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jeudi 3 juillet 2025
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« Raï Love » d’Atfa Memaï : une voix féminine au cœur des silences algériens

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Atfa Memaï
Atfa Memaï

Avec Raï Love, Atfa Memaï donne la parole à une Algérie souvent tue, celle des blessures secrètes, des silences familiaux et des mémoires éclatées. Sans prénom, la narratrice incarne cette génération qui a grandi à l’ombre de la « décennie noire », un passé douloureux que beaucoup ont tenté d’oublier ou d’effacer.

À travers la musique raï, notamment la figure emblématique de Cheb Hasni, le roman fait résonner une mémoire populaire, fragile et résistante. Cette musique devient le fil conducteur d’un récit intime, traversé par les non-dits et la nécessité de dire l’indicible.

Dans cet entretien, Atfa Memaï nous éclaire sur ses choix d’écriture, l’importance de creuser la mémoire collective et familiale, et la place fondamentale que la littérature occupe pour dépasser les tabous et comprendre une histoire encore vivante dans les cœurs et les esprits.

Le Matin d’Algérie : Pourquoi avoir choisi de ne pas donner de prénom à la narratrice ? Que vouliez-vous transmettre par ce choix ?

Atfa Memaï : J’avoue que ne pas donner un prénom à la narratrice est un choix que j’ai du mal à expliquer. S’il y a une raison à cela, elle doit être inconsciente.

Le Matin d’Algérie : Le contexte de la « décennie noire » est central dans votre roman. Comment avez-vous vécu cette période, et comment a-t-elle influencé votre écriture ?

Atfa Memaï : Comme la narratrice, et comme beaucoup de personnes de ma génération, j’ai été pendant longtemps à l’abri de cette histoire, pas totalement. Evidemment je savais qu’il y avait du terrorisme, mais j’étais très loin de me figurer tout ce qui se passait. Ce n’est que plus tard que ça s’est imposé à moi. Je me rappelle d’un événement en particulier, j’étais dans une bibliothèque et je suis tombée sur une revue de psychologie en couverture de laquelle il y avait des dessins d’enfants rescapés de Bentalha. Après l’avoir ouverte et l’avoir lue, je me souviens très bien que j’ai été prise d’un sentiment d’irréalité. C’était la première fois que je lisais le mot « massacre » dans ce contexte, mais je crois que je n’avais encore aucune idée de l’ampleur et de la gravité de ce qui s’était passé. J’ai essayé de faire des recherches à cette époque, mais je n’ai pas pu aller très loin. Ce n’est que ces dernières années que j’ai pu me procurer de la documentation et plonger vraiment dans cette période terrible. Je pense que ce cumul de frustrations a beaucoup influencé la façon avec laquelle j’ai approché le sujet dans mon roman.

Le Matin d’Algérie : La musique raï, notamment la figure de Cheb Hasni, est très présente dans le livre. Quel rôle joue-t-elle pour vous dans le récit et dans votre propre vie ?

Atfa Memaï : Hasni est une figure majeure, pas seulement dans mon roman, mais dans notre mémoire collective. Au-delà de l’artiste formidable qu’il est, je pense qu’il représente une très belle forme de résistance, une résistance qui n’est pas politique, qui ne cherche même pas à faire connaître son opposition, une résistance sans prétentions, qui se suffit à elle-même. Hasni savait tous les risques qu’il prenait, mais ça ne l’empêchait pas de continuer à vivre et à travailler son art, comme il l’entendait. Il aurait pu s’arrêter en attendant des jours meilleurs, il aurait aussi pu s’exiler comme l’ont fait beaucoup pendant les années 90, mais non ! Quand on y pense, chanter l’amour dans un pays musulman, conservateur, pendant une guerre civile, c’est complètement fou !

Le Matin d’Algérie : Votre formation en psychologie transparaît dans la construction psychologique des personnages. Comment cela a-t-il nourri votre écriture ?

Atfa Memaï : Ma formation nourrit beaucoup mon écriture et elle m’aide dans ce travail qui consiste à construire des personnages crédibles, avec une psychologie cohérente. D’ailleurs, sans ma formation et sans mon intérêt général pour les sciences humaines et sociales, je ne sais pas si j’aurais écrit sur ce sujet.

Le Matin d’Algérie : Le roman explore beaucoup le silence et les non-dits au sein d’une famille et d’une société. Pourquoi est-il important pour vous de lever ces silences à travers la littérature ?

Atfa Memaï : Dans l’absolu, je n’ai rien contre le silence, et je ne suis pas de ceux qui pensent que tout doit être dit, et que tous les tabous doivent être levés. Je crois que certains silences sont salutaires. Ce que je réprouve par contre, c’est le silence comme arme politique. En tant qu’Algérienne, j’ai grandi avec l’image des figures de la révolution et avec l’idée qu’oublier notre passé, c’est le trahir, c’est pourquoi j’ai écrit sur notre histoire. Je considère que le travail de mémoire est important, et je crois bien que j’écrirai encore là-dessus. Je dois même dire que c’est ma principale source d’inspiration. Certains considèrent que c’est une prison dans laquelle s’enferment ou se laissent enfermer les écrivains algériens, je ne suis pas d’accord du tout. Pour moi, ce n’est pas une prison, sinon c’est la plus passionnante de toutes, et personnellement je n’en veux pas sortir (rires).

Le Matin d’Algérie : Comment avez-vous travaillé la mémoire collective algérienne dans votre roman, tout en gardant une dimension intime et personnelle ?

Atfa Memaï : Je ne me suis pas contentée de lire des documents ou d’écouter des témoignages, j’ai aussi discuté avec mes proches de cette période, je voulais connaître leur représentation de cette guerre, voir comment ils en parlaient aussi. Mais mon plus grand regret, c’est de n’avoir pas osé en parler avec quelqu’un de ma famille qui en a directement et personnellement souffert. Il est décédé alors que je terminais d’écrire le roman. C’était un grand choc pour moi, parce que j’avais souvent pensé à lui, j’ai été plusieurs fois sur le point de l’appeler, malheureusement, je ne l’ai pas fait, je n’ai pas osé… C’est ça le tabou familial.

Le Matin d’Algérie : Dans Raï Love, la parole féminine qui est parfois effacée dans les récits historiques officiels est mise en avant. Quelle est, selon vous, la place des femmes dans les histoires que l’on raconte sur cette période ?

Atfa Memaï : Pour ma part, dans ce que j’ai pu lire et regarder, c’est surtout des hommes dont il n’est pas fait cas. J’ai souvent eu l’impression qu’on n’accordait pas à leur souffrance l’importance qu’elle méritait. Pourtant, les jeunes hommes sont les premières victimes de cette guerre, c’est quelque chose qu’on ne dit pas assez.

Le Matin d’Algérie : Votre écriture se veut libre, sans jugement ni condamnation. Est-ce un positionnement délibéré face aux débats parfois polarisés autour de l’histoire algérienne ?

Atfa Memaï : Il est vrai que la question de la guerre civile algérienne divise beaucoup, et il existe chez certains un refus assumé de la nuance, ce qui est regrettable. Mais en même temps, c’est une attitude compréhensible, nous sommes une société limitée dans l’exercice de sa citoyenneté, nous avons tout à apprendre des rudiments du débat et des outils de la réflexion.

Le Matin d’Algérie : Quelles réactions espérez-vous susciter chez vos lecteurs, algériens ou non, à la lecture de Raï Love ?

Atfa Memaï : De la curiosité avant tout, celle qui pousse à aller lire, à se renseigner, à réfléchir, mais aussi à remettre en question les discours tout faits, les accusations sans preuves, les haines sans fondements.

Le Matin d’Algérie : En tant que jeune autrice, comment voyez-vous l’avenir de la littérature algérienne contemporaine ? Quels thèmes ou voix aimeriez-vous voir émerger ?

Atfa Memaï : Avant tout, j’espère qu’elle sera multilingue. Quant aux thématiques, je regrette le fait qu’il y a plusieurs sujets qui existent dans nos vies et qui sont même omniprésents, mais qui sont rarement traités, sinon de manière superficielle dans les productions littéraires, prenez l’exemple de la religion.

Le Matin d’Algérie : Si vous deviez résumer en une phrase ce que Raï Love représente pour vous aujourd’hui, que diriez-vous ?

Atfa Memaï : C’est le roman qui m’a réconciliée avec ma société dans toutes ses composantes. Avec ce roman, j’ai appris à écouter aussi bien les prêches des religieux les plus archaïques, que les conférences des modernistes laïques, en reconnaissant à chacun son droit à l’opinion. Je considère que je suis vaccinée contre la propagande et le séparatisme. Et j’invite chacun à sortir voir ce qui se passe hors de sa catégorie socioculturelle, à lire ce qui s’écrit dans d’autres langues que la sienne.

Entretien réalisé par Djamal Guettala

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Asnuged n « Tagenzi-inu d Yeha », ungal amezwaru n Samy Assad

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Tagenzi-inu d Yeha

« Tagenzi-inu d Yeha »  (Mon Arc et Yeha) n Samy Assad, d ungal i d-ineccden ameɣri akken ad yessen Dzayer talqayant s tsektiwin-nnes tamezruyant, tadelsant d tmerrant yernu yella-d waya s teḥkayt n yiwen n yiminig akamruni. Ungal-a yeffeɣ-d melmi kan.

D taddart n teẓrigin n Hibr i d-yesnugden ungal-a n 193 n yisebtar yernu iḥekku-d udlis-a taḥlayt yessewhamen n Roger, d imniwel ilemẓi akamruni i d-yessemlal urtum d yiwen n umsudem isem-nnes Yeha, d yiwen i yessukkuyen iminigen s tuffra. Yeha yessumer-as-d i Roger ad d-yalel akken ad d-yesseḍru target-nnes yellan d inig ɣer Tuṛuft mer aneggaru-a ad as-yeg kra n tnuraf.

D wa i d ungal amezwaru n Samy Assad yernu wa d ungal yeṭṭafaren timseksalin n yilemẓi-a akamruni i yeddan seg temdint-nnes, deg Kamrun, ɣer Dzayer,  yernu yekka ɣef mennaw n temdinin timezruyanin deg usikel-nnes, akka am Timgad (Tabatent) d Yiɣzer n Mẓab (Taɣerdayt).

Deg usikel-a aɣwali, Roger yemlal d mennaw n yimsudmen, gar-asen Yeha, ameglasaḍ, yellan d yiwen n uxelwi d arejdal i yeddren deg yigaluzen n Timgad.

Deg temseksal-nsen, Yeha d Roger nsan deg yideggen yemgerraden n Dzayer yernu snarmen tamurt-a tameqqrant i ilan idles d anesbaɣur yernu d amanuḍ.
Ungal-a yettwaru deg wudem wis kraḍ n wasuf, yernu yefren umeskar-nnes ad t-yaru akka akken ad ili ugar n tlelli akken ad yesbuɣer taḥkayt-nnes s uglam n yideggen d tegnatin ideg d-tettili teḥkayt d uglam n yimsudmawen-nnes -i iban niɣ i ihan- s ṣṣifat-nsen “tilqayanin” akk.

S tutlayt d tafessast i ugzay ulama amawal-nnes ila aswir d unnig, ungal-a yella-d am “uɣmis n usikel” n unemseksal akamruni Roger, yernu d win i d-ineccden ameɣri ad yessen tibuɣar n turt s tsemseksal i iga yilemẓi-nni deg mennaw n temnaḍin n Dzayer. 

APS

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Bejaia : 98 poètes à la 15e édition du Festival de la poésie amazighe à Akbou 

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Image par Abderrahman Bensalah de Pixabay

 La 15e édition du Festival national de la poésie amazighe, prévue du 3 au 6 juillet prochain dans la ville d’Akbou, 75 km à l’ouest de Bejaia, verra la participation de 98 poètes, a annoncé, lundi, le Secrétaire général du Haut-commissariat à l’amazighité (HCA), Si El Hachemi Assad.

Cette manifestation, programmée à l’occasion de la célébration de la double fête de l’indépendance et de la jeunesse (5 juillet) sera l’occasion pour mettre en œuvre une convention de jumelage entre les villes d’Akbou et Timimoune, signée en janvier dernier et qui vise à « promouvoir les échanges entre les deux parties, notamment au double plan culturel et humain, a indiqué M. Assad dans une conférence de presse animée au siège de l’APC d’Akbou.

« Il s’agit de faire la passerelle entre le sud et le nord du pays », a expliqué le SG du HCA, soulignant que l’objectif majeur consiste à « faire rayonner les valeurs de l’unité nationale ».

L’événement, selon le programme présenté, est conçu en trois dimensions, alliant à la fois la célébration mémorielle, la jeunesse, et les joutes poétiques. Au menu également, des conférences débats, des visites au niveau des sites culturels et historiques de la région, notamment celui d’Ifri-Ouzellaguene, qui a abrité le Congrès de la Soummam en août 1956, du folklore musical, entre autres activités, qui toutes se déclinent en un seul slogan « Akbou-Timimoune : au cour de la cohésion nationale ».

APS

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Dominique de Villepin sur le voile islamique : « Je ne suis pas couturier !»

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Dominique de Villepin
Dominique de Villepin

Force est d’admettre que s’il reste encore des hommes politiques de haute stature en France, Dominique de Villepin fait partie de ce cercle bien étroit.

Nous sommes nombreux à voir en Dominique de Villepin, le messie qui manque tant au pays des Lumières pour lui porter secours. Mais il semble que notre ancien Premier ministre se laisse déjà griser par des sondages en sa faveur. À tel point qu’il se laisse glisser le long des pentes savonneuses d’une sémantique parsemée de non-sens. 

Ainsi donc, concernant le port du voile islamique par des fillettes, notre présidentiable se fend d’une formule peu amène : « Je ne suis pas couturier ! » trouvant ainsi normal le port de cette tenue macabre par des fillettes en âge de jouer à la poupée !?

De telles déclarations ne peuvent que lui porter préjudice, dans ce climat délétère où la moindre formule est scrutée au microscope électronique.

Cela rappelle étrangement le cas Jean Pierre Chevènement quand, fort de sondages favorables à la présidentielle 2002, il se fendit d’une assertion fatale : « Je n’appartiens à aucune écurie ! » scellant ainsi sa destinée de valeureux révolutionnaire.

Il reste à espérer que contrairement au « Che », de Villepin saura traverser cette période de turbulences pas du tout favorable à ses ambitions.

Non monsieur le premier ministre, le voile est l’emblème de la soumission, non seulement de la fillette auquel il est imposé mais aussi de la femme mûre, supportant ainsi le poids de sociétés incapables de se mettre en phase avec le monde moderne !

Pourquoi diable dès lors que l’on s’attaque à des sujets de société sensibles, on abandonne le terrain aux extrêmes ? Le port du voile est un problème national, tout comme la violence qu’il est temps d’éradiquer sous peine d’écroulement du pays. Ni le LFI, ni le RN est en mesure d’apporter des solutions acceptables pour remettre le pays sur de bons rails.

Il est grand temps que nos politiques de tous bords, au lieu de faire de la surenchère en déclarations contraires fassent le tri sur la base de bon sens et non de positions partisanes qu’ils veulent nécessairement contradictoires.

La France est fatiguée de se voir entraîner le long de pistes insupportables et insultantes eu égard à son passé des lumières. 

Continuer à ainsi se démarquer, quoi qu’il en coûte, des positions des extrémistes, ne rehausse pas les débats de société. 

Quelle qu’en soit la forme, la violence est à combattre ! Il appartient aux politiques de proposer des solutions viables pour tout le monde !

Le voile islamique est à éradiquer sans état d’âme ! Le débat concernant cette tenue vestimentaire ténébreuse appartient au 7em siècle ! C’est une insulte au combat pour la liberté menée par nos mères que de continuer à tergiverser sur la nécessité de l’éliminer totalement de l’espace publique, et certainement privé aussi ! Sans pour autant faire appel aux couturiers. Concernant les fillettes, il s’agit de non-assistance à personne en danger que de ne pas combattre le port de cette tenue macabre ! 

Mais où va-t-on si on ne libère pas la moitié de l’humanité des jougs malveillants des messages prétendument tombés du ciel ? Et cela doit se faire aujourd’hui, pas demain ni plus tard si ce n’est déjà trop tard !

Sachez faire fructifier votre capital sympathie monsieur le premier ministre au lieu de le laisser s’effriter par des déclarations irréfléchies qui risquent de vous coûter cher. À notre grand désarroi !

Pour utiliser un terme qui vous est cher : « Faites donc preuve d’humanisme ! » rien de tel pour faire reculer les extrémismes !

Kacem Madani

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Karim Irbah : écrire pour se souvenir, pour transmettre

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Karim Irbah

Karim Irbah n’est pas un écrivain comme les autres. Son parcours, fait de ruptures, de migrations et de silences habités, est à lui seul une matière romanesque. 

Né et grandi à Bouhamza, en Kabylie, il y a vécu jusqu’à ses 28 ans, traversant les tumultes de l’histoire contemporaine algérienne. L’un des premiers tournants marquants de sa jeunesse fut le Printemps noir de 2001, un mouvement de révolte qui secoua la région et interrompit brièvement sa dernière année de lycée. Malgré le tumulte, il décroche son baccalauréat en lettres et langues étrangères, une étape fondatrice pour celui qui ne tardera pas à faire de la langue un terrain d’expression personnelle et professionnelle.

C’est dans les amphithéâtres des universités de Tizi-Ouzou puis de Béjaïa que son parcours universitaire prend forme : une licence en anglais, qui deviendra un sésame pour une première expérience d’enseignement à l’université de Béjaïa. 

Mais très vite, le jeune diplômé sent poindre l’envie de changement. Il part alors pour le Grand Sud algérien, dans le désert, où il exerce pendant deux ans comme formateur en anglais et en français au service de diverses entreprises pétrolières. Cette immersion dans un monde rude et singulier élargit ses horizons, forge sa résilience et nourrit déjà, en sourdine, sa fibre de conteur.

En 2009, son rêve de longue date se concrétise : Karim obtient un visa d’études pour la France. À Paris, il intègre une licence 3 en littérature anglaise, une discipline qui affine son regard critique et sa sensibilité esthétique. Mais au-delà des bancs de la fac, c’est une rencontre déterminante qui va changer sa trajectoire : celle d’une journaliste passionnée de littérature. Elle lui ouvre sa bibliothèque, partage son amour des mots, mais surtout, elle l’écoute. En lui, elle décèle un talent brut, un potentiel de narrateur capable de transmettre une mémoire collective à travers une voix intime. Elle l’encourage à écrire, à raconter, à témoigner.

C’est dans ce contexte, durant une période où ses obligations professionnelles sont allégées, qu’il commence à écrire. Loin du tumulte de la vie active, dans le silence d’un exil apaisé, il trouve le temps et l’élan d’accoucher d’un premier livre. Un livre né de la solitude, des voyages, des rencontres, mais surtout d’un besoin profond de transmission.

Ce premier ouvrage, intitulé Fils d’un émigré, est bien plus qu’une autobiographie. C’est une plongée dans une enfance kabyle marquée par l’absence d’un père parti gagner sa vie à l’étranger. Ce père, comme tant d’autres dans l’Algérie post-coloniale, a fait le choix de l’exil pour offrir un avenir à sa famille, laissant derrière lui des enfants à qui il manquera, mais ce père ne reviendra pas. 

À travers ce récit, Karim Irbah explore cette relation pudique, souvent silencieuse, entre un père et un fils. Il y interroge les sacrifices, les incompréhensions, mais aussi les liens invisibles qui unissent malgré tout.

Invité par Youcef Zirem au café littéraire de l’Impondérable pour présenter et parler de son livre Fils d’un émigré, il a ému l’assistance par son récit. Il raconte un vécu déchirant. S’en est suivi un échange avec le public des plus chaleureux. Karim Irbah est apparu comme un conteur où chaque mot prononcé résonne dans l’espace-temps. L’émotion était à son paroxysme. Pour finir, il a dit que la clé salvatrice était le pardon.

Le livre résonne profondément avec l’histoire de nombreuses familles kabyles et algériennes. Il donne une voix à cette génération « entre deux rives », tiraillée entre un ici et un ailleurs, un passé de l’absence et un présent de reconstruction. Plus qu’un témoignage, Fils d’un émigré est une œuvre de mémoire, une tentative de réconciliation avec l’histoire personnelle et collective.

La passion de Karim Irbah pour l’écriture ne date pas d’hier. Elle remonte à ses années de lycée, passées en internat. Dans un quotidien austère, sans distractions, il découvre la lecture comme échappatoire. Il lit avec avidité, en arabe comme en français, et se met à écrire ses premiers poèmes, ses premiers textes. Cette passion grandissante se nourrit ensuite de multiples influences : les écrivains algériens comme Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri ou Yasmina Khadra, mais aussi des auteurs internationaux tels que Paulo Coelho, Marc Levy ou Elif Shafak.

Aujourd’hui, après une décennie au sein de la fonction publique française, Karim Irbah continue d’écrire. Deux projets de romans l’habitent déjà. L’un, purement fictionnel, prend racine dans son imaginaire ; l’autre, inspiré de faits réels, explore une histoire vécue qu’il souhaite transposer en littérature. Deux récits qu’il porte avec conviction et qu’il espère mener à terme.

Karim Irbah incarne cette voix singulière, à la croisée des cultures et des langues, capable de transformer l’expérience intime en récit universel. Son parcours, entre la Kabylie, le désert, Paris et le monde, résonne comme une ode aux racines, à la transmission, et à la puissance des mots.

Brahim Saci

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Peines de prison pour 18 anciens cadres de l’ex-FIS

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Tribunal Dar El Beida

Le tribunal criminel de première instance de Dar El Beïda à Alger a rendu, cette semaine, son verdict à l’encontre de 18 anciens cadres du Front islamique du salut (FIS), dissous depuis 1992.

Après une détention préventive de près de 21 mois, ces derniers ont été condamnés à des peines allant de deux à quatre ans de prison ferme. Si l’accusation la plus grave a été abandonnée, le jugement confirme la vigilance persistante des autorités à l’égard de toute réactivation – même symbolique – d’une mouvance associée à l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire récente du pays.

Les peines prononcées se répartissent comme suit : six des prévenus, dont Ben Hadjar Sid Ali et Guerfa Badreddine, ont été condamnés à quatre ans de prison ferme ; onze autres à trois ans, et Belkacem Khencha à deux ans. Tous étaient poursuivis pour « atteinte à l’unité nationale », diffusion de publications susceptibles de troubler l’ordre public, et instrumentalisation de la mémoire de la « tragédie nationale » à des fins politiques.

Ces charges faisaient suite à la publication, le 30 septembre 2023, d’une déclaration appelant à la levée des restrictions sur l’activité politique et médiatique, à la libération des détenus d’opinion, ainsi qu’à l’ouverture d’un dialogue national inclusif. Ce texte, perçu par les autorités comme une remise en cause de l’ordre institutionnel, a servi de base à des poursuites.

Cependant, le tribunal a écarté l’accusation initiale de « création d’une organisation illégale », prévue par l’article 87 bis du Code pénal, qui constituait la charge la plus lourde. Cette décision laisse penser à une requalification des faits ou à un manque d’éléments suffisamment probants pour justifier une qualification criminelle.

Une détention préventive prolongée contestée 

La durée inhabituelle de la détention préventive a suscité de nombreuses critiques. Détenus pendant près de 21 mois sans jugement, la majorité des prévenus avaient entamé en novembre 2024 une grève de la faim pour dénoncer leur situation. Leur état de santé, fragilisé par l’âge et la maladie, a soulevé des préoccupations quant au respect des droits des détenus et des garanties procédurales prévues par la loi.

Cette phase d’instruction prolongée, combinée au contexte politique de l’affaire, a alimenté les débats sur l’usage de la détention préventive dans les affaires sensibles en Algérie.

Le poids d’un passé encore présent

Au-delà des éléments juridiques, cette affaire s’inscrit dans une dynamique de contrôle étroit du champ politique. Le FIS, dont les dirigeants avaient remporté les élections législatives de 1991 avant l’interruption du processus électoral, reste associé dans la mémoire collective à la terrible guerre civile des années 1990.

Dissous en 1992, le parti islamiste demeure interdit, et toute tentative de ses anciens cadres de s’exprimer publiquement ou de réintégrer l’espace politique est suivie avec une extrême prudence par les autorités.

Le verdict intervient donc dans un contexte marqué par la persistance d’une approche sécuritaire à l’égard des acteurs liés, de près ou de loin, à cette période. La prudence judiciaire, illustrée par l’abandon de l’accusation de constitution de groupe illégal, n’efface pas le message implicite adressé à toute tentative de mobilisation autour d’une mémoire alternative de la « Décennie Noire ».

Une mémoire verrouillée

L’affaire illustre également la manière dont les autorités continuent de gérer la mémoire du conflit qui a endeuillé l’Algérie durant ce qui qualifie de décennie noire . Si la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, adoptée en 2005, a officiellement tourné la page de cette période, elle limite fortement la possibilité de débattre publiquement de ses causes et de ses responsabilités. Toute prise de position jugée contraire au récit officiel est susceptible d’être poursuivie en justice, comme en témoigne cette affaire.

La condamnation des 18 anciens cadres du FIS, bien que marquée par l’abandon de l’accusation la plus grave, reflète la position constante des autorités face à un passé politique encore sensible. Elle traduit une tension persistante entre les exigences de sécurité, la maîtrise du discours public et les aspirations à une approche plus ouverte de l’histoire récente. Dans ce contexte, l’expression autour de cette mémoire demeure encadrée et sujette à des restrictions, voire même des sanctions.

Samia Naït Iqbal 

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Mira Mokhnache, le symbole d’une Algérie bâillonnée

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Mira Mokhnache
Mira Mokhnache embastillée pour ses idées.

Le sort de l’universitaire Mira Mokhnache n’est pas seulement celui d’une militante kabyle injustement persécutée, embastillée pour ses idée. C’est celui de tout un pays où le régime continue de traquer les opposants et d’enfermer la liberté d’expression derrière les barreaux.

Mira Mokhnache est placée sous mandat de dépôt depuis bientôt un an. Ce que vit aujourd’hui Mira Mokhnache, universitaire et femme engagée, incarne l’injustice sans fond d’un système autoritaire qui frappe toutes celles et ceux qui osent penser librement, parler ouvertement, et aimer leur terre autrement.

Condamnée aux barreaux, harcelée, traînée de tribunal en tribunal pendant de longs mois, Mira Mokhnache paie le prix fort pour avoir exprimé une pensée différente. Aucun crime, aucun appel à la violence, aucune atteinte réelle à l’ordre public. Son seul « tort » : croire que la vérité ne doit pas se taire, que la mémoire ne se négocie pas, que la Kabylie, comme toute région du monde, a droit à sa dignité. Pour cela, elle a été arrêtée, jugée, emprisonnée. Pour cela, elle est aujourd’hui détenue d’opinion.

Dans cette Algérie officielle qui se drape encore de slogans révolutionnaires et se pique de revendiquer à l’internationale la liberté des peuples tout en marchant sur les libertés fondamentales de son peuple, la voix de Mira Mokhnache et des centaines d’autres prisonniers d’opinion dérange. Leurs voix dérangent parce qu’ils refusent la résignation devant un système fourbe et particulièrement arbitraire.

Mais elle n’est pas seule. Ils sont près de 250 détenus pour leurs idées. Des femmes et des hommes des quatre coins du pays.

Alors que le monde est entré dans de sérieuses crises, il est inacceptable qu’en 2025, un pouvoir continue de réprimer le peuple, d’utiliser la loi comme bâillon, en qualifiant d’« atteinte à l’unité nationale » toute remise en question de la ligne officielle. Il est honteux qu’on criminalise le doute, qu’on incarcère la libre pensée.

Un pouvoir qui enferme ses écrivains, ses journalistes, ses universitaires, ou simplement ses citoyens s’emprisonne lui-même et se condamne à l’ignominie.

Un pouvoir qui redoute la parole libre vit dans l’ombre de ses propres failles. Aujourd’hui, il ne s’agit pas seulement de défendre Mira Mokhnache, Boualem Sansal ou Mohamed Tadjadit. Il s’agit de défendre l’idée même qu’un jour, en Algérie, penser autrement ne sera plus un délit. Une atteinte à ce que les dirigeants appellent les constantes nationales.

Depuis au moins 2019 et la fumeuse présidentielle de décembre qui a permis à Tebboune d’arriver à la présidence, le régime, obsédé par le contrôle, vit dans une peur constante : celle de la dissidence populaire. Peur de voir ses récits officiels déconstruits. Que la rue reprenne à gronder sa colère.

Dans cette lutte implacable contre le peuple, la justice algérienne est plus un outil de répression de premier plan. On y convoque, on y juge, on y punit sans preuves réelles, souvent sans procès équitable, au nom de charges floues et dangereuses telles que l’ »atteinte à l’unité nationale », d' »atteinte au moral de l’armée » ou « l’apologie du terrorisme ». L’article 87 bis est une arme de destruction massive des espérances populaires.

Il y a des évidences qui sonnent pourtant comme des leçons : on ne bâtit pas une nation en enfermant ses enfants. On ne gouverne pas un peuple en le terrorisant. On ne protège pas l’unité nationale en détruisant la diversité. Mais ces bons mots, ces convictions ne sont pas audibles par ceux qui dirigent l’Algérie. D’où notre indicible drame.

Yacine K.

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Tebboune dissout le Centre national de l’industrie cinématographique

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Cinéma
Image par Gerd Altmann de Pixabay

Le décret présidentiel portant dissolution du Centre national de l’industrie cinématographique et transfert de ses biens, droits, obligations et personnels au Centre algérien de développement du cinéma (CADC), a été publié au dernier Journal officiel (numéro 38).

Signé par le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, «le décret présidentiel n 25-162 du 10 juin 2025 a pour objet la dissolution du centre national de l’industrie cinématographique, créé par le décret présidentiel n 21- 412 du 24 octobre 2021, modifié, portant création du Centre national de l’industrie cinématographique», selon le premier article de ce décret.

L’article 2 précise que «la dissolution emporte le transfert des biens, droits, obligations, personnels et moyens de toute nature, détenus par le centre dissous, au centre algérien de développement du cinéma, conformément à la législation et à la réglementation en vigueur».

Le transfert des biens, droits, obligations et moyens, détenus par le centre dissous, donne lieu à l’établissement d’un inventaire quantitatif, qualitatif et estimatif dressé conformément aux lois et règlements en vigueur, par une commission dont les membres sont désignés conjointement par le ministre des finances et le ministre de la culture et des arts, selon les termes de l’article 3.

Le transfert des biens, droits, obligations et moyens, donne lieu également à l’établissement d’«un bilan de clôture contradictoire», portant sur les activités et les moyens utilisés par le centre et indiquant la valeur des éléments du patrimoine, objet du transfert, selon le même article.

L’opération de transfert entraîne également la «définition des procédures de communication des informations et des documents se rapportant à l’objet du transfert», détaille le décret, précisant que «le ministre chargé de la culture prend les mesures nécessaires à la sauvegarde, à la protection et à la conservation des archives».

L’article 4 note que «les droits et obligations du personnel transféré demeurent régis par les dispositions législatives et réglementaires (statutaires ou contractuelles), qui leur étaient applicables à la date du transfert.

Le CADC est tenu, dès la promulgation du présent décret au Journal officiel, d’assurer les activités exercées par le Centre national de l’industrie cinématographique (dissous).

Les opérations du transfert prévues par le décret, doivent être effectuées dans un délai n’excédant pas 6 mois, à compter de sa publication au Journal officiel, selon la même source.

Si nous ignorons pour l’heure les raisons de cette dissolution, il est toutefois indéniable que le cinéma algérien est plus que moribond. Plus aucun film digne de ce nom n’est produit. Les rares films, comme Ben M’hidi de Bachir Derraïs subissent la censure et autres interdictions administratives rendant leur projection nationale et internationale impossible.

Avec APS

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Marseille : le FUIQP organise ses Journées d’été les 28 et 29 juin

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Forum Unitaire des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP)

Face à la fascisation, repenser les luttes des immigrations et des quartiers populaires de Marseille.

Un rendez-vous stratégique et militant à Marseille

Les 28 et 29 juin prochains, le Forum Unitaire des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP) tiendra à Marseille ses Journées d’été, un temps fort pour décrypter le recul des droits, analyser la situation politique et sociale, et construire de nouvelles perspectives de lutte.

La montée inquiétante de la fascisation et ses conséquences

Depuis plusieurs décennies, la société française connaît un processus de fascisation progressif, incarné notamment par une lepénisation des esprits. Ce phénomène a banalisé des concepts et pratiques racistes jusque-là marginalisés, favorisant la montée de l’islamophobie, l’impunité des violences policières, la répression des militants, ainsi que la remise en cause des droits démocratiques, dans un contexte de contrôle accru des migrations et de précarisation des populations.

Des quartiers populaires divisés face au rouleau compresseur raciste

Face à ce rouleau compresseur, les immigrations et quartiers populaires restent trop souvent divisés, atomisés, sans ligne directrice claire ni force collective pour peser durablement sur la scène politique ou impulser un mouvement revendicatif d’ampleur.

Une ténacité militante qui persiste

Pourtant, le combat continue. Le FUIQP souligne la ténacité des mobilisations récentes, du refus des lois « anti-voile », aux luttes contre les violences policières, en passant par la révolte populaire après la mort tragique de Naël. Ces mobilisations ont remis au cœur du débat public des questions longtemps ignorées, redonnant voix à des termes comme « islamophobie » ou « violences policières ».

Objectifs des Journées d’été : comprendre, partager, projeter

Pour sortir des impasses, des divisions et du défaitisme, le FUIQP invite ses membres et sympathisants à ces journées de réflexion stratégique. L’objectif est de mieux comprendre l’histoire des luttes, partager les expériences, et projeter un avenir plus solidaire et mobilisé.

Le programme abordera la situation actuelle des immigrations et des quartiers populaires, l’évolution du champ politique, le diagnostic des luttes en cours, ainsi que les enjeux des peuples colonisés face aux ingérences occidentales.

Un format limité pour favoriser un travail constructif

L’organisation a choisi de limiter le nombre de participants afin de favoriser un travail constructif et éviter les conflits inutiles. Seules les personnes parrainées par un collectif local ou inscrites en amont pourront participer.

Djamal Guettala

Informations pratiques

Les militants et sympathisants se réuniront au

186 avenue de la Madrague de Montredon, 13008 Marseille

pour deux jours d’échanges, réflexions et construction collective.

Contact et inscriptions : fuiqp.sud@gmail.com

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