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jeudi 18 septembre 2025
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L’ouverture de la session parlementaire reportée après le 10 septembre

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Le Conseil de la nation a annoncé le report de l’ouverture de la session parlementaire ordinaire 2025-2026 à une date ultérieure, fixée après le 10 septembre.

La décision a été actée lors d’une réunion du bureau élargi du Conseil, présidée par Azouz Nasri et regroupant les présidents des groupes parlementaires ainsi que le contrôleur parlementaire. Selon le communiqué diffusé à l’issue de la rencontre, ce report s’explique par la concomitance entre la rentrée parlementaire et le déroulement du Salon africain du commerce intra-africain, prévu du 4 au 10 septembre au Palais des expositions des Pins maritimes, à Alger.

Ce décalage intervient alors que la Constitution fixe un calendrier précis pour l’ouverture de la session ordinaire. Le député de l’Assemblée populaire nationale, Abdelouahab Yaakoubi, avait déjà dénoncé ce qu’il considère comme une “violation du texte constitutionnel”, rappelant que le Parlement est tenu de respecter le cadre prévu par la Loi fondamentale.

Aucune nouvelle date n’a pour l’instant été communiquée pour la tenue officielle de la séance inaugurale.

La rédaction

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Zoubida Assoul dénonce « une nouvelle entorse à la Constitution » après le limogeage de Larbaoui

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Zoubida Assoul

Le renvoi sans ménagement du Premier ministre Nadir Larbaoui et la nomination d’un intérimaire à sa place continuent de susciter un vif débat sur la légalité et la légitimité des décisions présidentielles. Zoubida Assoul s’en mêle.

Si les réactions sont nombreuses, l’avocate et femme politique, Zoubida Assoul rappelle que ce n’est pas la première fois que le pouvoir en place foule aux pieds la lettre et l’esprit de la Constitution de 2020.

Selon l’ancienne présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP) qui s’exprimait sur sa page Facebook, les conditions mêmes de la nomination de M. Larbaoui portaient déjà la marque d’un dysfonctionnement institutionnel. Sa première désignation, intervenue à la fin du premier mandat présidentiel, avait prolongé une pratique amorcée par un décret qui renforçait les prérogatives du cabinet de la Présidence, transformé en une sorte de « supra-gouvernement » supervisant l’action du Premier ministre.

La crise constitutionnelle ne s’arrête pas là. Lorsqu’après l’entame du second mandat présidentiel, M. Larbaoui avait remis la démission de son gouvernement – comme le prévoit la Constitution –, le chef de l’État l’avait aussitôt reconduit, sans changement d’équipe, en contradiction avec les textes.

Ce renouvellement a eu pour conséquence directe d’éclipser les obligations de présentation devant le Parlement, privant ainsi l’Assemblée de la traditionnelle déclaration de politique générale et du plan d’action gouvernemental.

Pour Mme Assoul, cette dérive traduit une volonté claire : réduire le poste de Premier ministre à une fonction purement administrative, dénuée de substance politique, alors que le texte fondamental confère normalement au titulaire de cette charge la mission de proposer une équipe et de porter un programme devant les représentants de la nation.

La nomination récente d’un Premier ministre par intérim, fonction inexistante dans la Constitution, marque un nouveau pas dans cette logique d’exception. Si le chef de l’État peut confier provisoirement la gestion des affaires courantes à un membre du gouvernement, la création d’un « intérim institutionnel » relève, selon Assoul, d’une violation manifeste du droit. Reste dès lors la question centrale : quelle urgence a pu justifier cette entorse supplémentaire à la Constitution ?

« La crédibilité d’un pouvoir, souligne l’avocate, se mesure à sa capacité à faire respecter la loi, à commencer par la Constitution. Lorsqu’elle est transgressée par ceux-là mêmes qui l’ont initiée, c’est un véritable déni de justice qui s’installe. »

Au-delà du cas Larbaoui, l’épisode illustre une tendance lourde depuis 2020 : la présidentialisation extrême du système et la marginalisation croissante du gouvernement et du Parlement, réduits à des rôles subalternes dans l’architecture institutionnelle. Une pratique qui nourrit les interrogations sur la viabilité et la crédibilité de l’État de droit en Algérie.

Samia Naït Iqbal

Lien pour lire la déclaration de Z.Assoul: https://www.facebook.com/share/p/14FvkrBQeBF/

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Appel du 1er Novembre : Boukrouh démonte le mythe d’une révolution islamiste 

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Boukrouh

Dans une tribune publiée sur sa page Facebook, l’ancien homme politique Nour-Eddine Boukrouh revient sur un débat récurrent : la Révolution du 1er novembre 1954 a-t-elle été pensée comme islamiste ou comme laïque ? Sa réponse est sans ambiguïté : la Révolution portait un projet républicain et non religieux, et toute tentative de l’inscrire sous la bannière de l’islam relève d’une falsification.

Les islamistes algériens s’appuient régulièrement sur une formule extraite de l’Appel du 1er novembre, où il est question d’un État algérien « souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques ». Selon Boukrouh, cette phrase n’a jamais signifié la volonté de créer une République islamique. Elle s’inspire, explique-t-il, du vocabulaire politique français, en particulier des constitutions de la IIIe et de la IVe République, qui définissaient la France comme une « république indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

Le recours à la formule « principes islamiques » n’aurait été qu’un contrepoint au mot « laïque », jugé trop sensible dans le contexte algérien. « Si les fondateurs de la Révolution avaient voulu instaurer un État islamique, ils l’auraient écrit clairement », insiste Boukrouh.

Cette filiation française se retrouve d’ailleurs dans les appellations des institutions de la lutte de libération : le FLN fait écho au CFLN de De Gaulle, le GPRA au GPRF, et le CNRA au CNRF, autant d’organes issus de la Résistance française.

Surtout, rappelle l’auteur, l’Appel du 1er novembre lie explicitement le projet d’un État démocratique et social au respect des libertés fondamentales « sans distinction de races et de confessions ». Une clause impensable dans un projet islamiste, mais cohérente avec une vision inclusive de la future République algérienne.

À ceux qui accusent la Plateforme de la Soummam (1956) d’avoir « dévié » du texte fondateur, Boukrouh oppose une lecture inverse : en rejetant monarchie et théocratie, le Congrès de la Soummam n’a fait qu’expliciter l’esprit du 1er novembre.

Un avertissement pour le présent

En dénonçant cette manipulation, Boukrouh met en garde contre une instrumentalisation qui, si elle venait à s’imposer, viderait le 1er Novembre de son sens véritable. Réduire la Révolution à un mot d’ordre religieux, c’est nier son ambition universelle et républicaine, et c’est surtout ouvrir la porte à de nouvelles formes d’exclusion. Or, rappelle-t-il, la guerre de libération a été menée au nom de tous les Algériens, sans distinction de croyance, et non pour ériger une théocratie.

La rédaction

#Lien pour lire la tribune de Noureddine Boukrouh https://www.facebook.com/share/p/1GPCjWVMga/

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Une infirmière sanctionnée pour avoir diffusé une vidéo de la dépouille d’un patient décédé 

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Médecins

Une vive polémique a éclaté samedi 30 août après la diffusion sur le réseau social TikTok d’une vidéo tournée à l’intérieur d’un établissement hospitalier de la wilaya d’Alger. On y voit une infirmière filmer et commenter l’opération de préparation du corps d’un patient décédé.

Le ministère de la Santé a réagi dans un communiqué en exprimant son « indignation » face à ce qu’il qualifie de « comportements non seulement contraires à l’éthique professionnelle, mais aussi irrespectueux de la dignité humaine et des valeurs religieuses ». L’institution a dénoncé un acte « isolé », tout en soulignant qu’il « porte atteinte à la mémoire du défunt et aux sentiments de sa famille ».

Dans l’attente d’éventuelles poursuites judiciaires, la tutelle a annoncé que des mesures administratives immédiates ont été prises à l’encontre de l’infirmière concernée, notamment son licenciement. « La tolérance zéro sera appliquée face à toute dérive portant atteinte à la réputation du secteur », précise encore le communiqué.

Cette affaire relance le débat sur l’usage des réseaux sociaux par les personnels de santé et sur les limites de leur responsabilité professionnelle dans un contexte où la protection de la vie privée et la dignité des patients — vivants ou décédés — devraient rester des principes intangibles.

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Amira Ghenim : «Mon vrai enjeu est de laisser l’histoire éclairer l’intimité»

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Amira Ghenim
Amira Ghenim


Dans Le désastre de la maison des notables, Amira Ghenim (écrivaine tunisienne) plonge au cœur d’une famille dont les secrets, les désirs et les blessures reflètent les fractures d’un pays en éveil. À travers une narration chorale, chaque voix se fraie un chemin entre mémoire intime et mémoire collective, entre vérité et fiction.

Entre tragique, ironie et pudeur, le roman explore les zones d’ombre que l’Histoire officielle ne peut atteindre, offrant au lecteur un miroir à la fois sensible et cru de l’âme tunisienne. Ghenim ne se contente pas de raconter une intrigue : elle scrute les silences, révèle les tensions, et met en lumière les résistances discrètes mais puissantes qui façonnent la société et l’individu. Et au fil des pages, c’est à nous, lecteurs et lectrices, de déchiffrer ce que les notables taisent, ce que l’histoire oublie, et ce que la mémoire intime n’ose jamais dire.

Le Matin d’Algérie : Votre roman se déroule en 1935, dans une Tunisie coloniale et bourgeoise. Pourquoi avoir choisi cette période comme toile de fond ?

Amira Ghenim : Le roman se déroule sur plusieurs générations. Mais l’évènement principal qui a déclenché le « désastre » a effectivement lieu un soir de décembre 1935.

Les années 1930 m’ont paru impossibles à contourner. Elles représentent un moment charnière où l’histoire collective se densifie, où les tensions politiques, sociales et culturelles atteignent une intensité particulière. J’ai été frappée par la manière dont la crise économique mondiale de l’époque a accentué les fractures au sein de la société tunisienne, creusant encore plus l’écart entre les notables figés dans leurs privilèges et une population qui commençait à rêver d’émancipation. C’est aussi une décennie de naissance, celle d’une presse, d’une pensée, d’une identité tunisienne qui cherche à s’affirmer face au protectorat. Dans Le désastre de la maison des notables, j’ai voulu inscrire mes personnages dans ce contexte, car il m’a semblé que leurs combats résonnaient d’autant plus fort sur ce fond de bouleversements.

Évoquer ces années, c’est pour moi rappeler que le drame intime d’une famille ne peut se lire qu’en écho aux secousses du pays tout entier. J’y ai trouvé une matière à la fois historique et sensible, un miroir qui renforce le contraste entre un monde qui s’accroche au passé et une société qui s’élance vers l’avenir.

Le Matin d’Algérie : Comment est née l’idée de cette intrigue autour d’un soupçon d’adultère ? Est-ce inspiré d’un fait réel ou d’un imaginaire collectif ?

Amira Ghenim : L’idée de cette intrigue est née entièrement de mon imagination personnelle. Je n’ai trouvé dans les sources historiques aucune trace d’un tel épisode, et je ne cherchais d’ailleurs pas à m’inscrire dans la fidélité documentaire. Ce qui m’a aidé, en revanche, c’est le silence des historiens autour de la vie intime de Tahar Haddad.

On évoque son rôle de réformateur, ses écrits, son engagement pour l’émancipation de la femme, mais presque jamais l’homme privé, ses désirs, ses fragilités, ses contradictions. Ce vide m’a donné envie d’ouvrir une brèche romanesque : inventer un soupçon d’adultère, non pas pour ternir son image, mais pour rappeler que derrière le penseur et le militant se cache un être humain, fait de chair, d’élans et de zones d’ombre. Ce choix m’a permis de déplacer le regard, d’interroger ce que les silences de l’Histoire dissimulent, et d’offrir une autre manière d’approcher un personnage figé dans la posture du réformateur.

Le Matin d’Algérie : Le roman adopte une structure chorale où chaque personnage apporte sa version. Qu’est-ce qui vous a poussée à ce choix narratif ?

Amira Ghenim : Le choix est né de mon désir de montrer que la vérité n’est jamais unique ni figée. J’avais besoin de donner voix à plusieurs personnages, chacun avec ses souvenirs, ses silences, ses aveuglements et ses propres justifications. La structure chorale me permettait de faire sentir le poids des subjectivités, mais aussi la manière dont une même histoire se diffracte en une multitude de récits parfois complémentaires et parfois contradictoires. Je pense que c’était une manière pour moi de refléter aussi la société tunisienne de l’époque, traversée par des tensions de classes, de générations et de sensibilités politiques, où aucune voix ne pouvait prétendre à elle seule incarner l’ensemble. Enfin, j’aimais l’idée que le lecteur devienne lui-même témoin et enquêteur, contraint de circuler entre ces récits pour tisser sa propre compréhension. Cette polyphonie est donc autant un choix esthétique qu’un moyen d’interroger la complexité du réel et les zones d’ombre laissées par l’Histoire.

Le Matin d’Algérie : Zbeida Rassaa, personnage central et énigmatique, reste souvent racontée par les autres. Pourquoi ce parti pris d’éloignement ?

Amira Ghenim : Zbeida est volontairement tenue à distance parce qu’elle est, en réalité, la seule à savoir ce qui s’est réellement passé lors de cette nuit fatale. Lui donner directement la parole aurait été, à mes yeux, un choix artistique voué à l’échec, car cela aurait réduit au silence toutes les autres voix et annulé la valeur des témoignages fragmentaires qui composent le roman.

J’ai préféré qu’elle demeure un centre de gravité énigmatique, autour duquel les récits des autres s’organisent, se contredisent et se complètent. Cet éloignement me permettait aussi de souligner le poids du silence, ce silence qui nourrit les fantasmes, les jugements, les reconstructions partielles. Zbeida devient ainsi une figure presque mythique, façonnée autant par ses actes que par le regard des autres. La priver de sa propre version n’est pas une privation, mais une façon de préserver l’ambiguïté et la tension romanesque. Elle n’est pas absente, elle est partout, dans les mots et les silences des autres.

Le Matin d’Algérie : Il y a une tension constante entre mémoire intime et mémoire familiale. Selon vous, que fait le roman que l’histoire officielle ne peut pas faire ?

Amira Ghenim : Je trouve que le roman a cette liberté de s’aventurer là où l’histoire officielle s’arrête : dans les zones d’ombre, les contradictions, les affects. L’histoire cherche à établir des faits, à construire une cohérence, tandis que l’écriture romanesque accepte le trouble, la subjectivité, l’incertitude.

Dans Le désastre de la maison des notables, j’ai voulu explorer la mémoire intime et familiale, c’est-à-dire les blessures, les rancunes, les silences qui ne figurent jamais dans les archives. Le roman peut donner voix à ceux qui n’ont pas écrit, qui n’ont pas laissé de traces, mais dont la présence continue de hanter les générations. Il peut restituer l’épaisseur sensible d’une époque, la manière dont les drames collectifs traversent les corps et les intimités. En cela, il ne remplace pas l’histoire, mais il la déplace certainement, la trouble, l’humanise.

Le Matin d’Algérie : Votre écriture mêle le tragique, l’ironie, et parfois une forme de pudeur presque classique. Comment définiriez-vous votre style littéraire ?

Amira Ghenim : C’est une question très difficile, car je crois profondément que ce n’est pas à l’écrivain de définir son style, mais plutôt à la critique et aux lecteurs d’en prendre la mesure. Lorsque j’écris, je ne cherche pas à élaborer un style prédéterminé : je suis guidée par la voix des personnages, par la matière de l’histoire, et par le rythme propre à chaque scène. Si le tragique, l’ironie ou une certaine pudeur se mêlent dans mon écriture, c’est parce que ces tonalités me semblent nécessaires pour approcher la complexité humaine.

Je dirais donc que mon écriture naît moins d’un programme esthétique que d’une écoute : l’écoute du silence, des contradictions, et de ce qui affleure dans les marges. Au fond, je laisse aux autres le soin de qualifier ce mélange ; pour ma part, j’essaie simplement d’être fidèle à la vérité romanesque qui s’impose à moi.

Le Matin d’Algérie : La société patriarcale est omniprésente dans le récit. Mais on y trouve aussi des résistances féminines discrètes. Était-ce un enjeu pour vous ?

Amira Ghenim : Oui, c’était un enjeu essentiel. La société patriarcale constitue l’arrière-plan incontournable du roman, mais je tenais à ce qu’on y perçoive aussi des formes de résistance, parfois discrètes, parfois presque invisibles. Les femmes de mon récit ne sont pas toujours dans le geste spectaculaire ou frontal, mais elles inventent des espaces de liberté dans les interstices : par une parole retenue, un refus muet, un silence qui en dit long.

Ce sont des résistances minuscules, mais tenaces, et je crois qu’elles sont tout aussi puissantes que les luttes déclarées. Elles montrent que même dans un cadre oppressant, la domination n’est jamais totale, qu’il existe des brèches où se déploie une force intime et subversive. Pour moi, il était important de rendre hommage à cette énergie souterraine qui traverse les générations féminines, et qui, à sa manière, prépare les grands basculements.

Le Matin d’Algérie : On sent une attention particulière au langage, aux mots du quotidien, aux silences aussi. Que représente pour vous la langue, dans l’écriture ?

Amira Ghenim : La langue est sans doute le cœur même de mon écriture. J’ai une passion profonde pour l’arabe, qui est la langue dans laquelle j’ai écrit la version originale du roman. C’est une langue qui porte en elle une mémoire, une musique, une manière de dire le monde qui m’est indispensable. J’aime son opulence, ses nuances, sa capacité à faire coexister le quotidien le plus simple et l’abstraction la plus subtile.

Dans Le désastre de la maison des notables, je me suis beaucoup appuyée sur les mots du quotidien, sur les silences aussi, parce que je crois que ce sont eux qui révèlent le mieux les personnages. La langue est pour moi un lieu d’exploration, mais aussi de résistance : elle permet de préserver une sensibilité, une façon d’habiter le réel qui échappe aux classifications rigides de l’histoire officielle. Écrire en arabe, puis voir le texte voyager dans une autre langue, c’est accepter que cette matière vive se transforme, mais c’est aussi affirmer que mon attachement premier reste à cette langue qui m’a façonnée.

Le Matin d’Algérie : Vous êtes vous-même universitaire. Quelle place occupent les recherches historiques ou sociologiques dans votre travail d’autrice ?

Amira Ghenim : Je pense que travail historique et sociologique est incontournable pour quiconque veut respecter son lecteur et écrire un texte de qualité. Pour moi, tout en cherchant à émouvoir et à captiver, la fiction transmet aussi une forme de connaissance, et la connaissance nécessite un travail de recherche rigoureux. Je m’appuie donc sur ces recherches pour comprendre les dynamiques sociales, les tensions politiques et les subtilités culturelles d’une époque, et pour ancrer mes personnages dans un monde crédible. Mais je ne cherche jamais à écrire un document ou une histoire fidèle : ces recherches deviennent matière à fiction, elles nourrissent mon imagination. Mon vrai enjeu est de laisser l’histoire éclairer l’intimité des personnages, leurs silences et leurs contradictions, sans jamais la confondre avec elle. Ainsi, je peux mêler rigueur et liberté, savoir et invention, pour faire exister à la fois le contexte et la vie intérieure de ceux que je raconte.

Le Matin d’Algérie : Comment avez-vous vécu la traduction de votre roman en français ? Avez-vous collaboré étroitement avec la traductrice Souad Labbize ?

Amira Ghenim : La traduction du roman a été une expérience d’une intensité rare. C’est bouleversant de voir l’intime franchir les frontières et trouver une résonance dans d’autres langues : d’abord l’italien, ensuite le français, puis l’anglais. Pour la version française, j’ai eu un vrai bonheur d’être traduite par Souad Labbize, qui est aussi poétesse. Son rapport à la langue et à la sensibilité du texte était tel qu’elle n’a pas eu besoin de ma collaboration : elle a su entrer dans l’univers du roman avec une justesse qui m’a profondément touchée.

Le Matin d’Algérie : Ce roman a reçu un bel accueil, notamment avec le Prix Comar d’Or, l’Arab Booker et récemment le Prix de la littérature arabe 2024. Que représente cette reconnaissance pour vous, en tant que femme et écrivaine tunisienne ?

Amira Ghenim : Oui, le roman a eu la chance d’être distingué à plusieurs reprises : finaliste de l’International Prize for Arabic Fiction, du prix Médicis étranger, couronné par le Prix de la littérature arabe 2024, le Prix Fragonard de la littérature étrangère, et il est encore en lice pour le Prix Lorientales. Chaque reconnaissance m’honore profondément. Pour moi, les prix ne sont pas seulement des trophées littéraires : ils sont des passerelles. Ils donnent au texte une visibilité nouvelle, lui permettent de circuler dans d’autres langues, d’aller à la rencontre de lecteurs et lectrices que je n’aurais jamais pu atteindre seule. En tant que femme et écrivaine tunisienne, c’est une joie particulière de voir une voix venue d’ici dialoguer avec d’autres espaces culturels, franchir les frontières, et rappeler que notre littérature a toute sa place dans la grande conversation du monde.

Le Matin d’Algérie : La réception du roman en Tunisie diffère-t-elle de celle qu’il reçoit aujourd’hui en France ou dans le reste du monde arabe ?

Amira Ghenim : La réception n’est pas tout à fait la même, en effet. En Tunisie, le roman a souvent été lu comme une histoire intime et familiale, avec un fort ancrage dans une mémoire collective qui résonne immédiatement pour les lecteurs et lectrices. Il a suscité des échos très personnels, parfois même douloureux, parce qu’il touche à des réalités proches.

En France, la lecture a été différente : on m’a beaucoup parlé de l’écriture elle-même, du travail sur le silence et sur la langue, avec un regard peut-être plus attentif à la construction du récit. Dans le monde arabe, il a été reçu à la fois comme une voix singulière et comme un miroir de questions plus larges : la place des femmes, la mémoire, les fractures sociales. Cette pluralité de lectures m’enchante : elle me rappelle qu’un roman, une fois publié, ne m’appartient plus vraiment — il appartient à celles et ceux qui le lisent, et chaque contexte lui donne une vie nouvelle.

Entretien réalisé par Djamal Guettala

Mini-biographie :

Née en 1978 à Sousse, Amira Ghenim obtient un doctorat en linguistique avant d’enseigner à l’université de Sousse en Tunisie . Elle contribue également à des publications universitaires sur la linguistique et la traduction et participe en 2014 à la production de l’émission radiophonique Femmes de mon pays.

Prix et distinctions :

2014 : Prix de l’Union de radiodiffusion des États arabes

2020 : Prix spécial du jury des Comar d’Or

2024 : Prix de la littérature arabe

Œuvres et traductions :

(ar) نازلة دار الأكابر Nazilet  Dar El Akaber, Tunis, Masciliana, 2021

(it) La casa dei notabili (trad. Barbara Teresi), Rome, Éditions e/o 2023 

(fr) Le désastre de la maison des notables (trad. Souad Labbize), Paris, Philippe Rey 2024 France et Ek Barzakh Algérie 

(en) A Calamity of Noble Houses (trad. Miled Faiza et Karen McNeil), New York, Europa Editions, 2025

(ar) الملف الأصفر « Le dossier jaune , Tunis, Pop Libris,‎ 2023, 

(ar) تراب سخون « Terre chaude », Tunis, Masciliana,‎ 2024

nouveau roman :Les Grands meurent en avril (العظماء يموتون في أفريل), aux éditions Miskiliani Mai 2025

Le désastre de la maison des notables paraîtra le 2 octobre 2025 (Poche)

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Yémen : le Premier ministre des Houthis tué par un bombardement israélien

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Ahmed al-Rahhawi
Ahmed al-Rahhawi tué par Israël

Après deux jours de silence, les autorités houthies au Yémen ont confirmé samedi 30 août la mort de plusieurs cadres de leur mouvement, dont le chef de leur gouvernement, Ahmed al-Rahhawi, ainsi que plusieurs ministres.

Sanaa, la capitale yéménite contrôlée par ce mouvement chiite proche de l’Iran, avait été secouée par des explosions jeudi 28 août. Israël avait confirmé avoir mené un raid contre ce mouvement contre lequel le pays est en guerre depuis près de deux ans.

Le bilan communiqué garde un certain flou. Le nombre total de victimes et leur identité n’ont pas été dévoilés. Mais les Houthis confirment une information qui circulait depuis deux jours : leur Premier ministre Ahmed Ghaleb Nasser al-Rahawi est bien décédé dans les bombardements du jeudi 28 août. Jamais encore quelqu’un d’aussi haut-rang dans l’appareil houthi n’avait été tué.

En réponse, les rebelles houthis au Yémen ont menacé de se venger. « Nous promettons à Dieu, au cher peuple yéménite et aux familles des martyrs et des blessés que nous nous vengerons », a déclaré Mehdi al-Machat, chef du Conseil politique suprême, dans un message vidéo sur Telegram. Il a en outre appelé « toutes les sociétés [étrangères] présentes dans l’entité occupante [Israël, NDLR] à partir avant qu’il ne soit trop tard ».

Dans un communiqué distinct, les Houthis ont annoncé la nomination de Mohammed Ahmad Mouftah « Premier ministre par intérim » pour succéder à Ahmad Ghaleb al-Rahwi, nommé en août 2024.

Un tournant dans les affrontements

Israël a confirmé avoir frappé l’installation qui hébergeait des responsables houthis. Le Premier ministre des rebelles houthi, a été éliminé lors de la frappe, « ainsi que d’autres hauts responsables » houthis, selon le communiqué de l’armée. « La frappe a été rendue possible grâce à l’exploitation d’une opportunité en matière de renseignement et à la réalisation d’un cycle opérationnel rapide, qui s’est déroulée en quelques heures », précise le texte.

Dans la confrontation que se livrent les Houthis et Israël depuis près de deux ans, ces frappes israéliennes marquent un tournant. Jusqu’à présent, les Houthis – disant agir en soutien aux Palestiniens – tiraient des missiles sur le territoire israélien, attaquaient des bateaux naviguant en mer Rouge accusés d’être liés à Israël. En réponse, Israël bombardait des infrastructures dans les zones du Yémen contrôlées par ce groupe rebelle : l’aéroport de Sanaa, des ports sur le littoral, entre autres.

Mais les frappes de jeudi dernier diffèrent des précédentes. Israël a affirmé avoir bombardé « une cible militaire ». Selon les Houthis, il s’agissait « d’un atelier gouvernemental de routine ». La caractérisation de « cible militaire » par Israël d’une réunion de l’exécutif indique que le pays change de stratégie : ses opérations au Yémen ne se limiteront plus aux infrastructures, mais incluront aussi désormais des assassinats ciblés de cadres houthis.

RFI

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L’identité en prise de recul

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Sidi Lhouari
Sidi Lhouari

Je ne vais certainement pas vous entretenir du Qui suis-je ?, la grande question philosophique induite par la célèbre injonction de Socrate, Connais-toi toi-même. D’abord, je risque de perdre le lecteur dès cette première phrase qui a envie d’autres évasions en ce matin qu’un cours de philosophie. Mais aussi parce que j’en serais incapable. 

Mais plus légèrement, je m’en sortirai par une voie anecdotique plus adaptée au jeu d’une chronique. Je me lancerai dans ce questionnement identitaire par l’introuvable certitude des gens à connaître où se trouve votre ville de jeunesse, celle qui vous a vu grandir, se former et acquérir une personnalité.

On détournera le risque de l’ennui philosophique mais en le suggérant. J’aurais pu partir de la ville de naissance mais j’en serais incapable d’y trouver la formation de la personnalité pour l’avoir quittée à trois ans.

Toute ma jeunesse je répondais que j’habitais Cité Protin. Et toute ma jeunesse je voyais bien l’expectative inscrite sur le visage de la personne qui m’a questionnée. Les plus habiles faisaient semblant de connaitre le lieu mais les plus prompts à gêner les autres insistaient pour savoir où cela se trouvait.

Alors vous étiez obligé de définir votre lieu de vie, celui qui ne crée pas votre identité mais en donne quelques pistes marginales. Ce détournement consistait à baliser le lieu comme on balise l’emplacement d’un pays en nommant ceux qui l’entourent par leurs frontières. 

Inévitablement, je devais préciser le plus souvent que c’était à côté de Cité Petit, parfois de Choupot ou encore d’Eckmühl. Cette dernière localisation me permettait une plus grande légitimité d’origine puisque je traversais la ligne du A pour me rendre à l’école de la petite enfance. 

Mais oui, je peux y puiser une racine par la notion de continuité territoriale. Mais éloignons-nous un peu plus et répondant à la question d’un Algérois qui demande dans quel quartier nous venons. Vous imaginez-vous cette fois-ci ce qu’est une plus grande expectative dans le visage que celle d’un Oranais lorsque je lui dis Cité Protin.

Mais prenons un peu plus de recul et nous voilà en France pour les études supérieures. Là, il est plus naturel de répondre par Oran pour le lieu de la formation de votre identité. La seule réponse que me donnent les plus intéressés par la littérature est, Ah oui, la ville de Camus.

Vous devez alors tout au long de la suite de l’itinéraire supporter cette référence qui, si elle est honorable, finit par devenir insupportable. C’est comme si vous disiez que vous vous avez grandi à New-York et qu’on vous répondait, Ah, la statue de la liberté !

Heureusement que dans la vie vous ne rencontrez pas que des gens instruits et que la seule expression du visage de celui qui ne connaît pas la ville. Cette réponse au moins, vous la connaissez pour en avoir l’habitude.

Prenons encore plus de recul et imaginons l’expectative d’une brave personne qui habite le Wisconsin. Il faudrait être aventureux pour éviter cette…, devinez quoi ? Bien sûr l’expectative du regard au prononcé du nom de la ville.

Alors, vous répondez ce qui est le plus simple, je viens d’Algérie. Mais ce n’est pas fini car dans ce grand pays où une grande partie de la population ne connaît pas la géographie mondiale, il faut encore plus augmenter la focale et se contenter de dire que vous venez d’Afrique du Nord.

Et ce n’est même pas sûr que vous arriverez à éviter cette expectative qui vous poursuivra jusqu’à la tombe. Dans votre dernier retranchement, lorsque la situation est désespérée, vous n’êtes pas à la dimension supérieure, l’Afrique.

Boumediene Sid Lakhdar

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CHAN 2025 : le Maroc s’impose face à Madagascar (3-2) et remporte son 3e titre

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Le Maroc champion de la CHAN

Les joueurs marocains étaient attendus parmi les favoris de ce CHAN 2025, et n’ont pas déçu. Indomptables, les Lions de l’Atlas ont remporté la finale de la compétition face à Madagascar (3-2), à Nairobi. Le Maroc devient la première nation à remporter trois fois la compétition.

Pour la finale de ce CHAN 2025, David rencontrait Goliath. Madagascar, qui participait pour la seconde fois de son histoire à la compétition n’avait jamais fait mieux qu’une demi-finale. Le Maroc, de son côté, était la nation la plus titrée du CHAN avec la République démocratique du Congo (RDC), fort de deux sacres à son palmarès (2018, 2020). Peu de personnes attendaient les Malgaches aussi loin dans la compétition, mais leur exploit contre le Kenya, pays hôte et l’un des favoris de la compétition, a commencé à attirer l’attention sur eux. « Madagascar est une équipe solide. Si elle est en finale, c’est qu’elle le mérite amplement parce qu’aucune équipe n’atteint la finale par hasard », avait déclaré Tarik Sektioui, le sélectionneur du Maroc.

Dans un Moi International Sports Centre de Nairobi chauffé à bloc, les Lions de l’Atlas ont ouvert les hostilités devant un public qui leur était majoritairement acquis. Oussama Lamlioui, héros du Maroc et auteur du seul but contre la Tanzanie en quarts de finale (1-0), a failli faire basculer le match dès la première minute de jeu. Bien lancé dans la surface adverse et laissé en face à face avec le gardien, il a échoué à cadrer sa frappe.

Un éclair de génie malgache contre le sens du jeu

Poussés par leurs supporters, les Marocains ont continué d’étouffer la défense malgache, mais se sont fait avoir sur la première offensive des Barea. Felicité Manohantsoa a ouvert le score sur une magnifique demi-volée lointaine, qui a totalement surpris le portier marocain (9′).

S’en sont suivies de longues minutes où aucune des deux équipes n’a réellement réussi à dominer l’autre et à se montrer dangereuse. Jusqu’à la 27e minute de jeu, où le Marocain Khalid Baba a pu centrer dans la surface adverse et déposer le ballon sur la tête de Youssef Mehri, meilleur passeur de la compétition, qui a inscrit son premier but du tournoi.

Cette égalisation a fait basculer cette première période. Les attaques marocaines se sont enchaînées, ne laissant pas les Barea respirer. Le mur malgache a fini par céder une seconde fois, grâce à Lamlioui, qui a bien contrôlé le ballon dans la surface et l’a poussé au fond des filets (44′). Il s’agit de son cinquième but dans ce CHAN, qui renforce son statut de meilleur buteur de la compétition.

Les Lions de l’Atlas rugissent une nouvelle fois

À l’entame de la seconde mi-temps, les Barea ont tenté de se montrer plus offensifs pour recoler au score. Ils peinent cependant à construire leurs actions, et se retrouvent parfois à tenter des frappes lointaines désespérées, faute de solutions, mais n’ont pas la même réussite que Felicité Manohantsoa en première mi-temps. Leurs efforts ont toutefois fini par être récompensés : grâce à un ballon subtilement dévié de la tête par son coéquipier, Toky Rakotondraibe est parvenu à tromper le gardien marocain et à remettre les compteurs à zéro (68′).

Ce but a fait office d’électrochoc pour les Lions de l’Atlas, qui ont retrouvé la fougue de la première mi-temps. L’homme de cette finale, et peut-être même de tout le tournoi, est venu inscrire l’un des plus beaux buts de ce CHAN. Inspiré, Lamlioui a tenté une frappe très lointaine qui a lobé le gardien malgache (81′). Un but sublime, qui a permis aux Marocains de passer devant au score, et de le rester jusqu’à la fin du match.

RFI

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Ligue 1 Mobilis de football : l’O. Akbou et le MB Rouissat co-leaders

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Olympique Akbou et MCO

L’Olympique Akbou et le nouveau promu, le MB Rouissat, ont pris seuls provisoirement les commandes du championnat de Ligue 1 Mobilis de football, à l’issue de leur victoire à domicile, respectivement face au MC Oran (1-0) et le MC El-Bayadh (1-0), en ouverture de la 2e journée, disputée vendredi devant se poursuivre samedi et dimanche.

La formation d’Akbou, dirigée sur le banc par Lotfi Amrouche, a inscrit l’unique but de la partie par Mehdaoui, peu avant la pause (43e). Il s’agit du deuxième succès de rang pour les Akbouciens, après celui décroché lors de la journée inaugurale, également à la maison, face à l’ES Mostaganem (1-0).

Les Oranais ont raté un penalty dans le temps additionnel. Mouley, à deux reprises, a raté son duel face au portier akboucien Klileche (90e+6). Dans la foulée, l’arbitre a brandi le carton rouge au milieu de terrain de l’O.Akbou, Zidi (90e+7).

Au stade du 18 février d’Ouargla, le MBR, semble réussir son apprentissage parmi l’élite. Après avoir disposé de la JS Saoura à Béchar (2-1), les joueurs de l’entraîneur Abdelkader Amrani se sont offert cette fois-ci le MC El-Bayadh (1-0), signant du coup son deuxième succès de suite.

Le buteur maison Ben Kheira a surgi peu avant la fin de la première mi-temps, pour inscrire le but de la victoire (43e). En revanche, rien ne va plus pour le MCEB qui concède sa deuxième défaite en autant de matchs, et réalise un début de saison en deçà des attentes de ses supporters.

De son côté, l’ES Sétif a raté une belle occasion de remporter sa première victoire, en se faisant tenir en échec par la JSS (1-1), dans son antre du 8-mai 1945 de Sétif, à huis clos.

Pourtant, les locaux croyaient avoir fait l’essentiel en ouvrant la marque, grâce à leur nouvelle recrue estivale l’attaquant rwandais Abeddy Biramahire, sur penalty (53e), mais c’était sans compter sur l’envie des Bécharis, qui ont réussi à égaliser quelques minutes plus tard, par leur nouveau joueur l’Ivoirien Constant Wayou (64e).

Après un nul salutaire décroché lors de la 1re journée à Khenchela (1-1), l’Entente trébuche à la maison, alors que la JSS se rachète après la surprenante défaite concédée à domicile devant le MBR. 

Cette 2e journée se poursuivra samedi avec trois matchs au menu :CR Belouizdad – Paradou AC (17h00), ASO Chlef – USM Khenchela (19h00), et ES Mostaganem – CS Constantine (19h00).

Le derby algérois tant attendu entre l’USM Alger et le MC Alger, se jouera en clôture de cette journée, dimanche au stade Mustapha-Tchaker de Blida (19h00).

APS

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Peut-on être opposant au régime et être député ?

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Siège du FFS

J’ai lu avec intérêt l’article de Hamid Ouazar, ancien député de l’opposition concernant son « opposition » au système électoral. Déjà avec ce titre annoncé comment puis-je discuter avec lui du fond de la question ?

Article intéressant avec une conclusion que je pourrais approuver car je l’avais défendue il y a très longtemps. Mais je pourrais seulement. Car il n’est pas question pour moi de lui répondre par une argumentation juridique sur les modes de scrutin. Nous étions camarades de lutte au sein d’un parti qui avait encore la dignité d’être dans l’opposition.

Je le pourrais car j’étais au cœur de la proposition d’un parti d’opposition (lorsqu’il en était encore un) puisque chargé de rédiger le projet de choix du mode qu’il préconise. Que ceux qui faisaient partie de cette aventure se rassurent, je ne me targuerais pas d’avoir réussi mais seulement d’avoir participé avec beaucoup d’autres à la rédaction du mémorandum adressé au  président de la république (je fais un très gros effort pour écrire le nom de cette fonction pour cet homme).

Il le sait, c’est à ce moment de l’histoire que nous nous étions rendu compte de notre imbécilité à avoir cru à l’ouverture d’un champ de représentation aux partis politiques. C’est ce qui d’ailleurs en très grande partie nous avait fait revenir en Algérie avec Aït Ahmed. 

Ce retour, mon ami Tarik Mira auquel je garde entièrement mon amitié en avait fait partie. Je lui reconnais une maîtrise entière des dossiers, dans leur histoire, des hommes qui les ont portés et dans sa capacité de les traduire dans un combat politique d’opposition.

Cependant, il ne s’agit pas de lui mais de Hamid Ouazar, il se reconnaitra certainement en creux de ma critique pour avoir fait le même choix de la députation. Entre la proposition de Hamid Ouazar et la nôtre de cette époque il y a une différence technique aux incidences très importantes mais le fond est le même. 

Notre opposition personnelle à travers la confrontation de deux articles est d’une toute autre importance, dans son contenu comme dans sa sévérité. Car pour être légitime à critiquer un système électoral d’un régime autoritaire faut-il encore ne pas y participer. 

Tout part d’une division lourdement sensible entre lui et moi, entre nous et eux. Ma position est attestée par de nombreux articles, de très longue date, critiquant son choix. Fallait-il participer aux élections que nous proposait le pouvoir en place après qu’il nous ait fait rouler dans la farine ?

Les uns, il en fait partie puisqu’il a été député, ont considéré qu’on ne pouvait changer le régime militaire qu’en militant « de l’intérieur » du système. J’étais farouchement opposé à cette idée après notre échec qui nous avait pourtant donnés une bonne leçon. Fallait-il encore faire confiance aux généraux après avoir remis leurs habits qu’ils avaient portés depuis 1962, c’est-à-dire celui de monstres ?

L’avaient-ils changé un seul jour ? Voilà ma très grande erreur en suivant ceux qui l’avaient cru. J’assume ma  coresponsabilité puisque j’avais pris cet avion qui nous avait ramenés au petit matin d’Orly avec Ait-Ahmed et le groupe d’opposants résident à l’étranger.

Mais il y a ceux qui ont été très loin, jusqu’à accepter d’être députés et de ce fait ont légitimé un régime militaire qui a la main de fer mise sur le toit d’une assemblée qui n’a le pouvoir réel que celui de choisir la couleur des rideaux de l’Assemblée Nationale.

Non seulement ils ont fait cette faute que je ne pardonnerai jamais mais ils ont persisté, encore et encore. Proposer de modifier un système électoral qui vous a permis d’accéder au poste de député dans un régime militaire, c’est pour moi le comble du culot.

N’a-t-il pas eu le temps de nourrir son remord ? N’a-t-il pas eu le temps de s’apercevoir qu’il servait indirectement le régime militaire qui pouvait brandir au peuple crédule et au monde sa vertu d’avoir des institutions démocratiques ?

A-t-il été si aveugle pour voir qu’il n’avait aucun pouvoir pour empêcher l’incarcération des démocrates, le musèlement de la presse et la gigantesque corruption des généraux et de leurs protégés ?

Il y a un point où je m’interdis de porter une accusation, celle de participation à l’indigne présentation du secrétaire du parti dont il avait fait partie à l’élection présidentielle. Je n’ai pas réussi, au moment de l’écriture de cet article, à  savoir s’il avait soutenu cette condamnable participation. Mais j’ai des doutes sur le contraire car c’est un député et il sait que pour moins que cela, ceux qui ont osé porter une forte opposition ont été invités à compter le nombre de briques sur les murs des prisons. 

Pour avoir été un petit instant au cœur de cette réflexion, certes sans grande importance de ma personne ni influence décisive, j’ai la légitimité de prétendre qu’on ne peut critiquer une technique électorale lorsqu’on a été élu par son intermédiation et l’approbation des maîtres du pays (approbation globale, pas de la sienne et encore, fallait-il montrer individuellement patte blanche pour y accéder). 

Je serai tellement heureux de mener cette discussion juridique avec tout citoyen algérien, celle dont j’ai écrit tant d’articles dans la presse algérienne. Mais il me serait difficile de la mener avec un député du régime militaire qui a accepté de siéger dans le rôle de lampadaire posé sur le meuble, donc dans le rôle de celui qui le légitime.

J’ai lu l’article, je l’ai terminé et en silence j’ai tourné la page du journal Le Matin (équivalence avec un journal papier). Je devais revenir dans ma réflexion sérieuse sur ce qu’est un régime crypto-militaire.

Boumediene Sid Lakhdar

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