Lundi 8 mars 2021
Nidaa El Watan : QUESACO ?
« Tout le monde pense à changer le monde mais personne ne pense à se changer soi-même« . Tolstoï
C’est en grande pompe, transporté dans des frégates noires blindées, le samedi dernier, lendemain du « Hirak béni » et de la déclaration d’un porte-parole du haut-commissariat aux droits de l’homme de l’ONU adressée au pouvoir algérien, que le conseiller du président chargé des organisations, de la société civile et de la communauté à l’étranger, Nazih Berramdane, débarque à Sidi Fredj pour y présider une rencontre entre les membres, non encore précisément identifiés, d’un collectif d’organisations et d’associations nationales.
Discrètes jusqu’ici, elles surgissent comme par enchantement après un coup de batte magique. Les membres de ce collectif précisent dans un communiqué que « cette initiative est le fruit de contributions et propositions pratiques pour relever les défis actuels en vue de renforcer la cohésion sociale et la solidarité nationale et de déjouer le complot qui visent la stabilité du pays et l’unité nationale ».
Le nom choisi pour ce collectif est d’ores et déjà sujet à controverse : Nidaa El Watan. Calqué sur le Nidaa Tounes de nos frères et voisins à l’Est, en plus de nous rappeler que les terres de Numidie ne cessent d’appeler mais n’écoutent pas souvent, est le nom d’un parti en attente d’agrément depuis plus de quatre ans, dont le président n’est autre que M. Ali Benouari, vice- président de Mouwatana, et ancien ministre du Trésor.
Devant cette situation rocambolesque dans laquelle le nom d’un parti existant, mais non encore agréé, est usurpé par un collectif d’associations, en voie de création, et devant servir sans nul doute à consolider l’assise politique du Président, que penser ? Rire ou pleurer ? Nidaa El Watan bis QUESACO ? Un mouvement ? Un parti politique ?
En cette phase explosive que traverse le pays, risquer ce genre de manœuvre d’une manière aussi gauche, renseigne sur le degré d’indigence de sens politique et d’inconscience de ses initiateurs.
Tandis qu’une lutte sans merci est engagée entre des Algériens qui sillonnent les rues en réclamant un changement radical de régime, refusant tout compromis ou discussion, tout en arguant que personne ne pouvait prétendre garantir l’intégrité du scrutin dans les conditions actuelles, d’autres tentent péniblement de convaincre les indécis et les silencieux du bien-fondé des prochaines échéances électorales, de la bonne foi des décideurs et de la transparence du futur scrutin. Les dés semblent malheureusement pipés, car le « coup» porté par la création de Nidaa El Watan aux pro-élections pourrait remettre en cause alliances et accords passés dans la pénombre des coulisses de la « Boulitik ».
Cet acte renseigne sur les réelles intentions du clan présidentiel. Il vient confirmer les appréhensions des uns et des autres, jette l’opprobre sur les prochaines législatives et met fin au maigre espoir de voir une grande partie des électeurs s’y impliquer.
En troquant sa robe de premier magistrat, censé être un symbole de sagesse et de pondération, surtout en ces moments d’incertitudes qui requièrent toute son impartialité, contre une cape sans l’épée, le chef de l’Etat Tebboune prend le risque inutile de laisser glisser le pays sur la pente savonneuse de la division.
Cette dernière initiative du Nidaa El Watan rappelle à s’y méprendre à l’épisode de la création du RND (Rassemblement national démocratique), il y a vingt-quatre longues années ressasse la vox populi. A cette époque-là, les réseaux sociaux n’existaient pas et le Hirak non plus. L’Algérie traversait l’une des périodes les plus meurtrières de son histoire. Créé début février, il a raflé la majorité des sièges de l’Ancien en juin. Soit trois mois seulement après son lancement !
Cet entêtement à reproduire les schémas d’un passé peu glorieux en puisant inlassablement dans les vieilles recettes et un personnel politique dépassé afin de construire l’avenir dans un monde de plus en plus incertain, cette incapacité chronique à produire des idées nouvelles dans quelque domaine que ce soit, dénotent de la désespérante vacuité qui caractérise le paysage politique depuis des décennies.