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Brahim Saci retrouve son recueil perdu

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L’enfant arrive à Paris, la ville de toutes les lumières. L’ambiance est bonne, vivante, coloriée. Le père est là, protecteur, le sourire au coin des lèvres. L’enfant pense encore à cette belle Kabylie qu’il vient de quitter. Mais il faut oublier ces bonheurs passés sur la montagne pour espérer s’accrocher dans cette grande cité.

Cet enfant grandira et racontera ses pérégrinations dans des livres de poésie. Brahim Saci n’a rien oublié. Au 54 rue des maraichers, dans le vingtième arrondissement de Paris, il y avait son deuxième village. « Adieu ce bar restaurant hôtel, qui a traversé les époques à tire-d’aile, où se retrouvaient les amis et les frères, autour d’un couscous ou d’un verre », écrit Brahim Saci, dans son 22e recueil de poésie, intitulé, Le Recueil perdu. Préfacé par Jean-Pierre Luminet, ce nouveau livre continue le voyage poétique ininterrompu de Brahim Saci.

On y retrouve son monde, ses aspirations à des jours meilleurs, ses quêtes salvatrices de spiritualité, ses chagrins et sa vision de l’existence. C’est un mot fort de l’écrivain Jean Giono qui introduit ce nouveau recueil : « Perdre est une sensation définitive : elle n’a que faire du temps. Quand on a perdu quelqu’un, on a beau le retrouver, on sait désormais qu’on peut le perdre ».

Proche de Taos Amrouche, Jean Giono avait fait partie du jury Goncourt ; il avait avoué, plus tard, qu’il ne votait que pour les livres édités par Gallimard. Voilà une affirmation qui situe bien les enjeux cachés des prix littéraire, y compris les plus prestigieux. Brahim Saci n’écrit pas pour avoir des prix littéraires ; il se fait plaisir en faisant voyager ses lecteurs, tout en n’attendant pas grand-chose des plus puissants de ce monde encerclé par le mensonge.

La préface de Jean-Pierre Luminet est intitulée : Les vertiges du cœur et du monde. Vaste programme qui tente de saisir la vérité de la création poétique. Astrophysicien, écrivain, poète, Jean-Pierre Luminet semble apporter la lumière au gré de ses passages, au gré de ses regards, au gré des mots qu’il écrit, souvent avec une belle magie.

A la recherche de son recueil perdu, Brahim Saci sait apporter de l’espoir à ses lecteurs ; il aime dialoguer avec eux : c’est ce qu’il fera ce dimanche 23 novembre 2025 à l’occasion du 300e café littéraire parisien de l’Impondérable, au 320, rue des Pyrénées, à partir de 18h. L’entrée est libre et la rencontre sera certainement conviviale et festive !

Youcef Zirem

Le recueil perdu de Brahim Saci, éditions du Net, 2025

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Le Collectif des Algériens à Lyon dénonce des dérives négationnistes

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Conférence d'Alain Ruscio à Lyon.
Conférence d'Alain Ruscio à Lyon.

Dans un communiqué rendu public, le Collectif des Algériens de France, acteur de la mémoire et du dialogue républicain à Lyon depuis un quart de siècle, s’élève avec la plus grande fermeté contre la recrudescence, dans certains médias lyonnais, d’un racisme mémoriel qui bafoue les valeurs fondamentales de la République. Le PCF a mené en soutien une action pour débaptiser la rue Bugeaud (illustration).

Notre collectif constate avec amertume et inquiétude que des titres de la presse lyonnaise, à l’instar de phénomènes observés au niveau national, ont choisi d’instrumentaliser l’histoire en donnant une plateforme exclusive à des voix négationnistes et à des tenants de la pensée coloniale. La couverture de l’inauguration de la stèle historique du 17 octobre 1961 par Le Progrès dans son édition du 15 octobre dernier en est une triste illustration, ayant délibérément occulté la parole du Collectif des Algériens de France, pourtant initiateur de ce projet mémoriel depuis 25 ans, au profit d’apologistes des crimes contre l’humanité.

Cette partialité délibérée a été prolongée par d’autres publications, dont Lyon People, qui, dans une chronique récente, a enfreint tous les principes déontologiques en tenant des propos ouvertement xénophobes à l’encontre des Franco-Algériens et en glorifiant la figure du maréchal Bugeaud, dont les exactions en Algérie – qui, selon les travaux d’historiens reconnus, ont constitué un antécédent aux pires tragédies du XXe siècle – relèvent de crimes contre l’humanité.

Cette dynamique de falsification et de haine atteint son paroxysme avec le traitement médiatique réservé au projet, pourtant salutaire et républicain, de débaptiser la rue Bugeaud. Le silence imposé au Collectif, pourtant lanceur d’alerte sur ce symbole antirépublicain depuis 2020, est une faute grave. Il prive le débat public d’un éclairage essentiel et légitime l’idéologie la plus nauséabonde.

Ce négationnisme médiatique, en faisant l’apologie de crimes contre l’humanité, n’est pas une opinion : c’est un délit. Il a des conséquences directes et tangibles, comme l’a tragiquement démontré la profanation lâche et ignoble de la stèle du 17 octobre 1961, acte de violence qui n’aurait pu survenir sans le climat de haine préalablement distillé.

Face à cette situation intolérable, le Collectif des Algériens de France :

1. Met en garde l’ensemble de la profession journalistique contre les dérives d’un racisme mémoriel qui corrompt le débat public et sape les fondements de notre cohésion nationale.

2. Exige des rédactions lyonnaises un strict respect de la déontologie, impliquant un droit de réponse et une représentation équilibrée des parties prenantes, en particulier de celles qui portent depuis des décennies un travail de mémoire et de fraternité.

3. Appelle solennellement le Procureur de la République à qualifier et poursuivre, avec la plus grande rigueur, tous les écrits ou propos constituant une apologie de crimes contre l’humanité, une incitation à la haine raciale ou une négation de faits historiques établis.

4. Nous demandons de soutenir la démarche de la Ville de Lyon confiant aux historiens le soin de trancher scientifiquement sur la nécessité républicaine de débaptiser la rue Bugeaud, pour tourner la page des symboles qui divisent la France et honorent l’oppression, la haine et la déshumanisation de citoyens.

Il est temps que cesse cette entreprise de déni et de division. La République doit rester un rempart contre la haine et un garant de la dignité de tous ses citoyens, sans distinction d’origine.

Collectif des Algériens de France

Abdelaziz Boumediene

Additif

Le Parti communiste français (PCF Lyon) a organisé ce jeudi une conférence avec l'historien Alain Ruscio autour de son dernier livre "La première guerre d'Algérie", publié chez la Découverte. Un action de tractage a été organisé à Lyon 6 pour soutenir le collectif des Algériens et l'action de la mairie afin de débaptiser la rue Bugeaud. (En illustration les images des événements) 
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Christophe Gleizes : quand le football français se lève pour la liberté d’informer

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Christophe Gleizes condamné en Algérie
Christophe Gleizes condamné en Algérie arbitrairement à 7 ans de prison

À moins de deux semaines de son procès en appel, prévu le 3 décembre 2025, Christophe Gleizes, journaliste sportif français, continue de subir une détention qui choque le monde du football et de l’information.

Son histoire relève de l’invraisemblable comme souvent dans la « nouvelle Algérie  » d’Abdelmadjid Tebboune. Arrêté le 28 mai 2024 alors qu’il réalisait un reportage sur la JS Kabylie (JSK), Christophe Gleizes a été condamné le 29 juin 2025 à sept ans de prison pour « apologie du terrorisme » et « possession de publications à but de propagande nuisant à l’intérêt national ». Derrière ces accusations absurdes se cache simplement un journaliste passionné, dont le travail consistait à raconter le football, à mettre en lumière les acteurs et institutions qui font vibrer ce sport en Algérie et en Afrique.

Face à cette injustice, sept clubs de Ligue 1 — OGC Nice, RC Lens, Paris FC, FC Lorient, FC Nantes, AJ Auxerre et Le Havre AC — ont pris position publiquement. Pour RSF, cette mobilisation est un signal clair : « Cette mobilisation sans précédent du monde du football pour un journaliste sportif montre l’absurdité de la condamnation de Christophe Gleizes actuellement détenu en Algérie. Nous espérons que le bruit de cet engagement lui parvienne là où il se trouve, par-delà les barreaux de sa prison », affirme Thibaut Bruttin, directeur général de Reporters sans frontières.

Certaines actions vont au-delà du simple soutien symbolique. L’OGC Nice et l’AJ Auxerre relaient dans leurs stades, devant des dizaines de milliers de supporters, l’appel à signer la pétition en faveur de Christophe Gleizes. Virginie Rossetti, directrice communication et marque de l’OGC Nice, explique : « Réclamer la justice et soutenir Christophe Gleizes nous est apparu, dès que les faits nous ont été présentés, comme une évidence. »

Le mouvement dépasse les clubs et touche les acteurs emblématiques du football. Des joueurs et entraîneurs tels que Rai, Vikash Dhorasoo, Vahid Halilhodzic, Hervé Renard et Claude Le Roy ont publiquement manifesté leur soutien. Les journalistes sportifs, les rédactions comme So Foot, et des figures reconnues de la profession, dont Ambre Godillon, Hervé Mathoux, Nathalie Iannetta et Marie Portolano, ont également rejoint le mouvement. Pierre de La Saussay, membre du collectif #FreeGleizes, insiste : « Le soutien du monde du football à Christophe s’impose comme une évidence, mais aussi comme un devoir pour quiconque se revendique des valeurs fondamentales de ce sport. »

Pour RSF, la détention de Christophe Gleizes est plus qu’un cas individuel : elle constitue une menace pour tous les journalistes et pour la liberté d’informer. La campagne #FreeGleizes appelle à la mobilisation générale, convaincue que la pression du public, des clubs et des instances du football français — LFP et FFF en tête — peut contribuer à obtenir sa libération rapide.

À quelques semaines du procès en appel, cette mobilisation inédite montre que la liberté d’informer peut rassembler bien au-delà des terrains de football. Joueurs, clubs, journalistes et supporters sont désormais unis autour d’un même message : la justice doit l’emporter, l’absurdité doit céder face à la raison, et Christophe Gleizes doit retrouver sa liberté.

Mourad Benyahia 

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L’Algérie, premier client du Su-57E : deux avions livrés sur un contrat de 14

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Avion de combat russe Sukhoi Su-57E « Felon »
Avion de combat russe Sukhoi Su-57E « Felon ». Crédit photo : DR

L’Algérie serait le premier client étranger du chasseur furtif russe de 5e génération Su-57E « Felon », rapporte Avia News. Deux premiers exemplaires auraient déjà été réceptionnés sur une commande totalisant quatorze appareils.

D’après les informations du  site suisse d’actualité et de consulting sur l’aviation, la  Russie a livré ses deux premiers chasseurs furtifs Su-57E « Felon » de série à un client étranger non identifié, a annoncé le PDG de l’UAC, Vadim Badeha, lors du Salon aéronautique de Dubaï 2025. Cette première exportation marque une étape stratégique pour Moscou, devenue le deuxième pays au monde à exporter un avion de combat de 5ᵉ génération.

Bien que l’UAC n’ait pas révélé l’identité du destinataire, l’Algérie apparaît comme le candidat le plus probable, selon plusieurs sources spécialisées citées par Avia News. Alger aurait signé en 2021 un contrat portant sur 14 Su-57E, avec des livraisons échelonnées entre 2025 et 2027. Son partenariat militaire de longue date avec Moscou et sa flotte existante de Su-30MKA et Su-34 renforcent cette hypothèse.

L’annonce intervient dans un contexte de pressions industrielles et de sanctions internationales contre la Russie. Pour l’UAC, ces premières livraisons démontrent la capacité du complexe militaro-industriel russe à maintenir ses exportations d’équipements avancés. Vadim Badeha affirme que l’intérêt international pour le Su-57E augmente, porté par la performance opérationnelle des systèmes russes et la recherche par certains États d’une alternative aux technologies occidentales.

Avec cette première exportation, Moscou devient le deuxième pays au monde, après les États-Unis, à vendre un avion de combat de 5ᵉ génération sur le marché international, rapporté avianews.  Selon l’UAC, précise la même source, les appareils seraient déjà opérationnels au sein de la force aérienne du pays acquéreur, qui aurait exprimé sa satisfaction quant aux performances et à la qualité des avions.

Samia Naït Iqba

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Quand les olives tombent, la Kabylie se lève

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Récolte des olives en Kabylie
Récolte des olives en Kabylie. Crédit photo : DR

Il existe en Kabylie une saison qui n’est écrite dans aucun calendrier officiel, mais que tout le monde reconnaît immédiatement : la cueillette des olives.

Dès que les premières olives touchent le sol, un signal invisible traverse les villages, franchit les collines, descend les vallées.

C’est le moment où la Kabylie se lève, d’un même mouvement, comme un seul peuple.

Un peuple entier autour d’un même rituel

Pendant cette saison, c’est tout le village qui se mobilise.

Les champs se remplissent de silhouettes de tous âges :

les hommes, directement perchés dans les arbres, grimpant sans échelles avec une agilité incroyable, secouant les branches avec force et coupant parfois celles qui le nécessitaient pour faciliter la récolte et entretenir l’olivier ;

les femmes, droites et infatigables, étendant les draps, triant les olives, organisant le travail et chantant pour encourager tout le monde dès les premières heures du jour ;

les vieux, assis à l’ombre, gardiens de la mémoire, observant chaque geste et prodiguant des conseils que l’on respecte toujours ;

les enfants, insouciants, transformant les champs en terrain d’aventures ; les jeunes, fiers de renouer avec un héritage qu’aucune modernité ne parvient à effacer.

Les pièges aux oiseaux : les jeux d’enfance

Pour les enfants, l’hiver en Kabylie avait un autre charme.

Ils construisaient des pièges pour attraper les oiseaux de la montagne — imarga, ʿazzi, ijahmam — avec une ingéniosité qui ferait sourire aujourd’hui.

Un fil, une branche courbée, quelques grains de blé… et les voilà fiers comme des adultes quand le piège se refermait.

Les anciens les encourageaient, leur disant de continuer, d’en attraper encore un,

pour que toute la famille puisse y goûter le soir.

C’était un mélange de fierté, de complicité, et de bonheur simple.

Ce n’était pas la prise qui comptait, mais le rite, la participation, et la joie d’être ensemble dans les champs.

Les chants des femmes, l’écho du matin

À mesure que le soleil se levait derrière les crêtes, les voix des femmes commençaient à résonner.

Des chants puissants, réguliers, portés par l’air froid du matin.

C’étaient des chants de courage, de motivation, des mélodies qui donnaient de la force aux hommes dans les arbres et mettaient de la joie partout dans les champs.

La fumée des feux : la montagne vivante

Dans les champs, on voyait la fumée des petits feux.

On y chauffait du thé, on y grillait des galettes, on y réchauffait les mains engourdies.

Ces colonnes fines montaient lentement dans l’air frais du matin et rendaient la montagne vivante, habitée, humaine.

Le retour des ânes chargés d’olives

À la fin de la journée, quand les paniers débordaient et que la fatigue se mêlait à la satisfaction, arrivaient nos fidèles compagnons : les ânes

Ils avançaient lentement sur les sentiers, chargés de la récolte du jour.

Leur pas régulier accompagnait la descente vers le village, clôturant une journée de travail collectif.

Une nostalgie qui serre le cœur

Pour ceux qui vivent loin, cette saison est un souvenir qui ne vieillit pas.

Il suffit d’y penser pour revoir :

les collines humides, la lumière du matin, les chants qui résonnent, le bruit des olives qui tombent, l’odeur du bois brûlé, les rires, la fatigue heureuse.

La cueillette des olives, ce n’est pas seulement une récolte.

C’est la mémoire d’un peuple, un lien profond entre la terre et ceux qui l’aiment.

Et tant que l’olivier se tient debout, la Kabylie aussi se tiendra debout.

Aziz Slimani

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Dénonçant une «dérive institutionnelle» à l’APN : 42 députés saisissent la Cour constitutionnelle 

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APN

Quarante-deux députés ont déposé mercredi une nouvelle saisine auprès de la Cour constitutionnelle pour dénoncer ce qu’ils qualifient de « violations systématiques » des droits parlementaires au sein de l’Assemblée populaire nationale (APN). L’initiative est menée par le député Abdelouahab Yagoubi (MSP), qui signe là sa septième saisine.

Des députés se rebiffent ! C’est tellement rare dans cette Assemblée croupion que cela mérite qu’on s’y attarde. 42 élus ont décidé de mener la charge, Ils estiment que les blocages observés à l’APN ne relèvent plus du simple dysfonctionnement mais d’un « glissement institutionnel » remettant en cause l’équilibre des pouvoirs prévu par la Constitution de 2020.

Amendements rejetés et propositions gelées

Les députés reprochent au Bureau de l’Assemblée de rejeter des amendements pour des motifs de fond, alors que sa compétence devrait se limiter au contrôle formel. Ils dénoncent également le gel de plus de 60 propositions de loi, pourtant jugées recevables, et jamais transmises aux commissions compétentes, en violation du règlement intérieur et de la Constitution.

La saisine souligne que les commissions d’enquête parlementaires n’ont plus été créées depuis 2011, malgré plusieurs motions déposées depuis 2021. Neuf interpellations adressées au Gouvernement resteraient également en attente depuis des mois, voire des années, alors que la Constitution impose une transmission sous 48 heures et une réponse sous 30 jours.

Un acte présenté comme institutionnel, non politique

Pour Yagoubi, la démarche n’a « rien d’une manœuvre politique » mais relève du « devoir constitutionnel » face à la neutralisation des prérogatives législatives et de contrôle. Elle ravive le débat sur l’effectivité des réformes institutionnelles et le fonctionnement réel du pluralisme parlementaire.

Incertitude sur la réponse de la Cour

Reste à savoir si la Cour constitutionnelle acceptera d’examiner la requête. En septembre 2025, la juridiction, présidée par Leila Aslaoui, avait opposé une fin de non-recevoir à une saisine du groupe MSP concernant le report de l’ouverture de la session parlementaire.

Ce précédent alimente aujourd’hui les doutes quant à la capacité de la Cour à arbitrer des litiges internes à l’Assemblée. Il faut croire que cette Cour qui sert pour le pantouflage de grands serviteurs du système n’a jamais fait montre de quelque courage.

Pour les députés signataires, l’enjeu est de « replacer la Constitution au cœur du fonctionnement législatif » et de garantir un espace parlementaire où l’initiative et le contrôle puissent s’exercer pleinement.

Samia Naït Iqbal

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Sansalomania : une querelle qui n’a grandi personne

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Boualem Sansal
Boualem Sansal condamné à 5 ans de prison, a été gracié il y a quelques jours.

Il y a dans cette affaire Sansal quelque chose d’étrangement familier : une querelle qui enfle, deux camps qui s’excitent, et au milieu un écrivain qui disparaît derrière son propre nom.

Depuis un an, la scène médiatique française rejoue la même pièce, comme si elle n’avait pas d’autre décor. Le Point n’est pas seul : une bonne partie de la presse parisienne, des matinales aux plateaux d’info en continu, s’est lancée dans une croisade qui tenait plus du réflexe pavlovien que d’une véritable défense de la littérature. On a présenté Sansal comme un symbole blessé, un martyr de la liberté, un étendard à redresser.

Le problème, c’est que personne n’a gagné cette guerre. Surtout pas le débat.

Quand on prend un peu de recul, quand on se place à la distance d’un passant qui regarde deux hommes s’empoigner sur un trottoir, on voit surtout le grotesque de la scène. Les sansalophiles crient à la liberté muselée, les sansalophobes hurlent à la trahison nationale, et chacun se convainc que son indignation est un acte politique. En vérité, ce sont deux réflexes jumeaux : la sacralisation d’un côté, la diabolisation de l’autre. Deux postures qui s’annulent, qui empêchent de penser, et qui transforment un écrivain – avec ses fulgurances, ses maladresses, ses excès – en simple prétexte.

Pendant un an, les médias français ont frappé fort, mais à côté. À force de vouloir fabriquer un héros, ils ont créé un punching-ball. À force de défendre la liberté d’expression, ils ont écrasé la complexité sous des mots trop grands. À force de chercher une victoire symbolique, ils ont perdu le sens même de la nuance. De l’autre côté de la Méditerranée, la riposte n’a pas été plus subtile : posture de fermeté, crispation patriotique, réponses sèches. Le tout pour aboutir, finalement, à une grâce discrète, glissée dans un couloir comme si l’on voulait réparer une maladresse en espérant que personne ne le remarque.

Tout cela pour ça.

Un an de bruit, de tribunes, de débats sans épaisseur, pour revenir exactement au point de départ. Sansal n’a pas changé. L’Algérie n’a pas changé. La France non plus. Seules les postures se sont épuisées. La vérité, c’est que cette Sansalomania ne dit presque rien de Boualem Sansal.

Elle dit tout de nous.

Elle dit notre incapacité à discuter sans nous enflammer, notre besoin compulsif de héros ou d’ennemis, et notre vertige devant la complexité. Elle dit une France médiatique qui transforme tout écrivain algérien un peu libre en trophée commode pour se rassurer sur sa propre vertu, encouragée par un ex-ministre de l’Intérieur qui a cru voir dans l’affaire Sansal l’occasion de rejouer la grande bataille morale qu’il n’avait jamais vraiment gagnée.

Et elle dit aussi l’autre réalité, plus gênante : une Algérie politique qui, au lieu d’ignorer un écrivain ouvertement critique envers le pays – ce qui aurait été la réaction la plus intelligente – a choisi la pire option, celle qui coûte cher et ne rapporte rien, en l’emprisonnant quelques mois comme on veut donner une leçon qu’on ne sait pas formuler. Un réflexe défensif, inutile, presque puéril, qui a surtout montré à quel point le pouvoir peut encore se piéger lui-même.

Elle dit enfin notre difficulté collective, de part et d’autre, à écouter ce qui dérange sans immédiatement brandir un drapeau, sans confondre critique et menace, ni désaccord et trahison.

Ce qui reste, quand la poussière retombe, c’est un sentiment de vacuité. Une querelle bruyante qui n’a grandi personne. Une bagarre de trottoir où ceux qui frappaient fort ne savaient plus très bien pourquoi. Et peut-être qu’il est temps – vraiment temps – de laisser tomber les poses, de ranger les armures, et de relire l’écrivain pour ce qu’il est : un auteur. Ni prophète. Ni paria. Simplement un écrivain qui écrit, qui se trompe parfois, qui éclaire parfois, mais qui mérite d’être lu autrement qu’au travers du vacarme de ses supporters et de ses ennemis.

Tout le reste n’était que bruit. Un bruit inutile, qui masquait le silence essentiel : celui de la littérature qu’on n’a presque pas entendue.

Zaim Gharnati

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Sous le ciel de Batna : laissez-vous porter par la plume de Hajer Bali

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La librairie Guerfi, en partenariat avec l’Institut IEMFC Marseille et les Éditions Barzakh, vous ouvre ses portes pour un voyage au cœur des mots et des mémoires.

 Rencontre littéraire et vente-dédicace avec l’écrivaine algérienne Hajer Bali, auteure du roman Partout le même ciel, œuvre vibrante où se mêlent amour, engagement et quête de liberté.

« La mémoire de nos sociétés a été entrecoupée de blancs », confie Hajer Bali. Et c’est dans ces silences, dans ces interstices du temps et de l’histoire, qu’elle construit un récit où l’intime rejoint l’universel, où les voix de la jeunesse et les échos du passé se répondent.

Ses personnages avancent à la lisière des ombres et des lumières, portant en eux les passions et les questions de notre monde. À travers eux, Hajer Bali fait naître un roman qui nous touche, nous relie, et nous invite à regarder le ciel partagé au-dessus de nos vies.

La rencontre sera animée par :

 Dr. Tarek Benzeroual – Université Batna 2

 Dr. Lina Leyla Abdelaziz – Université Batna 2

M. Redha Guerfi – Éditeur et libraire, Librairie Guerfi

Jeudi 20 novembre 2025

 14h00

 Librairie Guerfi, en face du Palais de justice – Batna

 Diffusion en direct sur les réseaux sociaux

Venez écouter Hajer Bali, laissez-vous emporter par sa plume, partagez un instant suspendu, sous le ciel de Batna, et repartez avec le souffle d’un roman qui fait vibrer la mémoire et le cœur.

Djamal Guettala 

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Nader Ayache : 10 ans d’exil et une grève de la faim pour son droit au séjour

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Nader Ayache

Arrivé en France depuis la Tunisie en 2015 pour ses études en cinéma, Nader Ayache, doctorant et réalisateur de films documentaires, vit aujourd’hui un exil paradoxal. Malgré dix années passées à construire sa vie en France — études, thèse, films, mariage et relations sociales — il se retrouve menacé d’expulsion.

Depuis le 8 novembre, Nader est en grève de la faim pour obtenir son titre de séjour. En 2019, il a reçu une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) et une Interdiction de Retour (IRTF). Depuis, sa vie est marquée par la précarité : impossibilité de travailler, logement instable, peur constante des contrôles et éloignement familial.

Malgré de nombreuses démarches légales — recours auprès de la préfecture, du tribunal et de la cour de Versailles — toutes ses demandes ont été rejetées, y compris le 6 novembre 2025. Face à ce refus, Nader dénonce un système administratif bureaucratique, humiliant et inhumain, où les OQTF sont délivrées à tout-va et la précarité des personnes sans papiers criminalisée.

Sa grève de la faim, inspirée des prisonniers en lutte, est un acte de résistance et de visibilité pour une souffrance que Nader décrit comme invisible depuis dix ans. Il conteste la décision du tribunal de Versailles devant le Conseil d’État, un processus qui pourrait durer 18 mois, et dépose parallèlement une demande d’admission exceptionnelle au séjour (AES). Tout refus entraînerait une OQTF plus sévère, synonyme d’un second déracinement.

Mobilisation devant le CNC

Nader a installé sa tente devant le Centre National du Cinéma (CNC) pour chercher le soutien du milieu du cinéma, son environnement professionnel. Une présence massive est nécessaire demain matin à 8h pour l’accompagner lors de cette première matinée.

Un collectif de soutien a été créé pour accompagner Nader. Une cagnotte en ligne a été lancée afin de financer le matériel nécessaire à son campement : tente d’hiver, sacs de couchage résistants et couvertures.

Djamal Guettala 

Pour soutenir Nader :

Cagnotte en ligne : https://www.cotizup.com/collectifsolidaireavecnader

Instagram : @solidariteavecnader – @nader.s.ayache

Photo/vidéo de la tente devant le CNC : https://www.instagram.com/p/DRIS4HTjr98/?igsh=MTRsM214Ym44dG8yaw==

Adresse e-mail : ayacheyouness0@gmail.com

N.B. : Nader Ayache, réalisateur tunisien, est le lauréat du prix du CNAP de la 34e édition 2023 du FIDMarseille pour son film La Renaissance.

Nader Ayache réclame aujourd’hui une réparation et sa régularisation immédiate, incarnant le combat de nombreuses personnes confrontées à des procédures administratives déshumanisantes et à l’injustice des OQTF.

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L’art pictural en évocation : « L’astronome » de Johannes Vermeer

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Pays-BasVermeer, Johannes, Musée du Louvre, Département des Peintures, RF 1983 28 - https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010064324 - https://collections.louvre.fr/CGU
L'Astronome. Crédit : collection du Louvre

L’art est un évocateur pour celui qui le regarde à travers des émotions et des références qu’il a accumulées. Sa connaissance et le plaisir suscité se satisfont d’un esprit inlassablement curieux durant une vie sans qu’il atteigne l’érudition.

Voici exposé la proposition au lecteur d’un exemple de chef-d’œuvre dans l’art pictural qui provoque une émotion humaine, justement auprès d’une personne non érudite comme moi (mais non complètement ignorante tout de même). 

Récemment un prêt du musée du Louvre au musée de Marseille avait réveillé mon esprit, celui d’un tableau du peintre hollandais Johannes Vermeer, L’astronome. Et voilà les éléments habituels qui se bousculent dans la  mémoire de celui qui cultive sa curiosité.

Il ne faut surtout pas être étonné qu’une évocation d’un tel événement suscite un article de ma part seulement après plusieurs mois. La pédagogie de la culture n’est pas dans l’événement en lui-même, l’art n’est pas une actualité mais une pérennité.  Abordons l’œuvre choisie par quelques portes d’entrée. 

Le basculement du monde en une œuvre iconique 

Prenons ensemble l’audioguide du musée (petit boîtier avec des enregistrements audio) et écoutons-le nous faire la présentation du célèbre tableau. 

L’œuvre du grand maître évoque le bouleversement copernicien et le nouveau regard de l’humanité sur les connaissances et la science, ceux des arts et de la compréhension de son milieu terrestre et du ciel. Ce moment est dans la suite logique des grandes aventures d’exploration et d’explosion des savoirs entre le 16ème et 17 ème siècle, période appelée La Renaissance (le nom est évocateur) qui fait sortir l’humanité des dogmes du moyen-âge. L’art en était également soumis.

Dans L’astronome il y a de toute évidence l’idée que la lumière du savoir éclaire le monde. C’est la traditionnelle allégorie du savoir qui illumine les esprits en les libérant des ténèbres que représente cette chambre sombre du tableau.

Regardez le tableau, que voit-on  en plus de cette chambre pénétrée par la lumière ? Un globe terrestre qui avait contredit ceux qui avaient cru que le monde se limitait au seul territoire  chrétien. C’est donc la vision nouvelle du monde terrestre dont la principale référence est bien entendu celle de Christophe Colomb.

Mais on y voit également une lunette astronomique, d’où le nom du tableau qui fait référence au personnage, L’Astronome. L’objet représente la nouvelle connaissance du ciel et la place du monde dans celui-ci.

Nous devinons tous la référence de Nicolas Copernic qui avait donné son nom à la révolution des savoirs. La terre n’était plus le centre du monde autour duquel tournait le soleil mais le contraire. Un véritable bouleversement pour l’humanité, nous avons dans ce tableau ses deux identifiants, la connaissance de la terre et celle du ciel. 

L’astronome de Johannes Vermeer ne pouvait donc être absent des représentations picturales  pour enseigner la période de la Renaissance, chevauchant les deux siècles. C’est l’apparition en cascade de l’âge d’or en Italie (où est apparue l’humanisme) de l’âge d’or de la Hollande, de l’Italie (où est apparu l’humanisme), de l’Espagne, de la France de François Premier et de quelques autres qui ont suivi. 

Le peintre est Hollandais, il naquit dans la ville de Delft et deviendra un marchand d’art, ce qui est cohérent avec son talent artistique même si cela n’a pas un lien direct obligatoire. Sa vie est au centre du bouleversement du monde par sa naissance en 1632 et sa mort en 1675.

Une histoire contemporaine chaotique

Johannes Vermeer ne trouvera jamais la grande notoriété de son vivant, c’est au XIX ème siècle seulement que son œuvre avait été « redécouverte ». Elle avait été réelle mais très limitée au territoire local jusqu’à se perdre dans l’oubli. 

Par sa nouvelle naissance c’est dans la Collection Rothschild au début du 20 ème siècle que nous retrouverons le tableau. Au cours de la seconde guerre mondiale, il avait connu le sort de nombreux chefs-d’œuvre de l’époque, soit le vol par le régime nazi. 

Dès la fin de la guerre, il fut retrouvé et restitué à la famille Rothschild qui le cédera à la France en 1983 au titre d’une dation (règlement de droits de succession par la cession d’une œuvre d’art).

Une contestation des contestataires

Revenons au début de l’histoire de l’œuvre. Johannes Vermeer s’était inscrit dans le mouvement baroque du siècle d’or de la peinture néerlandaise, nous l’avons déjà dit. Cette école est née d’un mouvement global en Europe qui voulait s’opposer à la Contre-réforme catholique qui, elle-même avait voulu restaurer le prestige de l’Église face à La Renaissance avant qu’il ne soit mis à mal (en tout cas très écorché) par le souffle des grandes découvertes de la réalité du monde, terrestre et cosmique, ainsi que des sciences et des technologies qui l’ont permis. 

Mais en même temps qu’elle voulait s’opposer à la Contre-Réforme, la peinture baroque avait néanmoins contesté l’école de la peinture de la Renaissance. Autrement dit, une contestation de ceux qui avaient eux-mêmes contesté l’art imposé. La peinture baroque veut émouvoir et impressionner le spectateur en supprimant toutes les rigidités de la peinture de la Renaissance (qui elle-même, nous l’avons dit, souhaitait briser les rigidités antérieures). 

Abandon des lignes droites au profit de celles courbées et des postures en tension, conformes à la réalité humaine. C’est l’être humain dans toute sa vérité qui est montré. La peinture baroque veut capturer les scènes sans exaltation et dévotion que suscitait la peinture doctrinaire des siècles précédents. Quoi de mieux que la représentation du quotidien de la vie et des sentiments humains pouvaient le faire ?

Johannes Vermeer n’était pas le seul représentant de ce mouvement artistique mais il en deviendra l’un des plus connus.

Le clair qui contraste avec le sombre

Il y a toujours une injustice lorsqu’on parle de la lumière traitée dans les œuvres des grands peintres. Interrogez les personnes autour de vous, beaucoup vous répondront que ce sont les impressionnistes qui ont été les premiers à faire de la couleur ce qui explose aux yeux. Une couleur due à la peinture à l’extérieur dont ils sont précurseurs, c’est vrai. 

Certes l’époque du Hollandais n’était pas encore aux peintures de la vie en plein air mais on ressent bien combien de nombreux artistes contemporains à Johannes Vermeer ont eu une envie d’un ailleurs, une soif de le découvrir à l’extérieur du carcan des dogmes antérieurs. Dans l’Astronome de de Vermeer, la lumière qui pénètre dans la pièce est ce qui éclaire mais également ce qui symbolise le chemin de la sortie par la fenêtre. 

J’avais toujours été fasciné, surtout par deux passages au Louvre, par la peinture de cette époque en majorité composée de noir et de blanc. Passionné mais en même temps interrogateur, comment un tableau en noir et blanc peut-il avoir une teinte si brillante ? 

La seule réponse que pouvait me donner mon esprit est que ces tableaux étaient recouverts d’un vernis qui les protégeait. Une réponse qui après tout n’est pas stupide mais qui s’est révélée fausse lorsque mes étudiants en École d’art m’avaient expliqué le phénomène (les braves petits !). 

C’était la technique du clair-obscur qui crée un contraste si appuyé du noir avec le blanc qui donne l’effet d’une teinture brillante. On attribue sa paternité aux peintres italiens Le Caravage, à l’Espagnol  Diego Velasquez et à bien d’autres.

Une incrustation dans l’image collective

Il faut rappeler que l’incrustation des œuvres d’art dans la mémoire collective prend souvent racine par des chemins tout à fait inattendus. Parfois même par ceux qui sont dénigrés par les érudits qui s’arrachent les cheveux de voir des œuvres célèbres reproduites dans des boîtes de biscuits, de chocolat ou des publicités. Le destin de Johannes Vermeer n’y échappe pas. 

Le chemin d’apprentissage indirect, contrairement à ce qui parait évident dans les esprits, n’est pas principalement celui des cours de dessin ou de peinture, comme on disait autrefois. C’est justement pour cette raison que l’histoire de l’art n’est enseignée que dans les niveaux supérieurs, du lycée ou de l’université, à l’âge où les esprits sont plus matures. 

Pour la sensibilisation à l’art des plus jeunes, la racine de la connaissance de ce tableau se trouve dans les illustrations des manuels scolaires des collégiens où apparaissent principalement ces chefs-d’œuvre. Quel autre tableau que celui de Johannes Vermeer pouvait mieux représenter l’extraordinaire bouleversement des savoirs scientifiques de l’époque concernée ?

Voilà ce qu’avait réveillé en moi ce prêt du célèbre tableau de Johannes Vermeer du musée du Louvre au musée de Marseille, une histoire et des sentiments provoqués par l’art. 

Boumediene Sid Lakhdar

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