite la respiration. Chaque miel reflète la diversité de notre nature et l’authenticité de son origine.

Le Matin d’Algérie : Comment garantissez-vous la qualité et la pureté de vos produits ?

Chaïma Bencharef : Nous contrôlons rigoureusement chaque étape : choix des ruchers dans des zones non polluées, extraction manuelle du miel, et filtration naturelle sans chauffage ni additifs.

Des analyses en laboratoire agréé certifient la qualité et la conformité de nos produits.

Le Matin d’Algérie : Quelle est votre méthode d’élevage des abeilles et de récolte du miel ?

Chaïma Bencharef : Nous pratiquons une apiculture respectueuse et durable, centrée sur le bien-être des abeilles et la préservation de l’écosystème. Le miel est récolté à maturité, à la main, afin de conserver toutes ses propriétés nutritionnelles et thérapeutiques.

Le Matin d’Algérie : Qu’est-ce qui distingue Bee Royal des autres producteurs de miel en Algérie ?

Chaïma Bencharef : Bee Royal se distingue par sa combinaison unique de savoir-faire traditionnel et méthodes scientifiques rigoureuses.Elle propose des mélanges thérapeutiques naturels, destinés à renforcer l’immunité ou soulager les affections respiratoires, tout en garantissant la pureté et la qualité grâce à des analyses en laboratoire certifiées.

Le design soigné et l’identité visuelle élégante incarnent la devise de Bee Royal : « Du producteur au consommateur », symbole de transparence et de confiance.

Le Matin d’Algérie : Avez-vous développé des produits spécifiques pour la santé et le bien-être ?

Chaïma Bencharef : Oui, absolument. Nous avons développé des gammes naturelles à base de miel pur, gelée royale, huiles essentielles et plantes médicinales, conçues pour soutenir l’immunité, l’énergie et l’équilibre du corps. Ces formules ciblent les enfants, les sportifs et les femmes enceintes, avec des mélanges spécifiques pour la vitalité et le système respiratoire.

Le Matin d’Algérie : Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontée ?

Chaïma Bencharef : Les défis majeurs concernent les variations climatiques imprévisibles, qui impactent la floraison des plantes nectarifères, et donc la qualité et la quantité de miel. S’ajoutent la hausse des coûts des matières premières et un manque de sensibilisation des consommateurs à la valeur du miel naturel. Malgré tout, je m’efforce de maintenir une production responsable, durable et traçable, valorisant le miel algérien à travers certification et participation aux salons nationaux et internationaux.

Le Matin d’Algérie : Quels sont vos projets de développement pour l’avenir ?

Chaïma Bencharef : Bee Royal poursuit une stratégie d’expansion avec de nouvelles gammes apithérapeutiques, associant miel, huiles essentielles et gelée royale.

Nous renforçons la production grâce à des technologies modernes de conditionnement et de traçabilité, et visons l’export pour faire rayonner le miel algérien authentique à l’international.

Le Matin d’Algérie : Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans l’apiculture ?

Chaïma Bencharef : Ce qui me passionne, c’est la complexité scientifique et écologique du rôle de l’abeille.

Elle assure 75 % de la reproduction des plantes cultivées et sauvages, participant à la sécurité alimentaire mondiale.

Travailler avec les abeilles, c’est observer un modèle parfait d’organisation et de coopération, reflet de la création. Ma conviction : préserver les abeilles, c’est préserver la vie elle-même, en conciliant production, biodiversité et responsabilité environnementale.

Propos recueillis par Djamal Guettala

Foire internationale de Marseille, stand de l’Algérie

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Angleterre : Hannibal Mejbri dans la tourmente après une accusation de « crachat » sur des supporters de Leeds

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Hannibal Mejbri
Hannibal Mejbri.

L’international tunisien Hannibal Mejbri, milieu de terrain du club anglais Burnley, se retrouve au cœur d’une polémique qui agite la Premier League. La Fédération anglaise de football (FA) a annoncé, lundi 11 novembre, l’ouverture d’une procédure disciplinaire contre le joueur de 22 ans, accusé d’avoir craché en direction des supporters de Leeds United lors du match disputé le 18 octobre dernier à Turf Moor.

Selon la FA, Mejbri est suspecté d’avoir “enfreint les règles du jeu ou adopté un comportement inapproprié, abusif ou obscène”. L’incident présumé se serait produit à la 67e minute, alors que le milieu de terrain s’échauffait sur la ligne de touche avant son entrée en jeu, intervenue à la 83e minute.

L’affaire a pris une tournure officielle après la plainte déposée par un supporter de Leeds, amenant la police du Lancashire à ouvrir une enquête préliminaire. Le dossier a ensuite été transmis à la Fédération, qui a donné au joueur jusqu’au 28 novembre pour répondre aux accusations.

Aucun des deux clubs, ni Burnley ni Leeds United, n’a souhaité réagir pour le moment, malgré les sollicitations répétées de la presse britannique, notamment la BBC.

Arrivé à Burnley en août 2024 en provenance de Manchester United pour un montant avoisinant 9,4 millions de livres sterling, Hannibal Mejbri s’était imposé comme l’un des jeunes talents les plus prometteurs de la formation dirigée par Vincent Kompany. En cinquante matchs disputés, il n’a inscrit qu’un but, mais sa combativité et sa vision de jeu lui avaient valu la reconnaissance du public et de ses coéquipiers.

Cette affaire tombe au plus mauvais moment pour le milieu tunisien, dont la carrière semblait prendre un nouvel élan. En cas de confirmation des faits, il risque une amende et une suspension, des sanctions qui pourraient compromettre sa régularité avec Burnley et, plus encore, sa présence avec la sélection tunisienne, qualifiée pour la Coupe du monde 2026.

Au-delà du simple incident, cette polémique souligne la fragilité de l’image publique des jeunes footballeurs, souvent observés et jugés au moindre geste. Dans un championnat aussi médiatisé que la Premier League, le comportement d’un joueur, même en dehors du jeu, peut rapidement devenir un enjeu moral et symbolique.

Reste désormais à savoir si Hannibal Mejbri sortira de cette tempête blanchi… ou marqué à jamais par cette accusation.

Djamal Guettala 

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Réactions à la libération de Sansal : entre geste humanitaire, calcul diplomatique et appel à la cohérence politique

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Boualem Sansal.
Boualem Sansal, une des nombreuses victimes de l'arbitraire en Algérie.

La grâce présidentielle accordée à l’écrivain Boualem Sansal continue de susciter des réactions contrastées, oscillant entre soulagement, scepticisme et exigence de cohérence.

Si la décision du cjef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, intervenue à la suite d’une intercession du président allemand Frank-Walter Steinmeier, a été officiellement présentée comme un geste humanitaire, elle soulève en Algérie et à l’étranger des interrogations d’ordre politique, éthique et diplomatique.

Un geste interprété comme un aveu

Pour l’ancien président du RCD et écrivain Saïd Sadi, cette grâce met en lumière une contradiction profonde : « En Algérie, l’humanisme c’est comme les hydrocarbures ; c’est bon pour l’exportation. » Derrière la formule cinglante, il pointe une dépendance morale à la reconnaissance extérieure : « L’humanisme d’un chef d’État dépendrait de la stimulation d’un homologue étranger », écrit-il, estimant que le geste, bien qu’heureux pour l’écrivain et sa famille, révèle une faiblesse politique autant qu’un déficit d’autonomie morale.

Sadi souligne en outre la coïncidence troublante entre la libération de Sansal et la condamnation à cinq ans de prison du poète Mohamed Tadjadit, figure du Hirak : « La même peine, la même société, deux destins opposés. » Pour lui, la juxtaposition des deux affaires illustre une logique sélective de la clémence et une gestion symbolique de la justice.

Entre diplomatie et justice sélective

Du côté politique, les réactions oscillent entre approbation prudente et mise en garde contre toute instrumentalisation diplomatique.

Le président du parti Jil Jadid, Sofiane Djilali, reconnaît le caractère « humanitaire » de la décision, mais avertit : « Ne pas étendre le geste à d’autres détenus incarcérés pour des motifs bien moindres serait perçu comme une injustice. » Selon lui, la clémence présidentielle « ne doit pas dépendre d’un plaidoyer étranger ni créer une hiérarchie entre citoyens ».

Le magistrat à la retraite Habib Achi adopte un ton plus institutionnel. Il voit dans cette grâce « un acte de diplomatie raisonnée », inscrit dans un équilibre d’intérêts internationaux. Mais il appelle à « une cohérence interne entre les gestes extérieurs et la justice domestique », suggérant une seconde mesure de grâce pour les détenus d’opinion, « afin d’éviter le double standard et d’affirmer la souveraineté morale de l’État ».

Une exigence d’ouverture démocratique

Dans un communiqué, le président du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), Atmane Mazouz, salue une décision « bénéfique et positive », rappelant que son parti avait plaidé pour la libération de Sansal sans partager ses positions sur la question de l’intégrité territoriale. « Le courage politique, écrit-il, c’est aussi de défendre la liberté d’expression, même pour ceux avec qui nous sommes en désaccord. »

Mazouz replace la grâce dans une perspective plus large : la nécessité de « tourner la page de la répression » et d’ouvrir un dialogue national fondé sur la liberté et la justice. « L’Algérie, conclut-il, ne retrouvera sa place et sa dignité internationales que dans la liberté et la justice. »

Une société en attente de signaux forts

Les réactions de la société civile abondent dans le même sens. Un citoyen de Tizi-Ouzou, vétérinaire de profession, a résumé sur les réseaux sociaux un sentiment partagé : « Le Président s’est libéré d’un fardeau encombrant. Il est temps maintenant de libérer tous les détenus d’opinion et, ce faisant, de libérer sa conscience. »

Même tonalité chez le journaliste Hafid Derradji, qui se félicite de la libération de Sansal tout en appelant à la cohérence : « Si cette décision sert la dignité de l’Algérie, qu’elle soit suivie d’un geste envers ceux qui ont été condamnés pour leurs idées. C’est ainsi qu’on renforce l’unité nationale. »

Entre humanisme affiché et réalités politiques

Au-delà de l’émotion et des lectures diplomatiques, la grâce accordée à Boualem Sansal renvoie à une question plus essentielle : celle de la crédibilité de l’État face à la justice et aux libertés. L’acte humanitaire, s’il n’est pas accompagné d’une dynamique politique interne, risque d’apparaître comme une concession circonstancielle plutôt qu’une orientation durable.

Dans un pays où l’espace public demeure sous tension, cette libération pourrait constituer soit un précédent encourageant, soit un simple épisode dans la chronologie des ajustements diplomatiques. Tout dépendra de la suite — c’est-à-dire de la capacité du pouvoir à faire de l’humanisme non plus un produit d’exportation, mais une valeur nationale.

Samia Naït Iqbal

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Grâce accordée à Boualem Sansal : un geste au cœur d’une diplomatie souterraine entre Alger, Berlin et Paris

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Sansal
Boualem Sansal retrouve la liberté

En accédant à la demande du président allemand Frank-Walter Steinmeier d’accorder une grâce à l’écrivain Boualem Sansal pour raisons humanitaire Abdelmadjid Tebboune pose un acte diplomatique. Quant à l’humanitaire, on attendra.

Cette décision intervient dans un contexte d’échanges discrets entre Alger et Paris, où Berlin semble jouer un rôle d’intermédiaire dans une relance prudente du dialogue entre les deux capitales, après plus d’un an de froid diplomatique.

Le communiqué de la présidence de la République, rendu public le 10 novembre 2025, annonce qu’Abdelmadjid Tebboune a répondu favorablement à une requête formulée par le président de la République fédérale d’Allemagne, Frank-Walter Steinmeier, sollicitant la grâce de l’écrivain algérien Boualem Sansal pour des raisons humanitaires. Si le texte officiel insiste sur la dimension humaine et légale de la décision, son contexte diplomatique lui confère une portée bien plus large.

Cette mesure intervient à un moment où Alger et Paris multiplient, sans les rendre publiques, les signaux d’ouverture en vue d’une reprise du dialogue politique gelé depuis juillet 2024. La médiation allemande, à travers la demande adressée par le président Steinmeier, apparaît dès lors comme un acte d’intercession dans le cadre d’une diplomatie souterraine associant, de manière implicite, Berlin, Alger et Paris.

Depuis plus d’un an, tous les canaux officiels de communication diplomatique et sécuritaire entre la France et l’Algérie demeurent fermés. Le gel a touché aussi bien les échanges entre services de renseignement que les consultations politiques de haut niveau, conséquence directe de la crise née de divergences persistantes sur les dossiers mémoriels, migratoires et sécuritaires. Dans ce contexte de blocage, les deux capitales ont progressivement privilégié des formes de diplomatie officieuse, opérant à travers des relais religieux ou culturels.

Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, et Monseigneur Jean-Paul Vesco, archevêque de l’Église catholique d’Algérie, auraient ainsi joué un rôle discret dans le maintien d’un fil de communication spirituel et symbolique entre les deux pays. Ce canal parallèle, toléré de part et d’autre, permettait de préserver un minimum de confiance et d’éviter une rupture totale, tout en préparant le terrain à une reprise progressive du dialogue politique.

Dans cette perspective, la demande de Frank-Walter Steinmeier et la réponse positive d’Abdelmadjid Tebboune ne relèvent pas seulement d’un geste humanitaire isolé. Elles traduisent un repositionnement subtil de l’Allemagne, agissant comme passerelle entre l’Algérie et la France, deux partenaires stratégiques de l’Union européenne dont la relation bilatérale demeure essentielle pour la stabilité du bassin méditerranéen.

En acceptant la grâce de Boualem Sansal, le président Tebboune envoie également un message mesuré à ses partenaires européens : celui d’un État souverain, attaché à ses principes, mais capable d’entendre les sollicitations de ses alliés lorsqu’elles sont motivées par des considérations humanitaires. 

Cette  mansuétude dont a fait preuve Abdelmadjid Tebboun est un geste qui interroge d’autant qu’il intervient après une fermeté opposée par l’Algérie aux demandes françaises de libération de l’écrivain franco algérienne Boualem Sansal. 

Ce geste inattendu apres les graves accusations lancées par Tebboune et la presse proches du pouvoir contre Boualem Sansal, s’inscrit, assure le communiqué de la présidence, dans le strict cadre constitutionnel — l’article 91, paragraphe 8, conférant au chef de l’État le pouvoir de grâce — et revêt, à ce titre, une portée symbolique singulière.

Mais ce geste interroge. Il intervient après que l’Algérie eut opposé une fermeté constante aux demandes réitérées des autorités françaises en faveur de la libération de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, refusant jusque-là de recourir à quelque artifice judiciaire ou constitutionnel pour accéder à ces sollicitations.

C’est dire que la décision de Tebboune, motivée cette fois par une requête d’un partenaire tiers, se veut avec une dimension diplomatique. D’où la question : pourquoi le même Tebboune n’a pas repondu à tous les appels lancés par des Algériens, des ONG internationales de défense des droits humains concernant les quelque 250 detenus d’opinion ?

La rédaction

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Sur demande de l’Allemagne, Tebboune accorde une grâce à Boualem Sansal

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Boualem Sansal.
Boualem Sansal, une des nombreuses victimes de l'arbitraire en Algérie.

Le 10 novembre 2025, le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a reçu une demande de M. Frank-Walter Steinmeier, président de la République fédérale d’Allemagne, visant à accorder une grâce à Boualem Sansal.

Le président de la République a répondu favorablement à cette demande qui a retenu son attention en raison de sa nature et de ses motifs humanitaires.

En application de l’article 91, alinéa 8, de la Constitution et après consultation légale, le président de la République a décidé de donner une réponse positive à la demande de Son Excellence le président de la République fédérale d’Allemagne, pays ami.

L’État allemand prendra en charge le transfert et le traitement de la personne concernée.

APS

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Alger accorde une « grâce humanitaire » à Boualem Sansal

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Boualem Sansal
Boualem Sansal placé en détention depuis le 16 novembre dernier

Selon une information publiée par La Provence (avec AFP) ce mercredi 12 novembre 2025, l’Algérie a accepté de gracier et de transférer l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal vers l’Allemagne, où il pourra recevoir des soins médicaux. Ce geste, qualifié d’humanitaire, met fin à un an d’emprisonnement pour l’auteur du Village de l’Allemand.

Dans un communiqué officiel relayé par la présidence algérienne, il est précisé qu’Abdelmadjid Tebboune « a répondu favorablement à une demande de son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier concernant l’octroi d’une grâce en faveur de Boualem Sansal ». Le texte ajoute que cette décision a été prise « en raison de la nature et des motifs humanitaires de la demande ».

Âgé de 80 ans, Boualem Sansal, condamné en appel en juillet dernier à cinq ans de prison, souffrirait de problèmes de santé nécessitant une prise en charge spécialisée. Le président allemand avait personnellement sollicité Alger afin qu’il puisse être transféré et soigné dans son pays, invoquant « son âge avancé et son état de santé fragile ».

Cette décision du chef de l’État algérien s’inscrit dans un contexte diplomatique marqué par la volonté d’apaisement entre Alger et Berlin, partenaires dans plusieurs domaines, notamment énergétique et sécuritaire. Pour La Provence, ce geste est perçu comme une réponse positive à une requête formulée au plus haut niveau, témoignant d’une sensibilité humanitaire tout en respectant les prérogatives de la justice algérienne.

Boualem Sansal, connu pour ses prises de position critiques envers les pouvoirs politiques arabes et pour sa défense de la liberté de conscience, est une figure controversée dans son pays. Ses romans, souvent censurés en Algérie, explorent les dérives du fanatisme, la mémoire coloniale et les fractures identitaires du monde contemporain. Son œuvre a été plusieurs fois primée, notamment par l’Académie française, qui lui a décerné en 2015 le Grand Prix du Roman, partagé avec Hédi Kaddour.

L’affaire Sansal avait suscité une vague de solidarité en France et en Europe. Plusieurs intellectuels et responsables politiques, dont François Bayrou, avaient appelé Alger à faire preuve de clémence. Pour beaucoup, cette libération représente un geste d’apaisement, au-delà des clivages politiques.

Le communiqué de la présidence algérienne n’a pas précisé la date exacte du transfert ni les modalités de la grâce. Mais selon La Provence, cette décision « répond à une demande humanitaire claire formulée par l’Allemagne », ajoutant que « le président Tebboune a voulu manifester une attention particulière à ce dossier ».

L’écrivain devrait prochainement être accueilli dans un centre médical en Allemagne. Son entourage espère qu’il pourra, une fois rétabli, reprendre l’écriture et poursuivre ce dialogue littéraire et critique qui a toujours nourri son rapport à l’Algérie et à la modernité.

Cette grâce arrive 24h après la condamnation arbitraire du poète Mohamed Tadjadit à 5 ans de prison. Il y a encore plus de 250 détenus d’opinion qui croupissent dans les prisons pour parfois de simples posts sur les reseaux sociaux. Cette décision heureuse dont bénéficie Boualem Sansal ne doit pascacacher la triste réalité de la situation des libertés et droits humains dans le pays.

Mourad Benyahia 

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Tunisie : le Mouvement du peuple alerte sur la dérive autoritaire et la fragilité économique

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Zouhir Maghzaoui
Zouhir Maghzaoui. Crédit photo : DR

Réuni le 9 novembre 2025, le bureau politique élargi du Mouvement du Peuple a publié un communiqué réaffirmant son attachement aux libertés, à la justice et à l’État de droit.

La formation dirigée par Zouhir Maghzaoui dénonce la détention abusive de citoyens sans garanties de procès équitable ni respect des conditions de détention conformes aux normes internationales. Ces pratiques, estime-t-elle, menacent la stabilité du pays et nuisent à son image à l’étranger.

Sur le plan économique, le parti critique sévèrement le projet de loi de finances 2026, qu’il juge dénué de toute vision réformatrice et calqué sur les politiques rejetées par les révoltes de 2011 et 2021. Ce texte, selon la formation, se limite à une approche comptable et aggrave l’endettement public, menaçant la survie des entreprises publiques et accentuant la dégradation des services de santé, d’éducation et de transport.

Le Mouvement du Peuple s’inquiète également du recours répété à l’emprunt auprès de la Banque centrale, estimant que cette politique alimente l’inflation et affaiblit le dinar, entraînant une érosion du pouvoir d’achat malgré les augmentations salariales prévues.

Concernant la situation à Gabès, le parti déplore la passivité du gouvernement face aux revendications légitimes des habitants, jugeant que les promesses creuses et la création de comités sans mandat clair ne font qu’aggraver la crise sociale et environnementale.

S’il réaffirme son soutien à la lutte contre la corruption et les lobbies, le parti met en garde contre la criminalisation généralisée des acteurs politiques et associatifs, une dérive qui assèche la vie démocratique et éloigne les citoyens de la gestion des affaires publiques.

Le Mouvement du Peuple appelle en outre à des réformes législatives urgentes : révision du décret 54, création de la Cour constitutionnelle, modernisation des codes du commerce, du travail et des institutions judiciaires et électorales.

Enfin, tout en réitérant son refus du financement étranger des partis et associations, il demande l’adoption d’une loi claire criminalisant ces pratiques, rappelant que le décret 88 de 2011 ne les interdit pas expressément et qu’il a déjà été utilisé de manière abusive contre le mouvement.

Mourad Benyahia

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Nora Preziosi et Erwan Davoux candidats aux municipales de Marseille

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Nora Preziosi et Erwan Davoux
Nora Preziosi et Erwan Davoux.

À quelques mois des élections municipales, Nora Preziosi et Erwan Davoux officialisent leur candidature pour la mairie de Marseille. Libres et indépendants, ils entendent offrir aux habitants une alternative centrée sur la proximité, l’écoute et la participation citoyenne.

Dans un message publié récemment, les deux candidats mettent en avant leur volonté de rassembler : « Nous bâtirons l’union des Marseillaises et des Marseillais. Avec vous, pour vous, nous nous engageons pour construire l’avenir de notre ville ». Cette formule souligne leur intention de placer les citoyens au cœur du projet municipal et de dépasser les clivages traditionnels pour mobiliser l’ensemble des Marseillais autour d’un programme commun.

Le duo se présente comme une force indépendante, affirmant vouloir « agir sans contraintes partisanes ». Leur démarche vise à répondre aux attentes des habitants, confrontés à des défis urbains majeurs : sécurité, mobilité, logement, développement économique et qualité de vie. L’accent est mis sur la transparence, la responsabilité et la concertation avec la population.

Pour Nora Preziosi et Erwan Davoux, ces élections représentent l’opportunité de créer un modèle de gouvernance plus ouvert et collaboratif, où chaque citoyen peut participer aux décisions qui concernent son quotidien. Leur stratégie repose sur un dialogue constant avec les Marseillais, et sur des actions concrètes visant à renforcer le tissu social et culturel de la ville.

Alors que la campagne municipale s’annonce intense, cette candidature indépendante attire l’attention par son approche rassembleuse et son message de proximité. Les prochains mois seront déterminants pour mesurer l’impact de cette dynamique citoyenne sur le paysage politique marseillais et sur la capacité des Marseillais à se mobiliser autour d’un projet collectif.

Djamal Guettala 

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Mohamed Tadjadit condamné à 5 ans de réclusion par le tribunal criminel d’Alger

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Mohamed Tadjadit
Mohamed Tadjadit. Crédit photo : DR

Le tribunal criminel de première instance d’Alger, siégeant au tribunal de Dar El Beïda (Cour d’Alger), a condamné, ce mardi, Mohamed Tadjadit, plus connu sous le surnom de “poète du Hirak”, à une peine de cinq ans de réclusion criminelle et à une amende de 200 000 dinars.

Cette énième condamnation arbitraire qui vise le courageux Mohamed Tadjadit s’accompagne d’une condamnation civile, le prévenu étant tenu de verser 500 000 dinars à l’Agent judiciaire du Trésor (AJT) à titre de réparation.

Selon le communiqué rendu public par son avocate, Me Fetta Sadat, Mohamed Tadjadit a été reconnu coupable de six chefs d’accusation relevant du code pénal algérien, parmi lesquels : crime d’apologie d’actes terroristes, utilisation des technologies de l’information pour soutenir des entités terroristes, propagation d’idées à caractère terroriste, outrage à corps constitué, atteinte à l’intérêt national par des publications publiques, et incitation à attroupement non armé. Les faits poursuivis s’appuient sur les articles 100 (alinéa 1), 146, 87 bis 12, 87 bis 4 et 96 du code pénal.

Lors de l’audience, le représentant du ministère public avait requis une peine de dix ans de réclusion contre le poète, estimant que les éléments du dossier constituaient des infractions graves aux lois en vigueur. L’Agent judiciaire du Trésor, pour sa part, avait sollicité une réparation civile à hauteur de deux millions de dinars, ramenée à 500 000 dinars dans le verdict final.

Connu pour ses poèmes engagés et ses prises de parole lors du mouvement de dissidence populaire de 2019, Mohamed Tadjadit a déjà été à plusieurs reprises interpellé et poursuivi pour des faits liés à ses activités militantes et à ses publications sur les réseaux sociaux. Cette nouvelle condamnation arbitraire, prononcée dans un contexte de multiplication des lois liberticides, suscite de vives réactions dans les milieux militants et juridiques, où elle est perçue comme un signal supplémentaire de la répression visant certaines formes d’expression politique ou artistique.

L’affaire illustre également l’élargissement du champ d’application des articles du code pénal relatifs à la sécurité de l’État et à la communication électronique, souvent mobilisés depuis 2021 pour qualifier pénalement des publications considérées comme portant atteinte à l’ordre public ou à l’unité nationale.

En attendant d’éventuels recours, cette condamnation marque une nouvelle étape dans le parcours judiciaire de celui que beaucoup surnommaient, au plus fort du Hirak, “la voix poétique de la contestation populaire”. Il restera donc parmi les 250 détenus d’opinion qui croupissent dans les prisons.

La rédaction

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« Georges Brassens : les coquins d’abord », de Jean-Michel Wavelet

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Georges Brassens

Bien au-delà du simple répertoire, l’œuvre de Georges Brassens est le fruit d’une alchimie poétique et existentielle rare, où la marginalité d’un « bâtisseur de mots » s’est muée en une littérature intemporelle, élevant la cause des humbles au rang de grand art.

Une alchimie poétique et existentielle

L’ouvrage Georges Brassens : Les coquins d’abord, paru aux Éditions L’Harmattan dans la Collection Cabaret, propose une analyse dense et singulière du célèbre chansonnier. Son auteur, Jean-Michel Wavelet, écrivain habitué à décrypter les figures majeures (Bachelard, Camus, Péguy), explore la trajectoire mystérieuse de ce fils de maçon, cancre devenu l’un des plus grands poètes de la langue française.

Loin de l’anecdote, cette étude révèle comment Brassens, par un travail acharné sur les mots et un refus total du conformisme, a transformé ses blessures personnelles et son héritage de la pauvreté en une œuvre intemporelle. L’analyse met en lumière la cohérence absolue entre l’homme, le « voyageur immobile » qui renonça à la descendance au profit de la pérennité poétique, et l’artiste, dont l’impact réside dans l’alliance inédite entre l’exigence formelle classique et la voix donnée aux exclus, aux humbles, à tous ceux que le monde oublie, assurant ainsi sa place définitive au panthéon des lettres.

La démarche de Wavelet dans l’étude de Brassens

L’ouvrage, judicieusement intitulé  Georges Brassens : Les coquins d’abord, trouve sa place au sein de la Collection Cabaret des Éditions L’Harmattan, une collection reconnue qui vise à la fois à perpétuer la mémoire des cabarets comme lieux d’expression artistique et à publier les textes des auteurs-compositeurs-interprètes.

L’auteur de cette étude, Jean-Michel Wavelet, n’en est pas à son coup d’essai en matière d’analyse de figures marquantes. Son œuvre se distingue par une exploration constante des parcours de vie singuliers et des thèmes cruciaux de la transmission et de la culture. Avant de se pencher sur Brassens, Wavelet a ainsi consacré des études fouillées à de grands noms de la littérature et de la philosophie française, notamment Gaston Bachelard, avec un regard porté sur les chemins d’une volonté inattendue, Albert Camus, dont il a exploré la voix de la pauvreté et le rôle de pédagogue résistant, et Charles Péguy.

Complétant ce corpus d’analyses culturelles, il est également l’auteur d’ouvrages pédagogiques (Une école pour chacun, Libérons l’avenir de l’école), confirmant son intérêt profond et constant pour les questions d’éducation et la manière dont les grandes figures du passé peuvent enrichir la pensée contemporaine.

Brassens : un « bâtisseur de mots »

L’analyse de Brassens révèle une personnalité profondément singulière, un « bâtisseur de mots » qui a accédé à une véritable immortalité par son art, transcendant le statut éphémère de simple chansonnier. Mort en 1981, il n’a jamais été oublié ; ses chansons continuent de parler de l’humain dans ses élans et ses blessures avec une permanence éternelle, abordant les thèmes universels de l’amour, de la vie et de la mort.

Ce phénomène d’inscription durable, allant jusqu’à voir son nom figurer dans le Petit Larousse, est d’autant plus remarquable que le chanteur se voyait initialement promis à une gloire passagère. Cette pérennité de l’œuvre n’est pas le fruit du hasard, mais d’un choix existentiel et artistique rigoureux. Son existence fut presque monacale, entièrement orientée vers l’exigence de la création. Cette concentration absolue sur l’œuvre s’est traduite par des choix radicaux, notamment le fait de ne pas avoir d’enfants, une décision que l’auteur interprète non comme un refus de la vie, mais comme une conviction profonde que la paternité biologique aurait pu entraver le bonheur inénarrable de son œuvre, laquelle il destinait à une pérennité bien supérieure à la simple continuité généalogique.

Il a sacrifié la descendance personnelle au profit de la descendance poétique. Brassens se définissait ainsi comme un « voyageur immobile », ancré dans la fidélité de son refuge de l’Impasse Florimont, cette stabilité géographique et matérielle lui servant de socle à une exploration infinie du langage et de la nature humaine. En privilégiant l’intensité et l’approfondissement de son art à toute forme d’extension ou de dispersion superficielle, cette immobilité choisie est la métaphore de sa résistance fondamentale à l’air du temps et au conformisme. Il cultivait ainsi un rejet viscéral du « penchant moutonnier » de l’imitation et de la mode, assurant l’authenticité et l’intemporalité de son génie poétique face à l’éphémère de l’industrie du spectacle. Il n’a jamais cherché à coller à l’époque, mais à décrire l’homme de toutes les époques.

L’influence de l’origine sociale

L’apport de Brassens, au-delà de sa discographie, est profondément indissociable de son parcours de vie singulier. Fils de maçon, issu d’un milieu résolument populaire, son profil ne le prédisposait nullement à la reconnaissance intellectuelle : il fut un cancre notoire, quitta tôt le collège et connut même une condamnation avec sursis pour délinquance juvénile, un fardeau qu’il craignit toujours de voir resurgir.

Son succès, dans ce contexte, est perçu comme une mystérieuse trajectoire pour celui qui n’était visiblement pas destiné, de par son origine, à l’élite culturelle. Paradoxalement, c’est cet héritage de la pauvreté et de la marge qui lui a donné l’autorité et la légitimité pour devenir la voix des humbles, des exclus, et des « gueux » qui, trop souvent, n’ont pas les mots pour exprimer leur condition ou leur révolte. Sa mission devint celle de réconcilier le peuple avec la culture exigeante, non par l’abaissement du niveau, mais par la qualité.

Il puisait ainsi dans la poésie classique de ses maîtres comme Villon, Ronsard ou La Fontaine, pour bâtir un rapport exigeant à la langue, rejetant le style affecté ou pompeux de certains au profit de la clarté ciselée, de l’image suggestive et d’une versification impeccable. Ce chemin vers la poésie fut également un puissant instrument de maîtrise des pulsions et d’éducation personnelle ; l’usage rigoureux des mots et de la versification lui a permis de canaliser une énergie brute pour passer d’un langage strictement personnel à un langage universel pour le monde, forgeant chez lui une tempérance et un humanisme que les rudesses de l’existence avaient pu un temps interdire.

Finalement, sa révolte n’est pas un cri stérile, mais le « non » réfléchi d’un homme qui refuse l’intolérable et dénonce le malentendu persistant entre sa vision d’un monde juste et la rigidité de la norme sociale.

L’apport de Brassens

L’apport de Georges Brassens à la poésie et à la société est multiple et profondément original. Tout d’abord, il a su élever la chanson populaire au rang de poésie, en combinant rigueur formelle, richesse lexicale et images évocatrices. Loin de céder aux facilités du rythme ou aux effets superficiels, il a choisi la clarté, la précision et la subtilité des vers, créant un langage à la fois accessible et exigeant.

Ensuite, son œuvre a constitué un véritable instrument de justice sociale. En donnant voix aux « humbles », aux exclus et aux marginalisés, il a fait de la poésie un vecteur de dignité et d’humanité. Chaque chanson, même légère en apparence, porte un regard lucide sur les injustices et les hypocrisies de la société. Cette capacité à conjuguer humour, ironie et critique sociale constitue l’une de ses plus grandes originalités : il touche autant les cœurs que les consciences.

Enfin, Brassens a incarné une cohérence entre vie personnelle et œuvre artistique qui reste exemplaire. Libertaire dans ses choix, fidèle à ses convictions et à ses racines, il a montré que l’art peut être à la fois intime, universel et engagé. Son apport réside donc non seulement dans les textes eux-mêmes, mais dans la démonstration qu’une vie menée avec intégrité et exigence est le terreau d’une œuvre durable et profondément humaine.

L’authenticité et l’impact poétique

L’impact de Brassens réside tout d’abord dans cette authenticité singulière qui imprègne l’intégralité de son œuvre, teintant ses textes d’une vérité brute et sa manière de chanter d’une profonde honnêteté. Cette mise en place inimitable, souvent comparée à celle des chanteurs de blues par sa sobriété et son rythme, marque un refus viscéral de l’asservissement aux modes et aux techniques vocales superficielles, privilégiant l’expression sans fard du sens et de la rime.

Son génie s’exprime dans sa capacité à faire corps avec les victimes et les humiliés ; il ne se contente pas de les décrire de loin, mais se place résolument de leur côté, assurant leur défense et leur dignité. Ce faisant, il donne de la valeur, une voix et une humanité aux « sans-mots, les sans-cultures, les sans-dents », élevant leurs petites histoires au rang de poésie universelle et de critique sociale intemporelle.

Une éthique libertaire

Par ailleurs, la singularité profonde de Brassens se manifeste jusque dans ses choix personnels et moraux, notamment son positionnement libertaire face à la vie conjugale. Son histoire familiale, marquée par des deuils précoces (comme la mort de son oncle homonyme) et le soutien inconditionnel de ses proches (sa demi-sœur Simone notamment), a forgé chez lui une sensibilité particulière et une résistance farouche à l’institution du mariage telle que définie par la norme bourgeoise et cléricale.

Cette sensibilité, loin d’être un caprice ou une simple provocation, le conduisit à toujours se placer du côté de l’amour libre et des choix non conventionnels, en parfaite cohérence éthique avec le libertaire et l’anarchiste qu’il chantait dans ses œuvres. Cet impact se lit donc dans l’intégrité totale et rare qui s’établit entre l’homme, l’artiste, la critique sociale qu’il incarne et le message d’affranchissement qu’il lègue à la postérité.

Un poète majeur

En conclusion, Georges Brassens est plus qu’un chansonnier : il doit être réévalué comme un poète majeur qui, par un travail acharné sur les mots et une maîtrise exceptionnelle de la langue classique, a réussi l’alchimie de transformer un destin modeste, les vicissitudes d’une vie de marginal et des blessures personnelles en une œuvre magistrale et intemporelle.

Le secret de sa pérennité ne réside pas dans l’adaptation aux modes, mais dans la constance éthique et esthétique de sa démarche. Son succès n’est pas le fruit de la quantité ou de la versatilité thématique, mais repose sur l’intensité et l’approfondissement d’une seule passion, celle de la création poétique mise en musique. Il demeure ainsi inscrit sur le marbre du temps, non par l’accumulation de tubes éphémères, mais par la profondeur de son intégrité artistique.

L’écho de ses chansons continue, de manière cruciale, d’associer la beauté exigeante de la poésie à la cause des plus humbles, forgeant un humanisme populaire qui transcende les clivages culturels. Cette alliance entre l’exigence formelle héritée des grands classiques et la voix donnée aux exclus garantit que Brassens restera la conscience libertaire et poétique d’une époque qui, bien que révolue, porte toujours les mêmes injustices et les mêmes aspirations humaines. C’est cette intégrité totale entre l’homme, le verbe et le peuple qui assure sa place définitive au panthéon des lettres.

Brahim Saci

Georges Brassens. Les coquins d’abord, Éditions L’Harmattan

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