24 avril 2024
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La jeunesse algérienne rétorque : « Sauve qui peut ! »

Entre les griffes du désespoir et les dents de la mer

La jeunesse algérienne rétorque : « Sauve qui peut ! »

L’épisode de l’institut français d’Alger pris d’assaut par des milliers d’étudiants a montré le désespoir de la jeunesse algérienne qui n’a d’espoir que dans l’expatriation

L’expatriation s’intensifie de jour en jour dans une Algérie devenue ingrate et qui tombe en disgrâce. Cette maladie qui ronge la société algérienne s’appelle « Harraga ».

Elle touche toutes les couches sociales, riches et pauvres, diplômés et autodidacte, fonctionnaires et chômeurs, hommes et femmes…tous ces candidats à l’immigration, qu’elle soit irrégulière ou légale, ne rêvent que d’une chose, regagner l’autre rive de la méditerranée.

Parfois, pendant de longs mois, des hommes et des femmes, risquent tout, y compris leur vie, pour entreprendre un périlleux périple qui leur fait traverser des dizaines de frontières et les dangereux courants de la Méditerranée à la recherche d’une vie meilleure dans le Nord.

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Certains y laissent leur vie, d’autres sont renvoyés chez eux et d’autres encore, qui atteignent leur destination, comprennent que leur existence n’y sera pas forcément plus facile. Mais étant donné le manque d’emplois et les sombres perspectives auxquels ils sont confrontés dans leur pays, ces « exilés de l’intérieur » préfèrent encore l’exode, souvent clandestin.

Les mouvements migratoires se sont intensifiés sous l’ère de Bouteflika, car ils traduisent un désappointement et un dégout qui dépassent l’entendement. Ras-le-bol, déréliction, désespoir…autant d’adjectifs qui collent à cette jeunesse désabusée, écœurée par l’odeur du mensonge, blasée par les relents du népotisme et le clientélisme. Ils ont tous un point commun : fuir leur pays pour réussir leur vie. C’est l’histoire d’une jeunesse gagnée par le spleen, l’angoisse d’une génération qui a grandi dans le désespoir, mais qui est contrainte de laisser tout derrière elle sous le regard indifférent, voire complice, des gouvernants.

En effet, l’Algérie est un pays de jeunes géré par des vieux. L’Algérie se dégrade à vue d’œil et ne paie guère de mine. Il suffit de parler avec les gens pour comprendre que s’en aller est peut-être la seule solution même au péril de leurs vies. C’est un pays qui meurt à petit feu.

On comprend sans peine le désespoir de ces migrants qui font des milliers de kilomètres pour mourir d’une façon tragique, noyés et restant sans sépulture ou encore enterrés d’une façon anonyme, parce que rejetés sur une plage. Chaque jour, la méditerranée rejette des corps sans vie gisant sur les plages.

Cette Algérie est inique et injuste. Entre les griffes du désespoir et les dents de la mer, les harragas préfèrent être bouffés par le poisson que de végéter dans le dénuement complet.

Les revendications liminaires visent pourtant la liberté et la démocratie, un boulot digne de ce nom, un toit et basta. Quant à la fuite des talents ou des cerveaux, ces derniers se plaignent également de l’absence de méritocratie, de parcours de carrière démotivants où les accointances et autres coups de pouce sont le mot d’ordre. Pour beaucoup, la désillusion est trop grande.

Le fonctionnement de l’État, s’il en existe, la fraude, la corruption…créent un désenchantement et une défiance vis-à-vis de l’avenir. Que ce soit en politique, à l’université, dans le secteur public, dans la culture ou dans le privé, personne ne connaît la méritocratie. Ce qui semble naturel dans d’autres pays – je te sélectionne, je mise sur toi et je t’offre un salaire et des perspectives de carrière, car tu m’apportes une valeur ajoutée – n’a pas sa place en Algérie.

« Sauve qui peut », telle est la réponse de la jeunesse algérienne. Les jeunes fuient un pays qu’ils jugent sans avenir. La dynamique du marché du travail est inquiétante. Le taux de chômage ne cesse de galoper, érosion du pouvoir d’achat. Dans ce contexte, les plus qualifiés sont également les plus mobiles, notamment par l’obtention de visas d’étude.

Les rênes du pouvoir tenues par une main de fer, à telle enseigne que le dernier recours pour ces jeunes assoiffés de liberté, de démocratie, ou tout simplement le droit de vivre dignement est de traverser la méditerranée. Mais, que faire devant les rebuffades qui ne font que creuser davantage le fossé entre le gouverné et le gouverneur ! ou plus exactement entre les êtres assimilés au vulgum pecus et les tyrans. La vie en paria n’est nullement un choix de cœur, mais une force majeure dictée par des goujats invétérés.

Pendant qu’ils s’engraissent comme des truites en menant une vie de châtelains, les petites bourses peinent à joindre les deux bouts en s’efforçant de croire à un jour meilleur.

Mais que des illusions. Les années s’égrainent une à une sans que les casaniers de dernières pluies ne puissent bouger d’un iota. Fidèle à sa réputation, le régime en place, de surcroit, adepte de la pensée unique nargue sans vergogne ses gouvernés. Au moment où le monde bouge sans cesse, et dont l’aspiration des peuples à un monde meilleur s’éclaircit de mieux en mieux, dans le monde des ténèbres, la lumière semble être inscrite aux abonnés absents.

En Algérie, la population est exhérédée d’un droit inaliénable, qui n’est autre que celui de la liberté et de la démocratie. Se conduisant en mauvais élèves en matière de respect des droits de l’homme, le pouvoir algérien reste impénitent dans sa phobie de voir le peuple aspiré à un meilleur lendemain.

Quand un arbre perd sa sève, c’est un signe de maladie. L’Algérie regarde ses enfants fuir son giron comme le soleil qui fuit les nuées d’orage.

Auteur
Bachir Djaider, journaliste et écrivain

 




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