11 décembre 2024
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Le cadeau empoisonné de Carlson à Poutine

Poutine

Alors que Vladimir Poutine a tenté de présenter sa vision d’une Russie provoquée par Kiev lors de son entrevue avec Tucker Carlson, il a révélé son manque de connaissance des codes des médias occidentaux et les importants trous dans son argumentaire, ce qui pourrait compromettre sa victoire en Ukraine.

La rencontre avec le président russe était diffusée en accès libre en soirée du 6 février sur le média social X et la chaîne YouTube de Tucker Carlson, qui compte plus d’un million d’abonnés.

C’était la première entrevue de Vladimir Poutine avec un journaliste occidental depuis l’invasion de l’Ukraine. Elle a permis de montrer d’importants défauts dans la cuirasse du président et des incohérences dans les raisons motivant son « opération spéciale ». Si le chef du Kremlin voulait s’adresser aux républicains hostiles au soutien à l’Ukraine, il a fait beaucoup plus que çà.

Vladimir Poutine passe son message

Les éditorialistes occidentaux sont unanimes à décrire l’entrevue de Carlson comme ayant été complaisante à l’extrême pour le dirigeant russe. Il faut rappeler que dans son ancien talk-show, « Tucker Carlson Tonight », il avait affirmé sans preuve que l’Ukraine abritait des laboratoires secrets de mise au point d’armes biologiques, argument utilisé pour justifier l’« opération spéciale ». C’est donc en toute connivence qu’il a laissé Vladimir Poutine résumer pendant deux heures les grandes lignes de sa propagande. Pour le magazine américain, Rolling Stone « Poutine a utilisé Tucker Carlson pour essuyer le sol du Kremlin » dans cette entrevue. Une intervenante de la chaîne de télévision américaine CNN, Clarissa Ward, considère que le président russe a eu « une victoire de propagande ». Comme plusieurs personnes publiques américaines, Hillary Clinton, ancienne secrétaire d’État, a qualifié Tucker Carlson « d’idiot utile ». Pour sa part, le député républicain Adam Kinzinger a été un peu plus loin et l’a qualifié de « traître ». Le Washington Post considère pour sa part que Poutine « pontifiait » Tucker Carlson l’empêchant de s’exprimer.

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Poutine perd gros sur la forme

Si au niveau du contenu, Poutine a pu présenter une Histoire alternative russe niant l’existence de l’Ukraine, au niveau de l’image, Tucker Carlson dominait tellement le président que cela en était pénible à voir. Poutine brusquait, insultait presque son vis-à-vis, enchaînant l’un après l’autre d’un ton monotone des éléments de propagande préfabriquée déjà connus.

L’importante différence de niveau de la connaissance des codes médiatiques entre les deux participants était tellement évidente qu’après l’enregistrement, l’Américain a dit dans une vidéo qu’il n’était pas sûr de quoi penser de l’entrevue puisque le président, n’en ayant pas fait beaucoup, s’expliquait mal. Pendant un peu plus de deux heures, Tucker Carlson était comme un gros chat ayant apporté une souris à ses chatons républicains. Les yeux rivés sur le président russe, il donnait de temps en temps des coups de patte pour le ramener sur le terrain de jeu afin que ceux-ci puissent bien s’amuser.

Une certaine rigueur

Complaisante, cette entrevue n’en a pas moins été faite avec une certaine rigueur, Carlson prenant de cours Poutine avec sa première question qui était : « Le 26 février 2022, vous avez dit aux citoyens de votre pays, quand le conflit en Ukraine a commencé, que vous agissiez ainsi parce que vous étiez arrivé a la conclusion que les États-Unis, en utilisant l’OTAN, pourraient initier une attaque-surprise sur la Russie.

Pour des oreilles américaines, cela semble paranoïaque. Dites-moi pourquoi vous croyez que les États-Unis pourraient frapper la Russie sans provocation. »

Surpris par cette question directe qui mettait en jeu toute sa stratégie en Ukraine et menaçait dans les premières secondes toute l’opération de relation publique avec la droite Américaine qu’était cette entrevue, Poutine a commencé par nier qu’il avait dit cela, une erreur évidente puisque Carlson avait les extraits pertinents en main.

Alors que celui-ci allait les présenter au président, ce dernier, coincé, s’est alors lancé dans un long résumé de l’histoire son pays, remontant jusqu’en l’an 862, énonçant pendant près d’une demi-heure des dates qu’il considérait clé pour prouver que l’Ukraine a toujours été une partie de la Russie, la mentionnant comme sa partie sud.

Des trous dans l’argumentaire

Dans cette présentation toute subjective, Poutine affirme qu’à l’époque la Première Guerre mondiale la population du territoire ukrainien s’est inventé une nationalité pour des raisons de protection. Lors de son exposé, il mentionne cependant que la révolution bolchevique avait avalisé la nationalité ukrainienne, pointant que l’actuel territoire ukrainien était la résultante de décisions faites « pour des raisons inconnues » par Staline. Lénine aurait aussi transféré à l’Ukraine des terres russes. Ce territoire qui n’existe pas a donc eu l’aide de deux des plus grandes figures de l’URSS.

Vladimir Poutine piégé par les États-Unis ?

Devant ce manque de cohérence dans l’argumentaire, Carlson lui demande alors si la Pologne et les autres pays comme la Hongrie et la Roumanie, dont des territoires ont été inclus dans l’Ukraine actuelle, ont le droit de les récupérer. Esquivant la question, Poutine refuse une autre fois de répondre à Carlson au sujet de son affirmation que c’était la peur d’une attaque des États-Unis qui l’avait amenée à envahir l’Ukraine. Bref, le dirigeant russe affirme que cette guerre est pour chasser les nazis, mais du même souffle justifie l’invasion par ce qu’il appelle le coup de 2014 en Ukraine et l’attaque du Donbass par Kiev. L’expansion de l’OTAN serait aussi en toile de fond de la situation.

Carlson ramène l’attention mondiale sur l’Ukraine

La réaction mondiale à cette entrevue a été forte et rapide, le responsable de la Défense nationale polonaise, Wladyslaw Kosiniak-Kamysz affirmant que les propos de Poutine concernant le fait qu’il n’a pas d’intérêts en Pologne, en Lettonie ou ailleurs n’ont aucune crédibilité. De son côté, le président du parlement polonais Szymon Holownia a dénoncé « les divagations historico-littéraires » de Vladimir Poutine sur l’histoire de la Pologne, de l’Ukraine et de l’Allemagne. Selon lui, le dirigeant russe est un danger mortel pour les États baltes, la Pologne, l’Europe et la liberté.

Si l’entrevue donne un levier à la Russie pour influencer le scrutin américain, ce pays est maintenant de retour au premier plan des intérêts des électeurs américains, ce qui est une très mauvaise nouvelle pour Moscou. Les médias américains commencent donc à fouiller des informations au sujet de la campagne de Trump de 2016, s’intéressent aux actions des services de renseignements russes sur les serveurs du Parti démocrate, aux contacts de Donald Junior et de plusieurs de ses collaborateurs. La menace russe revient par la grande porte dans les enjeux électoraux américains. Si Biden arrive à faire passer son aide de 60 milliards pour l’Ukraine, Poutine pourra en attribuer une partie de la raison à cette entrevue.

Michel Gourd

3 Commentaires

  1. « Pour des oreilles américaines, cela semble paranoïaque. Dites-moi pourquoi vous croyez que les États-Unis pourraient frapper la Russie sans provocation.?

    Vous n’y comprennez decidemment rien !!! La demi-heure en question, Poutine la connaie par-coeur. Il l’a raconte’ a son Peuple et voila que son desir de la raconter au Peuples Occidentaux lui est servie. Ca devait etre une des conditions pour l’interview et probablement la sienne encaisse’e des le getgo !

    Entre autre, il a pu dire et souligner certains points:

    1. Que lors du demontellement de l’URSS, les dirigeants Americains leur ont promis qu’ils guarderaient toujours un buffer de securite’ entre les bases de l’OTAN et la Russie et que l’Ukraine resterait toujours Neutre. Faisant savoir que les Ukrainiens n’ont pas arrache’ leur liberte’ mais que celle-ci leur etait donne’e. Ni ont-ils(Russes) envahie l’Ukraine pour la rattacher a l’URSS. Genre de details que les operateurs Democrates brouillent dans la tete des jeunes Americains – electorat Democrate.

    2. Le regime Ukrainien a viole’ ses enguagements envers le bien-etre des Ukrainiens Russophones. Enguagements guarantis par la Poogne, la France et l’Allemagne. Suivi d’un faire savoir que l’Ukraine a lance’ une guerre sur ces Russophone du Dombas et ailleurs – moyennant armement occidental. Puis l’invitation formulee a l’Ukraine de rejoindre l’Otan, c.a.d. violations des enttendus en (1.)

    3. En finir avec le fschisme. Voila qu’il explique comment et pourquoi il enttend guarder la montre de ce match.

    4. Il explique bien, et l’opportunite’ et le temps lui sont donne’s, que cette guerre et les sanctions contre son pays, ne font aucun domage a la Russie, qu’au contraire, ce sont les pays occidentaux qui en payent le pix. Et comment !!! Son argent a lui vient du petrole et gaz naturel que lui achetent bien les Brics dont les budgets ont quadruple’ on moins d’une decennie.

    5. Finalement, il a bien explique’ que se sont les Ukrainiens qui se sont eloigne’s de la table des nogotiations pour arreter la guerre.

    Quand a suggerer qu’une administration au US finirait la guerre, il n’a meme pas repondu. Que la jeunesse Americaine y arrivent d’eux-meme, ou mieux encore PRIVANT la presse Americaine qui lui est critique d’un argument ou de quelque chose a brandir a leur audience…

    La seule chose qui vaille le coup de SOULEVER OU ARGUMENTER est le fait d’une telle INTERVIEW SANS LE TUKER n’ait se SOUCIER de son sort, de retour en Amerique, alors que la Russie est sous embargo. Personne ne l’accuse d’etre l’operateur d’une main etrangere. Pour un journaleux, ca devrait vous sauter aux yeux non?

    Pour ma part, le seul point que je retient est l’AVEU DE POUTINE DE PAS COMPRENDRE QUE LES ETATS GERENT ET DECIDENT DE QUI ET DE LA MANIERE ET GESTION DE LEURS REPRESENTANTS. Ces representants etant SUJETS a REVUE chaque 2 ans. c.a.d. que meme si les derniers electeurs du President(le college electoral) fait faux pas, les populations peuvent rectifier le tire, c.a.d. FERMER LES FLOUSSS – ce qui se passe en ce moment justement.

  2. On nous avait présenté cette interview comme le combat du siècle entre deux gladiateurs bannis.
    Je ne sais pas ce qu’il en est aux Etats-Unis, mais en vérité en Europe on ne peut pas dire que c’est le moment le plus extatique de l’histoire des médias. C’est sans doute parce que nous n’avions rien compris à ce sujet qu’il n’en fut rien pour nous autres à qui on doit tout expliquer pour profiter des subtilités des langues ésotériques.

    Iben moua qui ne sais de cette interview du siècle annoncée avec tambour et trompette par l’oracle qui changera la condition humaine je suis plus sceptique maintenant qu’avant. Les exégètes ont l’art de moins nous compliquer ce qu’on a cru comprendre avant de les lire.

    Ainsi donc selon M. Goure, c’est son nom, il n’y a aucun lapsus, Poutine a perdu sa guerre en Ukraine à cause de cette interview. A le lire Poutine nous a fait oublier les bourdes de Biden et Trump avec cette interview qui scellerait définitivement le sort de Poutine et de sa guerre en Ukraine.

    Comme si les américains définissaient leurs choix électoraux en fonction des capacités intellectuelles des candidats pour s’intéresser aux déblatérations de Poutine dans une interview qui ne valait en vérité que par son effet d’annonce.

    Il y a loin de la coupe aux lèvres, je parie que cette interview n’aura aucun effet sur les élections russes , pas plus que sur la guerre en Ukraine et encore moins sur les élections américaines.

    Et Poutine n’a absolument rien moins gagné que perdu.

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