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Médiation algérienne entre le Polisario et le Maroc : la belle affaire !

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Ahmed Attaf
Ahmed Attaf brasse du vent. Crédit photo : DR

Le 18 novembre 2025, depuis le ministère des Affaires étrangères à Alger, Ahmed Attaf a de nouveau tenté de présenter l’Algérie comme un acteur diplomatique responsable et un médiateur incontournable dans le dossier du Sahara occidental. Renversant.

Pourtant, cette posture volontairement vertueuse apparaît en profond décalage avec la réalité : un pays ayant rompu ses relations avec le Maroc et tenant un discours ouvertement hostile à Rabat peut-il sérieusement prétendre jouer les arbitres neutres ? La diplomatie versus Tebboune-Attaf ne recule devant aucun cynisme et ne craint surtout pas le ridicule. Maintenant que les Etats-Unis ont pris en main le dossier du Sahara occidental, l’Algérie qui abrite les bases des combattants du Polisario se découvre une mission de médiatrice.

Ahmed Attaf a réaffirmé la volonté du gouvernement d’accompagner une médiation entre le Maroc et le Front Polisario sous l’égide de l’ONU. Ainsi donc, l’Algérie de Tebboune veut être juge et partie ! Mais tout le monde le sait, cette « disponibilité » s’inscrit dans un contexte où l’Algérie soutient ouvertement l’une des parties tout en rejetant tout dialogue avec l’autre.

La même Algérie n’a-t-elle pas créé une crise diplomatique avec la France suite au soutien d’Emmanuel Macron au plan marocain pour le Sahara occidental ? N’a-t-elle pas rappelé son ambassadeur à Madrid pour les mêmes raisons avant de se raviser. Disons-le franchement, il est difficile, dans ces conditions, de crédibiliser un rôle de médiateur, a fortiori lorsque les relations diplomatiques sont inexistantes.

Qu’importe ! Le ministre des Affaires étrangères algérien a longuement salué la résolution 2797 du Conseil de sécurité, renouvelant le mandat de la MINURSO. Il a présenté ce renouvellement comme une victoire pour le Front Polisario, rappelant que la mission onusienne vise, entre autres, à préparer un référendum incluant l’option de l’indépendance. Cette lecture, alignée sur la position du Polisario, illustre une fois de plus l’absence d’équilibre algérien dans ce dossier — équilibre pourtant indispensable pour qu’un pays se pose en médiateur crédible.

Selon Attaf, la résolution préserverait les « garanties » d’un règlement juste, notamment l’autodétermination. Mais en insistant sur les avancées supposées du Polisario et en rejetant implicitement la proposition marocaine d’autonomie, Alger renforce l’impression d’un rôle partisan plutôt que celui d’un acteur neutre.

Concernant le Sahel, Ahmed Attaf a insisté sur la dégradation sécuritaire au Mali et sur la nécessité d’un dialogue national loin des « ingérences étrangères ». Ici encore, l’Algérie se présente en donneuse de leçons diplomatiques alors qu’elle peine à éviter une logique d’ingérence sélective, notamment lorsqu’il s’agit du Sahara occidental.

Enfin, évoquant la fin de la mission de l’Algérie au Conseil de sécurité, Attaf a tenté de dresser le portrait flatteur d’un pays fidèle à ses principes et engagé pour la paix régionale. Se pouvait-il autrement ? Or, la dissonance entre ce discours et sa diplomatie à l’influence quasi-nulle en Afrique et ailleurs, ne laisse aucun doute. Mieux encore, comment revendiquer la promotion du dialogue tout en refusant toute relation avec un voisin central pour la stabilité du Maghreb ? Ou en ouvrant une crise avec le Mali ?

Au final, si l’Algérie officielle cherche à se présenter comme un acteur responsable et influen, ses contradictions et sa diplomatie sans envergure et figée dans le temps affaiblissent considérablement sa crédibilité.

Yacine K.

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Le ministre de la Communication devant les députés : sous le vernis du discours, l’illusion de liberté

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Zoheir Bouamama
Zoheir Bouamama

Devant la commission parlementaire de la culture, de la communication et du tourisme, le ministre de la Communication Zoheir Bouamama a présenté, lundi 17 novembre 2025, un tableau flatteur de l’évolution du secteur. Selon lui, la communication nationale serait engagée dans une « transformation profonde » impulsée par les orientations du président Abdelmadjid Tebboune.

Un discours volontariste, mais qui contraste avec la réalité complexe d’un paysage médiatique où la liberté d’expression reste davantage invoquée que protégée.

Bouamama s’est voulu rassurant : vision globale, évaluation permanente, mise à jour des outils et numérisation. Le triptyque est séduisant, mais souvent rabâché, sans traduction concrète.

Il assure vouloir développer les médias, garantir la liberté d’expression et protéger l’identité nationale. Autant d’engagements louables, mais qui demeurent pour l’heure au stade déclaratif.

L’annonce de l’activation « imminente » des nouvelles autorités de régulation et de la création d’un comité d’éthique pourrait marquer une étape. Mais leur indépendance réelle reste incertaine — et l’expérience récente invite à la prudence.

Bouamama a multiplié les annonces : réorganisation du marché publicitaire, révision du prix du Président pour le journaliste professionnel, restructuration administrative, modernisation de l’APS et des archives audiovisuelles.

Le discours technique est dense, mais il laisse dans l’ombre les questions politiques : pluralisme, pressions, dépendance à la publicité institutionnelle. Tout ce qui fâche est passé sous le tapis.

Derrière la modernisation promise affleure un risque : celui d’un vernis technologique qui masque mal l’absence de réformes structurelles et l’incapacité du secteur à garantir une véritable liberté d’informer.

Communication institutionnelle : tout pour le contrôle de l’espace public

Le ministre a présenté l’achèvement du Projet stratégique national de communication institutionnelle. Objectif affiché : renforcer la confiance et améliorer l’image du pays. Comme si les discours pouvaient suffire pour édulcorer une réalité autrement plus prosaïque.

Mais ce projet s’inscrit clairement dans une volonté de structurer le récit officiel, plus que dans une démarche de transparence ou d’ouverture.

La communication institutionnelle ne peut, à elle seule, instaurer la confiance. Pour cela, il faudrait un environnement médiatique pluraliste, indépendant et respectueux de la critique. Sans ces garanties, la liberté proclamée par les autorités demeure largement théorique.

En définitive, les annonces du ministre dessinent une feuille de route ambitieuse mais incertaine.

Les réformes sont énumérées, les concepts alignés, mais les pratiques demeurent inchangées. Les questions fondamentales — indépendance, pluralisme, droits des journalistes — restent éludées. Motus et bouche cousue.

Tant que ces questions ne sont pas abordées frontalement, le discours technique continuera de servir de paravent, et la liberté d’expression restera une promesse plus qu’une réalité.

D’où cette interrogation, à la fois simple et essentielle : le pouvoir veut-il réellement transformer le système médiatique ou seulement entretenir l’illusion de liberté ?

La rédaction

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Arabie saoudite : 45 pèlerins indiens périssent dans un accident près de Médine

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Car de pèlerin en feu en Arabie saoudite
Car de pèlerin en feu en Arabie saoudite. Crédit photo : DR

Un drame d’une rare violence a endeuillé, lundi, la route reliant La Mecque à Médine. Un autocar transportant des pèlerins de la Omra, majoritairement originaires de l’État indien du Telangana, est entré en collision avec un camion-citerne chargé de carburant, provoquant un incendie fulgurant qui a coûté la vie à 45 personnes.

Selon les autorités indiennes, 46 passagers se trouvaient à bord. Les corps, carbonisés, ne peuvent être identifiés qu’au moyen de tests ADN. Un seul survivant a été extrait des décombres ; il a été transféré en urgence vers un hôpital de Médine. L’accident s’est produit à une vingtaine de kilomètres de la ville, sur un axe très fréquenté par les bus de pèlerins.

Les autorités saoudiennes ont ouvert une enquête pour déterminer les causes exactes de la collision, notamment pour savoir si le camion-citerne était à l’arrêt ou en mouvement au moment de l’impact. Les premiers éléments soulignent la violence extrême du choc et la difficulté des secours à intervenir face aux flammes attisées par le carburant.

En Inde, la tragédie a suscité un vif émoi. Le Premier ministre Narendra Modi a exprimé sa solidarité avec les familles endeuillées. L’ambassade d’Inde à Riyad et le consulat à Jeddah ont activé une cellule de crise pour accompagner les proches et coordonner les démarches avec les autorités saoudiennes. Le gouvernement local du Telangana a annoncé une aide financière aux familles des victimes et l’envoi d’une délégation sur place.

Ce drame remet en lumière la question de la sécurité des transports de pèlerins en Arabie saoudite. Malgré les efforts engagés ces dernières années, les routes menant aux Lieux saints demeurent le théâtre d’accidents meurtriers, souvent liés à la densité du trafic et aux conditions de transport durant les périodes d’affluence.

Mourad Benyahia 

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Boualem Sansal accueilli à l’Élysée : retour en France après un an de détention en Algérie

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Macron et Sansal

Mardi 18 novembre 2025, l’écrivain algérien-français Boualem Sansal et son épouse ont été reçus à l’Élysée par le président Emmanuel Macron, quelques heures après leur arrivée à Paris.

Cette rencontre intervient après qu’une grâce présidentielle accordée par le chef de l’Etat algérien Abdelmadjid Tebboune a mis fin à une détention arbitraire d’un an en Algérie, au terme d’une médiation impliquant les autorités allemandes.

Dans un communiqué, l’Élysée a salué « la dignité, la force morale et le courage exemplaire » de Boualem Sansal. « La libération de ce grand écrivain a été rendue possible par une méthode faite de respect, de calme et d’exigence », a précisé la présidence française. Emmanuel Macron a également remercié le président allemand Frank-Walter Steinmeier pour son rôle dans la médiation et a salué la décision de son homologue algérien.

Le Comité de soutien international à Boualem Sansal a de son côté exprimé « avec une profonde émotion » la joie de voir l’écrivain de retour en France. Il a rappelé que Sansal décidera lui-même du moment et de la manière dont il souhaitera parler de cette épreuve.

Boualem Sansal, âgé de 81 ans, avait été arrêté et incarcéré en Algérie après des propos tenus dans le média français Frontières, considéré d’extrême droite. L’écrivain y estimait que l’Algérie avait hérité, sous la colonisation française, de territoires auparavant marocains. Pour cela, il avait été condamné à cinq ans de prison pour « atteinte à l’unité nationale ». Son incarcération avait provoqué une vive réaction internationale et soulevé une crise diplomatique entre Alger et Paris.

Après sa libération, Boualem Sansal avait été transféré à Berlin pour des soins médicaux, résidant ensuite à la résidence de l’ambassadeur français. Son retour en France était depuis plusieurs mois attendu par le comité de soutien et par ses lecteurs, inquiets pour sa santé et sa sécurité. L’accueil à l’Élysée marque ainsi la fin d’un chapitre difficile et symbolise un geste fort en faveur de la liberté d’expression et du dialogue diplomatique.

L’Élysée a également saisi cette occasion pour rappeler que le journaliste français Christophe Gleizes demeure incarcéré en Algérie, ayant été condamné à sept années d’emprisonnement pour « apologie du terrorisme ». « Nous souhaitons ardemment sa libération et nous travaillons avec diligence à cet égard », a souligné la présidence, témoignant de la continuité des efforts diplomatiques en faveur des ressortissants français confrontés à la justice algérienne.

Le retour de Boualem Sansal en France est perçu comme un moment chargé d’émotion et de soulagement, tant pour sa famille que pour les institutions et les associations de soutien qui ont suivi son parcours. L’écrivain, figure emblématique de la littérature algérienne contemporaine, aura l’opportunité de revenir sur cette expérience et de témoigner, selon ses propres termes, sur les épreuves traversées, tout en restant fidèle à son engagement pour la liberté et la vérité.

Un autre français, le journaliste sportif Christophe Gleizes, est toujours en détention à la prison de Tizi-Ouzou. Il est condamné à 7 ans de prison ferme. Son procès en appel est prévu le 3 décembre. Par ailleurs, il y a plus de 250 prisonniers d’opinion en Algérie. Un fait que peu de médias français relaient, préférant se contenter d’évoquer seulement les cas concernant leurs compatriotes.

Actuellement deux détenus d’opinion, Mohamed Tadjadit, poète dissident, et Cherif Mellal, ancien président du prestigieux club de football, la Jeunesse sportive de Kabylie, mènent une grève de la faim depuis deux jours pour dénoncer l’injustice qui les condamnent. Qui s’en soucie ?

Mourad Benyahia 

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PLF 2026 : le FFS dénonce un budget « rentier », déficitaire et dépourvu de vision

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Youcef Aouchiche

Présenté par le gouvernement comme « le budget le plus ambitieux de l’histoire du pays », le Projet de loi de finances (PLF) 2026 essuie une critique sévère de la part du Front des Forces Socialistes (FFS).

Dans une déclaration détaillée, le plus ancien parti d’opposition dénonce un texte «déficitaire, peu sincère » et révélateur de « choix économiques et sociaux défaillants », loin des objectifs de diversification affichés par l’exécutif.

Un déficit global du Trésor estimé à  12,5 % du PIB

Au cœur des critiques, l’ampleur du déficit global du Trésor, estimé à plus de 5 000 milliards de dinars, soit 12,5 % du PIB. 

Pour le FFS, ce déséquilibre n’est ni conjoncturel ni maîtrisé : il s’inscrit dans une trajectoire structurelle d’endettement et de fragilisation des finances publiques. Le parti pointe notamment une faiblesse chronique dans la consommation des crédits d’investissement, une dette publique en hausse continue et des « dépenses imprévues » atteignant, une fois encore, près de 12 % du budget total.

Le cadrage macroéconomique est également contesté. Alors que le FMI et la Banque mondiale anticipent en 2026 un baril oscillant entre 61 et 64 dollars, le PLF retient un prix de référence fiscal à 60 dollars mais table sur un prix de marché de 70 dollars. Une hypothèse jugée « optimiste et non justifiée », qui exposerait l’Algérie à de sévères ajustements en cas de repli des cours pétroliers.

Une dépendance aggravée à la rente

Loin d’annoncer une sortie du modèle rentier, le PLF 2026 « consacre la centralité des hydrocarbures » dans le fonctionnement de l’État, selon le FFS. La fiscalité pétrolière y représente près d’un tiers des recettes, alors même que les volumes d’exportation sont appelés à reculer sur la période 2026-2028.

Pour le parti, les autres sources de financement restent incertaines, mal documentées ou fondées sur des mécanismes fragiles : prélèvements sur les entreprises publiques, sukuk souverains, contributions exceptionnelles. Le cœur des recettes demeure constitué par l’impôt sur les hydrocarbures, les salaires et la consommation – une « politique à courte vue », estime le FFS, qui met en garde contre ses conséquences pour la souveraineté économique du pays.

Si le gouvernement met en avant une hausse de 27,5 % des dépenses d’investissement par rapport à 2025, ces dernières ne représentent que 23 % de l’ensemble du budget, un niveau inférieur à celui des transferts sociaux et de la masse salariale. Pour le FFS, cette proportion illustre l’absence d’une stratégie industrielle et productive solide.

Surtout, le parti rappelle une réalité bien établie : une part importante de ces crédits risque de ne jamais être consommée. D’année en année, les projets restent bloqués, les chantiers s’enlisent et les enveloppes sont réévaluées. Le PLF continuerait donc de produire des « effets d’annonce » sans impact réel sur la production nationale, la diversification ou la création d’emplois.

Une gestion de la dette qualifiée d’«opaque» et «incohérent »

Autre point d’inquiétude : l’évolution du déficit et de l’endettement. Les prévisions pour 2026, 2027 et 2028 confirment des déséquilibres persistants dépassant les 5 000 milliards de dinars par an. Plus étonnant encore, la charge de la dette intérieure resterait identique sur les trois exercices, alors même que l’endettement est appelé à croître.

Le FFS y voit une incohérence manifeste et redoute un retour au financement monétaire des déficits, rappelant le précédent de la « planche à billets » de 2017. Une inquiétude renforcée par certaines dispositions du PLF : élargissement de la notion de ressources budgétaires ouvrant droit aux avances de la Banque d’Algérie, doublement du plafond de ces avances et prolongation de leur durée de remboursement. Autant de mesures assimilées à une « légalisation du financement non conventionnel ».

Les « dépenses imprévues », qui dépassent encore 2 000 milliards de dinars, constituent un autre signal d’alerte. Pour le FFS, leur proportion – environ 12 % du budget – trahit l’absence de planification solide et laisse une « marge discrétionnaire excessive » à l’exécutif, au détriment du contrôle parlementaire et public.

Face à ce qu’il considère comme un modèle à bout de souffle, le parti appelle à une réforme fiscale profonde, plus progressive et équitable, visant à stabiliser les finances publiques et à garantir une meilleure utilisation des investissements.

Il réclame notamment : la limitation stricte du recours aux avances de la Banque d’Algérie, l’intégration du secteur informel dans l’assiette fiscale et une réorientation stratégique des dépenses issues des hydrocarbures vers des projets productifs dans l’industrie, l’agriculture, la transition écologique et l’économie de la connaissance.

Pour le FFS, seule une économie capable de générer de la richesse hors hydrocarbures pourra réduire durablement le déficit, garantir l’emploi et renforcer la souveraineté économique du pays.

Dans sa conclusion, le FFS inscrit sa critique du PLF dans une réflexion plus large sur le fonctionnement institutionnel. Il estime que l’élaboration quasi exclusive de la loi de finances par l’exécutif, dans un cadre organique dépassé, limite le débat démocratique et empêche l’émergence d’alternatives viables.

Le  parti appelle donc les citoyens à se mobiliser pour élire une Assemblée « plus représentative et responsable », capable de jouer pleinement son rôle dans la définition, l’amendement et le contrôle de la politique budgétaire.

Samia Naït Iqbal

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Populisme, ignorance et comédie : anatomie d’une dérive locale

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Populisme
Image par El Sun de Pixabay

On croise aujourd’hui des figures qui se proclament “défenseurs du peuple”, alors qu’ils ne maîtrisent ni les dossiers, ni les institutions, ni même l’exigence morale que suppose l’engagement public.

Leur mission ? Exister. Leur méthode ? Le spectacle. Leur stratégie ? Agiter, diviser, accuser, jouer les justiciers — alors qu’ils sont souvent les premiers à contourner les règles qu’ils prétendent défendre.

Ces apprentis du politique ne sont pas rares. Ils envahissent les réseaux sociaux, filment chaque geste, transforment la moindre insignifiance en acte de bravoure.
Ils prennent la pose, se mettent en scène, multiplient les déclarations creuses, mais disparaissent dès qu’il s’agit de travailler, de proposer, ou simplement de comprendre les réalités qu’ils prétendent représenter.

Le populisme est devenu leur carburant.
Les approximations, leur langue maternelle.
Et la manipulation, leur seul savoir-faire.

Pendant ce temps-là, les vrais enjeux restent sans réponses : développement local, infrastructures défaillantes, jeunesse abandonnée, services publics exsangues.
Mais ces sujets n’intéressent pas ceux qui cherchent la lumière plutôt que le travail.
Ils préfèrent l’indignation facile aux solutions difficiles.

Le plus grave n’est pas qu’ils existent : c’est qu’ils prospèrent.
Parce que, lassés et désabusés, beaucoup de citoyens confondent agitation et action, colère et courage, bruit et compétence.

Pourtant, la politique reste une chose sérieuse — ou devrait l’être.
Elle réclame de l’humilité, du travail, du sens du collectif, une véritable proximité avec les gens, et surtout une éthique.

Face à cette comédie devenue norme, il revient aux citoyens de ne plus se laisser séduire par les fausses vocations et les vrais opportunistes.
La politique mérite mieux que les amateurs.
Et nos communes, nos régions, nos familles méritent mieux que ces figurants qui confondent mandat et mise en scène. 

Aziz Slimani

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Skikda : peine de mort pour le meurtre de l’avocat et ex-maire Jamel Eddine Chaoui

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Jamel Eddine Chaoui
Jamel Eddine Chaoui

La cour d’appel criminelle de Skikda a prononcé la peine de mort contre le principal accusé dans l’affaire du meurtre de Jamel Eddine Chaoui, avocat et ancien président de l’Assemblée populaire communale d’Essebt, retrouvé mort en janvier 2023 après neuf jours de disparition.

L’accusé, ancien militaire radié de l’Armée nationale populaire, a été reconnu coupable d’enlèvement, détention illégale, constitution de bande criminelle, meurtre avec préméditation, vols aggravés et incendie volontaire d’un véhicule.

L’enquête a établi que le mobile du crime était le vol, sans lien avec la fonction ou la profession de la victime. Après l’enlèvement, les auteurs avaient tenté de revendre la voiture dans les villes voisines de Aïn M’lila et Barika, avant de l’incendier à El Khroub.

Sept autres prévenus ont été condamnés à des peines de 5 à 10 ans de prison pour complicité, vols nocturnes avec violences et détention d’armes à feu. Le placement en détention provisoire avait été ordonné dès le 16 février 2023 pour sept des huit accusés, le dernier étant placé sous surveillance judiciaire.

Cette affaire, suivie de près par les autorités et les médias, témoigne de la rigueur de la justice algérienne face aux crimes organisés. Elle rappelle également les dangers auxquels peuvent être confrontées les personnalités locales, même en dehors de leur rôle professionnel ou politique.

Les dates clés restent marquantes : 22 janvier 2023, jour de l’enlèvement et du meurtre, et 16 février 2023, placement en détention provisoire des principaux accusés. Le verdict de Skikda envoie un signal fort contre l’impunité, soulignant la détermination des autorités à sanctionner les crimes violents et prémédités.

Mourad Benyahia 

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«Contes de l’Outre-temps » de Jean-Pierre Luminet

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Loin des trous noirs et de la cosmologie, l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet révèle une facette méconnue de son génie : celle de l’écrivain d’anticipation et de l’explorateur des rêves. Avec Contes de l’Outre-temps (Les éditions du Chien Qui Passe, 2025), il nous ouvre les portes de sa jeunesse littéraire.

Ce recueil de récits, écrits pour la plupart entre 1970 et 1973, est un plongeon fascinant dans la matrice thématique de sa pensée, où le surréalisme flirte avec la science-fiction, et où l’imagination s’avère être le premier laboratoire pour percer les mystères de l’univers.

Image publique et révélation intime

L’idée centrale est le décalage entre l’image établie de Jean-Pierre Luminet et la nature du recueil. Dans l’imaginaire collectif, son nom est synonyme d’excellence scientifique : il est le spécialiste des trous noirs et de la cosmologie, dont les essais de vulgarisation sont reconnus et traduits dans le monde entier, lui valant de multiples distinctions. Cette figure tutélaire de l’astrophysique occulte souvent les autres facettes de son activité créatrice.

Contes de l’Outre-temps devient ainsi une révélation, car il offre une plongée essentielle dans la genèse littéraire de Luminet. Ce n’est plus l’expert scrutant les données du cosmos, mais l’adolescent et le jeune homme se confrontant au mystère par l’écriture. Le fait que l’œuvre s’éloigne délibérément de cette image établie — c’est-à-dire loin des titres sur les mystères de l’Univers ou la physique théorique — confère au livre un statut particulier. Il ne s’agit pas d’un simple ajout à sa bibliographie, mais d’un retour aux sources qui interroge la place de la fiction et de l’imagination dans le développement intellectuel de l’un des plus grands scientifiques de notre époque. Le recueil introduit donc un double littéraire de l’astrophysicien, invitant le lecteur à découvrir la matrice poétique et fantasmatique qui a précédé et peut-être inspiré ses quêtes scientifiques.

Contexte éditorial et geste de mémoire

L’analyse de Contes de l’Outre-temps révèle sa valeur de document littéraire et biographique. Le livre est délibérément positionné loin des essais de vulgarisation et des romans historiques scientifiques pour lesquels Jean-Pierre Luminet est célèbre. Il s’agit d’un trésor d’archives personnelles, un véritable geste de mémoire littéraire où l’auteur fait remonter des écrits profondément intimes. La précision que la majorité des vingt fragments ont été rédigés entre 1970 et 1973 est essentielle. Ces dates ancrent les textes dans la jeunesse créatrice de Luminet, à un âge où l’écriture est souvent « un cri ou un rêve qu’on ne peut contenir », selon ses propres mots. L’ouvrage capte ainsi l’énergie et la ferveur d’une époque de formation. Surtout, la décision de les publier « sans retouches majeures » est un acte fort de quête d’authenticité. L’auteur accepte d’exposer les «maladresses» et les « naïvetés » de ses vingt ans, garantissant au lecteur une plongée sincère et brute dans les premières obsessions thématiques et stylistiques qui allaient, par la suite, enrichir sa vision du monde et de l’univers.

Authenticité et jeunesse créatrice

Cette précision chronologique — la rédaction de la majorité des textes entre 1970 et 1973 — est cruciale car elle ancre le recueil dans la période de formation intellectuelle et émotionnelle de Jean-Pierre Luminet. Il ne s’agit pas de l’œuvre d’un auteur mûr revisitant son passé, mais du témoignage direct d’une époque où l’écriture était un besoin primaire, un exutoire viscéral pour donner forme aux vertiges intérieurs. L’auteur qualifie lui-même ces fragments d’«éclats parfois sombres, parfois naïfs », reconnaissant avec humilité l’inexpérience de l’imagination en quête de forme. Ce faisant, il admet les tâtonnements et les « maladresses » de sa vingtaine. Cependant, c’est précisément cette authenticité non polie qui confère au livre sa valeur documentaire.

L’intention de publier ces textes « sans retouches majeures » est un acte éditorial fort et une volonté d’authenticité revendiquée. Il s’agit de préserver la sincérité brute et l’énergie créatrice intacte de cette époque. Le lecteur n’y trouve pas une œuvre lissée par la post-écriture, mais un accès direct aux premières obsessions thématiques et stylistiques de Luminet, où l’étrangeté des êtres, le fantastique et la quête de sens se manifestaient avec une urgence non filtrée. Ce geste garantit que le recueil est un véritable miroir de l’esprit du futur scientifique au moment où sa vocation littéraire était la plus fervente.

Dualité science et fiction

La démarche de publier des textes aussi anciens et personnels lève le voile sur la dualité fondamentale de l’auteur. Le livre démontre de manière irréfutable que son exploration insatiable de l’univers n’est pas née d’une seule voie – celle, rigoureuse et factuelle, de la science – mais d’une confluence. Avant même de chercher à formuler les mystères du cosmos par la rigueur des équations et des modèles cosmologiques, Luminet les avait déjà appréhendés par la liberté et l’intuition de la fiction.

C’est là que réside la force de l’ouvrage : il positionne l’imaginaire comme le premier laboratoire de son esprit. Les thèmes récurrents du fantastique, de l’étrangeté, des dimensions parallèles ou des multivers, que l’on retrouve dans ces contes de jeunesse, ne sont pas de simples divertissements, mais les bases thématiques et conceptuelles qui allaient plus tard nourrir sa pensée scientifique. La fiction a servi de terrain d’entraînement à la pensée audacieuse. En offrant cette perspective, Contes de l’Outre-temps transforme notre perception de Jean-Pierre Luminet : il n’est pas seulement un scientifique qui écrit, mais un créateur dont les deux vocations sont intrinsèquement liées, l’une ayant inévitablement préparé et enrichi l’autre.

Style et influences littéraires

L’apport fondamental de Contes de l’Outre-temps réside dans la révélation de la matrice thématique et stylistique de l’imaginaire de Jean-Pierre Luminet, offrant une cartographie de ses obsessions créatives avant qu’elles ne soient formalisées par la physique. Les contes ne s’inscrivent pas dans un genre unique ; ils naviguent dans une atmosphère hybride où une science-fiction naissante – celle des années 70 – se mêle à un surréalisme grinçant, parfois teinté d’une poésie désabusée et d’une fantaisie humaniste.

Les nouvelles, dont les titres sont particulièrement évocateurs et fragmentés – tels que L’implant, Vénus mais presque, Oh Tataouine ! ou encore L’univers en folie – ne sont pas anodines. Elles explorent des thèmes récurrents de l’étrangeté du monde, de l’aliénation, et de la solitude métaphysique face à un cosmos indifférent ou délirant. On y décèle, par exemple, l’influence d’auteurs français comme Boris Vian dans les passages les plus absurdes et fantaisistes, signalant une affinité précoce pour l’imagination débridée et la critique sociale en filigrane.

Le recueil témoigne d’une fascination précoce pour les forces invisibles qui transforment l’âme et la matière, une thématique qui préfigure directement les travaux de l’astrophysicien sur les distorsions spatio-temporelles. Le concept de l’« outre-temps » lui-même, titre éponyme de l’œuvre, définit un espace narratif qui n’est pas le temps historique ou scientifique, mais un entre-deux mental décalé. C’est un lieu où la réalité bascule dans le vertige cosmique ou la folie intime, un terrain de jeu où l’esprit du jeune Luminet explore les limites de la perception et de la conscience. Ces contes sont la preuve que l’imagination a été, pour lui, le premier outil pour sonder les dimensions cachées de l’existence.

Comparaison avec les œuvres ultérieures

La lecture des Contes de l’Outre-temps prend une dimension supplémentaire lorsqu’on la met en regard des œuvres de maturité. Dans ses essais de vulgarisation (Le destin de l’univers, Les trous noirs), Luminet déploie une rigueur scientifique alliée à une clarté pédagogique. Dans ses romans historiques (Le bâton d’Euclide, mais aussi Le secret de Copernic ou L’œil de Galilée), Jean-Pierre Luminet explore la rencontre entre science et humanisme en mettant en scène les grandes figures qui ont façonné la pensée rationnelle occidentale. Ces récits ne se limitent pas à une reconstitution érudite : ils cherchent à montrer comment les découvertes scientifiques s’inscrivent dans une aventure humaine, traversée par les passions, les croyances, les conflits religieux et politiques. Luminet y déploie une vision où la science n’est jamais isolée, mais toujours en dialogue avec la culture, la philosophie et la quête de sens. Ses romans rappellent que derrière chaque équation ou chaque modèle cosmologique se cache une histoire de vie, faite de doutes, de luttes et d’élans créateurs.

Or, les Contes de l’Outre-temps apparaissent comme le chaînon manquant entre cette fresque historique et l’œuvre scientifique de maturité. Ils montrent que l’imaginaire a précédé et nourri la pensée scientifique, en offrant une matrice poétique où les obsessions de l’auteur se sont d’abord exprimées sous forme de récits. Là où les romans historiques mettent en lumière la rencontre entre science et humanisme à travers des figures emblématiques, les contes de jeunesse révèlent la genèse intime de cette rencontre dans l’esprit de Luminet lui-même. L’imagination, avant d’être disciplinée par la rigueur mathématique, a servi de laboratoire premier : un espace où les thèmes des multivers, des singularités temporelles ou des dimensions parallèles pouvaient être explorés librement, sans contrainte de démonstration.

Ainsi, les contes ne sont pas un simple divertissement littéraire, mais une étape essentielle dans la constitution de sa pensée. Ils montrent que la science, chez Luminet, n’est pas née ex nihilo, mais qu’elle s’est nourrie d’une expérience poétique et fantasmatique de l’univers. En ce sens, ils complètent ses romans historiques : si ceux-ci racontent comment la science s’est construite dans l’histoire humaine, les contes révèlent comment elle s’est d’abord enracinée dans l’imaginaire d’un jeune homme habité par le vertige cosmique.

Les thèmes des multivers, des singularités temporelles ou des dimensions parallèles, abordés ici sous forme de récits oniriques, trouvent plus tard leur formalisation dans ses travaux cosmologiques. Le recueil agit donc comme une préfiguration, une matrice où l’intuition littéraire précède la démonstration scientifique.

Place dans la tradition littéraire

Ces récits s’inscrivent aussi dans une tradition plus large. Ils dialoguent avec la science-fiction française des années 70, marquée par l’émergence de nouvelles voix et par l’influence de la revue Planète, qui cherchait à concilier science, imaginaire et spiritualité. On y retrouve des échos du surréalisme, mais aussi de la fantaisie absurde et critique de Vian, voire des expérimentations de Queneau. Luminet, adolescent, se situe à la croisée de ces courants, sans chercher à les imiter : il invente son propre « outre-temps », un espace narratif singulier qui échappe aux classifications. Ce positionnement confère au recueil une valeur historique : il témoigne de la vitalité d’une époque où la littérature cherchait à repousser les frontières du réel et à explorer des zones liminaires entre science, poésie et imaginaire.

Dimension philosophique

L’impact de Contes de l’Outre-temps transcende, en effet, la simple curiosité biographique sur les débuts d’un grand homme de science. Il est fondamental, car il érige le livre en preuve que la quête de compréhension de l’univers chez Jean-Pierre Luminet est indivisible. L’ouvrage confirme que cette exploration a toujours été menée de front, à la fois par la rigueur scientifique (la quête des équations justes) et par l’audace de l’imagination (la liberté de la fiction). Ces textes sont une démonstration éclatante que l’homme de science est profondément habité par la même nécessité de réinventer le monde que le conteur.

Bien que le style porte inévitablement la marque de la « maladresse » de la jeunesse et de l’inexpérience, il frappe par sa force évocatrice. Ce qui est remarquable, c’est la capacité précoce de l’auteur à utiliser le récit pour traduire des concepts complexes qui allaient devenir plus tard le cœur de ses travaux. Des thèmes comme les multivers, les singularités du temps, ou même les prémices de la mécanique quantique, y sont abordés non pas via des démonstrations mathématiques, mais sous forme de récits oniriques et fantastiques. Le livre montre que la fiction a servi de passerelle pour explorer des territoires conceptuels que l’astrophysique allait ensuite formaliser, faisant de l’imagination l’outil précurseur pour maîtriser le vertige cosmique.

Enfin, au-delà de la science et de la littérature, ces textes révèlent une interrogation existentielle. L’« outre-temps » est un lieu où l’homme se confronte à sa solitude métaphysique, à l’indifférence du cosmos, à la folie intime. Luminet y exprime une inquiétude fondamentale : comment habiter un univers qui nous dépasse ? Cette question, formulée dans la langue de la fiction, deviendra plus tard le moteur de ses recherches scientifiques. Le recueil est donc aussi une méditation philosophique sur la condition humaine, où l’imagination sert de passerelle vers une compréhension plus vaste de l’existence.

Une carte au trésor de la pensée

Contes de l’Outre-temps est une véritable carte au trésor qui ne mène pas vers des richesses matérielles, mais vers les sources de la pensée de Jean-Pierre Luminet. Il dépasse largement le statut d’un simple divertissement littéraire ou d’une œuvre secondaire. Au contraire, le recueil se dresse comme un témoignage puissant sur l’interconnexion essentielle entre la science et l’art chez l’auteur. Ce faisant, le livre prouve que l’imaginaire fut, pour l’astrophysicien, le premier laboratoire de son esprit. Les récits de jeunesse, avec leurs vertiges et leurs explorations du fantastique, ont servi de terrain d’expérimentation libre pour aborder des concepts qui se cristalliseront plus tard dans sa carrière scientifique. L’imagination a permis de sonder les confins du cosmos et de la conscience avant que la méthode scientifique n’impose ses cadres rigoureux. Le recueil révèle ainsi que la quête de compréhension de l’univers chez Luminet est un processus unifié, où l’écriture est la préfiguration poétique et philosophique de ses plus grandes découvertes cosmologiques.

Brahim Saci

Contes de l’Outre-temps, Les éditions du Chien Qui Passe, 2025

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Trafic de carburant libyen : une économie parallèle qui menace directement la sécurité algérienne

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Trafic de carburant

Le dernier rapport de l’organisation américaine The Sentry vient rappeler une réalité qui dépasse largement les frontières libyennes : la contrebande massive de carburant subventionné en Libye n’est plus seulement un phénomène criminel, mais un facteur de déstabilisation régionale dont l’Algérie ressent déjà les répercussions.

Dans un contexte marqué par la fragilité du Sahel et les tensions au Soudan, ce trafic nourrit des acteurs armés dont la proximité géographique et politique représente un risque direct pour l’espace sécuritaire algérien.

Selon l’enquête, trois années de contrebande ont coûté près de 20 milliards de dollars à la Libye. Mais la dimension financière n’est qu’une partie du problème. Les circuits décrits par The Sentry montrent une articulation solide entre réseaux libyens, milices régionales, acteurs étrangers et groupes armés opérant au Sahel, notamment au Niger, au Tchad et dans les zones de guerre soudanaises. Autant de territoires qui bordent, de près ou de loin, l’espace saharien dont l’Algérie assure difficilement la stabilité.

Le rapport met en lumière deux circuits principaux. Le premier est terrestre : des routes désertiques contrôlées par les forces de Khalifa Haftar sont utilisées pour acheminer le carburant vers les marchés du Niger et du Tchad, et jusqu’aux Forces de soutien rapide (FSR) au Soudan. Le deuxième est maritime, à partir des ports de Benghazi et des villes voisines, vers l’Europe et la Turquie. Dans les deux cas, le carburant détourné devient une monnaie stratégique : une ressource qui permet aux groupes armés d’acquérir influence, mobilité et de prolonger des conflits qui fragilisent tout l’arc sahélo-saharien.

Pour Alger, ces révélations confirment ce que les services de sécurité observent depuis plusieurs années : la Libye est devenue un centre de redistribution de ressources stratégiques pour des acteurs susceptibles de déstabiliser la région. Le rapport mentionne également la présence de forces russes bénéficiant du carburant libyen, notamment dans leurs activités au Mali — un pays avec lequel l’Algérie partage une frontière longue et particulièrement vulnérable.

La crise libyenne, loin d’être contenue, diffuse donc mécaniquement ses effets vers les pays voisins. Dans le Sud algérien, la maîtrise des flux informels reste un défi majeur, malgré un renforcement continu du dispositif militaire. Les routes sahariennes sont longues, poreuses, et toutes les grandes trafics régionaux — armes, carburant, drogues, migrants — interagissent dans cet espace où l’État est souvent absent, côté libyen comme côté nigérien.

Si l’Algérie a multiplié les initiatives diplomatiques pour stabiliser la Libye, les conclusions de The Sentry montrent que les leviers politiques internes libyens restent largement dépassés par l’emprise de réseaux militaro-économiques enracinés dans les institutions pétrolières et dans les groupes armés. Le rapport cite notamment Saddam Haftar, acteur clé de cette économie parallèle, capable d’unifier des réseaux de contrebande grâce au contrôle des infrastructures pétrolières dans l’est et le sud libyen.

Pour beaucoup d’observateurs algériens, cette situation pose une question stratégique : comment garantir la stabilité du Sahel tant que la Libye reste un hub de ressources permettant aux acteurs armés de survivre, voire de se renforcer ? L’instabilité libyenne continue d’alimenter les vulnérabilités régionales, y compris aux portes du Hoggar et de Tamanrasset, où l’Algérie reste en première ligne.

The Sentry conclut que sans une réforme profonde du secteur pétrolier libyen et une rupture avec les réseaux politico-militaires qui tirent profit de cette économie parallèle, la contrebande continuera d’alimenter des conflits qui, tôt ou tard, rejaillissent sur les frontières algériennes.

Mourad Benyahia 

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Le drapeau de Tamazgha : genèse, symboles culturels et identitaires

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Hirak Tanekra

Les symboles culturels et identitaires amazighs sont riches, variés et millénaires. Ils reflètent l’histoire, les croyances et l’identité de ce grand peuple autochtone d’Afrique du Nord –  Iles Canaries. Parmi les plus emblématiques :

Le Tifinagh (ⴰ, ⵎ, ⵣ, ⵖ…) : Cet alphabet est un pilier de la préservation de la langue amazighe (Tamazight ). Il fut 

transmis oralement, notamment par les femmes, avant d’être normalisé par l’association Afus Deg Wfus de Roubaix en 1993 puis par l’IRCAM a Rabat au Maroc en 2001, et de connaître une reconnaissance officielle Progressive dans plusieurs pays d’Afrique du Nord – Îles Canaries.

Le Aza (ⵣ), en rouge, cette lettre issue de la racine MZGH d’Amazigh, symbolise l’homme libre debout, Amazigh signifiant, homme libre, incarnant la résistance, l’attachement à l’identité historique amazighe et le sang versé pour la liberté. 

Les tatouages traditionnels, portés principalement par les femmes, renvoient à des significations profondes : protection, fertilité, et appartenance communautaire.

Les motifs géométriques sur les tapis, poteries et bijoux transmettent des récits et croyances ancestrales. 

Les grains, symboles de fertilité et de vie, sont souvent représentés dans l’artisanat. Les couleurs des bijoux amazighs sont bien plus que décoratives :

le vert symbolise les terres du printemps, le bleu, le ciel limpide de l’été, le jaune, le soleil ou les champs mûrs de blé ou d’orge avant la moisson. Ces trois couleurs, que l’on retrouve dans les bijoux des At Yanni comme chez d’autres groupes amazighs d’Algérie, du Maroc, de la Tunisie , de la Libye, de l’Égypte, à travers l’Afrique et les Îles Canaries expriment aussi la grâce et la beauté de la femme amazighe. Ces mêmes couleurs bleu, vert et jaune figuraient déjà sur l’étendard porté par le grand-père de mon ami Amar Naroun, Mohand Ouramdane At Navet, grand résistant, lors du soulèvement de 1854 mené par Fadhma N’Soumer et Boubaghla. Ce drapeau fut proposé en 1970 par son petit-fils, Amar Naroun, cofondateur de l’Académie Berbère, à laquelle il donna ce nom. Il en élargit la symbolique :

Le bleu pour la mer, le vert pour les terres, le jaune pour le désert, vaste espace de liberté des Amazighs du Sud.

Cette représentation embrasse l’espace géographique amazighien, de l’Égypte au Maroc, et du Nord de l’Algérie jusqu’aux confins sahéliens. Cette proposition fut validée avec Abdelkader Rahmani et Saïd Hanouz, également cofondateurs et présidents de l’Académie. Amar Naroun me confia un jour avoir partagé cette décision avec Mahdjoubi Aherdan, homme d’État marocain, rencontré à plusieurs reprises à Paris, dans la pharmacie de Saïd Hanouz. Enthousiasmé, ce dernier fit publier, dans son hebdomadaire Tidmi (octobre 1995), mon premier plaidoyer pour l’usage du Tifinagh. J’y appelais déjà à la construction des États Unis de Tamazgha et à ce que les documents officiels (cartes d’identité, passeports, monnaie) soient imprimés en amazigh et en Tifinagh. Tidmi publia aussi les premières pages en Tifinagh, avec la première police de caractères sous Windows que j’ai normalisée en 1989. En 1971, lors d’une réunion dans le bureau de Saïd Hanouz, président de l’Académie Berbère, Amar Naroun, fils d’Ali Naroun instituteur poète amazighisant, nous révéla que les couleurs du drapeau apparaissaient déjà dans le tableau de Henri Félix Emmanuel Philippoteaux 1866. Portraits présumés du Chérif Boubaghla et de Lalla Fadhma n’Soumer conduisant l’armée révolutionnaire en 1854. Ce tableau montre Lalla Fadhma à cheval, fusil en main, entourée de cavaliers porte-drapeaux, arborant des étendards aux trois couleurs : bleu, vert et jaune. Il est aujourd’hui exposé au salon de la présidence de la République algérienne (Palais d’El Mouradia).

L’Académie Berbère actualisa ce drapeau en y ajoutant la lettre Tifinagh Aza (ⵣ), issue de la racine MZGH du mot Amazigh, commune à plusieurs mots en amazigh et liée à la liberté et à la noblesse. C’est Abdelkader Rahmani, Saïd Hanouz, Amar Naroun et moi qui décidèrent d’y intégrer le ⴰⵣⴰ debout en rouge, pour symboliser l’identité historique amazighe et le sang versé par les résistants durant plusieurs millénaires pour rester un peuple libre. À cette époque, nous avons préféré ne pas rendre cette symbolique publique, pour éviter que les ennemis de l’amazighité ne nous accusent de vouloir diviser, comme savent le faire les régimes dictatoriaux inféodés à l’idéologie arabo-islamo-baathiste.

C’est lors du Congrès Mondial Amazigh à Tafira, Grande Canarie, en août 1997, que cet étendard fut proposé par moi-même et d’autres militants, et adopté officiellement le 30 août 1997 comme drapeau d’Amazighie (Tamazgha). Ce drapeau appartient à tous les Amazighs et Amazighiens (nes) qu’ils soient Amazighophones, Darijophones ou Canariens. Il ne s’agit pas d’un drapeau national en concurrence avec ceux des États nord-africains, mais d’un emblème culturel et identitaire fédérateur.

En tant que fondateur de l’Académie Berbère du Nord, basée de 1971 à 1975 au 17 rue du Pays à Roubaix, j’y ai ajouté sept étoiles au-dessus de ⴰⵣⴰ, en hommage à Maître Antonio Cubillo, fondateur du MPAIAC (Mouvement pour l’Autodétermination et l’Indépendance de l’Archipel Canarien), que j’ai connu au CRAPE (Centre de Recherche Anthropologique Préhistorique et Ethnologique) dirigé par Mouloud Mammeri à Alger.

Le territoire amazigh s’étend de l’oasis de Siwa en Égypte jusqu’aux îles Canaries, du nord de l’Algérie au sud du Niger. Demain, j’espère que les générations futures verront flotter ce drapeau  avec les sept étoiles des Canaries au-dessus de ⴰⵣⴰ  aux côtés des drapeaux nationaux, dans le cadre d’une grande Fédération des États-Unis d’Amazighie, que j’appelle de mes vœux.

Le terme « Amazigh », réhabilité par les membres de l’Académie Berbère, vient de notre propre langue et désigne les peuples autochtones de l’Afrique du Nord. Lors d’un voyage au Niger en 1998, dans l’Aïr, en compagnie de la résistance touarègue et du commandant Isyad Kato, nous avons hissé et salué ce drapeau.

Au sein de notre noble institution, l’Académie Berbère, et grâce à l’engagement de sa Direction du Nord à Roubaix, j’ai consacré mon énergie avec fierté et détermination à la défense et à la valorisation de notre identité, de notre langue et de notre culture amazighes.  

Aujourd’hui, dans un monde en constante évolution, notre mission ne se limite plus à préserver : elle consiste à faire rayonner notre héritage, à l’inscrire dans la modernité et à l’offrir comme une richesse partagée.  

C’est avec conviction que je poursuis ce chemin, afin que la voix amazighe continue de s’affirmer, de dialoguer et d’inspirer les générations présentes et futures.  

Md Ouramdane Khacer

Président d’ Afus Deg Wfus

Ancien dirigeant fondateur de l’Académie Berbère Agraw Imazighen, direction du Nord à Roubaix (1971-1980).

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