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jeudi 3 juillet 2025
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Le monde de Steinbeck en ses trois entrées

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Nous avions rappelé dans le préambule la biographie de John Steinbeck, l’auteur américain le plus connu pour son tableau social de la période de la Grande dépression. Nul autre que lui ne pourrait être meilleur matériel pour la décrire pour les historiens futurs.

1. Des souris et des hommes

Tous les romans de Steinbeck nous entrainent dans le monde de l’impuissance face aux situations qui accablent les humbles par la misère et la discrimination. Inévitablement s’inscrit dans cette fatalité la dignité humaine mise à mal. John Steinbeck nous montre combien le rêve américain fut pendant cette période inaccessible aux exclus de la société.

Le roman Des souris et des hommes s’inscrit dans cette grande fresque. Publié en 1937, il est une œuvre majeure dans la liste des publications de l’écrivain. Je l’ai choisi parce qu’il représente l’une des trois entrées qui, à mon sens, déchiffrent l’œuvre globale.

Deux amis ouvriers agricoles sont en migration à la recherche de travail dans une Amérique dévastée. George Milton est intelligent, il sera le protecteur de son ami Lennie Small, un simple d’esprit grand et robuste qui rêve de caresser des choses douces comme les souris mais bien d’autres créatures ou objets.

Mais Lennie, si affectueux, finit toujours par leur faire du mal sans se rendre compte de ce qu’il fait. Le monde trouble de l’esprit inconscient est impénétrable. Ce qui est bouleversant chez Lennie est qu’il est d’une immense tendresse comme le sont très souvent les simples d’esprit.

C’est un personnage entier qui ne connaît pas le mal mais qui a besoin d’une protection et d’une affection que son ami George Milton lui donnera sans réserves.

Le simple d’esprit a toujours ému les sociétés qui voient en lui la naïveté du bien, lui promettant la certitude que son innocence est vouée à la protection du divin.

Nous avons tous connu un personnage identique dans notre quartier, dans notre ville ou pour certains, dans leur famille. La littérature n’a évidemment pas évité d’exploiter le caractère inépuisable du simple d’esprit dans la narration de l’âme humaine. Qui pourrait ne pas penser à Quasimodo, l’inoubliable bossu de Notre-Dame de Paris, le chef-d’œuvre de Victor Hugo inscrit dans la mémoire universelle ?

Mais si l’esprit fait spontanément le rapprochement, il faut le replacer dans sa vérité. Quasimodo n’est pas tout à fait Lennie car il se rend compte de sa marginalité et du traitement que lui fait subir la cruauté des hommes. Il a cru trouver son George dans l’archidiacre de la cathédrale qui le protège en l’abritant dans un lieu inviolable par les hommes. Mais s’il est vrai que le sentiment pieux n’est pas à remettre en cause, celui-ci est accompagné d’une personnalité trouble et dominatrice.

Si comme Lennie, Quasimodo utilise sa redoutable force pour repousser ceux qui lui veulent du mal, il est dans le sentiment de désespoir de la conscience de son sort. Quasimodo, faible d’esprit a aussi une autre conscience, celle de son amour pour Esméralda. Il ira jusqu’à la tuer pour l’extraire de la menace de mort qui pesait sur elle et sera enseveli dans ses bras pour l’entrée dans un monde éternel où les faibles d’esprit seront des princes.

La littérature et les scénarios de films ont créé bien d’autres personnages comme Lennie. Au moment où j’écris cet article vient spontanément à ma mémoire Candide de Voltaire même si sa faiblesse d’esprit nous plonge dans une réflexion philosophique. Ils sont de registres ou de notoriétés différentes mais toujours dans la même thématique.

Puis cette mémoire me fait également penser au roman de Jaroslav Hašek, Le Brave Soldat Švejk. Un simple d’esprit qui traverse la première guerre mondiale avec une inconscience qui le fait à chaque fois trouver des solutions improbables aux situations les plus dangereuses.

Enfin, dans un registre littéraire moins ambitieux, qui ne se souvient pas du très touchant Forrest Gump, un nom éponyme au titre du roman de Wiston Groom ?

Pour en revenir à notre roman, le rapport entre les deux personnages est celui de l’amitié et de la solitude dans un monde qui leur est si hostile. Lennie est un personnage qui se place au-dessus de la misère car il ne perçoit pas sa signification sinon par son envie de nourriture, une des scènes qui ouvrent le récit. Sa robustesse physique en est la cause sans qu’il y trouve une quelconque animosité envers ce monde si cruel dans lequel il vit.

George le protège en le rouspétant et en feignant sa colère d’être obligé de supporter et de traîner un « homme au cerveau débile » comme il le dit, sans vraiment le penser.  Comme un père avec son enfant la tendresse est faite de remontrances alternées par une grande affection.

C’est que les deux hommes sont pourchassés de tous les emplois car Lennie, par son caractère imprévisible, ne peut retenir ses pulsions de violence qu’il ne peut maîtriser. Les deux hommes venaient de s’enfuir car Lennie avait eu le réflexe de toucher la robe de la fille du propriétaire par son envie de toucher tout ce qui est doux. La panique de la jeune fille engendra inévitablement celle du pauvre Lennie qui s’agrippa encore plus fort.

Pendant leur fuite Gorge a répété sans cesse à Lennie qu’il ne doit ni parler ni faire quoi que ce soit lors de la rencontre avec le nouveau propriétaire d’une ferme qui les attendait pour un travail.

Mais rien n’y a fait, Lennie ne pouvait pas s’empêcher d’être Lennie, recherchant des animaux que sa tendresse voulait caresser et protéger. Voilà qu’apparait la femme aguicheuse et fatale de l’horrible fils du patron,

La fatalité frappe encore, je laisse deviner le drame qui s’en est suivi. Lennie est l’ange de la pureté dans un monde de violence humaine, l’histoire ne pouvait se terminer que dans une  tragédie nous arrache les larmes. Les larmes ne sont-elles pas aussi une conséquence de l’infinie tendresse ?

Il ne s’agit donc pas d’une fiche de lecture que je viens de proposer mais seulement d’un partage de ma vision personnelle de l’œuvre, très connue par la majorité des lecteurs, assez simplifiée mais très ressentie.

Dans le volet suivant je vous entraînerai vers une relecture d’un roman qu’il est impossible d’oublier tant il représente l’œuvre la plus connue de John Ernest Steinbeck. Un film en noir et blanc adapté du roman et gravé dans notre mémoire. Il avait un abonnement dans les programmes de la RTA et la certitude d’une audience captivée.

Boumediene Sid Lakhdar

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La « patate chaude » de la dotation touristique : le ministre des Finances renvoie la balle à la Banque d’Algérie

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Passeport
L'allocation touristique promise par Tebboune se fait attendre.

Alors que les Algériens attendent depuis plus de six mois l’entrée en vigueur effective de la nouvelle dotation touristique fixée à 750 euros, le ministre des Finances, Abdelkrim Bouzred, s’est à nouveau dédouané de toute responsabilité dans le retard constaté. Selon lui, la mise en œuvre du dispositif relève exclusivement de la compétence de la Banque d’Algérie.

La fameuse ou fumeuse promesse d’une allocation touristique à 750€ vendue par Tebboune dans une de ses déclarations lumineuses, n’a pas fini de jeter le trouble. Elle remonte quand même à décembre 2024 lors d’un conseil des ministres. Mais comme elle n’a manifestement pas été chiffrée, ni prévue dans le budget de l’Etat, encore moins cadrée…

Eh oui l’improvisation, ça se paye cash ! Et en l’espèce le chef de l’Etat est irrattrapable !

Intervenant, jeudi, lors d’une séance de questions orales à l’Assemblée populaire nationale, le ministre a rappelé que son département avait déjà rempli sa part du contrat. « Toutes les dispositions d’ordre logistique et technique ont été prises, notamment à travers les services des Douanes aux points de passage frontaliers », a-t-il justifié. Il a précisé que les guichets de change dans les aéroports, ports et postes frontaliers terrestres étaient opérationnels depuis avril dernier.

Mais pour ce qui est de l’entrée en application de la mesure — adoptée en Conseil des ministres en décembre 2024 et portant revalorisation de la dotation touristique à 750 euros pour les adultes et 300 euros pour les mineurs — le ministre a renvoyé les députés vers la Banque d’Algérie, seule habilitée, selon lui, à enclencher la procédure de distribution.

Un calendrier toujours flou

Abdelkrim Bouzred a bien affirmé que la Banque d’Algérie devrait « prochainement » lancer la mise en œuvre du dispositif. Mais aucune date précise n’a été communiquée, laissant planer un flou persistant à l’approche de la haute saison touristique.

Ce retard d’application nourrit un mécontentement croissant parmi les citoyens, ainsi que de vives critiques dans les milieux politiques et économiques. Il remet en lumière l’écart persistant entre le taux de change officiel du dinar et sa valeur sur le marché parallèle, où l’euro et le dollar continuent de s’échanger à des niveaux nettement supérieurs.

En l’absence d’un canal formel et accessible pour se procurer des devises, nombre de voyageurs sont contraints de se tourner vers le marché noir  pour couvrir leurs besoins en devises. Ce déséquilibre alimente les tensions sur le dinar et entrave les efforts de l’État pour juguler la circulation monétaire informelle.

Manque de visibilité et perte de confiance

Pour de nombreux observateurs, le retard dans l’activation de la dotation touristique ne s’explique pas uniquement par des contraintes techniques. Il traduit, selon eux, un déficit de coordination entre les institutions concernées, ainsi qu’un manque de volonté politique à assumer pleinement les réformes promises.

 La persistance du flou entourant l’application de la nouvelle dotation touristique — saluée  comme un pas significatif vers la régulation du marché des devises et un moyen d’offrir aux Algériens plus de latitude dans leurs dépenses à l’étranger — ne fait que renforcer la défiance du public à l’égard des annonces officielles. À mesure que les délais s’allongent sans justification claire, la crédibilité des engagements gouvernementaux s’érode, sapant un peu plus la confiance des citoyens dans la volonté réelle des autorités de concrétiser les réformes promises.

En attendant, le citoyen demeure dans l’expectative, face à un charivari institutionnel qui entretient l’incertitude et alimente les spéculations sur le sort de l’allocation touristique, à l’approche d’une période estivale marquée par une forte demande en devises.

Il est vrai que les promesses de Tebboune n’engagent que le petit peuple qui y croit.

Sofiane Ayache

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La philosophie, cible d’un député islamo-conservateur : une remise en cause de l’esprit critique

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Rachid Cherchar contre la philosophie

La proposition du député Rachid Cherchar, issu du Mouvement de la Construction Nationale (Al Bina al Watani), un parti d’obédience islamo-frèriste, visant à initier une démarche parlementaire pour supprimer la philosophie des épreuves du baccalauréat, a suscité une vive réaction dans l’opinion publique.

Dans une publication diffusée sur les réseaux sociaux, l’élu a mis en doute la pertinence de cette discipline, suggérant son retrait du cursus secondaire. Cette sortie, largement perçue comme une provocation, s’inscrit dans une posture idéologique plus profonde, caractérisée par une défiance à l’égard des savoirs qui favorisent l’esprit critique, la réflexion autonome et la pensée rationnelle.

La controverse est survenue dans un contexte déjà marqué par des tensions autour de l’épreuve de philosophie au bac, notamment dans les filières littéraires, où plusieurs candidats ont exprimé leur désarroi face à la difficulté des sujets.

Les thématiques abordées cette année — telles que l’éthique, le sentiment ou encore la place de l’hypothèse dans la pensée scientifique — ont désarçonné de nombreux élèves, dont certains avaient misé sur des listes de sujets présumés, largement diffusées sur les réseaux sociaux. En misant sur des pronostics au lieu d’une préparation rigoureuse, une partie des candidats s’est retrouvée en difficulté face aux exigences de l’épreuve.

Une défiance idéologique envers la pensée rationnelle

La prise de position du député reflète une orientation idéologique plus large. Au sein de certains courants islamo-conservateurs, la philosophie est souvent perçue comme un champ de savoir déstabilisant, dans la mesure où elle encourage la remise en question des certitudes établies, le questionnement de l’autorité et l’examen critique des systèmes de pensée — qu’ils soient religieux, politiques ou sociaux.

Dans cette optique, héritée d’une tradition politique empreinte de verticalité, la vérité n’a pas vocation à être discutée, mais acceptée. La pensée est balisée, non explorée. Dans ce cadre, l’ignorance peut se voir investie d’une fonction symbolique, voire valorisée comme protection contre les dérives de la libre pensée. Certains y voient ce que des intellectuels qualifient de « sacralisation de l’ignorance », où l’absence de questionnement devient une posture en soi.

Une hostilité ancienne, mais révélatrice

Les réactions du monde académique, médiatique et intellectuel n’ont pas tardé. Pour nombre d’observateurs, cette proposition révèle une tendance inquiétante à l’appauvrissement du débat public. Le fait qu’un élu puisse remettre en cause une discipline fondatrice du raisonnement critique est perçu comme un signal préoccupant sur l’état du discours politique national.

Ce rejet de la philosophie est interprété non comme un simple désaccord sur le contenu scolaire, mais comme le symptôme d’une crise plus profonde touchant la représentation politique et la place de la pensée dans la sphère publique. Pour certains, cette défiance envers la philosophie reflète un malaise plus large face à l’idée même d’émancipation intellectuelle.

Il est également rappelé que les grandes transformations sociales, politiques ou scientifiques dans l’histoire ont souvent été précédées, voire rendues possibles, par des ruptures philosophiques majeures. À ce titre, s’opposer à la philosophie revient, pour ses détracteurs, à compromettre toute dynamique de progrès.

Une école écartelée entre savoir et endoctrinement

L’épisode met en lumière une tension structurelle qui traverse depuis longtemps le système éducatif algérien. La place de la philosophie y fait régulièrement l’objet de débats, dans un environnement pédagogique encore largement dominé par la mémorisation et le respect strict du cadre, au détriment de l’analyse critique et de la discussion argumentée.

Le rejet de cette discipline par un responsable politique ne se limite donc pas à une critique de sa difficulté ou de sa pertinence scolaire. Il traduit une conception de l’école comme espace de reproduction des normes sociales et morales, plus que comme lieu d’apprentissage de la pensée libre. Toute discipline qui ouvre sur le doute ou la complexité — qu’il s’agisse de philosophie, de sociologie ou d’histoire — devient alors source d’inconfort, voire d’opposition.

Le danger d’un anti-intellectualisme institutionnalisé

Lorsque ce type de position veut investir les bancs de l’Assemblée nationale, la question posée dépasse largement le cadre éducatif. S’en prendre à la philosophie, ce n’est pas simplement remettre en cause une matière : c’est interroger la finalité même de l’éducation. S’agit-il de former des esprits autonomes, capables de discernement, ou de produire des individus conformes à un modèle préétabli ?

Cette polémique soulève ainsi un enjeu fondamental : le rôle de l’école dans la formation citoyenne et la place que doit y occuper la pensée critique. En filigrane, elle renvoie à une interrogation plus large sur le modèle de société que l’on souhaite construire : un espace ouvert au dialogue, à la pluralité des idées et à la rationalité, ou un système verrouillé, où l’autorité dogmatique prime sur la liberté de penser.

Samia Naït Iqbal

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Le député Rachid Cherchar, une philosophie de la psychiatrie !

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Rachid Cherchar

Que pense un député algérien au saut du lit. Enfin, lorsqu’il pense. De l’inflation, de la démocratie, du problème du logement, de la catastrophe de l’éducation nationale ?

Non, pas du tout, la première pensée n’est pas de cet ordre mais de trouver une imbécilité du jour à proposer. Celle qui ferait concurrence à toutes les autres. Il est en retard, Rachid Cherchar, et peu médiatisé, il faut que la sienne soit explosive.

Pour être explosive, ce n’est pas par le génie qu’elle aura été mais par le gouffre vertigineux dans le cerveau. Ce député est un élu d’El Bina d’Abdelkader Bengrina, parti d’obédience crypto-islamiste. Dans le domaine de la créativité, c’est du lourd !

Ce monsieur vient tout simplement de déclarer qu’il fallait supprimer l’épreuve de philosophie du baccalauréat. C’est comme cela que sont les islamistes, ils se réveillent un matin et c’est l’idée de la suppression d’une vie, un autre et c’est la suppression du cours de philosophie.

C’est qu’il est à la pointe de la modernité de la communication ce brave Rachid, c’est sur Facebook qu’il lance la bombe. « Je vais demander la suppression de la matière philosophie du bac, qu’en pensez-vous ? Qu’attend-on, quel bénéfice tire-t-on de cette matière ? »,  s’est-il demandé sur Facebook.

Ah, monsieur Cherchar, on se demande effectivement à quoi cela sert-il à des brillants intellectuels comme vous. Pourquoi faut-il enseigner des disciplines qui n’ont aucune chance de participer à la production du génie des grands hommes ?

Le député répond à la polémique : « Quant à ceux qui croient que nous sommes contre la philosophie en tant que science ou pensée, il semble qu’ils aient mal compris ou n’aient pas pris en compte l’intention du message incluant le terme « sujet ». Autrement, aucune personne sensée ne pourrait même dire à un intellectuel, un universitaire ou un chercheur que nous, représentants du peuple et hommes politiques, sommes contre la philosophie ».

Oh là, c’est que Monsieur le député a de la culture et du raisonnement. Ce n’est pas tant de la discipline dont il s’agit mais des sujets. Mais oui, bien sûr, la philosophie n’est formatrice que pour les sujets que monsieur Cherchar souhaite voir imposés au programme. Et devinez quels sujets ?

L’éminent spécialiste de la pédagogie estime que les programmes d’enseignement de la philosophie en Algérie obligent à un bachotage dont la mémorisation n’a aucun intérêt dans la réflexion.

Ce que voudrait le député Cherchar (j’ai du mal à prononcer ce mot de député) est une réflexion plutôt qu’une méthode d’accumulation stérile de savoirs ingurgités.

Au fond ce que veut ce député c’est que la réflexion soit ouverte, c’est-à-dire contrainte, aux idées islamistes. Ce que veut ce député c’est l’élargissement des références, c’est-à-dire celles des paroles tombées du ciel.

Il ne veut ni embrigadement ni pensée sectaire. Il veut des sujets tournés vers la pensée moderne et formatrice du programme de son parti.

Au fond, Rachid Cherchar est cohérent avec sa pensée. Nulle part dans la philosophie, ni dans ses textes ni dans ses auteurs, ne se trouve le chemin de la réflexion libre sinon le bourrage du crane par le bachotage.

Monsieur Cherchar, encore un petit effort et vous me verrez derrière vous pour vous soutenir. Proposez la suppression de l’arabe classique comme discipline scolaire.

Là, ce serait enfin la fin du bourrage de crane, la perversion ultime du bachotage et de la pensée.

Boumediene Sid Lakhdar

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Julien Colliat : l’escrime du verbe 

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Julien Colliat
Julien Colliat

Julien Colliat est un écrivain français, diplômé en Histoire, spécialisé dans l’art de la répartie et l’esprit des grandes figures historiques. Il contribue régulièrement à plusieurs sites et revues spécialisés, où il explore les subtilités du langage, de la rhétorique et de la communication vive et percutante.

Son œuvre s’articule autour de la mise en lumière de la vivacité d’esprit à travers les siècles. Il s’est fait connaître avec Anthologie de la répartie, un recueil devenu une référence, qui rassemble 1000 des meilleures répliques de l’histoire. L’auteur y classe les répliques par personnage, révélant comment de grandes figures historiques ou littéraires ont su user du mot juste pour marquer les esprits. Le succès de ce volume a conduit à la parution d’un Tome 2 en avril 2025, enrichi de plus de 800 nouvelles répliques, parfois issues de personnages moins connus mais tout aussi brillants. Ces recueils proposent une plongée savoureuse dans l’histoire de la répartie, entre piques mordantes, saillies élégantes et dialogues d’anthologie.

En complément de ces anthologies, Julien Colliat a publié L’Art de moucher les fâcheux : Les secrets de la répartie en 37 stratagèmes. Ce guide pratique développe des techniques précises pour répondre avec finesse aux importuns. À travers des stratagèmes comme celui du «miroir », du « prophète », ou encore de « la tache », l’auteur propose une méthode à la fois ludique et efficace pour faire face aux situations verbales délicates avec intelligence et humour.

Les livres de Julien Colliat sont appréciés autant pour leur richesse culturelle que pour leur accessibilité. Ils révèlent que l’art de la répartie n’est pas qu’un don naturel, mais aussi une compétence que l’on peut affiner grâce à la lecture, la connaissance historique et un entraînement à la logique du mot juste.

Son impact réside dans sa capacité à préserver et transmettre une tradition intellectuelle précieuse, où la parole devient arme, jeu, élégance et résistance. Dans un monde saturé de communication, Julien Colliat réaffirme l’importance du vocabulaire, de la culture et de la créativité comme leviers pour mieux penser et mieux dialoguer.

Son apport essentiel tient dans la revalorisation de l’esprit comme outil de liberté, d’humour et de finesse, et dans sa capacité à transmettre cet art avec rigueur sans jamais sacrifier le plaisir du mot. Par son travail, il enrichit la tradition littéraire française et redonne à l’intelligence verbale une place centrale dans les échanges contemporains.

Dans cet entretien, Julien Colliat revient sur son parcours d’écrivain passionné par l’histoire, la rhétorique et l’art de la répartie. À travers ses ouvrages, il redonne ses lettres de noblesse à l’esprit et au mot juste. Il nous parle de ses influences, de sa méthode de travail, de l’importance de la finesse verbale dans notre époque, et nous dévoile quelques pistes sur ses projets à venir.

Le Matin d’Algérie : Qu’est-ce qui vous a donné envie de consacrer vos ouvrages à l’art de la répartie ?

Julien Colliat : Je crois que mon intérêt pour la réplique spirituelle a été suscité par le film Ridicule de Patrice Leconte, que j’ai adoré adolescent. Il n’a eu de cesse de se développer ensuite à la lecture des bons mots politiques ou historiques, des traits d’esprit des écrivains et des humoristes, des œuvres de Sacha Guitry, des comédies populaires…

La répartie est la forme d’humour qui m’impressionne le plus. Elle implique un esprit de créativité, d’ingéniosité, de finesse et de réactivité qui doit sans cesse se renouveler, une bonne répartie ne pouvant fonctionner qu’une fois. Malheureusement, les plus belles répliques ont été longtemps mentionnées dans des ouvrages épars et fourre-tout, mêlant aphorismes ou simples anecdotes. Je souhaitais les regrouper dans un même ouvrage.

Le Matin d’Algérie : Selon vous, la répartie est-elle un talent inné ou un art que l’on peut véritablement apprendre ?

Julien Colliat : La répartie nécessite des aptitudes de maîtrise de soi, de psychologie et de sens de la logique. Mais l’esprit c’est avant tout l’humour par les mots. Être sensible aux subtilités et raffinements de la langue, aux jeux de mots, aux ingéniosités rhétoriques ou aux figures de style, sont des qualités prépondérantes.

La repartie est un art, avec ses virtuoses, et repose sur d’innombrables techniques lesquelles peuvent s’expliquer et donc s’enseigner. Pour progresser, le plus efficace est de s’en imprégner via les œuvres des maîtres de la discipline. Écouter ou même participer à des débats peut également constituer une bonne entrée en matière.

Le Matin d’Algérie : Comment avez-vous sélectionné les répliques figurant dans vos anthologies ? Y a-t-il une réplique qui vous a particulièrement marqué ?

Julien Colliat : J’ai consulté plusieurs centaines de livres spécialisés, certains en langue anglaise, d’autres remontant au XVIIIe siècle, ainsi que des journaux ou des revues, rapportant des anecdotes et bons mots de personnalités ou d’anonymes. Je n’ai retenu que les répliques, c’est-à-dire les réponses drôles ou cinglantes à quelque chose qui a été dit, écrit ou fait. J’en ai sélectionné 1000 pour le tome 1 et presque autant pour le tome 2.

Mon type de répartie préférée est celle qui permet de retourner une attaque contre un agresseur, sur le modèle de l’arroseur arrosé. J’adore par exemple la réponse adressée au grand écrivain irlandais George Bernard Shaw par son épouse. Celui-ci soutenait que le jugement masculin était supérieur au jugement féminin et se vit répondre : « Absolument. La preuve c’est que tu m’as choisi comme épouse et que je t’ai choisi comme mari. » 

Le Matin d’Algérie : Dans L’Art de moucher les fâcheux, vous proposez 37 stratagèmes : avez-vous un favori ou un qui fonctionne particulièrement bien au quotidien ?

Julien Colliat : Le stratagème le plus simple, celui qui offre le plus d’opportunités au quotidien pour répliquer avec esprit, consiste à filer, c’est-à-dire prolonger, une métaphore, une allégorie ou une périphrase, prononcée par un interlocuteur, en visant un point sensible, généralement son manque d’intelligence. 

Quelques exemples. Après une colère, un fâcheux s’excuse en disant que ses mots ont dépassé sa pensée. Lui répondre : « Ils n’ont pas dû aller bien loin. » Un autre se vante d’avoir les idées qui fusent. Compléter : «  Elles finiront comme la navette Chalenger ». Et si un cuistre fait mine de ne pas prendre en considérations vos propos en utilisant l’expression « Ce que vous dites entre par une oreille et ressort par l’autre », répliquer : « Évidemment, il n’ y a rien entre les deux. »

Le Matin d’Algérie : Votre travail mêle humour, histoire et stratégie verbale : pensez-vous que l’esprit peut être une forme de résistance ou de pouvoir ?

Julien Colliat : L’esprit a toujours été l’arme du faible contre le fort. C’est une forme de contre-pouvoir par les mots. Un moyen pour le peuple de railler les tyrans, pour le valet de se venger du maître, pour la femme de rabrouer un mufle. Et les réparties sont forcément plus piquantes lorsque celui qui les prononce est dominé socialement ou symboliquement. Un des plus vieux exemples concerne l’empereur romain Auguste qui lors d’un voyage en Grèce fut présenté à un esclave qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. L’empereur lui lança d’un ton narquois :

– Quelque chose me dit que ta mère a été au service de mon père…

– Non, pas ma mère. Mais mon père a longtemps été au service de votre mère.

Le Matin d’Algérie : Quelle place l’art de la parole et de la finesse a-t-il encore dans notre société saturée de messages rapides et de réactions immédiates ?

Julien Colliat : À première vue, l’esprit connaît un net déclin, du moins en France où il fut pourtant durant plus de trois siècles érigés en fierté nationale. Ce déclin s’explique par l’appauvrissement de la langue, l’effondrement de la logique, le dépérissement de l’imaginaire, la faiblesse rhétorique et surtout le retour à l’exaltation des émotions, au détriment de l’ironie. 

Cependant, les nouvelles technologies, peuvent potentiellement, et paradoxalement, faire renaître un âge d’or de l’esprit. Car avec la révolution numérique, les échanges par texte interposé (sms, mails, réseaux sociaux…) ne cessent de gagner du terrain. Or, l’avantage de devoir répondre par écrit c’est de disposer de plus de temps pour formuler une réponse originale ou spirituelle. Sur les applications de rencontres amoureuses, par exemple, la maîtrise de la répartie est le meilleur moyen de sortir du lot.

Le Matin d’Algérie : Y a-t-il des auteurs ou penseurs qui ont façonné votre vision de la répartie et de l’esprit ?

Julien Colliat : Ceux qui m’ont le plus marqué ne sont pas les théoriciens mais les praticiens. Contrairement à l’idée reçue, les génies de la répartie ne sont pas les hommes politiques, comme Churchill ou de Gaulle, dont les bons mots ont largement été inventés. Il s’agit en premier lieu d’écrivains, de dramaturges, de journalistes ou de chansonniers. Une figure incontournable quoique largement oubliée aujourd’hui est Alexis Piron. Poète et dramaturge du XVIIIe siècle, son esprit de répartie était tel que Voltaire lui-même le fuyait comme la peste. Encore moins connu que Piron, Aurélien Scholl, un journaliste de la fin du XIXe siècle qui nous a laissé une pluie de répliques assassines. Et puis bien sûr il y a les classiques : Georges Feydeau, Sacha Guitry, Tristan Bernard, les dialoguistes Henri Jeanson et Michel Audiard, Frédéric Dard… 

Le Matin d’Algérie : Votre prochain projet est-il dans la continuité de vos précédents livres, ou préparez-vous un changement de registre ?

Julien Colliat : Actuellement, je poursuis mes travaux sur les répliques et les mécanismes stylistiques et rhétoriques sur lesquelles elles reposent. Ma tâche est loin d’être terminée. J’ai aussi une œuvre de fiction en préparation.

Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?

Julien Colliat : Je suis très heureux de voir la répartie, qui est la forme par excellence de l’humour à la française, susciter un intérêt au-delà de nos frontières. Cela prouve sa richesse et son universalité.

Entretien réalisé par Brahim Saci

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Le récit intime et puissant de Salah Laghrour

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Grandir dans les Aurès

 Un drapeau algérien dessiné par un enfant sur une feuille d’écolier, et la colère d’un instituteur colonial qui s’emporte, hurle et ordonne : « Efface-moi ça ! » Ce souvenir, ancré dès les premières pages de Grandir dans les Aurès : un enfant dans la guerre, est bien plus qu’une simple anecdote. Il cristallise la violence symbolique, la répression quotidienne, mais aussi la dignité tenace d’une jeunesse prise au cœur de la guerre de libération.

Salah Laghrour livre ici un témoignage rare, d’une grande sobriété, qui raconte avec précision son enfance dans les Aurès insurgés. Né à Khenchela, au sein d’une famille profondément engagée dans la lutte pour l’indépendance, il trace un portrait vivant d’une époque où les enfants étaient eux aussi acteurs malgré eux d’un conflit majeur.

Dans un style dépouillé, sans pathos ni romantisme, l’auteur nous fait revivre les déplacements forcés, la déportation dans le camp de M’toussa, la faim et la peur, mais aussi les gestes d’affection, la résistance silencieuse et surtout la force des femmes. Ce sont elles, piliers invisibles mais essentiels de la survie familiale, que Salah Laghrour met en lumière avec un respect et une tendresse qui émeuvent.

Mais ce récit personnel ne se limite pas à la chronique d’une enfance difficile. Il est inévitablement lié à une grande Histoire, celle de la lutte armée algérienne. L’auteur est le frère d’Abbès Laghrour, figure majeure du déclenchement du 1er novembre 1954 dans les Aurès, proche compagnon de Ben Boulaïd, chef de maquis redouté et assassiné dans des circonstances toujours mystérieuses. Après deux ouvrages historiques consacrés à cette Wilaya I, Salah Laghrour choisit cette fois d’ouvrir son cœur et sa mémoire, offrant un regard intime sur les conséquences humaines du combat.

Le livre restitue avec finesse les contradictions d’une enfance marquée par la scission entre l’école coranique, lieu d’apprentissage et d’identité, et l’école coloniale, qui incarne la domination et la négation. Le départ forcé pour Le Caire, où l’auteur poursuit ses études secondaires, ajoute une dimension d’exil et d’éloignement qui exacerbe le sentiment de rupture.

Plus qu’un simple récit autobiographique, Grandir dans les Aurès est un acte de résistance contre l’effacement et l’oubli. C’est aussi un appel à reconnaître la mémoire des enfants de la guerre, souvent laissés à la marge des grandes histoires officielles.

Dans un pays où les mémoires restent parfois fragmentées, où le traumatisme de la guerre de libération continue d’irriguer le présent, ce livre est une contribution essentielle à la transmission. Il invite les nouvelles générations à comprendre la complexité d’une époque, à percevoir la force du vécu, et surtout à honorer ceux qui ont grandi debout, porteurs d’une espérance toujours vivante.

En somme, Salah Laghrour offre un témoignage lumineux et bouleversant, qui fait entrer le lecteur au cœur d’une Algérie prise dans la tourmente, à travers les yeux d’un enfant devenu gardien d’une mémoire aussi fragile que précieuse.

Djamal Guettala

Présentation de Grandir dans les Aurès, un enfant dans la guerre, de Salah Laghrour

Samedi 21 juin 2025 à 9h30 à la maison de culture de Khenchela

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Algérie : vaste mouvement dans le corps des chefs de daïras

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Palais du gouvernement

Le ministère de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire a annoncé, jeudi 19 juin, un large remaniement au sein du corps des chefs de daïras, à l’issue d’une opération entérinée par le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune.

Le ministère a précisé que cette opération s’inscrit dans le cadre d’une réorganisation « partielle » mais significative, visant à impulser une nouvelle dynamique dans la gestion des affaires locales.

Selon le communiqué officiel, daté du  19 juin 2025, la révision du corps des chefs de daïras s’est traduite par plusieurs mesures notables : la promotion de 44 cadres au poste de chef de daïra, traduisant une reconnaissance du mérite et de l’expérience acquise dans le corps administratif, le transfert de 58 chefs de daïras vers d’autres circonscriptions, la mise à la retraite de 6 chefs de daïra, conformément aux dispositions réglementaires en vigueur,  la fin de mission de 8 chefs de daïra, sans que les motifs n’en soient précisés dans le document officiel et le rappel de 3 chefs de daïra pour occuper d’autres fonctions, suggérant une possible réaffectation à des postes de responsabilité au sein de l’administration.

Ce mouvement, bien que d’ampleur modérée par rapport à d’autres remaniements précédents, revêt une portée stratégique pour le ministère, dans un pays où le chef de daïra représente un maillon essentiel de l’administration territoriale. Intermédiaire direct entre la wilaya et les communes, il est chargé de coordonner les actions de l’État au niveau local, notamment dans les domaines de la sécurité, du développement et de la gestion des services publics. 

Le communiqué ne précise pas les wilayas concernées ni les profils des nouveaux promus.

La rédaction

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Guerre Israël/Iran : Amnesty appelle à épargner les civils

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Guerre Israël Iran

Il est urgent de protéger les civils face à l’escalade sans précédent des hostilités entre Israël et l’Iran, estime Amnesty International dans un communiqué.

Alors que de plus en plus de civil·e·s subissent les conséquences cruelles de la terrifiante escalade militaire entre l’Iran et Israël depuis le 13 juin 2025, et face à la menace d’une nouvelle intensification du conflit, Amnesty International exhorte les autorités israéliennes et iraniennes à respecter l’obligation de protéger les civil·e·s, qui leur incombe en vertu du droit international humanitaire.

Le 16 juin, un porte-parole du gouvernement iranien a indiqué que les attaques israéliennes avaient tué au moins 224 personnes, dont 74 femmes et enfants, sans préciser combien d’entre elles étaient des civil·e·s. Le ministère de la Santé a également indiqué que 1 800 personnes avaient été blessées.

En Israël, le Front intérieur de l’armée israélienne a indiqué que les attaques iraniennes avaient tué au moins 24 personnes, dont des femmes et des enfants, en précisant qu’il s’agissait uniquement de civil·e·s, et avaient fait près de 600 blessé·e·s.

« Alors que le nombre de mort·e·s et de blessé·e·s continue d’augmenter, Amnesty International exhorte les deux parties à respecter leurs obligations et à s’abstenir de faire peser sur les civil·e·s des deux pays le poids d’une action militaire irréfléchie », a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.

Une nouvelle flambée des hostilités risque d’avoir des conséquences dévastatrices et profondes pour les civil·e·s de toute la région et au-delà.

« Les déclarations des États-Unis et du G7 n’ont jusqu’à présent pas reconnu l’impact catastrophique de cette escalade sur les civil·e·s des deux pays.

Le monde ne doit pas permettre à Israël d’utiliser cette intensification militaire pour détourner l’attention du génocide en cours contre les Palestinien·ne·s dans la bande de Gaza occupée, de son occupation illégale de l’ensemble du territoire palestinien occupé (TPO) et de son système d’apartheid imposé aux Palestinien·ne·s.Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International

« Au lieu d’encourager une partie à ce conflit plutôt qu’une autre, comme si la souffrance des civil·e·s n’était qu’un événement de second plan, les États doivent assurer la protection des civil·e·s. La prévention de nouvelles souffrances doit être la priorité, et non la poursuite d’objectifs militaires ou géopolitiques.

« Les autorités israéliennes et iraniennes ont démontré à maintes reprises leur mépris total pour le droit international humanitaire et relatif aux droits humains, commettant de graves crimes internationaux en toute impunité.

« Le monde ne doit pas permettre à Israël d’utiliser cette intensification militaire pour détourner l’attention du génocide en cours contre les Palestinien·ne·s dans la bande de Gaza occupée, de son occupation illégale de l’ensemble du territoire palestinien occupé (TPO) et de son système d’apartheid imposé aux Palestinien·ne·s.

« De la même façon, la communauté internationale ne doit pas ignorer les souffrances causées à la population en Iran par des décennies de crimes au regard du droit international commis par les autorités iraniennes, souffrances qui sont aujourd’hui aggravées par des bombardements continuels. »

En vertu du droit international humanitaire, l’ensemble des parties doivent prendre toutes les précautions possibles pour épargner les civil·e·s et limiter le plus possible leurs souffrances et le nombre de victimes. Le droit international humanitaire interdit strictement les attaques visant les civil·e·s et les biens de caractère civil, ainsi que les attaques ne faisant pas la distinction entre cibles militaires et civil·e·s ou biens de caractère civil.

C’est pourquoi les armes extrêmement imprécises et équipées d’ogives de grande taille produisant des effets sur de vastes zones, comme les missiles balistiques, ne devraient jamais être utilisées dans des zones où résident de nombreux civil·e·s. Les attaques contre des objectifs militaires susceptibles d’entraîner des pertes civiles disproportionnées ou la destruction de biens civils sont également interdites.

Lors de l’épisode le plus meurtrier en Israël, huit personnes, dont trois enfants, ont été tuées à Bat Yam, au sud de Tel-Aviv, le 15 juin.

En Iran, au moins 12 personnes, dont des enfants et une femme enceinte, ont été tuées lors d’une attaque sur la place Tajrish à Téhéran le 15 juin.

En arrière-plan de cette nouvelle escalade, les autorités israéliennes continuent de déplacer de force et d’affamer les Palestinien·ne·s dans la bande de Gaza occupée, dans le contexte du génocide en cours sur place. Elles ont imposé un bouclage total de la Cisjordanie, où la violence des colons, soutenue par l’État, continue de croître, renforçant encore l’occupation illégale et le système d’apartheid d’Israël.

Entretemps, les autorités iraniennes ont réagi aux attaques militaires d’Israël les plus récentes en imposant des restrictions sur Internet et en arrêtant des journalistes et des opposant·e·s à l’intérieur du pays. Elles ont également restreint les communications des détenu·e·s avec le monde extérieur, notamment de celles et ceux qui se trouvent dans les prisons proches des sites des bombardements. Le 16 juin, les autorités iraniennes ont exécuté un homme accusé d’espionnage au profit d’Israël, ce qui suscite des inquiétudes quant au sort d’autres personnes condamnées à mort pour des motifs similaires. Les autorités iraniennes doivent libérer tous les défenseur·e·s des droits humains et les autres personnes détenues arbitrairement, et transférer les autres prisonnier·ères loin des lieux où ils risquent de subir une attaque israélienne.

Des « avertissements » sinistres et alarmistes

Ces trois derniers jours, des responsables israéliens, dont le Premier ministre Benyamin Nétanyahou, le ministre de la défense, Israel Katz, et le porte-parole en langue persane de l’armée israélienne, Kamal Pinchasi, ont proféré des menaces alarmantes et lancé des avertissements d’évacuation trop généraux et inefficaces à des millions de civil·e·s à Téhéran, une grande ville d’environ 10 millions d’habitant·e·s, située dans la province de Téhéran, qui compte quelque 19 millions d’habitant·e·s. Dans certains cas, ces avertissements ont été émis au milieu de la nuit, alors que les habitant·e·s dormaient, ou ne précisaient pas s’ils se référaient à la ville ou à la province de Téhéran.

Le 16 juin, Israel Katz, ministre israélien de la Défense, a déclaré sur X que « les habitants de Téhéran seront contraints de payer le prix » des actions des autorités iraniennes. Quelques heures plus tard, le porte-parole en persan de l’armée israélienne a adressé une mise en garde aux civil·e·s afin qu’ils évacuent le troisième arrondissement de Téhéran – une zone d’environ 30 km² où résident plus de 350 000 personnes -, au moyen d’une vidéo montrant des zones de danger imprécises. La vidéo contenait une carte indiquant les zones dangereuses pour les civil·e·s, mais ne précisait pas clairement les lieux visés ni les zones présentant des risques d’explosion et de fragmentation, laissant les habitant·e·s dans l’incertitude quant aux secteurs à éviter. Des militant·e·s de la société civile iranienne ont par la suite republié la carte indiquant clairement les limites et nommant les zones concernées.

Avant les avertissements en matière d’« évacuation » du 16 juin, l’armée israélienne avait émis un autre avertissement trop général en persan, demandant aux habitant·e·s de tout le pays de « quitter immédiatement les zones […] [abritant] des installations de fabrication d’armes militaires et les institutions les soutenant ». Cette déclaration a semé la panique et la confusion parmi la population, car l’emplacement des installations militaires n’est pas connu du grand public, et aucune indication claire n’a été donnée sur les zones où les civil·e·s devraient ou ne devraient pas se rendre afin de garantir leur sécurité.

Les avertissements en termes d’évacuation, même s’ils étaient détaillés et efficaces, ne dispenseraient pas Israël des autres obligations qui lui incombent en vertu du droit humanitaire international. Israël ne doit pas traiter comme des zones de tir les secteurs pour lesquels il a émis des avertissements. Des millions d’habitant·e·s de Téhéran ne peuvent pas partir, soit parce qu’ils n’ont pas d’autre résidence en dehors de la ville, soit en raison d’une mobilité limitée, d’un handicap, de routes bloquées, d’une pénurie de carburant ou d’autres contraintes. Israël a l’obligation de prendre toutes les précautions possibles pour réduire au maximum les préjudices causés à ces civil·e·s.

Tôt le matin du 17 juin, heure de Téhéran, le président américain Donald Trump a semé la panique en publiant le message ci-après sur le réseau social Truth : « Tout le monde devrait immédiatement évacuer Téhéran. » Le secrétaire d’État américain Marco Rubio et la Maison-Blanche ont amplifié ce message sur X, tandis que certains médias ont indiqué que les États-Unis pourraient se joindre à Israël pour lancer des frappes sur l’Iran.

En réponse aux annonces israéliennes, les médias d’État iraniens ont signalé le 15 juin que les forces armées iraniennes avaient émis des avertissements demandant aux résident·e·s de Tel-Aviv d’évacuer. Dans une vidéo diffusée par les médias d’État, Reza Sayed, porte-parole du Centre de communication de l’état-major général des forces armées, a déclaré : « Quittez les territoires occupés [en référence à Israël et au TPO], car ils deviendront sans aucun doute inhabitables pour vous à l’avenir […] Ne permettez pas au régime criminel de vous utiliser comme boucliers humains. Évitez de rester ou de vous déplacer à proximité des lieux susmentionnés et sachez que même les abris souterrains ne vous assureront pas la sécurité. »

En Israël, ces avertissements iraniens n’ont pas déclenché le même niveau de chaos et d’évacuation massive, en grande partie du fait de la présence du système de défense du Dôme de fer et de la disponibilité d’abris. On recense toutefois plusieurs cas dans lesquels des civil·e·s, en particulier des citoyen·ne·s palestiniens d’Israël et des communautés bédouines, qui n’ont pas accès à des abris souterrains, comme la famille Khatib dans la ville palestinienne de Tamra, ont été  tués à la suite d’un tir de missile iranien. Les groupes de la société civile israélienne demandent au gouvernement de remédier d’urgence au manque chronique d’espaces protégés pour les citoyen·ne·s israéliens non juifs.

Il est interdit aux parties à un conflit armé de proférer des menaces de violence destinées à semer la terreur parmi la population civile. Elles ne peuvent pas se cacher derrière des avertissements trop généraux pour affirmer qu’elles ont rempli leurs obligations en vertu du droit international. Pour adresser des avertissements conformes au droit international humanitaire, les parties doivent fournir aux civil·e·s des instructions claires et pratiques pour s’éloigner des objectifs militaires qui seront pris pour cible, plutôt que d’appeler illégalement à l’exode massif de millions de personnes – une démarche qui semble davantage destinée à semer la panique et la terreur parmi les civil·e·s qu’à assurer leur protection.

Fermeture d’Internet et censure des médias

En Iran, les autorités ont perturbé l’accès à Internet et aux applications de messagerie instantanée, empêchant des millions de personnes prises au piège du conflit d’accéder à des informations essentielles et de communiquer avec leurs proches, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, et exacerbant ainsi leurs souffrances.

« L’accès à Internet est essentiel pour protéger les droits humains, en particulier en période de conflit armé où les interruptions des communications empêcheraient les gens de trouver des itinéraires sûrs, d’accéder à des ressources vitales et de rester informés. Les autorités iraniennes doivent immédiatement assurer le rétablissement complet des services Internet et de communication dans l’ensemble de l’Iran », a déclaré Agnès Callamard.

Les autorités israéliennes avancent par ailleurs de vagues prétextes sécuritaires pour s’en prendre à des personnes qui publient des messages sur les réseaux sociaux ou partagent des vidéos considérées comme enfreignant les règles strictes de la censure.

« Les autorités israéliennes doivent s’abstenir d’utiliser l’escalade des tensions militaires, comme elles l’ont fait par le passé, comme un nouveau prétexte pour réprimer la liberté d’expression, en visant de manière disproportionnée les citoyen·ne·s palestiniens d’Israël, notamment par le biais de détentions arbitraires sur la base d’allégations infondées d’incitation à la haine », a déclaré Agnès Callamard.

Contexte

Le 13 juin 2025, les autorités israéliennes ont mené des frappes aériennes et de drones contre le territoire iranien. Les responsables israéliens ont annoncé peu après qu’ils avaient lancé cette opération afin de viser les capacités nucléaires et balistiques de l’Iran, et de neutraliser les dirigeants militaires iraniens. Les frappes israéliennes ont commencé alors que l’Iran et les États-Unis étaient en pleine négociation au sujet d’un nouvel accord visant à limiter le programme nucléaire et les activités d’enrichissement de l’uranium de l’Iran en échange d’un allègement des sanctions.

Les autorités iraniennes ont riposté en lançant des centaines de missiles et de drones contre le territoire israélien.

Les attaques israéliennes ont frappé des villes dans plusieurs provinces d’Iran, notamment les provinces d’Alborz, de l’Azerbaïdjan oriental, d’Ispahan, du Fars, de Kermanshah, d’Hamedan, du Lorestan, d’Ilam, de Markazi, de Qom, de Téhéran, de l’Azerbaïdjan occidental et du Khorassan Razavi.

Des attaques iraniennes ont frappé plusieurs zones urbaines en Israël, comme par exemple Tel-Aviv, Bat Yam, Tamra, Petah Tikva, Bnei Brak, Haïfa et Herzliya.

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Démission d’Omar Belhadj : un départ qui relance les interrogations sur la Cour constitutionnelle

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Tebboune
Tebboune

Omar Belhadj, président de la Cour constitutionnelle, a présenté sa démission au chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, ce jeudi 19 juin, invoquant des « raisons personnelles ».

Conformément à la réglementation en vigueur, un intérim sera assuré par le membre le plus âgé de la Cour, en attendant la nomination d’un nouveau président sous quinze jours. 

L’annonce, faite par la présidence dans un communiqué laconique, intervient  quelques mois après la réélection controversée d’Abdelmadjid Tebboune en septembre 2024. On s’en souvient que l’écart entre celui annoncé par l’Anie et celui la Cour constitutionnelle. Abdelmadjid Tebboune a totalisé 94,65 % des voix, selon l’Anie. Tebboune a obtenu 5 329 253 de voix, selon cette institution dont le patron, Charfi a été sèchement remercié par Tebboune quelques semaines plus tard. 

Selon la Cour constitutionnelle, Abdelmadjid Tebboune est élu avec 84,30% des suffrages exprimés, donc 10 points de moins que ce qui était annoncé par l’ANIE. Une opération pour sauver l’image sérieusement écornée de Tebboune. Car personne n’a cru aux résultats annoncés.

Cette élection, marquée par une faible participation et contestée par les principaux candidats, avait été validée par la Cour constitutionnelle sans que ses critères d’analyse ou ses délibérations ne soient rendus publics. Ce manque de transparence continue d’alimenter les doutes sur la régularité du scrutin et sur l’indépendance de l’institution.

Samia Naït Iqbal

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Le président de la Cour constitutionnelle démissionne

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Omar Belhadj, président de la Cour constitutionnelle

Omar Belhadj, président de la Cour constitutionnelle a remis ce jeudi sa démission à Abdelmadjid Tebboune. Cette rencontre a eu lieu à la demande de M. Belhadi qui a motivé sa demande à être déchargé de ses fonctions en avançant des raisons personnelles, selon un communiqué émanant de la Présidence de la République.

« Lors de l’audience, M. Omar Belhadj a présenté au président de la République une lettre dans laquelle il exprime son souhait de se retirer de la présidence de la Cour constitutionnelle pour des motifs personnels. Le président Tebboune a accepté cette demande », précise le communiqué.

En application de l’article 6 du décret présidentiel n° 22-93 du 5 Chaâbane 1443 (correspondant au 8 mars 2022), qui fixe les règles d’organisation de la Cour constitutionnelle, une délibération devra être tenue sous la présidence du membre le plus âgé pour constater la vacance du poste. Une copie de cette délibération sera transmise au président de la République.

En attendant la nomination d’un nouveau président — qui devra intervenir dans un délai de quinze jours à compter de cette notification — l’intérim sera assuré par le membre le plus âgé de la Cour.

Avec APS

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