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Personne ne peut monter sur ton dos tant que tu te tiens droit  (*)

REGARD

Personne ne peut monter sur ton dos tant que tu te tiens droit  (*)

Marche à Alger contre le pouvoir et la présidentielle. Crédit photo : Zinedine Zebar.

« La flèche que tu lances contre un juste reviendra vers toi », Anonyme

Depuis des siècles, la société algérienne s’est organisée selon une forme patriarcale. Le territoire était soumis à l’autorité suprême : le père. L’image du père : autorité, rigueur, fermeté. Elle cristallise ses envies, ses craintes et ses aspirations sous l’autorité d’un chef unique.

Il faut dire que le patriarcat n’est pas fondé sur le mode de relations horizontales c’est-à-dire sur la base de relations contractuelles donc démocratiques mais plutôt sur des relations verticales c’est-à-dire de subordination pure et simple. Cette situation est-elle le fait des hommes ou le résultat d’une fatalité ? De quels hommes et pour quelles causes ? D’une manière générale, les hommes ont l’Etat qu’ils méritent.

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Dans un pays évolué, économiquement développé, socialement épanoui, ou les citoyens « libérés de la peur et de la tyrannie » participent légalement et individuellement à leur destin collectif l’Etat correspond à leur état, à leur degré d’évolution physique et mentale.

L’Etat en tant que tel n’est jamais responsable de l’organisation collective, de ses pouvoirs de gestion ou de discipline mais bien des hommes qui l’ont conduit là où il est, qui le fabriquent, le consolident ou l’affaiblissent, le supportent ou le condamnent. Bref, l’Etat vaut ce que valent les citoyens. Si l’Etat est apparemment immoral dans son action, c’est-à-dire dans ses lois, dans ses règlements et dans les fins qu’il poursuit, c’est que les hommes, initiateurs de ces lois et responsables de leur application ont projetés leur propre égoïsme, leur appétit de puissance et leurs propres faiblesses. « Dans un pays plein d’injustices, les honnêtes gens sont jugés par les lois des corrompus ».

Patriarcat et razzia sont les deux facettes d’une même réalité. A partir de 1980, un phénomène considérable d’enrichissement pour certains est apparu, rendu possible grâce à l’euphorie financière où d’importants transferts ont eu lieu, faisant des responsables politiques et économiques une classe possédante.

C’est en tant que bourgeoisie étatique que cette couche réalise son enrichissement collectif, il y a une stratégie de classe dans l’enrichissement mais une technique individuelle dans l’accumulation. Il est dans l’intérêt de cette couche que chacun de ses membres puisse saisir les largesses financières de l’Etat afin que tous soient solidaires voire complices de ces pratiques.

Ce détournement de la rente vers des fins principalement improductives va permettre le développement d’une consommation ostentatoire importante. Et, ce n’est pas dans la sphère productive que s’affiche la réussite économique mais dans la sphère de la consommation que se mesure l’ascension personnelle. L’Etat n’est souvent qu’un outil confisqué par certaines couches sociales privilégiées pour s’enrichir ou opprimer les autres. Cet Etat est faible, incapable, discrédité. Les arbitrages internes qu’il rend sont toujours en faveur du même groupe.

Ainsi, on sacrifie les autres secteurs mais surtout pas le budget militaire, sécuritaire et de diplomatie qui s’accaparent une part importante des dépenses publiques qu’il est difficile de cerner en raison de l’opacité qui entoure ces budgets. La politique dans la gestion doit être l’instrument d’une transformation réfléchie et délibérée de la société et non un moyen de se maintenir ou d’accéder au pouvoir et aux privilèges qui s’y rattachent. Les révolutions n’ont pas pour vocation de supprimer les privilèges mais seulement de changer de privilégiés.

C’est pourquoi, elle ne doit pas être une profession lucrative, mais une fonction honorable et un statut respectable. La rente a constitué l’agent principal de la construction de l’Etat. Elle a été mise au service du développement étatique. Le renforcement de l’Etat s’est accompli au prix d’un approfondissement de son extraversion. Les rapports entre l’Etat et la société s’organisent autour de la rente pétrolière et gazière. Tel un intrus, l’Etat est obligé de redéfinir constamment sa relation avec un milieu qu’il veut dominer de façon à se faire accepter par lui. Comme tout régime politique, le régime algérien joue de la coercition et de l’adhésion pour assurer sa stabilité sinon sa légitimation.

Tant que vous êtes du côté du plus fort, la loi vous ignore et vous ignorez la loi. Elle se rappelle de vous le plus souvent pour vous réprimer rarement pour vous protéger. Ses ancêtres sont les « gaulois », ses sujets sont « les indigènes », sa traduction en langue arabe est « littéraire » c’est-à-dire dénuée de tout esprit critique reconduisant involontairement une forme de pensée « néocoloniale » invisible à l’œil nu. Le chantier est immense. Ce n’est pas une affaire de spécialistes mais l’œuvre de la société dans son entièreté.

Ce n’est pas à la justice d’être libre, c’est à la liberté d’être juste, de ne pas tomber dans les travers de la corruption et de la tyrannie. Un espoir de renouveau « Quand l’ordre est injustice, le désordre est déjà un commencement de justice » (Romain Roland). 

(*) Le titre est une citation de Martin Luther King

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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