3 mai 2024
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Influenceuses et abaya, la désastreuse image de la jeune Algérienne

 

Je boucle 48 ans de travail en France dont 41 ans d’enseignement. Je peux dire que l’évolution de la jeune lycéenne ou étudiante algérienne est passé d’un extrême à l’autre, en concordance avec l’évolution des parents de la première génération aux suivantes. Les mots, désastre et désolation, ne suffiraient pas à traduire mon opinion.

Je parle aujourd’hui des jeunes filles, il en serait de même pour les garçons mais j’ai choisi une approche ciblée à cause de l’actualité sur la abaya.

Il faut bien faire attention dès le départ à bien cadrer le sens de mon propos. Il s’agit d’une vision globale qui ne prend pas en compte une réalité statistique fine, impossible à obtenir.

Une impression n’est pas la vérité majoritaire, certes, mais l’explosion du phénomène peut tout de même alerter sur une vérité profonde en nombre. Je ferai une autre généralisation, lorsque je parle d’Algérienne, il s’agit en fait de maghrébines. C’est vrai que parlerais particulièrement des Algériennes.

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Partons depuis la fin de mon périple d’enseignement. L’année dernière, en post-bac, lors d’un moment de pause, je les vois se précipiter vers Tik Tok ou Instagram (la folie du moment). Avec un regard amusé, je passe dans les rangs et regarde les écrans, ce qu’ils savent être ma maligne curiosité.

Puis je me suis approché de l’écran d’une jeune fille, effectivement d’origine algérienne, et j’ai vu le désastre de l’époque actuelle, le pire ennemi de l’enseignement, son contraire absolu.

Une jeune femme sur l’écran, prototype de la très célèbre Nabila et sa réflexion désormais historique « T’es une femme et t’a pas de shampoing ? ». Un look identifiable à cent mètres.

Alors, tout à fait par humour, je lui ai dit « C’est une influenceuse, non ? ». Elle me le confirma avec un regard qui semblait être déconcerté par mon interrogation qui laissait croire en la certitude d’un illettrisme.

Mais j’ai continué « Et elles ont font un métier ? », la réponse a été directe « Oui, c’est mon projet ». Je lui ai alors rétorqué « Et tu crois que c’est un rêve de réussite ? ». Et la réponse est tombée avec fracas et un grand sérieux « Elles gagnent beaucoup d’argent, monsieur ».

C’est comme si j’avais traversé 41 ans d’enseignement en marche arrière, chaque année m’apercevant de la chute vers laquelle se dirigeaient ces jeunes filles d’origine algériennes.

Il est loin le temps de mes débuts, jeune professeur en banlieue, la plupart du temps défavorisée et en lycée professionnel.

Elles étaient assez prostrées, faibles et portant le poids d’un déterminisme de leur origine sociale. C’étaient des jeunes filles de CAP ou BEP qui n’avaient pratiquement aucune chance, pour l’écrasante majorité d’entre elles, de parvenir aux études supérieures comme ce fut le cas lorsqu’elles n’avaient pas pu rejoindre l’enseignement général, la voie royale vers l’université et les grandes écoles.

Mais toutes, ou presque toutes, s’arrachaient (comme disent les profs) pour parvenir à décrocher le diplôme, car elles savaient que c’était pour elles la meilleure des chances pour une vie professionnelle digne et épanouissante.

J’expliquais mille fois, je répétais mille autre fois et rien à faire, elles galéraient. Et même si elles comprenaient une fois, la fois suivante tout était à refaire. Mais moi aussi car c’était mon honneur de ne jamais lâcher, ne jamais s’énerver ni être à cout d’explications car elles le méritaient par leur acharnement au travail.

Et un jour, la lumière apparait et on finit toujours par vaincre l’impossible et de donner à ces jeunes filles un espoir. Le jour de la proclamation des résultats, c’était la meilleure récompense pour moi, la plus extraordinaire, de voir ces sourires accrochés enfin à leur visage.

Un jour, je ne m’y attendais pas, la jeune fille est venue en courant vers moi, elle m’a enlacé en pleurant « Monsieur, monsieur, j’ai réussi ! ».

Puis j’en ai vu par dizaines arriver les années suivantes, et d’année en année, ces jeunes filles n’étaient plus les mêmes. Elles étaient de plus en plus sûres d’elles, de moins en moins timides et effacées. Mais hélas, leur assurance n’était pas la réussite contre la marginalisation mais bien autre chose.

Dissipées, retards et absences pléthoriques, vulgarité et effronteries, posture physique déplorable sur la chaise et chewing-gum à la bouche. Le professeur s’épuise à réprimander, à sanctionner et à signaler. Il est arrivé un moment où cela ne servait plus à rien, si ce n’est à se causer des ennuis de la direction et des parents. On finit par abandonner.

Je le répète encore une fois, il ne s’agissait au départ que d’une minorité. Mais les années passèrent et nous ne savions plus distinguer le très petit nombre de jeunes filles sérieuses et travailleuses tant elles étaient écrasées par le nombre tumultueux.

Je n’ai travaillé dans cette véritable jungle que quelques années avant de rejoindre l’enseignement supérieur. Mais l’évolution vertigineuse m’a à jamais appris que le dur labeur de leur parents et grands-parents n’a finalement servi qu’au pire.

Trois décennies assez éloignées de ces classes mais avec un quota obligatoire de bacheliers qui doivent être inscrits dans les études supérieures, le passé m’est revenu à la figure progressivement. Le quota était de 5 % puis de 15 % et je crois que nous approchons de presque la moitié des inscrits.

Et là, petit à petit, avec la monté du pourcentage, non seulement on m’a replongé vers le passé mais il semblait avoir été encore plus loin dans le désastre.

Ils n’ont absolument plus l’excuse des premières générations dont je parlais, méritante devant une barre placée très haut, trop haut pour certains.

C’est une catastrophe, une population tombée au plus bas de l’instruction, lorsqu’il y en a une, et dans un comportement que je n’oserais qualifier sans être traité de Zemmour. Moi qui ai tant travaillé pour ceux qui avaient des difficultés, moi qui suis dans l’absolu contraire d’un Zemmour.

Sans compter les milliards déversés en éducation prioritaire, en budget prioritaire, en inscriptions prioritaires. Prioritaire est le mot que j’ai le plus entendu pour ces jeunes filles.

Puis un jour, il y a bien longtemps, une jeune Algérienne s’était présentée en foulard. Ce phénomène était encore si rare qu’il n’était traité que dans les actualités. La loi Jospin sur « les signes religieux ostentatoires » venait d’être appliquée et la jeune fille avait accepté de l’enlever à la porte du lycée.

Et pourtant, à cette époque, j’ai cru reconnaître en elle un peu des jeunes filles que j’avais eues au début de ma carrière. Elle était sérieuse et acharnée au travail. La vague gigantesque qui allait nous tomber sur la tête, en même temps que le foulard sur leur tête, n’était pas encore le temps de cette jeune fille.

Un jour, ma collègue de la bibliothèque m’avait raconté qu’elle venait toujours rendre un livre qu’elle reprenait immédiatement. Elle était tombée entièrement sous le charme du livre dont je ne me souviens que du personnage qui faisait un périple dans toute l’Algérie. Un moyen sympathique et intelligent, par la lecture, de découvrir les racines de ses parents.

Elle est la première en foulard que j’ai connue et l’une des dernières que le système éducatif avait pu repêcher. Je l’ai rencontrée pendant des années dans mon quartier, sans foulard et un enfant en poussette, aussi magnifique que la chance d’avoir une mère comme la jeune étudiante que j’avais eue.

Et le massacre continua, de pire en pire,  jusqu’à l’exultation d’un comportement qui nous éloignait vertigineusement des exigences d’un niveau de l’enseignement supérieur. La démagogie voulant toujours et toujours trouver l’excuse sociale les a, au contraire, plongés dans un gouffre. Et ceux qui prônaient cette politique prenaient soin de mettre leurs enfants dans des établissements protégés et sélectifs.

C’est pour moi un crime que cette politique et s’ils voulaient prouver qu’ils étaient contre le racisme, ils l’ont été par la conséquence de leur acte en recréant des ghettos de la pensée et du développement humain.

Le foulard et la abaya comme elles disent sans comprendre un mot en arabe, c’est donc le destin de ces pauvres jeunes filles qui vont droit dans le mur, en dansant, gesticulant, hurlant au téléphone, sans aucun frein.

L’indigence intellectuelle dans laquelle elles sont menées, ne leur donne même pas cette conscience que les influenceuses sont le pire pour le rigorisme de l’Islam, sans même savoir si la Mecque est en Asie ou en Amérique du Sud.

Pour me rassurer, je me dis que ce qui fait du bruit et gesticule est voyant mais occulte la réalité statistique. Et lorsque je rencontre des filles de la troisième génération d’immigrées qui sont admirables, je me mets à espérer que c’est moi qui suis aveugle de croire qu’elles sont minoritaires.

C’est que j’ai tellement été catastrophé que je n’en ai peut-être plus le discernement nécessaire. J’ai 68 ans, je pars à la retraite, c’est probablement cela qui provoque chez moi un regard erroné.

Ou j’essaie de me convaincre que je ne peux pas avoir raison car l’avenir serait trop sombre.

Heureusement que je n’ai pas parlé des garçons d’origine algérienne, j’ai envie de me calmer en cette retraite bien méritée et oublier, enfin.

Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant

1 COMMENTAIRE

  1. Malheureusement cher enseignant, c’est la cruelle réalité que vous décrivez.
    Nous avons eu des centaines de milliers de morts en Algérie pour ne pas vivre une certaines situations, et pourtant ce que nous avons voulu fuir nous le vivons avec un merveilleux épanouissement dans notre aveuglement.
    Autant dire que votre ressenti est le miroir de ce qui se passe ici malheureusement,
    Notre société est ingrate et égoïste, quand nous pensons à celles et ceux qui ont payé de leur vie pour que notre pays reste une république, on n’a perdu sur tout les tableaux.
    Certains de nos compatriotes en europe sont comme les acteurs principaux dans le film les visiteurs, ou plus singulièrement, c’est le cheveux dans la soupe.
    Qu’on se passerait bien de ce luxe.
    Bonne et longue retraite cher enseignant.

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