Le Premier ministre Sébastien Lecornu prononce ce mardi 14 octobre devant l’Assemblée nationale une déclaration de politique générale déjà capitale pour l’avenir de son gouvernement, nommé il y a moins de 48 heures.
Le Premier ministre est menacé par plusieurs motions de censure déposées par plusieurs partis d’oppositions. Le Premier ministre Sébastien Lecornu a annoncé la suspension de la réforme des retraites « jusqu’à l’élection présidentielle » de 2027, qui portera sur la mesure d’âge et la durée de cotisation.
« Je proposerai au Parlement dès cet automne que nous suspendions la réforme de 2023 sur les retraites jusqu’à l’élection présidentielle », a affirmé le Premier ministre Sébastien Lecornu devant l’Assemblée nationale. « Aucun relèvement de l’âge n’interviendra à partir de maintenant jusqu’à janvier 2028, comme l’avait précisément demandé la CFDT. En complément, la durée d’assurance sera, elle aussi, suspendue et restera à 170 trimestres jusqu’à janvier 2028 ».
La suspension de la réforme des retraites coûtera « 400 millions d’euros en 2026 et 1,8 milliard en 2027 » et devra être « compensée par des économies », a souligné le Premier ministre. « Cette suspension (de la réforme des retraites) bénéficiera à terme à 3,5 millions de Français. Elle devra donc être compensée par des économies. Elle ne pourra pas se faire au prix d’un déficit accru », a ajouté Sébastien Lecornu. Il a proposé de suspendre cette réforme impopulaire jusqu’à l’élection présidentielle, à la fois sur la mesure d’âge de départ et la durée de cotisation.
Le Premier ministre propose également d’organiser dans les prochaines semaines une conférence sur les retraites et le travail avec les partenaires sociaux. « La conférence devra aborder d’autres sujets cruciaux comme l’attractivité de certains métiers indispensables, le travail pénible, l’usure au travail et les carrières longues », dit-il.
Sébastien Lecornu confirme renoncer au 49.3
En préambule de son discours, le Premier ministre a assuré que la « crise de régime […] n’aura pas lieu ». Menacé de censure par les oppositions, Sébastien Lecornu a assuré que « certains aimeraient voir cette crise parlementaire virer à la crise de régime. Cela n’aura pas lieu grâce aux institutions de la cinquième République et à ses soutiens », a affirmé le chef du gouvernement devant une Assemblée nationale sous haute tension.
« J’ai renoncé à utiliser l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. C’est la garantie pour l’Assemblée nationale que le débat, notamment budgétaire, mais pas seulement, dans tous les domaines, que le débat vivra, ira jusqu’au bout, jusqu’au vote. Cette décision est forte de changements radicaux », a déclaré Sébastien Lecornu.
« Le Parlement aura le dernier mot, c’est sa responsabilité », ajoute-t-il. « Cela paraît de bon sens, c’est pourtant presque une révolution. » « Quel parlementaire dira à ses concitoyens qu’il ne veut pas discuter le budget de l’État, le budget social de la nation ? En renonçant au 49.3, il n’y a plus de prétexte pour une censure préalable », a ajouté le Premier ministre. « Partager le pouvoir avec le Parlement, voici incontestablement une rupture. »
Une « contribution exceptionnelle » des Français les plus riches
Dans son discours, Sébastien Lecornu a reconnu « des anomalies » dans la fiscalité des très grandes fortunes, souhaitant « une contribution exceptionnelle » des Français les plus riches dans le prochain budget. « Il faut reconnaître qu’il peut y avoir des anomalies » dans la fiscalité des très grandes fortunes, a déclaré le Premier ministre devant les députés, alors que le Parti socialiste réclame une mesure de justice fiscale. « Nous demanderons à créer une contribution exceptionnelle des grandes fortunes que nous proposons d’affecter au financement des investissements du futur qui touchent à notre souveraineté, pour les infrastructures, la transition écologique ou la défense », a-t-il ajouté.
Sébastien Lecornu proposera en décembre un projet de loi pour renforcer le pouvoir local, « un nouvel acte de décentralisation » permettant « de réformer l’État de manière globale » et « d’améliorer le fonctionnement de tous les services publics ». « Je proposerai un principe simple : celui de l’identification d’un seul responsable politique public. Il s’agira soit d’un ministre, soit d’un préfet, soit d’un élu », explique-t-il. « Il ne faut pas décentraliser des compétences, il faut décentraliser des responsabilités avec des moyens budgétaires et fiscaux et des libertés, y compris normatives », a affirmé le chef du gouvernement.
Si le Parlement ne parvient pas à voter un budget pour 2026, « les seuls qui se réjouiraient d’une crise ne sont pas les amis de la France », a assuré le chef du gouvernement. « Qui, parmi les Français, se sentira mieux, si la France se divise plus encore, si elle est plus faible, si elle repousse les questions de fond et les questions d’urgence à plus tard ? », a ajouté le Premier ministre en conclusion de sa déclaration de politique générale devant les députés.
La suspension de la réforme des retraites saluée
Des syndicats ont salué l’annonce de la suspension de la réforme des retraites. Pour la CFTC, la lutte syndicale a fini par payer. « C’est une annonce forte de la part du Premier ministre, puisque nous avons une véritable suspension, et ce jusqu’au 1er janvier 2028, donc sur deux ans. Ça montre qu’on a bien fait de ne pas baisser les bras, malgré la sourde oreille à l’époque du gouvernement et du président, lorsqu’on a manifesté quatorze fois en 2023 », a réagi au micro de RFI Cyril Chabanier, président de la CFTC.
Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, appelle les parlementaires à aller plus loin encore. « Nous prenons acte de cette première brèche arrachée grâce à la mobilisation de millions de travailleuses et de travailleurs depuis deux ans et demi », déclare-t-elle au micro de France Inter. « Par contre, à ce stade, il faut de la clarté. La suspension dont nous parle le Premier ministre, c’est seulement un décalage de l’application de la réforme de quelques mois. Nous demandons donc aux parlementaires de bloquer clairement la réforme des retraites », ajoute Sophie Binet.
« Pour la CGT, la seule suspension qui vaille, c’est un blocage immédiat de l’application de la réforme à 62 ans et neuf mois et 170 trimestres pour tout le monde, et pas seulement pour quelques générations de travailleuses et de travailleurs. Le problème, c’est que la réforme recommence à s’appliquer après 2027. C’est toute la différence entre le décalage que nous annonce aujourd’hui monsieur Lecornu et le blocage que nous voulions gagner avant l’abrogation pure et simple de la réforme », conclut-elle.
Mais des menaces de censure qui planent toujours
Le syndicat du patronat, le Medef, fait part de son inquiétude après les annonces du Premier ministre. « Au-delà du coût de l’instabilité gouvernementale, le Medef est très préoccupé par un climat économique français et international dégradé. Or, cette situation n’est pas prise en compte dans les annonces du Premier ministre. Notre inquiétude que le pays ne se donne pas les moyens de sa stabilité durable et de sa réussite s’accentue », peut-on lire dans un communiqué.
« Les mesures annoncées répondent peut-être à une urgence politique mais ne sont pas à la hauteur de cette ambition. Elles alourdiront une nouvelle fois des prélèvements obligatoires déjà records », alerte le Medef. « Le risque d’un déclassement de notre pays, y compris en termes de pouvoir d’achat, se renforce donc. Prenons garde à ne pas sacrifier l’avenir au court-terme. » « Au nom des 240 000 entreprises qu’il représente, employant 12 millions de salariés, le Medef assumera ses responsabilités », conclut le syndicat.
Sur la réforme des retraites, le député insoumis Eric Coquerel estime que c’est « plus une temporisation qu’une suspension. Si on entend par suspension un arrêt, on n’est pas dans un arrêt, on est dans une sorte de décalage »,a-t-il déclaré.
RFI
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