22 novembre 2024
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L’Algérie a oublié les siens de l’ailleurs

Tirailleurs algériens
16 Fi 424

Du 5 juillet au 1er novembre prochain, quatre mois sépareront dans le cours des événements deux Algérie, la coloniale et l’actuelle.

Après 192 années entre colonisation de peuplement et dépendance politico-économique, sommes-nous arrivés à un point de non-retour où nous n’hésitions même plus d’étaler notre ignorance en pleine ouverture devant le monde lors des Jeunes Méditerranéens d’Oran 2022. Au fait ! C’est quelle édition depuis ceux de 1975 ?

Nous avons eu, à l’honneur, la débordante incompétence de changer le nom des peuples, de leur histoire existentielle, souillons leur histoire et leurs sacrifices d’un seul geste. La République de Bosnie-Herzégovine martyrisée sous nos regards, s’est transformée durant un soir oranais en République de Turquie et la même nation de Kamal Atatürk est « éjectée » à la place du voisin et frère tunisien. L’immonde aveuglement de nos 5000 ans d’histoires s’est résumé en une métamorphose de présentoir de djellaba, burnous et de petites Aïcha.

A ce premier geste de la déroute de notre illettrisme ambiant, s’ajoute cette chorégraphie à la dead-heat, où toutes les délégations de dignes et vigoureux hôtes du sport mondial se retrouvent d’un geste mal pensant entre la Mer Tyrrhénienne et les canaux de Sicile et du Cap Bon.

C’est cette singulière Algérie de l’avancer vers l’arrière qui s’exhibe au grand soir des 132 ans de sacrifices de plus de 5 millions de martyrs. Une certaine Algérie qui ose, en toute infamie, se faire copiste du déjà vue et en de circonstances historiques, politiques et économiques bien éloignées de l’actuel capitalisme mondial globalisé. C’est ainsi que nous nous retrouvons face à une saga d’écervelés qui ont pris en otage notre millénaire mémoire de nation historique.

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On ose évoquer les prisonniers russes d’Algérie

Au petit coin de certains médias algériens, un quotidien francophone national et proche des milieux islamisant, nous révèle en date du 14/2/2022 qu’il y avait 10 000 soldats russes déportés par la France coloniale en Algérie. En sursautant sur le travail des médias français d’il y a quelques années, l’intérêt d’une telle évocation nous interroge sur la nature même de la visée solidaire avec la grande nation orthodoxe slave.

Le nœud de l’écrit n’est nullement cette tardive évocation bien connue que depuis que le militant socialiste-radical et anticolonialiste, Paul Vigne-d’Octon (1870-1943) avait tenté d’écrire, dans le Populaire du 17/2/1919, un article toujours censuré à plus de ¾ de son papier, sur cette infamie française où des soldats russes emprisonner en Algérie se sont soumis affreusement aux compagnies de discipline.

Mais la toute belle trouvaille de l’auteur de l’article algérien est de faire intervenir un ex-colonel de l’armée française et historien des conflits armés, transformant par là sa « copie» en « marronnier ».

On ne prend pas assez de temps pour lire, pour ainsi paraphraser M. Ahmed Cheniki. On baigne tout chaudement dans l’honneur de l’autosuffisance et dans la feinte intellectuelle. Il est bien juste et justifier d’évoquer nos pages de la colonisation, mais, sans emballement en directions de causes injustifiés voire contre la volonté et le devenir des peuples colonisés.

Nous aurions souhaité que le «canard » eut un temps avant le BAT même, d’étoffer son enquête par un renvoi au quotidien français Le Matin du 12/4/1916, ou encore à L’Humanité du 12/12/1920 avec l’article de Charles-André Julien tout jeune militant socialiste ou encore à L’Echo d’Alger du 27/5/1923, pour aboutir au travail de thèse de M. R. Adam soutenue à l’Université de Grenoble-II en 1989, sur les soldats-travailleurs russes en France entre 1918-1920 qui, évoqua le premier l’existence de ce méfait colonial envers la soldatesque russe déportée en 1916 en Algérie.

Pourquoi, ne prenions-nous pas le temps d’un thé à la menthe garni aux amendes, afin de remonter encore plus loin afin de ne pas compromettre nos aimables lecteurs et leur apprendre que cette même thèse française a fait l’objet d’une enquête minutieuse, approfondie et noblement académique de la part du spécialiste russe de l’Afrique, le professeur Artyom B. Letnev (1929-2013), intitulé Odyssée algérienne. De l’histoire du Corps expéditionnaire russe sur le front occidental, publié dans la revue russe Monde de l’Histoire n°8 en 2001.

Le gigantesque travail du spécialiste russe du continent noir, évoque à travers les 1300 lettres que ces prisonniers de l’armée tsariste tentaient d’envoyer à leurs familles dans une Russie bouleversée tant par la Révolution bolchévique que part l’interventionnisme Anglo-Français en pleine guerre civile entre Armée rouge et Armée blanche.

Les 16 000 soldats russes tourbillonnés entre les gravas des luttes mondiales de l’époque. Il y avait ceux, qui, en Algérie, subissaient un double traitement : les récalcitrants, on les a enfermés dans de sinistres prisons comme celle de la citadelle de Mers-el-Kébir ou dans des camps de travail du grand Sud algérien ; les plus collaboratifs, on les insérés de force dans la Légion étrangère de Sidi Bel Abbès ou dans les régiments de Zouaves pour des missions à l’étranger ou mater les révoltes locales, comme celle des Aurès.

Les états-majors, de la colonisation française en Algérie avaient tirés un net profit de la misère de ces hommes que le Tsar et son général Lokhvitsky avaient envoyés pour renforcer le front occidental en France. Ceux qui se sont retrouvés prisonniers après la mutinerie du camp de La Courtine (Meuse), seront dispatchés dans des fermes de colons, des mines de charbon et de plomb, dans des usines, des quais de ports et sur les lignes de chemins de fer. Ils auraient énormément contribués à sauver la saison agricole de 1918, alors qu’un millier d’entre eux étaient transportés en Russie, afin de faire partie de l’armée antibolchévique de Denikine et Koltchak.

Il étaient 5 300 ex-soldats russes, réparties dans le département d’Alger, 1600 dans l’Oranais et 2000 dans le Constantinois. Sur les 8800 individus, 800 ont seulement rejoint la Légion étrangère.

Cette effroyable « odyssée » russe nous permet de s’ouvrir sur bien des pages sur le fonctionnement réel de l’ère coloniale. La plus intéressante semble celle de la diplomatie durant la colonisation et la fonction et le rôle des consulats étrangers en Algérie.

La vision historique chauvine algérienne s’est arrêtée à ce corps consulaire au seul état féodalo-pastoral de l’Emir Abdelkader ou encore à la régence esclavagiste des Deys. Une lecture historique et matérialiste, s’impose sur la base de faits concrets et non d’une phénoménologie de l’histoire.

La Russie tsariste, puis bolchévique, avait entretenue une représentions diplomatique permanente à Alger. D’abord, sous la forme d’un vice-consul puis consul général de la Russie des Romanov avait, dès 1888 son consul général en la personne de Piotr de Roumin, lui-même ancien vice-consul d’ambassade en 1881.

En 1904, le consul général à Alger était Tomuchevski et en 1918, c’est Alexandre Vassiliev Vassiliko qui inspecta lui-même les lieux de répartition de ces soldats-ouvriers.

Déjà, avant l’avant l’empire slave des Romanov, en 1858 cette fois, le Grand-Duché de Toscane et avant même l’unification italienne, avait ouvert son consulat à El-Kala (ex- La Calle et ex-Port de France) en nommant M. Guebarti comme vice-consul. Le Royaume de Sardaigne avait son consulat à Alger en la personne de M. Viccari De Saint-Agadi et enfin, le Royaume des Deux-Siciles dont la capitale était Naples, que représentait le consul général Follero De Luna.

Notons pour mémoire que Giuseppe Garibaldi et en tant que Français était un élu représentant Alger et à même fait un voyage d’inspection coloniale à Annaba, Constantine en passant par Skikda enfin, Tunis.

On ose ignorer les Algériens du Mexique

Il est d’autant plus intéressant de suivre cette évolution des corps diplomatiques étrangers durant la colonisation, afin de saisir son rôle réel dans le soutien de l’exploitation coloniale du pays et de ces masses colonisés. Face aux silences des archives de ses pays « amis » du profit colonial, un autre chapitre est à ouvrir dans le volet des 192 années de la lourde domination du poids de la colonisation européenne. Le grand mutisme sur les Algériens de nos villages et campagnes qui ont été enrôlés dans des corps expéditionnaires de l’armée coloniale française de 1854 à 1898.

De la guerre de Crimée (1854-1856) au corps expéditionnaire français à Cuba (1895-1898) en passant par les Algériens des régiments zouaves qui ont participé à l’Unification italienne (1879-1870). Evoquerons-nous un jour, le nombre de victimes algériennes mortes dans la folie militaire de Napoléon III au Mexique ? Sur les officiels 6 664 soldats « français » de l’aventure mexicaine, combien y avait-il de nos compatriotes qui ont trouvé une mort absurde contre la révolte des paysans du grand Mexique républicain ?

Plus inepte encore, est cette inauguration à Alger d’une stèle à la mémoire d’Emiliano Zapata en plein rond-point Fernane Hanafi entre les ex-abattoirs de Hussein-Dey et la cour de justice, comme faire subir au protagoniste d la Révolution mexicaine de 1910, la marasme de la circulation urbaine de la cité.

Qui sont ces Algériens de l’expédition coloniale française contre l’insurrection des Druzes de Syrie entre 1860 et 1861 ? Combien d’Algériens sont morts dans la guerre inter-impérialistes entre la France et l’Allemagne monarchiste pour les partages des richesses du Ruhr et ceux de l’Alsace et de la Lorraine.

Le corps de l’Algérien est-il donc voué à mourir pour le Tonkin (Vietnam) de la colonisation de 1883-1887. Après 192 années, n’a-t-on pas une certaine humilité et décence d’évoquer un peu plus et au détail prêt, nos aïeuls et parents qui se sont retrouvés sous des cieux étrangers et étranges, à ce battre pour le capital d’acier de la Tour Effel contre leurs frères damnées.

Peut-on parler et d’une façon exhaustive et objective de ces algériens des armées coloniales qui combattus leurs frères de Zaatcha, Nememcha, Ouled Riah et autres insurrections dont on ne parle jamais et horriblement ignorées.

Mohamed-Karim Assouane

Universitaire.

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