Samedi 11 novembre 2017
Pourquoi le projet SH2030 de Sonatrach ne sera qu’un effort vain (II)
1- Un bref historique riche d’enseignement
Sonatrach a été créée le 31 décembre 1963 comme un instrument de l’Etat pour rechercher, exploiter et commercialiser les richesses fossiles de la nation algérienne et mettre à sa disposition des capitaux pour le développement des autre secteurs de l’économie nationale. Elle est aussi un réservoir pour le recrutement afin d’assurer des emplois pour la majorité d’une population active qui n’a que trop souffert de l’indigénat. Ceci a été planifié et connu de tous les Algériens dans le cadre du premier plan triennal qui vise le plein emploi et c’est normal sinon à quoi aurait servi l’indépendance nationale ? Est-ce une bonne ou mauvaise approche, n’est plus une question à poser 50 ans plus tard. Il s’agit d’un choix consensuel pris après le départ massif des colons et la vacance des moyens de production et surtout la soif du citoyen algérien de recouvrer sa dignité après 132 ans de colonisation.
Toujours est-il jusqu’à la mort du Président Boumediene, elle assumait parfaitement les contradictions entre ces objectifs politiques et sa démarche managériale. Elle a confirmé sa mission pour le compte de l’Etat et au service de la nation algérienne dès sa naissance en construisant en 1964 le premier oléoduc algérien, l’OZ1, d’une longueur de 805 km, reliant Haoud El Hamra à Arzew. Elle décide de lancer la grande aventure du gaz, en mettant en service le premier complexe de liquéfaction de gaz naturel, dénommé GL4Z (CAMEL – Compagnie algérienne du méthane liquéfié), d’une capacité de traitement de 1,8 milliard m3 gaz/an et mis en service de la raffinerie d’Alger. Ces œuvres seront suivies par de nombreux complexes et découvertes de gisements sans compter le lancement d’un vaste programme de formation des cadres aussi bien en Algérie qu’à travers le monde pour les préparer à la relève et surtout à la capitalisation, la consolidation et la fertilisation du savoir et du savoir-faire pétrolier pour les générations futures. Sa stratégie de l’époque visait non seulement la recherche, l’exploitation et la commercialisation des hydrocarbures mais aussi un espoir de transférer l’expertise parapétrolière dans la vision de l’après pétrole. C’est ainsi que sont créées en partenariat avec les multinationales les fameuses « AL » Alfor, Alsim, Aldim, Alfluide, Alreg, Aldia etc. Il s’agissait d’injecter les cadres formés à l’étranger, à l’IAP et l’INH pour justement apprendre et maîtriser les opérations parapétrolière afin de limiter à long terme l’intervention des compagnies étrangères.
2- Le premier tripotage de Sonatrach
A la mort du président Boumediene et l’arrivée au pouvoir de Chadli Bendjedid, le discours devait changer avec des implications sur le terrain qui s’écartaient peu à peu de la ligne suivie pour atteindre les objectifs, objet du consensus : le gigantisme des sociétés nationales, l’efficacité selon le principe « Small is beautifful », la tentative d’abandon des hydrocarbures comme stratégie de développement, le désengagement progressif de l’Etat vis-à-vis des différentes institutions publiques, pour, selon le discours politique, une meilleure efficacité budgétaire. Cette approche qui ne se fonde sur aucun diagnostic sérieux devait mener Sonatrach comme toutes les autres entreprises nationales à subir un lifting forcé par une restructuration suivant le décret 80-242 du 4 octobre 1980 portant sur la restructuration organique et financière des entreprises. Il est difficile aujourd’hui de situer la responsabilité.
En quoi consistent exactement les changements sur le terrain ? Deux volets peuvent résumer ces changements : un volet macro-économique qui a touché à la vie hors entreprise des citoyens en général et des travailleurs en particulier un autre micro-économique qui a porté sur l’organisation en général de l’entreprise elle-même et Sonatrach en particulier. En ce qui concerne le premier volet, les chiffres montrent qu’il y a eu une réorientation des investissements des secteurs productifs au profit des infrastructures et ceci a ralenti l’effort d’industrialisation et par voie de conséquence ne contribue plus à assurer l’indépendance économique, objet du consensus. Cette désintégration de Sonatrach l’a affaibli et l’a rendu vulnérable. Le sureffectif par exemple issu de sa restructuration organique l’a obligé de bloquer les recrutements ce qui a ouvert les brèches à la gabegie, la politique de copinage et surtout a favorisé le recrutement familial au détriment des compétences. Son désengagement progressif vis-à-vis des entreprises parapétrolières en les mettant directement en concurrence déloyale avec des entreprises étrangères les a carrément fait disparaître de la circulation et ceux qui restent évoluent difficilement. Ceci a renforcé l’intervention étrangère dans sa gestion en ouvrant la voie à l’encanaillement de son encadrement. (A suivre)
R. R.
Prochaine partie et dernière : l’impact du passage de Chakib Khelil à Sonatrach