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Gaz, armement et Sahara occidental : pourquoi Alger ne peut plus se contenter de Moscou

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Tebboune et Poutine à Moscou
Tebboune et Poutine à Moscou.

La relation entre l’Algérie et la Russie n’est pas une alliance de circonstance née d’un épisode récent. C’est une relation lourde d’histoire, construite sur l’assistance militaire soviétique pendant la guerre de libération, la formation des cadres de l’Armée nationale populaire après l’indépendance, et une proximité diplomatique fondée sur la défense de la souveraineté et du refus des tutelles extérieures.

1. Introduction.

Moscou voyait Alger comme une porte d’accès stratégique vers la rive sud de la Méditerranée et vers l’Afrique ; Alger voyait Moscou comme un partenaire capable de contrebalancer les pressions occidentales. Cette lecture est analysée dans les travaux du Gulf Research Center / Middle East Council, qui souligne le poids militaire de Moscou dans l’appareil algérien.

Mais depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, le paysage géopolitique s’est brutalement modifié. La Russie est désormais engagée dans une guerre longue, sous sanctions économiques et technologiques, absorbée par sa propre survie stratégique. L’Algérie doit donc se poser une question beaucoup plus froide : la Russie est-elle encore un partenaire opérationnellement fiable — en matière d’armement, d’énergie, de soutien diplomatique et d’influence régionale — ou est-elle devenue un partenaire symbolique mais fragilisé ?

Autrement dit : le capital historique reste réel, mais il ne suffit plus. Alger traite désormais Moscou comme un partenaire utile mais plus comme un garant absolu.

2. Profondeur historique de la relation algéro-russe et son sens stratégique

Depuis l’indépendance, la politique étrangère algérienne repose sur un principe cardinal : préserver l’indépendance de décision face aux grandes puissances, refuser l’alignement automatique, conserver la capacité de dire non. Dans cette logique, Moscou (hier soviétique, aujourd’hui russe) a longtemps offert trois choses qu’aucune capitale occidentale n’offrait à ce degré :

  1. des livraisons d’armes lourdes et sophistiquées sans conditionnalité politique intrusive ;
  2. une formation militaire structurante ;
  3. un soutien diplomatique sur la scène internationale qui reconnaît l’Algérie comme puissance régionale et non comme simple « client ».

Le Middle East Council / Gulf Research Center insiste sur ce point : pour Moscou, l’Algérie n’est pas seulement un acheteur ; c’est un point d’ancrage d’influence au Maghreb, en Méditerranée et en Afrique. Pour Alger, Moscou n’est pas seulement un fournisseur ; c’est une carte stratégique permettant de résister à la pression occidentale.

Mais cette architecture s’est fissurée. Après février 2022, la Russie est devenue un État sous sanctions massives, engagé dans un conflit de haute intensité, accusé publiquement à l’ONU de violer l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Le 12 octobre 2022, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution condamnant l’« annexion illégale » de territoires ukrainiens par Moscou, par 143 voix contre 5, avec 35 abstentions. L’Algérie a fait partie des États qui se sont abstenus : elle n’a pas condamné frontalement Moscou, mais elle ne lui a pas accordé non plus un soutien inconditionnel. Cette position est consignée dans le communiqué officiel des Nations unies.

Ce geste algérien est profondément révélateur. Alger dit en substance : nous ne nous alignons pas sur l’Occident contre Moscou, mais nous ne nous laissons pas enfermer dans le camp russe. Autrement dit, la Russie reste une carte importante, mais ce n’est plus la carte maîtresse.

3. Dimension militaire : d’un pilier stratégique à une source potentielle de vulnérabilité

3.1. Héritage d’une dépendance lourde
L’Armée nationale populaire s’est historiquement équipée auprès de l’Union soviétique puis de la Russie : systèmes de défense aérienne longue et moyenne portée, systèmes de défense rapprochée de type Pantsir, sous-marins de classe Kilo, missiles antinavires, chars de bataille principaux, munitions guidées de précision, blocs de guerre électronique. Pendant des décennies, les officiers algériens ont été formés à l’utilisation, à la maintenance et à la doctrine d’emploi de matériels d’origine russe. Autrement dit, ce n’est pas seulement l’équipement qui est russe, mais aussi une partie du savoir-faire opérationnel.

Des estimations reprises par le Middle East Council / Gulf Research Center indiquent qu’environ 73 % des importations d’armement algériennes entre 2018 et 2022 provenaient de Russie. Cela signifie que Moscou n’était pas un fournisseur parmi d’autres : elle structurait l’ossature matérielle du potentiel militaire algérien.

3.2. Après l’Ukraine : rupture d’équilibre
Ce modèle s’effrite. Selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), les importations algériennes d’armes russes ont chuté d’environ 81 % si l’on compare la période 2015–2019 à la période 2020–2024. Dans le même temps, la part de la Russie dans les importations d’armement algériennes recule fortement, tandis que montent d’autres fournisseurs, comme la Chine, l’Allemagne ou la Turquie. Autrement dit : Alger s’emploie délibérément à réduire sa dépendance unilatérale à l’égard de Moscou.

En parallèle, les capacités exportatrices russes elles-mêmes se sont dégradées. Le SIPRI constate une chute d’environ deux tiers des exportations d’armes russes en moins d’une décennie. Raison principale : l’industrie de défense russe est réorientée vers les besoins immédiats de l’armée russe en Ukraine. Les munitions, les composants électroniques, les sous-ensembles critiques sont absorbés par l’effort de guerre. Les sanctions occidentales sur les composants sensibles compliquent encore la production. Résultat : les délais de livraison à l’export s’allongent, la maintenance lourde devient plus difficile à garantir, et l’accès à certaines pièces détachées devient aléatoire.

3.3. Conséquence doctrinale pour Alger
Cela crée une vulnérabilité stratégique. Une part importante de la défense aérienne algérienne, de la dissuasion navale en Méditerranée occidentale et de la capacité de frappe de précision dépend de systèmes russes. Si Moscou n’est plus capable d’assurer un soutien technique fiable, une chaîne de pièces détachées régulière et des mises à niveau crédibles en temps de crise régionale, alors la crédibilité opérationnelle algérienne est mécaniquement fragilisée.

Face à cela, l’Algérie ne rompt pas brutalement avec la Russie. Elle fait quelque chose de plus subtil : elle commence à diversifier. Diversifier, ici, ne veut pas seulement dire « acheter ailleurs », mais aussi transférer des compétences de maintenance, de modernisation et d’intégration technologique pour ne pas rester prisonnière d’un fournisseur unique. La Russie reste donc importante. Mais elle n’est plus considérée comme infaillible.

4. L’énergie : du discours commun de « producteurs souverains«  à une concurrence frontale en Europe

4.1. Avant la guerre en Ukraine
Avant 2022, Alger et Moscou pouvaient se présenter, sur le plan rhétorique, comme deux États producteurs d’hydrocarbures jaloux de leur souveraineté énergétique. Chacun défendait l’idée qu’aucune puissance occidentale ne devait dicter ses choix de prix, de volumes exportés ou de partenariats. L’Algérie partageait avec la Russie une certaine méfiance vis-à-vis de l’usage politique occidental de la question énergétique.

4.2. Après 2022 : basculement italien
Avec la guerre en Ukraine, ce paysage a explosé. L’Europe — et tout particulièrement l’Italie — a décidé de réduire rapidement sa dépendance au gaz russe. En avril 2022, le chef du gouvernement italien de l’époque s’est rendu à Alger pour annoncer une hausse d’environ 40 % des importations de gaz algérien, présentée comme un pilier de la stratégie italienne de sortie du gaz russe. Cet engagement a été rapporté par l’agence Reuters.

4.3. L’Algérie prend la place de la Russie
Dès 2023, l’Algérie devient le premier fournisseur de gaz de l’Italie, remplaçant de fait la Russie, qui fournissait auparavant une part massive des besoins italiens. Cela s’est traduit non seulement par une augmentation des flux gaziers algériens via les gazoducs existants, mais aussi par la signature d’accords structurants entre Sonatrach et Eni sur l’approvisionnement à moyen terme et la transition énergétique. Ces accords ont été mis en avant par Reuters.

Ce réalignement énergétique devient le socle d’une approche italienne plus large : faire de l’Italie une plateforme énergétique entre le sud méditerranéen et l’Europe, avec l’Algérie comme pilier. Cette lecture apparaît dans les analyses du Middle East Council / Gulf Research Center et dans des travaux spécialisés sur la coopération gazière et la transition vers des sources plus propres publiés par Ecco Climate.

4.4. De l’énergie à la sécurité commune
Cette dynamique ne se limite pas au gaz. À partir de 2023 et jusqu’en 2025, l’axe Alger–Rome s’étend à la sécurité du bassin méditerranéen, à la lutte contre le terrorisme, à la maîtrise des flux migratoires irréguliers, aux liaisons de télécommunications sous-marines, ainsi qu’à des engagements d’investissements conjoints. Des médias internationaux comme Reuters et Associated Press décrivent désormais la relation bilatérale non plus comme un simple contrat gazier, mais comme un partenariat stratégique complet, mêlant énergie, sécurité, économie et gestion commune des enjeux méditerranéens.

4.5. Ce que cela change vis-à-vis de Moscou
En clair, l’Algérie a pris la place de la Russie dans la sécurité énergétique de l’Italie, et plus largement du sud de l’Europe. Moscou, elle, cherche à empêcher une éjection définitive du marché européen. Des responsables italiens ont d’ailleurs expliqué qu’à long terme, après la guerre, l’Italie ne fermerait pas la porte à l’éventualité d’un retour partiel du gaz russe. Cette nuance, rapportée par Reuters, montre que Moscou n’a pas renoncé à retrouver une influence énergétique.

Mais pour Alger, la situation est désormais limpide :

  • soit elle est le fournisseur stable, politiquement fréquentable, et donc incontournable pour Rome et, par ricochet, pour l’Union européenne du Sud ;
  • soit la Russie réoccupe l’espace.

Cela signifie que Moscou et Alger ne sont plus seulement deux producteurs souverains « côte à côte » : elles sont en concurrence directe pour la même rente géopolitique, c’est-à-dire l’accès privilégié au marché énergétique européen. C’est une transformation majeure de la nature de leur relation.

5. Dimension diplomatique et politique : neutralité affichée, coût réel

L’Algérie a adopté ce qu’elle présente comme une neutralité de souveraineté dans la crise ukrainienne : elle refuse de s’aligner sur une logique de blocs, ne vote pas mécaniquement contre Moscou, mais ne se place pas non plus en protectrice inconditionnelle de Moscou. L’abstention algérienne lors du vote du 12 octobre 2022 à l’Assemblée générale de l’ONU (documentée dans le compte rendu officiel des Nations unies) illustre cette ligne.

Mais cette ligne a un prix, sur trois plans :

5.1. Dans le rapport avec l’Europe
Les partenaires européens, surtout ceux qui dépendent désormais du gaz algérien (Italie, Espagne, en partie la France via le gaz naturel liquéfié), ne veulent pas seulement une source énergétique fiable. Ils veulent aussi un partenaire politique perçu comme convergent avec la lecture européenne de la sécurité, lecture dans laquelle la Russie est considérée comme un facteur d’instabilité. Plus Alger apparaît comme trop liée à Moscou, plus certaines capitales du nord de la Méditerranée seront prudentes avant d’accorder à l’Algérie un rôle politique plein dans la gestion du Sahel, des migrations, ou de la sécurité méditerranéenne.

5.2. Dans le Sahel
Depuis le recul de l’influence militaire française au Mali, au Niger et au Burkina Faso, la Russie tente d’occuper l’espace laissé vacant à travers des accords sécuritaires, des appuis militaires directs ou indirects, et parfois via des acteurs de sécurité non conventionnels. Or, pour Alger, le Sahel (Niger, Mali, sud-libyen, bande sahélo-saharienne) n’est pas un terrain abstrait : c’est le prolongement immédiat de sa profondeur stratégique et de sa sécurité nationale. Quand la Russie avance dans cet espace sans coordination étroite avec Alger, elle ne se comporte pas comme un allié discipliné qui reconnaît la centralité algérienne. Elle se comporte comme une puissance qui déploie sa propre stratégie d’influence, potentiellement concurrente de la vision algérienne de la stabilité régionale.

5.3. Dans le dossier du Sahara occidental
Pour Alger, la question du Sahara occidental n’est pas seulement un dossier diplomatique parmi d’autres. C’est un enjeu de sécurité nationale, d’équilibre régional avec le Maroc, et de légitimité internationale autour du principe d’autodétermination. Dans cette perspective, un « allié fiable » serait celui qui, au Conseil de sécurité, bloque systématiquement toute tentative de présenter l’autonomie sous souveraineté marocaine comme « seule option réaliste » et qui soutient sans ambiguïté la logique du référendum d’autodétermination.

Or, la Russie, tout en critiquant parfois les positions occidentales favorables à Rabat, ne va pas toujours jusqu’à offrir à l’Algérie une protection diplomatique totale et permanente sur ce dossier, contrairement au soutien très affirmé que Washington apporte au Maroc. Ce décalage envoie un message clair à Alger : Moscou ne fournit pas un parapluie politique automatique sur une question vitale.

Conclusion intermédiaire : la Russie parle le langage de la souveraineté et du rejet des ingérences, ce qui correspond à la tradition algérienne. Mais quand il s’agit des dossiers prioritaires pour la sécurité nationale algérienne (Sahara occidental, Sahel, Libye), Moscou agit d’abord selon ses propres intérêts, pas forcément selon ceux d’Alger.

6. La question centrale : la Russie est-elle encore un allié fiable ?

On peut définir un allié fiable selon quatre fonctions concrètes. Observons si Moscou les remplit encore du point de vue algérien :

6.1. Fonction militaire
Un allié fiable doit garantir l’approvisionnement continu en armement, la maintenance lourde, les pièces détachées critiques, l’accès aux munitions de précision, et une forme de transfert de savoir-faire technique, y compris en situation de crise. Or, les analyses du SIPRI ainsi que son étude sur les tendances des transferts d’armes en Afrique du Nord et au Moyen-Orient SIPRI montrent que la Russie n’est plus en mesure d’assurer ce rôle avec la même régularité qu’auparavant. L’Algérie, constatant cette fragilité, diversifie ses sources. Traduction : la fiabilité militaire russe a baissé.

6.2. Fonction diplomatique
Un allié fiable doit apporter une couverture diplomatique dans les dossiers que l’on considère comme existentiels. Pour l’Algérie, cela inclut le Sahara occidental, le contrôle politique du Sahel et le refus de solutions imposées en Libye. Or, Moscou n’offre pas encore une défense automatique et inconditionnelle des priorités algériennes, même si elle reste utile pour contenir certaines pressions occidentales. Traduction : la fiabilité diplomatique russe est partielle.

6.3. Fonction économique et énergétique
Un allié fiable doit renforcer votre levier économique extérieur, pas l’affaiblir. Or, l’Algérie a investi la place laissée vacante par la Russie dans la sécurité énergétique de l’Italie et du sud de l’Europe. On assiste à la création d’un axe énergétique et sécuritaire Alger–Rome, avec des accords structurants sur le gaz, la transition énergétique, la sécurité frontalière, les infrastructures et les télécommunications sous-marines, comme le détaillent Reuters, Reuters, le Middle East Council / Gulf Research Center, Ecco Climate et Associated Press.

En clair : l’Algérie est désormais, aux yeux de Rome, le fournisseur stratégique qui remplace Moscou. Cela signifie que, sur le marché européen du gaz — qui est aujourd’hui la principale source de pouvoir d’influence extérieure d’Alger — l’Algérie et la Russie ne coopèrent plus, elles se concurrencent. La fiabilité économique-énergétique russe est donc discutable, car Moscou défend ses propres parts de marché, pas la montée en puissance algérienne.

6.4. Fonction d’image et de statut international
Un allié fiable doit améliorer votre statut politique international, pas le miner. L’Algérie cherche à se présenter auprès des capitales européennes comme un acteur de stabilité en Méditerranée, un garant de sécurité dans le Sahel, un partenaire sérieux sur les flux migratoires et un fournisseur d’énergie responsable. Les comptes rendus internationaux de Reuters et Associated Press décrivent précisément ce repositionnement algérien comme un axe stratégique pour l’Italie et pour l’Europe du Sud.

Or si Alger apparaissait trop alignée sur Moscou, cela limiterait sa capacité à convertir sa rente gazière en influence politique à Bruxelles, à Rome, à Madrid ou à Paris. Ce n’est pas dans son intérêt. Donc, même en termes d’image, s’enfermer dans le sillage russe est devenu risqué.

Bilan de ce test : sur les quatre fonctions (militaire, diplomatique, énergétique, réputationnelle), la Russie ne satisfait plus pleinement la définition de l’allié fiable.

7. La réponse algérienne : non pas la rupture, mais le découplage contrôlé

L’Algérie ne cherche pas une rupture brutale avec la Russie. Une rupture frontale coûterait très cher en termes de continuité des équipements militaires, de légitimité historique interne (mémoire de la solidarité soviétique), et d’équilibre diplomatique global. En revanche, Alger mène une stratégie de découplage contrôlé, qui s’articule en trois volets complémentaires :

7.1. Préserver le canal politique avec Moscou

Alger continue de se présenter comme une puissance souveraine qui ne reçoit pas d’ordres d’un camp contre l’autre. L’abstention à l’Assemblée générale des Nations unies du 12 octobre 2022, telle que rapportée par les Nations unies, est un signal : l’Algérie ne se laisse pas enrôler dans une croisade contre Moscou, mais refuse également d’endosser la guerre russe comme si c’était la sienne.

7.2. Réduire la dépendance militaire critique

La diversification des fournisseurs d’armes, confirmée par les données du SIPRI, permet à l’Algérie de ne plus être captive d’une seule base logistique et technologique. Moscou reste un fournisseur majeur, mais elle cesse progressivement d’être l’unique garant. Cela redonne de la marge doctrinale à Alger.

7.3. Consolider un axe stratégique avec l’Italie et, au-delà, avec l’Europe du Sud

La relation algéro-italienne n’est plus seulement gazière. C’est une relation de sécurité, d’infrastructures critiques, de contrôle des flux migratoires, de lutte contre le terrorisme, et d’intégration industrielle méditerranéenne. Reuters, Reuters, le Middle East Council / Gulf Research Center, Ecco Climate et Associated Press décrivent une architecture dans laquelle Alger devient un partenaire de stabilité euro-méditerranéenne, pas seulement un vendeur de gaz.

Ce mouvement est fondamental : il donne à l’Algérie un levier direct à Rome, et par ricochet dans l’espace européen, sans passer par Moscou. Il inscrit l’Algérie dans une logique méditerranéenne et sahélienne où elle assume un rôle d’acteur structurant, pas un rôle d’auxiliaire d’une puissance extérieure.

8. Conclusion générale

On peut résumer l’état actuel de la relation Algérie–Russie en quatre constats lourds :

Sur le plan diplomatique, Moscou parle le langage de la souveraineté et du refus de l’ingérence — un langage que l’Algérie revendique depuis 1962. Mais Moscou ne fournit pas, de façon automatique, un parapluie politique total sur les dossiers que l’Algérie considère comme existentiels : Sahara occidental, architecture sécuritaire au Sahel, gestion de la profondeur libyenne.

Sur le plan énergétique, l’Algérie n’est plus dans une posture de solidarité implicite avec la Russie face à l’Europe. Elle est devenue l’alternative à la Russie dans la sécurité énergétique de l’Italie et du sud de l’Europe. Cela place Alger et Moscou en concurrence directe pour l’accès au marché européen du gaz — qui est aujourd’hui l’outil principal d’influence extérieure de l’Algérie.

Sur le plan de l’image stratégique, l’Algérie veut être perçue par les capitales européennes comme une puissance de stabilité en Méditerranée et au Sahel, dotée d’une crédibilité énergétique, migratoire et sécuritaire. Une proximité trop visible avec Moscou deviendrait un handicap, car elle rendrait plus difficile la conversion de la rente gazière en influence politique concrète au nord de la Méditerranée.

Dès lors, l’Algérie se repositionne. Elle ne rompt pas avec la Russie, car ce serait coûteux et inutilement brutal. Mais elle refuse de rester enfermée dans une relation de dépendance héritée. Elle construit un axe méditerranéen avec l’Italie et, plus largement, avec l’Europe du Sud ; elle affirme que le Sahel n’est pas un terrain d’ingérence extérieure libre mais une zone de sécurité nationale algérienne ; elle rappelle que la question du Sahara occidental reste un dossier de souveraineté stratégique.

Ce repositionnement signifie quelque chose de très clair :

  • La Russie demeure une carte importante dans le jeu extérieur algérien.
  • Mais la Russie n’est plus la carte unique, ni la carte sûre en toutes circonstances.

L’Algérie agit désormais comme une puissance moyenne consciente de sa valeur, dans un environnement stratégique en recomposition rapide, où la guerre en Europe, la compétition énergétique, la crise du Sahel et la redéfinition des rapports euro-méditerranéens obligent chaque acteur à redessiner ses alliances.

Dr Tewfik Hamel

Enseignant-chercheur-formateur

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France–Algérie : Alain Ruscio dénonce « le retour du refoulé colonial»

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Alain Ruscio
Alain Ruscio est l'auteur d'un immense livre sur la première période de la colonisation

Dans une analyse lucide, l’historien français Alain Ruscio estime que le vote de l’Assemblée nationale sur les accords migratoires de 1968 révèle une France travaillée par ses vieux démons coloniaux. Selon lui, le pays vit aujourd’hui « le retour du refoulé impérial », où la nostalgie de l’empire se mêle à la xénophobie politique.

Au moment où Alger et Paris semblent renouer un timide dialogue, à la faveur du message envoyé par Emmanuel Macron à Abdelmadjid Tebboune pour la commémoration du 1er Novembre, un autre débat, plus profond, ressurgit en France : celui de la mémoire coloniale.

Le vote du 29 octobre à l’Assemblée nationale, favorable à la révision des accords migratoires de 1968, a ravivé les démons du passé et mis en lumière ce que l’historien français Alain Ruscio (spécialiste reconnu de la colonisation et de la guerre d’Algérie, auteur de Les non-dits de la colonisation, ancien chercheur au CNRS) nomme « le retour du refoulé colonial ».

Pour Ruscio, ce rapprochement du camp macroniste et de la droite traditionnelle avec l’extrême droite autour de cette motion n’a rien d’un accident politique.

« Ce n’est pas un épisode parlementaire isolé, dit-il, mais la réactivation d’un imaginaire impérial longtemps enfoui. »

Selon lui, la France n’a jamais réglé son rapport à son passé colonial, préférant substituer au travail critique une nostalgie impunie.

L’historien rappelle que cette nostalgie prend racine dès les débuts de la Ve République, lorsque Charles de Gaulle, tout en admettant l’inéluctabilité de l’indépendance algérienne, a traité la question algérienne comme une nécessité politique, non comme une refondation morale. Après lui, la droite a entretenu cette mémoire blessée, notamment sous la pression des pieds-noirs qui n’ont jamais accepté la perte de « leur Algérie ».

Cette sensibilité, observe Ruscio, s’est transmise jusqu’aux cercles du pouvoir : Philippe Tabarot, actuel ministre des Transports, est le fils d’un cadre de l’Organisation de l’armée secrète (OAS).

Pour l’historien, la séquence politique actuelle illustre un phénomène plus vaste qu’il appelle la « téléscopie idéologique » entre la droite classique et l’extrême droite.

Depuis les années Giscard, la frontière entre ces deux familles politiques s’est estompée, portée par la banalisation des discours islamophobes et xénophobes. Les médias, ajoute-t-il, ont contribué à cette dérive en offrant une tribune permanente à ceux qui réhabilitent, sous couvert de « mémoire historique », les pages les plus sombres du passé colonial.

Concernant les accords de 1968, Alain Ruscio démonte une idée reçue : ces accords n’ont jamais été un privilège pour les Algériens, mais une réponse aux besoins économiques de la France, soucieuse d’attirer une main-d’œuvre issue de l’ex-colonie pour soutenir la croissance des Trente Glorieuses.

Les présenter aujourd’hui comme un « avantage injustifié » relèverait d’une manipulation politique, destinée à désigner l’Algérie et les immigrés comme responsables symboliques d’un malaise identitaire français.

« Ce n’est pas l’Algérie qu’ils attaquent, c’est leur propre incapacité à se penser en dehors du passé impérial », résume Alain Ruscio.

Et d’ajouter que cette nostalgie ne s’arrête pas aux portes d’Alger : elle s’étend aussi aux territoires d’outre-mer, de Mayotte à la Nouvelle-Calédonie, où les mêmes réflexes coloniaux persistent sous couvert de défense de la souveraineté nationale.

Face à cette régression mémorielle, l’historien appelle à une riposte intellectuelle et morale : « Il ne suffit pas de s’indigner ; il faut déconstruire patiemment les récits falsifiés et restituer à l’histoire sa fonction critique. »

Pour lui, l’histoire n’est pas un mausolée, mais un outil de résistance contre le déni, l’oubli et la manipulation.

Synthèse Mourad Benyahia 

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France : les ordonnances ne servent à rien sans majorité

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Lecornu et Macron
Lecornu et Macron

Le Premier ministre, Sébastien Lecornu, est face à une impasse pour le vote de son projet de budget. S’il n’en n’a pas exprimé de vive voix le désir de recourir aux ordonnances, on lui prête cette intention comme levier de chantage. Cela ne servirait à rien dans les conditions actuelles.

Peut-être finira-t-il par choisir la voie des ordonnances mais rien n’est sûr car elle n’est pas la sortie garantie du blocage. Examinons ce que dit l’article 38 de la constitution française à propos de la mystérieuse existence des ordonnances. 

Article 38.

Le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.

Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d’État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.

A l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif.

Utilisons un langage peu orthodoxe et très populaire pour ceux qui n’ont pas perçu véritablement le sens et la procédure.

« Bon, leur dit le Premier ministre, si vous continuez à m’exaspérer, je décide de faire passer seul le texte malgré votre chahut de gamins insupportable. Je signe une ordonnance dans mon bureau pour laquelle je demanderai l’approbation du président et celle du gouvernement. Et le premier qui prononce la moindre opposition, je le vire. Car n’oubliez pas, le président siège et préside le conseil des ministres

C’est l’article 37 qui attribue à l’exécutif le pouvoir de signer des ordonnances car ils sont du domaine réglementaire défini par cet article. Il m’en autorise, sous réserve d’un avis du Conseil d’état et d’une validation par le conseil constitutionnel.

L’Assemblée, elle me fatigue, je passe outre son blocage exaspérant. D’autant que l’article 38 me le permet lorsqu’il y a une urgence. Et je ne vous rappelle pas que le vote d’un budget est encadré dans ses dates par la constitution ».

Il le pourrait effectivement mais ce n’est que gagner du temps. Car si nous relisons l’article 38, le premier alinéa n’autorise les ordonnances que pour une période limitée. Comme le vote du budget est du domaine de la loi, il faut une loi d’habilitation, donc votée par le parlement. 

Et on retourne au problème du début, où est la majorité pour voter cette loi d’habilitation ?  Où est donc l’intérêt des ordonnances ? Eh bien, voici notre première conclusion, elles n’ont d’intérêt que s’il y a une majorité absolue ou clairement identifiée. 

Dans ce cas, il obtiendrait satisfaction pour la loi d’habilitation puisqu’il est facile d’argumenter par l’urgence. Quelle chance aurait-il avec la même assemblée fracturée qui existe en ce moment ?

Il y a aussi un chantage avec justement ce délai imposé par la constitution pour voter un budget. Dans le cas d’un dépassement, le budget de l’année précédente est reconduit. Vous pouvez vous douter combien politiquement c’est difficile à le faire comprendre à la population. Les partis politiques seraient vraiment embarrassés. Notamment face à ceux qui attendent des revalorisations ou des décisions de soutien comme les subventions.

Mon dieu, que deviendrait mon 1% d’augmentation de ma retraite ? Je vais les assassiner !

Devant un chantage aussi dangereux dans ses conséquences, aussi bien pour les députés que pour le gouvernement, il peut activer l’article 49.3, celui qu’il s’était promis de ne pas utiliser. Il serait encore une fois confronté à la centième menace d’une mention de censure qui renverserait son gouvernement.

La décision de l’Assemblée serait alors de provoquer un autre danger, la dissolution. Les partis sont partagés car il faudra retourner aux urnes au risque de perdre des plumes au profit du Rassemblement National, ce qui est plus que possible.

D’autres possibilités existent comme celle de renvoyer le texte dans son écriture initiale  au Sénat. Mais s’enchainerait un dispositif pas moins risqué.

Reste enfin la possibilité d’une élection présidentielle anticipée. Si le Président l’a écartée, le Rassemblement National en rêve pourtant car c’est pour lui la perspective d’une victoire plus que probable. Surtout que la cour d’appel risque de confirmer avant cette date l’inégibilité prononcée à l’encontre de madame Le Pen par la juridiction du premier degré. 

Voilà pourquoi la France se trouve dans une crise de régime et non plus dans une crise politique. 

Il ne reste qu’un sursaut devant l’absolu gouffre qui menace tout le pays, celui d’un retour aux responsabilités des partis politiques. Mais là, autant demander à ma défunte grand-mère de revenir sur ses décisions. 

Fou est celui qui l’espérait. 

Boumediene Sid Lakhdar

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Visas étudiants en hausse vers la France et rejet massif des autres demandes

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Visa Schengen

La France a accordé plus de 8 000 visas d’études aux étudiants algériens pour la rentrée universitaire 2025-2026, marquant une hausse notable dans un contexte bilatéral pourtant traversé par des tensions persistantes sur les dossiers mémoriel, migratoire et diplomatique. Ce geste ciblé, perçu comme un signal d’apaisement, contraste avec la rigueur maintenue sur les autres catégories de visas.

Selon les chiffres communiqués par le ministère français des Affaires étrangères, 8 351 visas étudiants ont été délivrés cette année, soit une augmentation de 12,5 % par rapport à 2024. Le ministre Jean-Noël Barrot, auditionné fin octobre par le Sénat, a confirmé cette orientation : la France continue de privilégier la mobilité universitaire algérienne, tout en durcissant les conditions d’accès pour les autres demandeurs.

Cette hausse intervient alors que les relations franco-algériennes traversent une phase de refroidissement, notamment après la suspension de plusieurs accords bilatéraux et la montée des pressions politiques internes en France, où l’extrême droite réclame un contrôle accru des flux migratoires.

Les données officielles traduisent cette sélectivité : 31 % des demandes de visas algériennes ont été rejetées au cours des neuf premiers mois de 2025, soit près du double de la moyenne mondiale (16 %). Les visas touristiques ont reculé de 21 %, les visas économiques de 12,6 %, et les visas familiaux de 7,4 %. Globalement, le nombre total de visas délivrés a chuté de 14,5 % en un an.

Le maintien de ce canal étudiant constitue dès lors une exception dans une politique globale de restriction. En revanche, les hauts fonctionnaires et les titulaires de passeports diplomatiques restent exclus du dispositif, en raison du gel des accords de 2013 encadrant la circulation des personnels officiels.

Au-delà de sa portée administrative, la hausse des visas étudiants apparaît comme une manœuvre diplomatique subtile. En favorisant la mobilité académique, Paris cherche à préserver un des rares champs de coopération encore dynamiques avec Alger : l’enseignement supérieur et la culture.

Cette ouverture coïncide d’ailleurs avec plusieurs signes de détente : le message de félicitations adressé par Emmanuel Macron à Abdelmadjid Tebboune à l’occasion du 71ᵉ anniversaire du déclenchement de la Révolution algérienne, et des échanges exploratoires sur la reprise du dialogue sécuritaire suspendu depuis 2023.

Pour la France, miser sur la jeunesse algérienne revient à maintenir un lien d’influence et de confiance dans un contexte diplomatique tendu. Pour l’Algérie, cette ouverture partielle peut être interprétée comme une reconnaissance du rôle de sa diaspora étudiante et de sa place dans la coopération universitaire euro-méditerranéenne.

Reste que cette embellie demeure limitée. Le durcissement général du régime des visas, les désaccords mémoriels et la méfiance persistante sur les questions migratoires continuent d’entraver un véritable réchauffement entre Paris et Alger.

Ainsi, si les visas étudiants apparaissent comme un levier de diplomatie douce, ils ne sauraient à eux seuls effacer les divergences structurelles qui minent la relation bilatérale.

L’apaisement, encore timide, s’esquisse donc davantage dans le champ symbolique et culturel que dans le domaine politique — un équilibre fragile que les deux capitales semblent pour l’heure disposées à maintenir.

Samia Naït Iqbal

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Maroc–Algérie : la main tendue de Rabat et le silence d’Alger

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Mohammed VI
Mohammed VI

Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a affirmé, dans un entretien accordé à la deuxième chaîne de télévision nationale (2M) et rapporté par le quotidien londonien Al-Qods Al-Arabi, que la résolution des différends entre le Maroc et l’Algérie « n’a jamais été aussi proche » à condition, a-t-il insisté, « que la volonté politique soit au rendez-vous ».

Cette déclaration, survenue au lendemain de l’adoption par le Conseil de sécurité d’un nouveau texte soutenant la proposition marocaine d’autonomie pour le Sahara occidental, résonne comme une invitation directe à la réconciliation entre les deux voisins. « Le Maroc et l’Algérie n’ont pas besoin de médiation », a déclaré Bourita. « Personne ne connaît mieux l’Algérie que le Maroc, et personne ne connaît mieux le Maroc que l’Algérie. Nous pouvons régler nos différends nous-mêmes », a-t-il ajouté, soulignant que « le dialogue direct est préférable à toute médiation ».

Le chef de la diplomatie marocaine a par ailleurs estimé que « les relations entre les deux pays et la question du Sahara sont plus proches d’un règlement qu’elles ne l’ont jamais été », tout en précisant que cette perspective reste tributaire d’un engagement politique mutuel.

Ces propos interviennent dans un contexte marqué par un nouvel appel du roi Mohammed VI, adressé vendredi soir à son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, pour un « dialogue fraternel et sincère » en vue de bâtir « des relations fondées sur la confiance et la bonne entente ». Un message de conciliation qui tranche avec le climat de méfiance persistant entre les deux capitales, dont les relations diplomatiques sont rompues depuis août 2021 et les frontières terrestres fermées depuis 1994.

Jusqu’à présent, Alger n’a pas officiellement réagi à cette double ouverture — royale et ministérielle — de Rabat. Le silence observé par les autorités algériennes pourrait s’expliquer par le contexte politique sensible entourant la question du Sahara occidental, dossier central de la rivalité entre les deux pays. L’Algérie soutient la thèse de l’autodétermination défendue par le Front Polisario, tandis que le Maroc revendique la souveraineté sur le territoire et met en avant son plan d’autonomie comme « la seule solution réaliste et crédible ».

À noter qu’au début du mois d’octobre dernier, Massoud Boulos, conseiller de Donald Trump pour l’Afrique et le Moyen-Orient, a entamé une médiation discrète entre Rabat et Alger. Selon des sources diplomatiques citées par Al-Qods Al-Arabi, l’émissaire américain aurait promis un règlement du différend entre les deux voisins « dans un délai de soixante jours », nourrissant ainsi l’espoir d’un dégel progressif des relations.

Lors du vote du Conseil de sécurité, l’Algérie, non membre du Conseil, n’a pas pris part à la séance. Le texte, présenté par les États-Unis, a été approuvé par onze pays sur quinze, tandis que la Russie, la Chine et le Pakistan se sont abstenus. Pour Rabat, ce résultat confirme, selon Bourita, « le soutien international croissant à la proposition marocaine ».

Reste à savoir quelle lecture fera Alger de cette nouvelle séquence diplomatique. L’appel de Bourita à un « dialogue sans médiation » et la main tendue du roi pourraient ouvrir une brèche dans le mur du silence — à moins que la diplomatie algérienne ne préfère attendre l’issue de l’initiative américaine avant de réajuster sa position. Dans tous les cas, la balle semble désormais dans le camp d’Alger.

Samia Naït Iqbal

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Soudan : les paramilitaires des FSR rackettent les habitants d’El-Fasher

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Les paramilitaires des Forces de soutien rapide de Hemedti
Les paramilitaires des Forces de soutien rapide de Hemedti tuent et rançonnent la population.

Au Soudan, plus d’une semaine après la prise de la ville d’El-Fasher par les Forces de soutien rapide du sinistre général Hemedti, les demandes de rançons se multiplient, selon de nombreux témoignages.

Les paramilitaires obligent leurs détenus à envoyer ces demandes à leurs proches réfugiés dans d’autres pays, notamment au Soudan du Sud. RFI a pu recueillir le témoignage d’un Soudanais réfugié au camp de Gorom, dont nous ne révélons pas l’identité pour sa sécurité. Il dit avoir fait libérer deux de ses cousins en envoyant de l’argent à un milicien FSR par une application bancaire. 

Les trois premiers jours et alors que les images des atrocités commises par les FSR déferlaient sur les réseaux sociaux après la prise d’El-Fasher, Ali n’a reçu aucune nouvelle de ses proches. Et puis, une demande de rançon est arrivée par la messagerie Facebook de son cousin. Ce dernier expliquait qu’il avait fui, avec un autre cousin d’Ali, et que tous deux étaient retenus par les FSR qui exigeaient une rançon. « « Si tu ne paies pas, ils vont nous tuer » disait son message. Ils ont fait un appel vidéo montrant mes cousins avec leurs armes pointées sur sa tête. Les FSR m’ont dit : « Tu n’as que deux jours, si tu n’envoies pas l’argent, tu ne reverras jamais tes cousins » », explique-t-il.

De nombreuses demandes de rançons

Ali a immédiatement commencé à collecter de l’argent via son application bancaire auprès de 20 membres de sa famille élargie. En deux jours, il est parvenu à la somme exigée par les FSR : 2 000 dollars par personne, soit 4 000 dollars pour sauver ses deux cousins. « J’ai donc envoyé l’argent sur le compte du membre des FSR. Ils ont ensuite relâché mes cousins et les ont emmenés dans le village de Tawila. De là-bas, mon cousin m’a appelé et m’a dit qu’ils avaient été relâchés et étaient en sécurité ».

Selon Ali, de très nombreuses familles réfugiées à Gorom ont elles aussi reçu des demandes de rançon. Il déplore l’inaction de la communauté internationale face aux graves crimes en cours au Soudan.

« Dans notre groupe, il y avait des femmes, des enfants et des personnes âgées. Ils sont allés jusqu’à fouiller les couches hygiéniques des femmes et les couches des bébés à la recherche d’argent ou de bijoux. Ils ont séparé les hommes et les femmes dans notre groupe. Ils ont libéré certains et ont pris des jeunes à un entrainement rapide de deux heures. Ils les ont ensuite envoyés aux combats en les plaçant en première ligne », raconte Mohamad, 56 ans, qui a fui El-Fasher mais a été pris en piège dans des accrochages à la sortie de la ville.

Crimes de guerre à El Fasher

Le bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a averti lundi que les atrocités commises par les Forces de soutien rapide (FSR) dans la ville d’El-Facher pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

«Ces atrocités s’inscrivent dans un contexte de violence plus large qui ravage toute la région du Darfour depuis avril 2023. De tels actes, s’ils sont avérés, pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité au sens du Statut de Rome», texte fondateur de la cour, a déclaré dans un communiqué le bureau du procureur de la CPI, qui siège à La Haye.

Après 18 mois de siège, les FSR ont pris fin octobre El-Facher, dernier verrou stratégique qui échappait à leur contrôle au Darfour, vaste région de l’ouest du Soudan.

En cours depuis avril 2023, le conflit au Soudan a fait des milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l’ONU.

 De nouvelles images satellites et l’ONG Médecins sans frontières (MSF) suggèrent samedi la poursuite des massacres dans la ville soudanaise d’El-Facher, près d’une semaine après sa prise par les paramilitaires.

Alors que les informations sur des violences contre les civils se multiplient, les chefs de la diplomatie allemande et britannique ont alerté sur une situation « absolument apocalyptique » et « véritablement terrifiante » sur le terrain.

Après 18 mois de siège, les Forces de soutien rapides (FSR, paramilitaires) de Mohamed Daglo ont pris dimanche El-Facher, dernière grande ville du Darfour (ouest) qui échappait encore à leur contrôle dans leur guerre contre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane.

Selon le Laboratoire de recherche humanitaire de l’université de Yale, qui analyse des vidéos et des images satellites, les dernières images datant de vendredi ne « montrent aucun mouvement à grande échelle » à El-Facher, ce qui suggère que la majorité de sa population est « morte, capturée ou cachée ».

Le laboratoire a identifié au moins 31 groupes d’objets correspondant à des corps humains entre lundi et vendredi, dans différents quartiers, sur des sites universitaires et des sites militaires. « Les indices montrant que les massacres se poursuivent sont clairement visibles », conclut-il.

Avec RFI/AFP et agences

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Mali : rançon en échange d’otages et poursuite du blocus, comment le Jnim resserre l’étau sur Bamako

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Au Mali, les jihadistes du Jnim ont libéré la semaine dernière deux otages émiriens et un Iranien, en échange d’une rançon de 50 à 70 millions de dollars et de matériel militaire. Le blocus sur les importations de carburant entamé début septembre se poursuit, entraînant l’arrêt de nombreuses activités, la fermeture des écoles et la raréfaction de certains produits.

Les attaques jihadistes sur les routes maliennes sont quasi quotidiennes et, ces derniers jours, plusieurs ambassades ont appelé leurs ressortissants à quitter le Mali dès que possible. Le Jnim se renforce et resserre l’étau sur Bamako, privilégiant l’étouffement économique à l’assaut par les armes. Analyse.

Les trois hommes, deux Émiriens et un Iranien, avaient été capturés à une trentaine de kilomètres de Bamako le 23 septembre dernier, dans un aérodrome privé de la commune de Sanankoroba. Des négociations pour leur libération avaient très rapidement été enclenchées, via plusieurs intermédiaires, sous l’égide des services maliens de renseignement. La libération a finalement pu avoir lieu 29 octobre dernier. D’après les informations révélées par notre confrère Wassim Nasr de France 24, que RFI a pu recouper depuis, une rançon de 50 à 70 millions de dollars a été versée. Plusieurs tonnes de matériel militaire – véhicules et armement – ont aussi été livrées au groupe jihadiste. Selon plusieurs sources, un échange de prisonniers a également eu lieu.

Dans les caisses du Jnim

« Le versement d’une rançon colossale constitue une injection de liquidités immédiate et massive dans les caisses du Jnim, explique Bakary Sambe, directeur à Dakar du centre de recherche Timbuktu Institute. Ce n’est pas une simple rentrée d’argent, ça pourrait être un accélérateur stratégique : le groupe peut convertir des fonds en capacité opérationnelle concrète, avec l’achat d’armes lourdes, d’explosifs, de drones de reconnaissance ou d’attaque, des armes légères ou des systèmes de communication cryptée ».

« À cela s’ajoute la livraison de matériel exigée en échange de la libération des otages, poursuit Bakary Sambe, avec des véhicules tout terrain renforcés, carburant, pièces détachées, voire armes légères, ce qui renforce directement la logistique et la mobilité du groupe. Cela pourrait aussi faciliter un recrutement accéléré, et surtout une amplification de la propagande : chaque rançon payée est présentée comme une taxe sur les « croisés économiques« , légitimant le jihad économique et attirant de nouvelles recrues. Il est clair qu’à court terme, c’est une montée en puissance exponentielle, analyse le directeur du Timbuktu Institute. Plus de raids, plus sophistiqués et surtout une capacité à tenir des zones sous blocus prolongé, comme les axes Kayes-Bamako ou Bamako-Ségou ».

Dans le même temps, les jihadistes du Jnim resserrent inlassablement leur étau sur la capitale malienne, Bamako. Le blocus sur les importations de carburant entamé début septembre se poursuit, entraînant l’arrêt de nombreuses activités, la fermeture des écoles et la raréfaction de certains produits. Les attaques jihadistes sur les routes maliennes sont quasi quotidiennes et, ces derniers jours, plusieurs ambassades ont appelé leurs ressortissants à quitter le Mali dès que possible. C’est le cas des États-Unis, du Canada, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de l’Espagne, de l’Italie ou encore de l’Australie.

Un « étouffement progressif » plutôt qu’un « assaut frontal »

Pour autant, les jihadistes ne semblent pas préparer un assaut militaire contre la capitale malienne, mais plutôt œuvrer à un épuisement économique destiné à fragiliser le régime de transition en place. « Plusieurs aspects m’inspirent la prudence sur l’imminence d’un assaut frontal sur Bamako qui, estime le directeur du Timbuktu Institute, n’est ni dans la doctrine, ni dans les capacités actuelles du Jnim. Ce n’est pas son objectif. Le groupe a dû apprendre des expériences passées [notamment l’occupation et l’administration des régions du nord du Mali pendant dix mois en 2012, NDLR] et a fait le choix stratégique de l’étouffement progressif : une guerre d’usure économique et politique, qui délégitime le régime sans jamais s’exposer à une bataille conventionnelle qui serait perdue d’avance ».

Depuis juillet dernier, plusieurs attaques ont ciblé des sites industriels ou miniers, notamment dans la région de Kayes, qui représente 80% de la production d’or du Mali, sa principale richesse. On peut citer la cimenterie Diamond Cement Factory à Kayes – trois ingénieurs indiens avaient été enlevés – et plusieurs mines de la région de Kayes (une dizaine de salariés chinois kidnappés). La mine de lithium de Bougouni, exploitée par l’entreprise britannique Kodal Minerals, a également subi plusieurs raids. Sans parler, bien évidemment, des destructions de plusieurs centaines de camions citernes depuis deux mois sur les routes reliant Bamako au Sénégal ou à la Côte d’Ivoire, qui ont créé une pénurie d’essence massive dans tout le pays et jusqu’à Bamako.

« Le Jnim veut que Bamako s’effondre de l’intérieur »

« Le Jnim, dans le contexte actuel, ne veut pas ipso facto prendre et gouverner Bamako, il veut que Bamako s’effondre de l’intérieur, analyse Bakary Sambe, avec des chutes de recettes d’exportation, la fuite des investissements directs et un mécontentement populaire, surtout que le régime avait promis la sécurité et la souveraineté avec Moscou. Aujourd’hui, le Jnim essaie de renvoyer l’image d’un échec cuisant. C’est une guerre par asphyxie, mais aussi par une stratégie de décrédibilisation, en démontrant tous les jours qu’il y a une incapacité à assurer la sécurité des populations ». 

Dans une note à paraître ce mardi, le Timbuktu Institute développe une analyse fouillée sur cette « Offensive du Jnim : entre « jihad » économique et menace des intérêts étrangers ».

Dans un communiqué diffusé ce lundi, l’armée malienne affirme avoir ciblé « une importante base terroriste » près de Sirakoro, région de Bougouni, dans le centre du pays. Selon l’état-major, le site servait « à la planification d’attaques contre les convois de citernes de carburant ». L’armée malienne revendique « plus d’une dizaine de terroristes neutralisés » et du matériel détruit ou récupéré. Cette opération aura « sans nul doute, selon le communiqué, des répercussions significatives sur l’approvisionnement en hydrocarbures ».

Rfi

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Mme Lila Somé : « Aux jeunes qui doutent, il n’est jamais trop tard pour rebondir »

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Mme Lila Somé,

À l’occasion du Festival Vivacité, grand rendez-vous marseillais dédié à la vie associative et citoyenne, nous avons rencontré Mme Lila Somé, la directrice de l’École de la Deuxième Chance (E2C) de Marseille et son équipe. Cet festival a permis de mettre en lumière des initiatives porteuses d’espoir pour la jeunesse.

L’E2C Marseille, véritable tremplin pour les jeunes sortis du système scolaire sans diplôme, leur offre une seconde chance d’apprendre, de se former et de s’insérer dans le monde professionnel. Rencontre avec Mme Lila Somé.

Le Matin d’Algérie : Pouvez-vous présenter l’E2C Marseille et ses missions principales ?

Mme Lila Somé : L’École de la 2e Chance (E2C) Marseille est un dispositif innovant d’insertion socio-professionnelle qui s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans, sortis du système scolaire sans diplôme ni qualification. Notre mission principale est de les accompagner dans la construction de leur projet professionnel, et de les aider à accéder à un emploi ou à une formation qualifiante. L’E2C repose sur une pédagogie individualisée, basée sur l’approche par compétences et le lien avec le monde de l’entreprise.

Le Matin d’Algérie : Depuis combien de temps l’E2C existe-t-elle à Marseille et quels ont été ses principaux succès ?

Mme Lila Somé : L’E2C Marseille a été créée en 1998, 1er établissement amené à fédérer un réseau comptant désormais 146 sites-écoles répartis dans toute la France et les territoires d’outre-mer. Depuis plus de 25 ans, nous avons accompagné des milliers de jeunes vers une insertion sociale et professionnelle durable. Nos principaux succès, ce sont avant tout les parcours réussis de nos anciens participants : aujourd’hui près de 60 % d’entre eux accèdent à l’emploi ou à une formation qualifiante à l’issue de leur passage chez nous. Nous sommes aussi fiers des partenariats solides que nous avons construits avec les entreprises locales. En 2019, forts de ces succès, nous avons ouvert un 2ème site sur Marseille afin de mener notre action plus efficacement dans les quartiers sud de la ville.

Le Matin d’Algérie : Quels profils de jeunes peuvent bénéficier de votre programme et comment les sélectionnez-vous ?

Mme Lila Somé : Notre programme s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans, sans diplôme ou qualification, sortis du système scolaire ou professionnel et en cumul de vulnérabilités. Il faut également que le jeune ait un justificatif d’identité en cours de validité. La sélection se fait essentiellement sur la base de la motivation. Après une réunion d’information collective, chaque jeune bénéficie d’un entretien individuel afin de préciser son projet et ses attentes. Ce que nous recherchons, c’est une envie de s’en sortir et de construire un projet même s’il n’est pas encore clairement défini.

Le Matin d’Algérie : En quoi consiste exactement la formation tremplin proposée par l’E2C ?

Mme Lila Somé : La formation tremplin de l’E2C est un parcours individualisé d’environ 6 mois (en fonction du besoin du jeune), qui alterne des périodes en centre de formation et des stages en entreprise. Le dispositif est gratuit et rémunéré grâce au soutien de la Région SUD. L’objectif est de permettre au jeune de définir un projet professionnel réaliste, d’acquérir des compétences de base et de développer son savoir-être en entreprise. Chaque parcours est unique, construit en fonction des besoins et des objectifs du jeune.

Le Matin d’Algérie : Comment accompagnez-vous les jeunes dans la définition et la réalisation de leur projet professionnel ?

Mme Lila Somé : Chaque jeune est suivi par un formateur-référent qui l’accompagne tout au long du parcours. Ensemble, ils travaillent à identifier les centres d’intérêt, les compétences, et les opportunités professionnelles possibles. Les stages en entreprise permettent d’explorer plusieurs métiers. Des ateliers de coaching, des rencontres avec des professionnels, et des immersions aident aussi à affiner et valider le projet professionnel.

Le Matin d’Algérie : Quels types de stages ou d’alternances sont proposés aux participants et comment sont-ils choisis ?

Mme Lila Somé : Les stages sont choisis en fonction du projet professionnel du jeune, ou parfois pour lui faire découvrir un secteur qu’il ou elle ne connaît pas encore. Nous avons des partenariats dans des domaines très variés : commerce, bâtiment, restauration, aide à la personne, numérique, etc. Les jeunes que nous accueillons ont le statut de stagiaire de la formation professionnelle et ont donc vocation à développer leurs compétences sur le terrain, en entreprise. Nous préparons les jeunes à cela.

Le Matin d’Algérie : Comment l’E2C prépare-t-elle les jeunes à monter en compétences dans leur domaine choisi ?

Mme Lila Somé : Nous travaillons sur les compétences fondamentales (français, mathématiques, numérique), mais aussi sur les compétences transversales : ponctualité, communication, esprit d’équipe, confiance en soi… Le jeune peut aussi suivre des modules spécifiques à son projet (prépa métiers, certifications, ateliers techniques…). Le contact avec l’entreprise est central, car c’est en situation réelle que les compétences prennent tout leur sens.

Le Matin d’Algérie : Quels soutiens ou encadrements sont proposés tout au long du parcours pour assurer la réussite des participants ?

Mme Lila Somé : Chaque jeune bénéficie d’un accompagnement individualisé avec un formateur référent, mais aussi d’un encadrement global : accompagnement social, aide à la mobilité, soutien psychologique si besoin, mise à disposition d’outils numériques. Notre équipe pluridisciplinaire est très engagée. Nous travaillons également avec un réseau de partenaires pour lever certains freins périphériques à l’insertion.

Le Matin d’Algérie : Quels sont les principaux débouchés pour les jeunes après leur passage à l’E2C Marseille ?

Mme Lila Somé : À la sortie, les jeunes peuvent intégrer une formation qualifiante (21% en 2024) ou accéder directement à un emploi (20% en 2024). Certains créent même leur propre activité. L’important, c’est que chacun sorte avec un projet solide et réaliste, adapté à ses envies et à son potentiel. Nous assurons également un suivi post-parcours pendant plusieurs mois pour sécuriser les suites.

Le Matin d’Algérie : Quel message souhaiteriez-vous adresser aux lecteurs du Matin d’Algérie, notamment aux jeunes qui hésitent encore à rejoindre votre programme ?

Mme Lila Somé : À tous les jeunes qui doutent, je voudrais dire ceci : il n’est jamais trop tard pour rebondir. L’E2C Marseille est un lieu où vous êtes accueillis sans jugement, où on croit en vous mêmes si vous avez décroché. Vous n’êtes pas seuls. Si vous avez envie de vous construire un avenir, même sans diplôme, vous êtes les bienvenus. Osez faire le premier pas, le reste, on le construira ensemble.

Entretien réalisé par Djamal Guettala 

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France–Algérie : les signaux d’un retour au dialogue

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Tebboune Macron
Tebboune et Macron.

À l’occasion du 71ᵉ anniversaire du déclenchement de la Révolution algérienne du 1ᵉʳ novembre 1954, le président français Emmanuel Macron a adressé un message de félicitations à son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune.

Le geste n’a rien d’exceptionnel mais il vaut son pesant de symboles en ces mois de glaciation entre Alger et Paris. Dans cette lettre rendue publique par la présidence de la République, le chef de l’État français exprime à « tout le peuple algérien » ses « chaleureuses félicitations et ses meilleurs vœux ». Un geste symbolique, mais significatif, après plusieurs mois de gel dans les relations entre Alger et Paris.

Depuis le début de l’année, les relations bilatérales ont en effet traversé une phase de tensions marquées par la suspension des échanges politiques de haut niveau, avec rappel des ambassadeurs, sur fond de divergences d’abord sur la question du Sahara occidental avant que la crise ne déborde également sur la mémoire coloniale, la question migratoire, le traitement des ressortissants algériens en France et le refus des autorités algériennes d’accueillir les ressortissants expulsés de France. A ce panier à problèmes s’est ajoutée l’affaire de la tentative d’enlèvement de l’influenceur Amir Dz, lourdement condamné par contumace en Algérie. La justice française accuse

Or, depuis quelques semaines, plusieurs signaux émanant des plus hautes autorités françaises laissent entrevoir une volonté de relancer le dialogue. Outre le message du président Macron, les déclarations récentes du nouveau ministre français de l’Intérieur, favorables à une approche plus pragmatique et respectueuse envers Alger, ont été perçues comme un geste de détente.

Du côté algérien, la réponse semble tout aussi mesurée que réceptive. Le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a réagi avec retenue au vote, par l’Assemblée nationale française, d’une résolution non contraignante présentée par le Rassemblement national appelant à l’abrogation des accords de 1968 sur la circulation et le séjour des ressortissants algériens. En estimant que ce texte « n’engage pas l’État français », Attaf a clairement choisi d’éviter la surenchère et d’inscrire la réaction d’Alger dans une logique d’apaisement.

Ce double mouvement – geste présidentiel à Paris et ton mesuré à Alger – traduit une forme de reprise de contact politique, après une longue période de crispation. Le contexte international, marqué par les recompositions géopolitiques en Méditerranée et au Sahel, ainsi que les intérêts partagés dans les domaines énergétique et sécuritaire, plaide pour une normalisation rapide entre les deux capitales. L’autre élément encourageant est la dernière sortie de Laurent Nunez, ministre de l’Intérieur français. Celui-ci a estimé que la stratégie de tension n’est pas payante.

Reste à savoir si cette nouvelle séquence marquera un véritable tournant ou si elle se limitera à une parenthèse diplomatique de circonstance. Mais à travers ce message du 1ᵉʳ Novembre, Paris semble vouloir rouvrir la voie d’un dialogue pragmatique avec Alger, tandis que cette dernière, sans renoncer à ses positions de principe, semble prête à en saisir le signal.

Maintenant que le conseil de sécurité a voté la résolution sur le Sahara occidental, le bon sens diplomatique reprendra-t-il sa place enfin entre les deux capitales ?

La rédaction

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L’Espagne examine la demande d’extradition de l’ancien sénateur Abdelkader Djedia

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Abdelkader Djedia
Abdelkader Djedia, ex-sénateur algérien en fuite en Espagne.

L’ancien sénateur algérien Abdelkader Djedia a comparu, lundi, devant une juridiction nationale espagnole à Madrid dans le cadre d’une audience préliminaire consacrée à la demande d’extradition formulée par les autorités algériennes.

Cette procédure, qui soulève des questions à la fois politiques et juridiques, met en lumière les tensions persistantes entre liberté d’expression parlementaire et poursuites pénales en Algérie.

L’affaire remonte à décembre 2019, lorsque Abdelkader Djedia, élu de la wilaya de Ouargla, avait pris la parole au Conseil de la nation pour dénoncer la gestion jugée « défaillante » des régions du Sud et appeler à une participation accrue des populations locales dans la politique énergétique, notamment autour de l’exploitation du gaz de schiste.

Ces propos, relayés par plusieurs médias, ont été perçus par les autorités comme des déclarations portant atteinte à l’intérêt national. Poursuivi pour outrage à corps constituépublication d’enregistrements portant atteinte à l’intérêt national et diffusion de nouvelles susceptibles de troubler l’ordre public, le parlementaire a vu son immunité levée en octobre 2023, une décision entérinée par la Cour constitutionnelle en février 2024.

Jugé par contumace, Abdelkader Djedia a été condamné à trois ans de prison ferme et à une amende de 500 000 dinars algériens (environ 3 320 euros). Peu après, il a quitté l’Algérie pour l’Espagne, où il a sollicité la protection des autorités judiciaires.

L’audience de Madrid marque le premier acte d’une procédure qui s’annonce sensible. L’Espagne, liée à l’Algérie par des accords de coopération judiciaire, devra déterminer si les accusations visant Djediat relèvent du droit commun ou s’inscrivent dans un contexte politique. Cette distinction sera déterminante dans la décision finale sur l’extradition.

La défense de l’ancien sénateur soutient que les poursuites ont une nature éminemment politique, visant à sanctionner un discours critique à l’intérieur d’une institution parlementaire. Plusieurs organisations de défense des droits humains ainsi que l’Union interparlementaire (UIP) ont exprimé leurs inquiétudes à ce sujet. L’UIP a d’ailleurs adressé une demande de clarification au Parlement algérien concernant les conditions dans lesquelles l’immunité de Djediat a été levée et les garanties offertes à la défense.

La décision de l’Audience nationale espagnole, dont la date de délibération n’a pas encore été fixée, pourrait constituer un précédent important. Au-delà du cas personnel de l’ancien sénateur, le verdict sera observé comme un indicateur de la manière dont la justice espagnole évalue les garanties judiciaires offertes en Algérie et la compatibilité des demandes d’extradition avec les principes européens relatifs à la liberté d’expression et à la protection des élus.

Samia Naït Iqbal

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