Mardi 5 décembre 2017
Un thème d’action pour les walis et un continuum éducatif pour les enseignants !
Comment freiner l’hécatombe qui s’abat sur nos routes, conférant aux chiffres sur les accidents routiers dans notre pays, de tristes records et portant aux finances publiques, un préjudice incommensurable ? Il est vrai que le mal est profond et l’année 2017 s’annonce comme une année noire !
Un triste constat que l’année écoulée a largement renforcé en accusant des taux de mortalité record : • plus de 2.800 personnes sont décédées dans plus de 19.500 accidents de la route survenus lors des neufs premiers mois de l’année en cours au niveau national, selon un bilan du Centre national de prévention et de sécurité routières (CNPSR), publié ce mercredi 1er novembre via l’agence officielle. • 4382 accidents sont dus à l’excès de vitesse, 2516 à la baisse de vigilance, et 1282 suite à des dépassements dangereux. • l’imprudence des piétons au moment de traverser la chaussée et la perte de contrôle du véhicule figurent aussi parmi les principales causes d’accidents durant cette période. • 293 du nombre global des accidents survenus entre janvier et septembre sont causés par notamment l’état défectueux des routes, les intempéries, l’absence de plaques de signalisation et l’absence d’éclairage public. • selon les statistiques fournies par le CNPSR, les conducteurs titulaires de permis de moins de 2 ans sont impliqués dans 5463 accidents, alors que les conducteurs titulaires d’un permis de 5 à 10 ans sont responsables de 4374 accidents. • les conducteurs ne possédant pas de permis sont impliqués dans 2013 accidents selon la même source qui souligne, par ailleurs, que les chauffeurs professionnels ont été impliqués dans 3092 accidents durant cette période. • les véhicules légers sont impliqués dans 72.86 % des accidents de la circulation durant cette période tandis que les véhicules lourds sont donnés pour être à l’origine de 7.84%. Loin, pourtant, d’être un problème algérien, les accidents de la route sont un véritable fléau planétaire. D’après l’OMS, ce sont près de 1,4 million de personnes qui trouvent la mort tous les ans sur les routes.
L’insécurité routière est même devenue la 8ème cause de mortalité dans le monde. Elle est, surtout, la première cause de décès des jeunes de 15 à 21 ans et 1 enfant serait tué toutes les trois minutes. Les Nations-Unies ne sont pas restées sourdes face à ce macabre constat et ont lancé dès 2011 « une décennie d’actions pour la sécurité routière », avec l’objectif de préserver la vie de 5 millions de personnes sur les routes du monde entier, d’ici 2020. En Algérie, Noureddine Bedoui le ministre de l’intérieur et des collectivités locales, s’est saisi du problème, contrairement au ministre des transports et des travaux publics étrangement absent du débat, même si, toutefois, il n’a pas fait référence aux objectifs tracés par les Nations-Unies, mais peu importe, dès lors ou l’intérêt est le même, à savoir préserver la vie humaine ! Il a, ainsi, présidé un séminaire avec des partenaires espagnols qui, a-t-il affirmé, « nous a permis d’établir des statistiques et d’introduire les règles de l’alerte en usage dans l’Union européenne, ainsi qu’une révision de l’architecture organisationnelle et institutionnelle de la sécurité routière». L’expérience des Espagnols a permis aussi à l’Algérie, fera remarquer Nour- Eddine Bedoui, d’avancer dans l’atelier de la numérisation de la carte grise, l’immatriculation des véhicules, la création d’une délégation nationale à la sécurité routière et bientôt l’introduction du permis à points. Outre la détermination de son département ministériel à « moderniser et réformer le système d’auto-école à travers le large recours aux technologies de l’information et de la communication pour développer les moyens de traitement du phénomène des accidents de la route », le ministre a mis l’accent sur l’importance de la mise en application du système d’informations statistiques qui permettra d’obtenir le maximum d’informations concernant la sécurité routière et les accidents de la route, et ce à pour analyser ces données et comprendre les raisons de ce phénomène, et partant proposer de nouvelles solutions pour l’endiguer. De ce qui précède, peut-on affirmer que le ministre de l’intérieur et des collectivités locales s’apprête à mettre en œuvre un plan d’action qu’il aura, au préalable, soumis au gouvernement ? Sans empiéter pour autant dans le domaine de compétence de ses autres collègues ministres, sachant que la sécurité et la prévention routières ne peuvent trouver leur solution en dehors de la concertation et l’inter-sectorialité qui les caractérisent ? Il faut le rappeler : le renforcement de la prévention routière, s’avère être une mission compliquée, puisque une telle politique implique la participation de différentes institutions sans compter les forces de police et de gendarmerie nationales, et également la société civile.
Pour l’heure, Noureddine Bedoui, agissant dans son périmètre d’intervention, a tiré son épingle du jeu avec la mise en place d’une « Délégation Nationale pour la Sécurité routière », même s’il faut rappeler qu’il ne s’agit pas d’une trouvaille algérienne dès lors où la délégation proposée s’inspire de ce qui existe déjà par ailleurs, en France, et qui est dénommée « Délégation à la Prévention et la Sécurité Routières » ; cette instance est rattachée au ministère de l’intérieur donnant ainsi la priorité au volet répressif de la sécurité routière, car ledit ministère est l’un des acteurs historiques majeurs de la sécurité routière et les récentes réformes administratives ont renforcé ses responsabilités en la matière.
Avec le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur, il a autorité directe sur les deux forces chargées de faire respecter les règles de la sécurité routière : police et gendarmerie. Ce rapprochement lui permet de renforcer la cohérence de la lutte contre l’insécurité routière qu’il mène sur le terrain. En comparaison, comme chacun le sait, si la police nationale relève de l’autorité du ministre de l’intérieur et des collectivités locales, la gendarmerie ou « Darak El Watani » comme elle est appelée officiellement, relève de la tutelle du ministère de la défense nationale. Toute la différence est là ! A moins de mettre en place un ministère chargé de la sécurité publique comme il se murmure dans quelques salons de la capitale, ce qui permettra au ministre ainsi désigné de « coiffer » l’ensemble des forces intervenant sur les routes. Sur un autre plan, disposer d’une Délégation Nationale pour la Sécurité Routière tout en ayant sous la main un «Centre National de la Prévention et de la Sécurité Routières » mais également un « Observatoire National Interministériel de Sécurité Routière », fait quelque part désordre, d’autant plus que le pays fait face à une crise financière sans égale ! Même si croit-on savoir, la loi de finances 2018 prévoit le financement en partie de la Délégation nationale de sécurité routière par les revenus provenant des infractions à la circulation routière.
Aujourd’hui, la mort est présente sur nos routes à chaque virage. On perd la vie par fatalité. Par imprudence surtout. Constat terrible ! Les autorités donnent l’impression d’avoir intégré cette situation même si elles réaffirment, chaque année, leur volonté d’éradiquer le phénomène. La réalité des chiffres reste implacable. Les automobilistes sont livrés à eux-mêmes. La route, c’est une jungle goudronnée où certains chauffards se permettent des pointes de vitesse à plus de 200kms/heure ! L’heure n’est plus au constat et certains doutent encore de l’efficacité des campagnes de sensibilisation qui se répètent sans infléchir pour autant la courbe des victimes. Des spots vont, ponctuellement, inonder les ondes et nos téléphones, pour appeler à la prudence et au respect du code de la route. Ce qui confère à l’action selon certains Algériens sceptiques, un sentiment de déjà vu et de déjà entendu dont il ne restera que quelques images qui auront tournées en boucle dans la routine de notre quotidien. A ce propos justement, une enquête a été menée en 1988 en France, sur les 15 années de campagnes précédentes de prévention routière ; elle a démontré que dans l’esprit des personnes interrogées, ces campagnes successives renvoient plus à « l’inéluctable qu’à la prévention » et que le problème est chez les autres !
Un spécialiste des politiques publiques de sécurité a même écrit que le succès d’un slogan tel que « Boire ou conduire, il faut choisir » ne doit pas faire illusion sur son efficacité réelle pour changer les comportements. Même une personne qui a déjà subi un contrôle d’alcoolémie positif, aura, souvent, tendance à considérer qu' »elle maitrise sa résistance à l’alcool, qu’elle est un bon conducteur et que ces campagnes s’adressent aux autres ».
Les années suivantes, les campagnes ont été retravaillées sous un angle différent pour impliquer davantage les usagers de la route. Les phrases-clés deviennent ainsi : ➢ faisons la route ensemble, ➢ ensemble, on est sur la même route, ➢ savoir conduire, c’est savoir vivre L’année d’après, la campagne se disait avec des images choc, qui montrent frontalement les conséquences d’une conduite sous emprise de l’alcool. Les responsables ont, par la suite, préféré alterner et jouer de tous les registres, y compris l’humour, estimant comme dans d’autres pays où le taux de mémorisation de l’humour est bien supérieur à celui de la violence. Mais si le rôle des médias est nécessaire, il y va s’en dire qu’à elle toute seule, la communication n’arrêtera pas, à coup de spots publicitaires, les accidents de la route.
On retient tout de même la bonne volonté des autorités et à leur tête le ministre de lIintérieur et des collectivités locales Noureddine Bedoui, qui semblent, cette fois-ci, avoir intégré cette question de la violence routière, question cruciale au demeurant, qui a amené de par le monde, des hommes d’Etat à s’en saisir dès leur investiture. Jacques Chirac, par exemple, qui, peu après sa réélection en 2002, a inscrit dans son programme « la sécurité routière » comme l’un des trois chantiers prioritaires de son nouveau quinquennat avec deux autres thèmes plus consensuels : « la lutte contre le cancer » et « l’insertion des handicapés » ! Et son premier ministre d’alors, Jean Pierre Raffarin, avait affirmé, pour sa part, « qu’on ne peut plus parler de l’insécurité routière avec des mots qui montent, mais avec les vrais mots, les mots de violence, de délinquance, les mots, quelquefois, d’assassinats ».
De ce qui précède, on ne doit plus, désormais, se contenter de l’organisation de séminaires, d’ateliers ou d’une campagne ponctuelle et se dire qu’on a fait le boulot, n’en déplaise au sympathique ministre Noureddine Bedoui ! L’action de sensibilisation aux dangers de la route doit devenir, par exemple, un « thème d’action et de communication privilégié » pour les walis ! Elle doit aussi donner naissance à un «continuum éducatif » qui doit être mis en place et enseigné à l’école primaire en passant par le collège et le lycée. Et cela, c’est du concret.