19 avril 2024
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Pétrole et corruption, habillage et déshabillage d’une nation ?

Baril de pétrole

C’est le pétrole qui préside aux destinées du pays depuis sa découverte par les Français en 1956 jusqu’à son épuisement par les Algériens dans un avenir jugé très proche soit 2030 selon les prévisions officielles. 

Le pétrole était présent dans le prolongement de la lutte de libération nationale, dans les négociations menées avec la puissance coloniale, et dans l’édification de l’Etat algérien naissant. Il va être ce « pot de miel » de l’Etat algérien indépendant qui sera disputé à l’intérieur du pays par les clans rivaux et sera convoité à l’extérieur par les puissances étrangères dominantes pour qui « l’Algérie n’est qu’un drapeau planté sur un puits de pétrole » Le pétrole permet d’affirmer sa légitimité sur la scène internationale et d’imposer son dictat à la population sur le plan interne.

Il permet une longévité plus grande à la tête de l’exécutif. Le pétrole est l’inspirateur et le fondateur du régime politique et du système économique de l’Algérie contemporaine. Il est à l’origine de l’orientation socialiste (parti unique, gratuité des soins, école obligatoire, usines clés ou produits en mains) dans les années 70. Il sera le promoteur du « programme anti pénurie » (équipements électroménagers destinés aux ménages, allocations touristiques pour tous les algériens) au cours des années 80.

Il sera le détonateur de la guerre fratricide dans les années 90 (émeutes en 1988, décennie rouge qui a fait des milliers de morts et de disparus, paix retrouvée après dix ans de guerre civile (une pluie diluvienne de dollars s’est abattue sur l’Algérie ensanglantée nettoyant toute trace de sang sur son passage).

Du berceau à la tombe, la république se noie dans les eaux troubles de la corruption. On ne scie pas la branche sur laquelle on est assis. Il n’y a pas de corrompu sans corrupteur. Les deux se tiennent par la main et font le marché ensemble. Elle est le lubrifiant du régime et l’opium du peuple, Mirabeau disait « la corruption est dans l’homme comme l’eau est dans la mer » Il n’y a pas d’eau douce dans une mer salée. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un regard furtif sur les détritus qui jonchent le sol pour se rendre compte de l’ampleur du phénomène.

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L’Etat en Algérie se caractérise par l’inefficacité de la gestion publique et ses corollaires : la violence interne et la dépendance externe. Même dans l’hypothèse favorable d’un pouvoir relativement stable, ce pouvoir se révèle largement impuissant à réaliser les objectifs qu’il s’est fixé, à cause de l’inefficacité de son administration et lorsqu’il parvient à réaliser ses objectifs, c’est au prix d’un gaspillage effrayant. Cette inefficacité de la gestion étatique est due nous semble-t-il à l’incompétence et à la corruption des dirigeants qu’ils soient des dirigeants politiques ou des fonctionnaires.

Cette corruption est d’autant plus importante, qu’à la corruption financière liée au développement de l’économie monétaire et marchande se combinent des formes de corruption qui trouvent leurs origines dans des solidarités plus ou moins tribales. Le loyalisme premier à l’égard de la famille engendre un népotisme qui imprègne les administrations. Le clientélisme, reposant sur l’échange entre personnes contrôlant les ressources inégales est partout  roi. C’est un fait établi, l’Etat en Algérie est un Etat sous développé.

Le sous-développement économique est une réalité globale multidimensionnelle. On peut parler de sous-développement   politique  comme on peut parler de sous-développement économique ou culturel. Il repose sur une rente et non sur une production.

Un Etat qui se fonde sur la force et non sur le droit. Vivant exclusivement de la rente, l’Etat peut se permettre de ne pas développer une production propre en dehors des hydrocarbures et rien ne l’empêche d’établir des relations clientélistes avec les acteurs économiques et sociaux qui se sont multipliés au fil du temps et des sommes amassées.

Partant du principe sacro-saint que tout problème politique, économique ou social a une solution budgétaire. Comme le budget est constitué essentiellement de recettes fiscales pétrolières, l’Etat jouit d’une grande autonomie par rapport à la population puisqu’il est capable de fonctionner et de renforcer ses services sans recourir à l’impôt ordinaire. L’essentiel du jeu économique et sociopolitique consiste donc à capturer une part toujours plus importante de cette rente et à déterminer les groupes qui vont en bénéficier. Il donne à l’Etat les moyens d’une redistribution clientéliste. Il affranchit l’Etat de toute dépendance fiscale vis-à-vis de la population et permet à l’élite dirigeante de se dispenser de tout besoin de légitimation populaire. Elle dispose des capacités de retournement extraordinaire étouffant toute velléité de contestation de la société. Il sera le moteur de la corruption dans les affaires et le carburant des violences sociales.

Il est indispensable et urgent de soumettre les institutions politiques et économiques à un examen critique afin de s’assurer de leur solidité et de leur crédibilité. Une approche paternaliste de la société a eu un effet démobilisateur de la base, comme c’est l’Etat et non pas la société dans son ensemble qui était considéré comme acteur principal de développement, il en a résulté une apathie généralisée.

Cette passivité des populations a renforcé la tendance à centraliser à l’excès l’administration et la planification. Cette centralisation a eu pour effet de conférer un pouvoir démesuré à un petit nombre de fonctionnaires (membres des comités de marchés) qui n’étaient pas toujours capables de résister  aux tentations que ce pouvoir suscite immanquablement.

Ces tendances à la centralisation affaiblissent à leur tour la capacité des entreprises économiques à générer des ressources ; par contre elles permirent au secteur privé de réaliser des profits excessifs souvent employés à des dépenses ostentatoires plutôt qu’à des investissements productifs.

Le pouvoir ne s’est pas organisé en fonction des activités et des besoins de la masse de la population, il n’a pas épousé le pays réel, il enrichit et est devenu jouissance.

L’incapacité des dirigeants d’améliorer de façon tangible les conditions de vie et de travail des populations suscita un mécontentement croissant entraînant des revendications de plus en plus pressantes. Les dirigeants commencèrent à voir dans le désir de participation populaire à la vie politique et économique une menace pour leur situation personnelle, et une remise en cause de leur conception du développement.

Il faut, nous semble-t-il engager une discussion plus ouverte et plus franche sur l’ampleur de la corruption et ses effets néfastes sur le développement et la société.

Aucun gouvernement ne peut avoir d’autorité et aucun plan de redressement ne peut être réalisé efficacement sans l’association des populations au processus de décision et de planification de l’Etat, car plus il faut travailler à l’acceptation du système par la population, gagner son adhésion et sa soumission, plus la bureaucratie se fait tentaculaire, plus grande est la partie d’énergie sous traitée aux entreprises économiques et sociales productives pour être consacrée au seul maintien du pouvoir et à la stabilité sociale.

La perte d’énergie ainsi sous traitée peut entraîner un cercle vicieux, plus on est mécontent, plus l’opposition se manifeste sous diverses formes et plus ils doivent travailler pour s’y maintenir, un tel enchaînement peut-il être rompu sans de violentes convulsions dont l’issue finale est si incertaine ! C’est une chose que la phase politique de libération nationale, ç’en est une autre que la phase économique, construire une économie était une tâche bien délicate, plus complexe qu’on ne le pensait.

Dans la plupart des cas, on a laissé s’accroître les déficits et la création des crédits afin d’augmenter artificiellement les recettes publiques, au lieu d’appliquer une politique authentique de redistribution de revenus à des fins productives. Afin d’éviter d’opter pour l’une des différentes répartitions possibles entre groupes et secteurs, on a laissé l’inflation » galoper » à deux chiffres. Cette façon de faire s’est révélée déstabilisatrice.

Dans la conjoncture actuelle, l’équilibre de l’économie algérienne dont la base matérielle est faible dépendra de plus en plus de la possibilité de relever la productivité du travail dans la sphère de la production et dans le recul de l’emprise de la rente sur l’économie et sur la société.

Dr A.Boumezrag

1 COMMENTAIRE

  1. Le problème – on peut l’appeler le cancer – de la rente peut se résumer ainsi: A cause de la rente des hydrocarbures, le Pouvoir n’a pas besoin du peuple. Au lieu d’être la source de ses revenus par ses contributions fiscales, le peuple est perçu par le Pouvoir comme un inopportun dont il faut tout de même satisfaire ses besoins pour qu’il vous foute la paix. C’est un emmerdeur, quoi. Si 75% de la population algérienne venait à disparaître par magie, le Pouvoir serait plutôt soulagé, autant de bouches de moins à nourrir et qui ne seront pas là à rabâcher leurs plaintes toute la journée. C’est comme ça que le Pouvoir perçoit le peuple algérien.

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