20 novembre 2024
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Quand l’identité amazighe fut considérée comme un tabou…

La guérison des racines est l’unique voie du salut pour les Algériens. Seul un peuple qui sait d’où il vient saura là où il va, dit l’adage. En vérité, la négation de l’identité berbère en Algérie a été héritée de l’ère du parti du PPA-MTLD.

D’après feu Ali Yahia Abdenour,  vers la fin 1948, le MTLD aurait diffusé, à large échelle, juste à la veille du départ de Messali Hadj à l’ONU, une brochure de 50 pages, intitulée Mémorandum à l’ONU, lequel s’ouvre par la formule suivante : « La nation algérienne arabe et musulmane existe depuis le VII e siècle ».
Messali Hadj a, semble-t-il, concocté une identité prêt-à-porter, fabriquée de toutes pièces, pour la circonstance dans les labos du diplomate égyptien Azzam Pacha et du prince libanais Chakib Arslan, les deux ténors de l’arabisme en Orient.
Ainsi, les Amazighs étaient sommés d’abandonner manu militari leurs racines, leur histoire, leur culture et leur langue, plusieurs fois millénaires, au nom d’un « unanimisme de façade » (le mot étant de l’historien Mohammed Harbi), pour s’intégrer, s’assimiler, devenir Arabes.
La direction du PPA-MTLD semblait faire fi de la constitution morphologique des Algériens, obligés de se convertir à l’arabo-bâathisme, non par conviction, mais par force. La réponse n’a pas tardé à tomber. Elle  est venue d’un texte « L’Algérie libre vivra » de Idir El Watani, pseudonyme collectif de trois militants Mabrouk Belhocine, Yahia Henine et Sadek Hadjerès, où les trois nationaliste auraient précisé avec des mots forts que l’identité culturelle de l’Algérie réside, en premier lieu, dans la vitalité de sa langue maternelle « Tamazight » ; la langue des origines ; la langue des ancêtres ; la langue algérienne.
C’était une réponse non seulement aux fausses allégations messalistes qui restreignent l’existence de la nation algérienne au VII e siècle, mais aussi à l’entreprise coloniale destructrice de la personnalité algérienne. La crise dite « berbériste » de 1949, survenue une année plus tard, était en réalité un complot contre les Berbères qu’on voulait réduire à des étrangers sur leur propre sol.
Massinissa, Jugurtha, Takfarinas, et tant d’autres, les  grands aguellids de l’épopée la civilisation numide, longtemps réduite à l’oralité, étaient sciemment effacés de l’historiographie par les tenants de l’arabo-bâathisme.
Or, si le pays de Tafarka « l’Afrique du Nord » fut occupé territorialement,  son cœur n’avait jamais été conquis. La flamme de la résistance y couvait pour toujours.  Ce fut et est toujours une terre de la révolte permanente, de l’insoumission, de la  bravoure.
Hélas! Le travestissement de l’histoire a eu, pour résultante, la défiguration du récit fondateur de la nation. La démagogie et le populisme qui caractérisaient le Messalisme, puis la période du parti unique au lendemain de l’indépendance, ont donné au diptyque dogmatique de l’arabo-islamisme toute ses lettres de noblesse, pour saper les fondements de l’Algérie. L’imposture identitaire a tué dans l’œuf le retour aux sources de notre personnalité plurielle.
Or, cette personnalité forgée par le temps ; les épreuves ; les luttes et les sacrifices de tout un peuple, ne pouvait être ni déracinée, ni intégrable ni assimilable ni moins encore colonisable. Cela dit, l’Algérie d’en bas s’est efforcé de garder ses racines réelles, telles quelles, contre des racines truquées ; greffées ; importées de l’ailleurs. Elle a fait barrage à toute idée de colonie culturelle, linguistique ou civilisationnelle imposée par l’impérialisme étranger, oriental ou occidental soit-il.
En un mot, les Algériens ne peuvent être définis sur la notion de l’ethnie arabe,  dans la mesure où leurs racines sont historiquement et anthropologiquement amazighes. Qu’ils soient Arabophones ou Berbérophones, ils appartiennent tous au grand ensemble berbère, qui n’a jamais changé d’ethnie ni de soubassement, au lendemain de l’arrivée de l’Islam au Maghreb. Le destin étant depuis lié entre les enfants du même peuple. La volonté du vivre-ensemble n’a été brisée que par la volonté de la dictature de détourner le fleuve de son cours. L’Amazighité, censée être un facteur de rassemblement et d’unité, a été accusée de fomenter la division et le déraillement du train du pays.
Ainsi, diverses polémiques sont nées, bien après l’officialisation au forceps de cette dimension nationale, notamment sur le modèle de son écriture, en Tifinagh, en lettres latines, ou  en arabe. Prenant les devants, les islamistes qui courent derrière les acquis de tant de militants démocratiques, ont crié à l’unité, au nom de l’Islam pour la standardisation de l’écriture de tamazight en langue arabe.
Or, force est de constater qu’après l’ouverture de l’Académie berbère et bien avant déjà, toutes les recherches sur le patrimoine, la langue et la culture amazighes ont été faites en France et en langue de Molière.
La dictature a rétréci, par la matraque et la coercition répressive pendant plus de  trois décennies, l’espace d’expression amazighe, en le bannissant de l’agora public. Notre culture ancestrale fut considérée comme un tabou, une honte nationale. Il ne faut jamais en parler. Les seules pores de respiration pour cette culture millénaire ont été trouvées à l’étranger.
A cette époque-là, l’islamisme politique qui chante, pourtant, aujourd’hui l’unité du peuple, n’a pas dit un traître mot sur cette injustice flagrante envers l’Amazighité. Bien au contraire, il s’est rangé du côté de la dictature pour lui couper les ailes ; la mépriser et l’accuser de tous les maux.
Quelques jours seulement nous séparent de la fête de Yennayer, et l’on connaît bien le chapelet d’anathèmes qu’on a jeté sur cette occasion historique, ancrée dans les mémoires collectives aux quatre coins du pays et dans toute l’Afrique du Nord: le Maroc, la Tunisie, la Libye et même en l’Egypte.
La haine de ses racines et le dénigrement de soi, conjugués au dogmatisme militaro-religieux, ont fini par instaurer une culture d’Alzheimer ayant coûté cher à la santé morale de notre pays.
Le mal est si profond qu’on n’arrive plus à nous débarrasser de tout ce qui nous déchire ou nous sépare en faveur de ce qui nous unit, et nous relève vers le haut. Que faire quand le labyrinthe identitaire dont on est victimes devient une planche de salut pour certains marchands de haine et de division dont le seul intérêt est de profiter des prébendes de la rente au pluriel : rente pétrolière, rente mémorielle, rente identitaire, rente linguistique, etc.?

Kamal Guerroua

4 Commentaires

  1. Si nous avions un système de production basé sur le travail productif et les relations de travail qui vont avec, la question identitaire et linguistique n’aurait pas de raison d’exister. On ferait tout simplement ce qui est le plus productif. Le pouvoir serait le représentant de la classe productive dominante, celle détenant les moyens et décisions de production, et cette classe n’aurait aucun intérêt à ce qu’il existe des problèmes d’identité ou de langue. La langue est un outil, et la classe dominante – et productive – ne voudrait pas d’un mauvais outil, elle chosirait celui qui sert le mieux ses intérêts. Si c’est une langue étrangére, qu’il en soit ainsi. Elle ne voudrait pas non plus de conflits ethniques, religieux ou culturels, c’est mauvais pour le business. Le business est tout ce qui compte pour une classe dirigeante capitaliste. Les algériens le disent bien: « ma yenfa3 ghir eççeh » et il n’y a rien de plus ççehh que la monnaie sonnante et trébuchante.
    Mais nous n’avons pas de système de production. Nous avons un système de rente, qui n’est qu’un système de distribution. La bande – ce n’est pas une classe – au pouvoir cherche à palier au vide idéologique en faisant dans le bricolage avec des trucs religieux, ethiques et identitaires.

    • Bojor a Kichi

      J’ai comme l’impression que l’auteur est suspendu à ses vielles lunes , il courre après une Kabylie qui n’existe plus, quant à tamazgha , quelle fumisterie ! Il sait pourtant que la langue latine a quasiment dispaue, du moins aucun peuple ne la parle. Idem pour la langue grecque ancienne . Il sait aussi que l’anglais d’aujourd’hui et la langue française n’ont pas plus de cinq siècles.

      Encore que s’il nous relativisait son discours , si celui-ci avait été tenu en swassatdou, quand l’arabo-islamisme n’avait pas encore commencé son entreprise d’uniformisation du pays , je l’aurais suivi.

      De nos jours l’arabo-islamité de tous les Algériens est un fait accompli. L’un n’allant pas sans l’autre. Je crois que le seul moyen de récupérer un peu de vielle kabylité pour notre nostalgie, c’est d’écouter Sansal. Mais ça, l’auteur n’en dit pas un traître mot,

      Moua, pour sauver mon âme, quand je regarde comment la religion a gangrené la Kabylie, j’ai arrêté d’être kabyle.

      • Salut, Dda Hend!
        Quand rien n’est clair, quand l’horizon est bouché, on se recroqueville sur soi-même, on « retourne à ses racines », racines qui n’existent plus depuis longtemps et qui n’ont jamais existé, sauf très briévement, sinon pas du tout. L’idéologie nazie s’est bien inventé un passé glorieux comme race supérieure, pure et noble alors que les ancêtres des allemands étaient des brutes sauvages qui composaient une bonne partie des esclaves de Rome. La religion et la religiosité finiront par s’estomper et disparaître quand le vide qu’elles comblent sera rempli par du « ççehh », mais malheureusement, ce n’est pas demain la veille. Ça pourrait prendre des décennies ou de siècles, ou même jamais, car la race humaine pourrait s’éteindre avant ça.

  2. Elle est toujours considere comme tabou! Aucun changement. Tous les recents gains sont remis en cause. Meme tamaight a disparu des ecoles, grace au ministre barbu de l’enseignement.

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