Salim Zerrouki est un artiste algérien né à Alger. Diplômé de l’École des Beaux-Arts de la capitale, il commence sa carrière dans le domaine de la publicité avant de se consacrer à la caricature et à la bande dessinée. Il crée le blog Yahia Boulahia, où il critique avec humour les dérives religieuses à travers un personnage salafiste fictif. L’année suivante, son œuvre Superman Barbu, exposée au Printemps des Arts de Tunis, provoque une vive controverse.
Son travail aborde des sujets tels que la migration, l’identité et le racisme, mêlant satire et expression graphique pour questionner les normes sociales et déconstruire les discours dominants. Parmi ses publications, on trouve 100% Bled, qui tourne en dérision le quotidien maghrébin, et Comment réussir sa migration clandestine, une œuvre ironique sur les parcours des migrants. En 2023, il s’installe en France et rejoint l’atelier des artistes en exil.
À travers ses créations, Zerrouki joue un rôle important dans la transmission de la mémoire collective algérienne. Dans Rwama, il retrace l’évolution sociale et politique du pays à travers l’histoire d’un immeuble emblématique, symbolisant le passage de l’utopie socialiste des années 1970 à la désillusion des décennies suivantes. L’artiste met en lumière les fractures sociales profondes qui traversent la société algérienne.
La bande dessinée devient pour lui un outil de réflexion et de témoignage, à la fois personnel et collectif. En mêlant éléments autobiographiques et approche documentaire, il impose une voix singulière dans le paysage artistique contemporain.
À travers ses dessins et récits, il met en évidence les travers des sociétés maghrébines. Yahia Boulahia illustre les absurdités de certaines interprétations religieuses à travers des fatwas fictives, tandis que Superman Barbu provoque le débat par sa posture irrévérencieuse. L’humour noir est une composante essentielle de son travail. Dans 100% Bled, il moque les comportements et les habitudes du quotidien – du mariage aux règles de conduite – avec une ironie mordante destinée à faire émerger une prise de conscience critique.
Les thèmes de la migration et de l’identité traversent l’ensemble de son œuvre. Comment réussir sa migration clandestine dépeint avec cynisme les épreuves rencontrées par les exilés et les barrières visibles ou invisibles auxquelles ils sont confrontés.
Depuis son arrivée en France, Zerrouki poursuit son engagement artistique dans un cadre nouveau. Il collabore avec d’autres artistes, anime des ateliers, notamment aux Saisies, et œuvre auprès des réfugiés, renforçant sa volonté de donner une voix aux marginalisés.
Dans Rwama, il documente les transformations profondes de l’Algérie en se servant de l’immeuble comme métaphore des mutations sociales, politiques et idéologiques du pays. Cette fresque témoigne à la fois des espoirs passés et des désillusions présentes, tout en soulignant les tensions persistantes de la société.
Le parcours de Salim Zerrouki est marqué par une combinaison subtile entre humour, critique sociale et mémoire. Sa pratique de la bande dessinée en fait un observateur incisif de son époque, engagé dans une démarche artistique à la fois personnelle et universelle.
Salim Zerrouki est une figure incontournable de la scène artistique algérienne contemporaine. Il interroge avec intelligence et ironie les réalités d’hier et d’aujourd’hui.
Dans cet entretien, il revient sur son parcours, ses engagements, et la manière dont il utilise la bande dessinée pour faire entendre des voix trop souvent oubliées.
Le Matin d’Algérie : Qu’est-ce qui vous a incité à choisir la bande dessinée comme moyen d’expression artistique ?
Salim Zerrouki : Je ne pense pas l’avoir vraiment choisie. Je suis tombé dedans à l’adolescence — je le raconte d’ailleurs dans Rwama. Depuis, je dessine.
Le Matin d’Algérie : Votre personnage Yahia Boulahia vous a offert une certaine visibilité, mais il a également suscité des réactions contrastées. Comment gérez-vous les critiques et les controverses autour de votre travail ?
Salim Zerrouki : Yahia est fait pour déranger. Les critiques, je les écoute quand elles sont sincères, même si elles piquent. Mais je ne vais pas lisser ce que je fais pour plaire à tout le monde. Si tout le monde vous aime, c’est probablement que vous ne dites pas grand-chose.
Le Matin d’Algérie : L’humour occupe une place essentielle dans votre œuvre. Selon vous, quelles sont ses limites lorsqu’il s’agit de dénoncer des problématiques sociales et politiques ?
Salim Zerrouki : C’est vrai, j’ai beaucoup utilisé l’humour jusqu’ici, mais je ne suis pas certain de continuer dans cette voie. Je fais partie de ceux qui ne rigolent pas de tout. Je ne pense pas qu’il existe des règles précises ou des lignes à ne pas franchir. Au contraire, s’il y a bien une chose à faire, c’est transgresser. Mais il faut savoir doser.
Le Matin d’Algérie : La migration et l’identité sont des thèmes récurrents dans vos bandes dessinées. Qu’est-ce qui vous pousse à les explorer aussi fréquemment ?
Salim Zerrouki : Ce sont des questions que je vis depuis toujours. Je suis confronté à ça constamment. En Algérie, on vit une crise identitaire profonde qu’on refuse souvent d’admettre, mais un jour ça explosera.
Le Matin d’Algérie : Votre installation en France a-t-elle modifié votre perception artistique ou influencé votre processus de création ?
Salim Zerrouki : Je ne suis pas installé en France depuis très longtemps, donc je n’ai pas encore assez de recul pour mesurer l’impact. C’est le pays de la BD, la culture a une vraie place, et l’artiste est considéré. Ça ouvre forcément des perspectives.
Le Matin d’Algérie : Avec Rwama, vous faites le récit de l’Algérie à travers l’histoire d’un immeuble. Pourquoi avoir choisi cette approche, et en quoi reflète-t-elle les évolutions de la société algérienne contemporaine ?
Salim Zerrouki : Cet immeuble, c’est l’une de mes plus grandes désillusions. J’étais super fier d’y habiter quand j’étais gosse. On avait eu de la chance : il était beau, moderne, hors du temps, hors cadre. Puis, je l’ai vu se dégrader sous mes yeux, lentement. Je l’ai vu agoniser. Exactement comme l’Algérie.
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?
Salim Zerrouki : Oui. Je travaille sur une nouvelle BD autour des explosions nucléaires françaises dans le Sahara algérien. Mais… avec plein de surprises !
Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?
Salim Zerrouki : Liberté pour tous les détenus d’opinion algériens. Et que tombe le règne de l’armée.
Préambule. Si le lecteur amoureux de la littérature ou voulant y adhérer veut bien partager avec moi un moment d’immersion dans le monde de l’écrivain américain John Steinbeck, allons-y pour une série de trois grands classiques, Des souris et des hommes, Les Raisins de la colère et La perle.
Pourquoi John Steinbeck ? Comme je reconsolide le fond de culture qu’on a tous bâti par notre parcours de vie, scolaire puis de maturité, l’idée m’est venue dans ce partage de prendre appui sur l’actualité américaine.
John Ernest Steinbeck est né en 1902 à Salinas (Californie) d’un père employé et d’une mère enseignante. Cela avait suffi à son intelligence pour pouvoir accéder à la prestigieuse université de Stanford. Mais il l’a quitté pour divers emplois très modestes comme reporter, apprenti peintre, maçon et pour un temps très bref au quotidien New York American avant de retourner en 1926 à Salinas.
Pour la suite, nous retiendrons de lui une carrière de journaliste engagé et écrivain de la grande dépression. Tout en étant issu de la classe moyenne, donc hors de la condition sociale de ses personnages, il était assez instruit et intelligent pour puiser dans l’univers qu’il a côtoyé ses opinions futures et les traduire dans des chefs-d’œuvre.
Les succès se succèdent avec des titres qui ont atteint une notoriété mondiale dont ceux que j’ai choisi de présenter. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1962 pour une œuvre qui allie humour et perception sociale. C’est paradoxal mais qui ne connaît pas les situations cocasses des personnages aux conditions sociales difficiles et à l’instruction inexistante ? Ce sont toujours des scènes tragi-comiques qui, comme la légende du clown triste, nous arrachent des larmes de tristesse que suivent celles du rire.
John Steinbeck est donc le grand écrivain de la fresque sociale de l’Amérique du début du 20 ème siècle lors de la grande dépression économique qui a vu s’abattre la misère sur la couche la plus défavorisée de la population américaine. Il est le peintre et le reporter de ce qu’on appelle partout dans le monde, le pays profond.
Et dans cette actualité de nos jours dont j’ai parlé, quelle autre source que les romans de Steinbeck pourrait mieux décrire la base électorale de Donald Trump ? Justement celle des déclassés, des gens généralement peu instruits pour les plus nombreux et vivant une crise de disparition des principales industries qui faisaient autrefois la puissance économique de l’Amérique. Nous revoilà au cœur du monde de Steinbeck.
Avec John Steinbeck nous avons la clé de compréhension d’un pays divisé en deux populations, au bord de la guerre civile et qui n’ont rien de commun. Une Amérique blanche, chrétienne, celle de ceux qui se sentent déclassés et qu’on appelle les « petits blancs ». Celle de l’enracinement profond dans la religion et des valeurs qu’ils puisent dans le mythe des pères fondateurs de la nation américaine. Puis à l’opposé celle des grandes villes côtières des deux océans totalement inscrite dans la modernité et la mondialisation.
La différence est l’époque mais les personnages et les circonstances restent parfaitement similaires dans leur description et leur analyse. Cependant les personnages de Steinbeck sont nourris de tendresse malgré leur rudesse, ceux de l’Amérique profonde actuelle sont dans un gouffre de racisme, de bêtise sectaire et de violence contre les valeurs de la démocratie. Les personnages de Steinbeck sont reclus dans leur condition et inexistants dans leur représentation politique, ceux qui suivent le gourou Donald Trump ont pris le pouvoir sur le pays et clament avec bruit et fureur leur domination.
Steinbeck n’est pas dans la description de l’opposition entre les populations locales et celle de l’immigration. Ni même dans la dimension de la fracture territoriale. Bien que tout cela ait toujours existé dans ce pays et que John Steinbeck l’évoque en toile de fond, sa fresque est inscrite dans l’actualité de sa période. Il est l’écrivain de la réalité sociale comme le furent en Europe, Emile Zola et certains autres.
Pourquoi le choix des trois romans annoncés au début alors que le romancier américain totalise un nombre de titres très important ?
Tout simplement parce que j’y vois trois situations essentielles décrivant le monde et les personnages de John Steinbeck qui sont un parfait résumé de toutes celles qui sont dispersées dans les autres romans.
Dans notre premier roman, Des souris et des hommes, un personnage central, Lennie Small, un faible d’esprit, tendre tout autant que dangereux par son inconscience à faire du mal. Nous le rencontrerons dans le premier article qui inaugure cette série qui suit ma présentation initiale.
Les Raisins de la colère, le plus connu des romans, un succès mondial boosté par une merveilleuse adaptation au cinéma que peu de gens de ma génération ont raté vu le nombre important de rediffusions.
Dans ce roman nous sommes dans une globalisation de personnages à travers une famille qui s’exile pour fuir l’extrême misère de la campagne. À l’intérieur de cette globalité, l’auteur la compose de plusieurs personnages qui reprennent en chacun une singularité comme celle de Lennie, avec chacun son propre désespoir, de soumission ou de révolte.
Avec La perle, si nous restons dans le cadre du milieu très modeste des écrits de Steinbeck, il s’agit cette fois-ci d’une histoire aux enseignements plus philosophiques. Que se passe-t-il lorsque la pauvreté rencontre subitement la richesse qui « lui tombe dessus » ? Dans les deux autres romans cette richesse est celle rêvée et fantasmée par des démunis. Qu’arriverait-il si le rêve se réalisait ?
Nous ferons donc ce voyage dans le monde de Steinbeck dans les trois parties qui suivent, dans l’ordre que j’ai dévoilé par deux fois dans ce préambule.
Donald Trump foule au pied encore une fois le droit international et impose la loi du plus fort. Celle des Etats-Unis. Israël et l’Iran se sont de nouveau attaqués ce mardi 17 juin alors que les affrontements entre les deux pays ne montrent aucun signe d’apaisement, suscitant l’inquiétude croissante de la communauté internationale. Le président américain a déclaré que les États-Unis savaient parfaitement où se trouvait le guide suprême iranien. Donald Trump appelle Téhéran à une « capitulation sans conditions ».
Donald Trump affirme que les Etats-Unis savent où « se cache » Ali Khamenei. Le président américain a précisé sur son réseau Truth Social, que les Etats-Unis ne comptaient pas « l’éliminer (le tuer !), du moins pour le moment ». « Mais nous ne voulons pas que des missiles soient tirés sur des civils ou des soldats américains », a ajouté le président américain.Dans un autre message lapidaire,le président américain appelle également à une « capitulation sans conditions », sans plus de précision sur ce qu’il entendait. Cette déclaration vient abonder celle de Benyamin Netayahou qui a soutenu que l’élimination de Khamanei mettra fin au conflit.
Preuve de la probable entrée en guerre des Etats-Unis, les bombardiers lourds américains B-52H, capables de transporter des charges nucléaires ou d’autres munitions à guidage de précision, stationnés ce lundi sur une base de l’Océan indien; selon des sources médiatiques.
Après une nouvelle nuit de frappes Israël et l’Iran se sont de nouveau attaqués mardi alors que les affrontements entre les deux pays ne montrent aucun signe d’apaisement. L’armée israélienne a annoncé avoir tué un haut commandant des Gardiens de la révolution, Ali Shadmani. Tandis que Téhéran dit avoir notamment touché deux centres du renseignement israélien.
Les Etats-Unis « savent exactement où se cache le soi-disant « guide suprême » iranien », l’ayatollah Khamenei, a affirmé mardi Donald Trump sur sa plateforme Truth Social, avant de préciser qu’ils ne comptaient pas « l’éliminer (le tuer!), du moins pour le moment ». Donald Trump a par ailleurs exigé une «capitulation sans condition » de l’Iran.
Le général de division Abdolrahim Mousavi, chef d’état-major des forces armées iraniennes, fait sa première apparition aujourd’hui et déclare : « Toutes les opérations que nous avons menées jusqu’à présent étaient des opérations limitées, à des fins d’avertissement et de dissuasion. Une véritable action punitive décisive sera bientôt menée contre le régime sioniste, avec l’aide de Dieu Tout-Puissant. Tous les colons doivent immédiatement quitter Tel-Aviv et Haïfa. »
Les Téhéranais fuient la capitale en masse
Les habitants de Téhéran ont fui la ville en masse depuis le début des attaques israéliennes pour se mettre à l’abri, mais ils rencontrent d’autres problèmes une fois arrivés à destination, raconte notre correspondant dans la capitale iranienne, Siavosh Ghazi. Contrairement à Israël, il n’y a pas de système d’alerte ni d’abris en Iran qui compte près de 90 millions d’habitants. Pour se mettre à l’abri, les Iraniens n’ont qu’un choix : partir. Principale cible des frappes israéliennes, Téhéran, qui compte plus de 10 millions d’habitants, s’est vidé de sa population depuis 72 heures. Des centaines de milliers de personnes, voire plusieurs millions, ont quitté la capitale.
Mais partir ne règle pas tous les problèmes. Bien au contraire. Avec ces déplacements en masse, le nombre des habitants de certains villages ou villes, notamment le long de la mer Caspienne, est multiplié par trois, cinq voire plus. Cela pose d’énorme problème dans ces régions, notamment pour fournir du pain ou de l’essence à toutes ces populations, alors que rien n’avait été prévu.
Un exemple parmi d’autres : dans un village, alors que la boulangère utilise habituellement 70 kilos de farine pour faire du pain, il lui faut désormais six fois. Idem pour l’essence qui est désormais rationnée. Chaque automobiliste ne peut obtenir que 30 litres d’essence par automobile, ce qui pose d’énormes problèmes à la fois pour les locaux et ce qui sont partis pour trouver refuge dans des zones plus sûres.
Une simple pancarte aurait pu incarner l’ouverture culturelle et linguistique. Mais à Batna, la tentative d’affichage bilingue s’est transformée en maladresse linguistique flagrante. À l’entrée de la ville, une grande banderole souhaite la bienvenue aux visiteurs avec une traduction supposée de « Welcome to Batna City »… en tifinagh. Problème : pour les locuteurs et lecteurs de tamazight, cette inscription n’a strictement aucun sens.
La transcription affichée, mélange approximatif de lettres en tifinagh censées rendre phonétiquement l’anglais « Welcome to Batna City », donne une lecture absurde, du type : « Wlcham ta Batna Chity ». Ni tamazight, ni arabe, ni anglais, mais un agencement sans logique linguistique – ni esthétique.
Une erreur révélatrice
L’erreur va bien au-delà du simple détail graphique. Elle met en lumière un rapport encore trop superficiel à la langue amazighe, pourtant reconnue langue nationale puis officielle dans la Constitution algérienne. Loin d’un hommage, cette tentative ratée trahit un usage décoratif de la langue, souvent sans consultation des spécialistes ou locuteurs natifs.
Selon les connaisseurs, la formulation correcte en tamazight (variété chaouie) devrait être la suivante :
ⴰⵏⵚⵓⴼ ⵢⵉⵙⵡⴻⵏ ⴷⵉ ⵜⴱⴰⵜⴻⵏⵜ
soit « Anṣuf yiswen d Tbathent »
traduction claire et correcte de « Bienvenue à Batna ».
Des citoyens réclament un correctif
Sur les réseaux sociaux, des habitants de la wilaya expriment leur colère et leur embarras face à ce qu’ils considèrent comme une « faute humiliante ». Plusieurs pages locales, relayées par l’Union des pages de Batna (#إتحاد_صفحات_باتنة), appellent les autorités à intervenir rapidement pour corriger la pancarte et faire preuve d’un minimum de rigueur et de respect.
« Ce genre d’erreurs donne l’impression que la langue amazighe est un simple ornement qu’on utilise sans même chercher à la comprendre », écrit un internaute.
Une occasion manquée… à réparer
Ce n’est pas la première fois qu’une signalétique officielle échoue à rendre justice à la diversité linguistique du pays. Mais à l’heure où l’amazigh est censé trouver sa place dans l’espace public, ce genre de bévues renforce le sentiment d’un désintérêt institutionnel ou d’un amateurisme tenace.
Des voix s’élèvent donc pour que des experts – enseignants, linguistes, membres de la Haut Commissariat à l’Amazighité (HCA) – soient systématiquement sollicités dans la mise en place des panneaux publics en tamazight.
Au lieu d’un faux-pas, cette bévue pourrait devenir un point de départ pour repenser la place réelle de l’amazigh dans l’espace public. À condition que les autorités entendent le message.
Les mauvaises performances du système éducatif algérien sont aujourd’hui décriées par tout le monde. En effet, que ce soit à l’issue du cycle secondaire ou même après l’obtention d’un diplôme universitaire, il s’avère que de nombreux étudiants n’ont pas acquis les compétences de bases pour pouvoir s’insérer dans un domaine quelconque de travail. Pour quelles raisons ? Comment en est-on arrivé là ? Peut-on encore envisager des solutions ?
L’objectif de cet article n’est évidemment pas le dénigrement. Mais, pour trouver le bon remède, il faut le bon diagnostique. Et si la maladie est grave, le déni ne saurait être un remède.
Les causes de l’état actuel de l’école relèvent de plusieurs les aspects : le manque de moyens matériels, l’inadéquation des contenus enseignés par rapport à la demande sociale ; et surtout, le manque d’enseignants et de formateurs qualifiés, soit le moteur même de la machine scolaire.
Certes, des réformes ont été initiées afin d’apporter des améliorations, mais de façon sporadique, et les résultats allaient de mal en pis. Quelles en sont les raisons ? nous ne pouvons pas analyser le problème de manière complète dans le cadre d’un article de presse ; nous nous limiterons à un seul aspect : la méthode selon laquelle ces réformes ont été menées. Comme il semble qu’il n’y ait pas eu d’études scientifiques dans ce domaine, nous nous référons à notre propre expérience d’enseignant, ayant exercé de longues années à l’Éducation nationale et à l’Université.
En fait, de notre point de vue, trois problèmes essentiels sont à relever : 1- Le fait que les dites réformes soient toujours «importées» et dictées «d’en haut» ; 2- la prégnance de la bureaucratie ; 3- la liberté limitée pour l’enseignant dans l’exercice de sa tâche.
Or, l’évolution, la modernisation de la pédagogie n’a jamais été le fait de bureaucrates derrière leurs bureaux, dans les ministères ou les académies. Toutes les grandes idées novatrices concernant l’éducation ont pris naissance dans les classes, chez des enseignants, au contact permanent des élèves, observant ceux-ci, analysant leurs réactions, évaluant leurs progrès et leurs difficultés, innovant en matière de solutions.
Ainsi, au regard de l’histoire, les grandes idées-forces de l’éducation ont été d’abord l’oeuvre d’acteurs de base qu’étaient les enseignants tels que Freinet, Dewey, Cousinet… pour citer quelques pionniers dont s’inspire encore la pédagogie moderne, et pour citer quelques-uns parmi les plus récents : Meirieu, Puren, Cuq, Gaonac’h, Dehaene…. Certains d’entre eux étaient de simples instituteurs au départ. Il est vrai que des idées peuvent émaner de philosophes (Rousseau…) ou autres scientifiques en relation avec le domaine de l’éducation (Piaget…), comme il est vrai qu’actuellement la recherche se fait au niveau universitaire par des équipes pluridisciplinaires. Toujours est-il que l’évolution, les innovations en pédagogie, se basent toujours sur des expériences de terrain, incluant la participation d’un ou de plusieurs praticiens.
En fait, c’est en tâtonnant, après des essais, des erreurs, des corrections, que l’enseignant arrive à peaufiner une méthode, une démarche pédagogique. Et comme avec l’évolution des sciences, y compris celles en rapport avec l’éducation (la didactique, la psychologie de l’enfant, la sociologie…) les savoirs et les savoir-faire sont en constante évolution, l’enseignant doit avoir une marge de manœuvre, doit pouvoir donner libre cours à sa créativité afin d’effectuer les adaptations nécessaires à des nouveautés, ajuster ses pratiques en conséquence, innover lui-même au besoin…
Évidemment, on peut toujours s’inspirer de l’expérience d’autres pays, mais à condition d’apporter les ajustements correspondant à la réalité dans laquelle on vit. Ce qui suppose une liberté suffisante. Or cette liberté de l’enseignant pose problème dans notre pays.
En effet, si dans les années 1960-début des années 70 (en référence à notre propre expérience) la responsabilité de l’action pédagogique relevait en premier lieu de l’enseignant, peu à peu le corps administratif s’arroge presque tous les pouvoirs.
La logique voudrait que, dans un domaine comme celui de l’éducation, où les risques d’erreur peuvent avoir des conséquences irréparables , lorsqu’on veut procéder à une réforme, un débat soit instauré, si ce n’est publiquement (de façon à ce que les parents s’impliquent), du moins au sein du personnel pédagogique, afin que chacun comprenne bien son rôle, notamment le corps enseignant, puisque c’est lui qui est censé mettre en pratique la réforme. Or, tout arrive à la base sous forme d’injonctions.
Ainsi, vers 1975-76, on a voulu mettre en place «l’école fondamentale polytechnique», un système «importé» d’un pays de l’Europe de l’Est, censé préparer les élèves à la fin du cycle moyen, soit à continuer au lycée, soit à aller vers la formation professionnelle, soit encore à être «orientés vers la vie active», c’est-à-dire exclus, mais supposés armés de notions techniques élémentaires qui leur permettraient de s’insérer dans le monde du travail.
J’enseignais alors au collège et on avait confié à un certain nombre d’enseignants (dont je faisais partie) l’expérimentation du premier dossier du nouveau programme de français de 1ère AM. Nous avions rédigé des comptes-rendus et on nous avait réunis à Alger (pour la région centre du pays) sous l’autorité de quelques inspecteurs généraux.
En toute liberté, nous avions soumis des réserves importantes, ainsi que des propositions de corrections, dont une grande partie étaient approuvées par les inspecteurs. Mais à la rentrée de septembre, dans le nouveau manuel qui était distribué, le fameux dossier n’avait subi aucune modification – pas une virgule ! – par rapport à la version qui nous avait été soumise pour expérimentation.
En fait, sous la pression des effectifs à scolariser et des échéances fixées par l’administration, la priorité était donnée aux statistiques à afficher et au respect des délais promis, plutôt qu’à la qualité du travail. D’ailleurs, le cycle «fondamental» qui devait initialement durer 10 ans (6 ans au primaire et 4 ans au collège) a été amputé d’une année au niveau du collège, ce qui a provoqué un chamboulement dans les programmes et a créé, trois ans plus tard, un «embouteillage» au niveau du lycée, avec l’arrivée en 1°AS de deux promotions en même temps (l’une après 4 ans au collège et l‘autre après 3 ans seulement).
La durée de 4 ans pour le cycle moyen n’a été rétablie que bien plus tard, (c’est-à-dire après bien des dégâts), et encore en réduisant le cycle primaire à 5 ans au lieu de 6, comptant sur la compensation d’un «préscolaire», qui tarde toujours à se généraliser à l’heure actuelle.
Cette course contre la montre dans un domaine qui ne la supporte pas comme celui de l’éducation a des effets néfastes : les recrutements d’enseignants sans niveau suffisant, l’accélération — parfois absence totale — de leur formation, provoquent une baisse de niveau désastreuse. Plus grave encore, ce recrutement massif touche même des cadres au haut niveau de la hiérarchie, d’où parfois infiltration d’incompétences, donnant lieu à des décisions inadéquates, voire à des dérives.
Or, en principe, toute réforme scolaire devrait faire l’objet d’un suivi, d’une évaluation périodique sur la base de rapports d’enseignants, de chefs d’établissements et d’inspecteurs, afin d’apporter les adaptations et les modifications nécessaires. Dans les faits, il n’en est rien. A titre d’exemple, les inspecteurs sont tenus de rédiger chaque trimestre un rapport de leurs activités, incluant des remarques et des suggestions destinées à régler les problèmes au fur et à mesure qu’ils apparaissent.
Parfois, les solutions ne nécessitent qu’un simple feu vert des autorités. Mais les responsables de la Direction de l’Éducation au niveau la wilaya insistaient sur les délais de remise de ces rapports mais n’en donnaient aucune suite (du moins dans la décennie 2000, où j’exerçais le métier d’inspecteur). Je pense que le problème de l’enseignement réside aussi là : l’esprit bureaucratique qui accorde plus d’importance aux formalités administratives qu’au travail de fond.
La bureaucratie constitue une force d’inertie qui bloque toute initiative émanant de la base, alors que celle-ci pourrait prendre en charge des problèmes parfois très simples au départ, mais qui se complexifient au fur et à mesure que les solutions tardent à venir.
En effet, il a fallu attendre plus d’une dizaine d’années pour remettre en cause la méthode «structuraliste» appliquée à l’École fondamentale, notamment pour les langues. C’était une méthode marquée par le béhaviorisme qui était déjà remise en cause à l’époque dans les pays où elle avait vu le jour. Basée essentiellement sur la mémorisation (avec les fameux «exercices structuraux» ), elle ne laissait pas suffisamment d’initiative à l’élève, pas plus qu’à l’enseignant. Celui-ci, vu le manque de formation dans la majorité des cas, se croyait obligé de suivre à la lettre le manuel officiel et les fiches pédagogiques déjà préparées qui l’accompagnaient. Il ne faisait qu’«exécuter les exercices» (expression assez courante alors chez des enseignants), parfois sans en comprendre les objectifs.
Pendant ce temps, la recherche avait déjà changé de cap, avait basculé vers un nouveau paradigme. D’après les études sur les processus d’apprentissage, il s’avère que celui-ci n’est pas une une accumulation de connaissances, mais une modification, une correction par l’élève lui-même de connaissances qu’il a déjà acquises, en les mettant en rapport avec les connaissances nouvelles.
L’apprentissage n’est pas une transmission mécanique de connaissances mais résulte des interactions entre l’enfant et son environnement matériel et surtout humain : les personnes avec lesquelles il échange au sein de sa famille d’abord, puis à l’école. C’est pourquoi les enfants dont les parents et les enseignants ont un bon niveau de formation ont moins de difficultés à se former eux-mêmes. Bourdieu parle de «capital culturel», qui ne désigne pas seulement l’étendu du savoir chez les parents mais aussi les schémas de pensée, la mentalité, les valeurs acquises suite à ce savoir. «On n’enseigne pas ce que l’on sait, mais ce que l’on est», disait Jean Jaurès il y a plus d’un siècle. D’où l’importance à accorder à la qualification des enseignants, pas seulement donc sur le volet des compétences académiques, mais également sur celui de l’éducation proprement dite, c’est-à-dire du «savoir-être» (sens des relations humaines, goût du travail bien fait, esprit de rigueur, etc.)
Au fil du temps, on assiste à une baisse de niveau de plus en plus dramatique. Même en langue arabe, matière qui a pourtant toujours joui d’un volume horaire au-delà des normes, la qualité est absente : niveau de recrutement des enseignants insuffisant, méthodes archaïques, dont certaines héritées de l’école traditionnelle, comme le «parcoeurisme» ou les châtiments corporels (récemment encore, une vidéo scandaleuse circulait sur les réseaux sociaux, montrant une enseignante tapant à l’aide d’une règle sur les doigts de ses élèves…) .
Les «innovations» dictées par l’administration peuvent parfois prendre la forme d’une simple circulaire : par exemple, la réduction de la durée des séances de cours à 45 minutes au lieu d’une heure, dans le cycle primaire. Théoriquement, cette réduction, appliquée seulement dans certains établissements de pays avancés, permettrait une meilleure concentration, un engagement plus actif, une progression correspondant mieux au rythme des enfants… Le quart d’heure restant était destiné en principe à une récréation, qui a toute son importance pour le bien-être physique et mental des élèves à cet âge-là.
Mais chez nous, cette «innovation» n’avait même pas été suffisamment expliquée aux enseignants, si bien que dans la pratique on n’a fait que réduire l’horaire de présence des enfants à l’école en jumelant à chaque fois deux séances de 45 mn en une seule de 90 mn ! En plus de l’objectif ainsi manqué, un problème nouveau a surgi : les enfants passant moins de temps à l’école, les parents qui travaillent se retrouvent avec des difficultés à gérer leur garde, difficultés rendues encore plus complexes par le système de «double vacation» dans les établissements où il est de mise.
On pourrait parler de la même manière d’autres réformes telles que l’introduction de l’«approche par compétences» au niveau de l’Éducation nationale, du système LMD au niveau universitaire… Menées à la hussarde, le manque de formation (et même d’une simple information parfois) a fait que dans le premier cas, les enseignants exploitaient les nouveaux manuels selon les anciennes méthodes, et dans le second cas, plaquaient simplement, aux intitulés des nouveaux modules, ce qu’ils avaient compris des contenus qu’ils avaient eux-mêmes reçus en tant qu’étudiants .
L’uniformisation, confondue avec l’égalité des chances, est un autre «fléau» de l’école algérienne. Il est aberrant que le même programme à une virgule près soit dispensée à la même cadence et de la même manière aux quatre coins du (vaste !) territoire national. Alors qu’un même objectif pédagogique peut être atteint à l’aide de supports différents, d’activités différentes, de méthodes différentes, selon les moyens disponibles, les avantages ou les contraintes de l’environnement… On oublie souvent que l’objectif final de l’enseignement n’est pas le volume des connaissances (des programmes) mais la formation de l’esprit, le développement des facultés intellectuelles de l’être humain (développement de l’intelligence, de l’esprit critique, d’analyse, faculté d’adaptation…)
Par ailleurs, l’apprentissage est d’autant plus efficace qu’il résulte d’échanges, d’interactions entre des individus ou des groupes ayant des connaissances et des expériences diversifiées. Ne dit-on pas que c’est du débat que jaillit la lumière ? Mais avec des discours uniformisés, peut-on avoir des débats ? peut-on avoir de la lumière ? C’est plutôt la sclérose du savoir, et partant, la sclérose de l’esprit…
On pourrait ainsi multiplier les exemples de réformes contre-productives, dont certaines s’apparentent même à du sabotage. Mais envisageons plutôt des solutions. Première question qui vient alors à l’esprit : dans la situation actuelle, par où commencer ? Le système fuit de partout, les carences sont criardes à tous les niveaux. Cependant, un problème crucial, fondamental, conditionne tout le reste : le manque de formation chez les enseignants. C’est donc par là qu’il faut commencer : la formation de formateurs qualifiés.
Afin de relever le niveau d’instruction de la population et œuvrer à l’émergence de cadres qualifiés selon les exigences de l’industrialisation, dès la fin du XVIII° S. (en Allemagne dès 1753, le pays ayant pris une avance sur le plan culturel et scientifique suite notamment à la Réforme de l’Église — Martin Luther…) mais surtout au cours du XIX°Siècle, les pays européens érigèrent des «écoles normales», établissements de formation des enseignants, en commençant par le niveau supérieur. La formation y était de haute qualité : des personnalités telles que Pasteur, Taine, Bergsone, Sartre… avaient été normaliennes (Cf. Wikipédia).
En Algérie, l’École normale de Bouzaréah fut fréquentée par Albert Camus, Émmanuel Roblès, Mouloud Feraoun… Dotés d’une culture consistante, les professeurs comme les instituteurs, avaient le statut de fonctionnaires de l’école publique, et leur mission était, en plus de l’enseignement, d’éclairer et de moderniser la société, en insufflant des valeurs républicaines : esprit citoyen, respect des autres, altruisme, solidarité, etc.
En France, il y eut deux types d’écoles normales : les écoles normales «primaires» pour la formation des instituteurs et les écoles normales «supérieures» pour la formations des professeurs du secondaire et des universités. Ces dernières, très sélectives, étaient (et sont toujours) hissées au rang des grandes écoles, ouvertes à la formation d’une élite qui a fait avancer la recherche dans toutes les branches du savoir (voir la notoriété de «Normale Sup» en France). Beaucoup de «normalien(ne)s» sont devenu(e)s des personnalités célèbres du monde culturel et scientifique, ou ont accédé à de hautes fonctions de l’État.
C’est grâce à ce système que, dans les pays développés (même aux États-Unis), la formation d’une relève est assurée non seulement pour l’encadrement de l’enseignement, mais aussi pour la recherche et l’innovation dans tous les domaines. C’est là qu’il y a de la recherche pour le renouvellement des méthodes pédagogiques, pour ce qui nous concerne.
En Algérie, pendant le période coloniale, il y avait trois écoles normales d’instituteurs (profil de sortie : BAC + 1) : à Alger, à Oran, et à Constantine. Les E.N.S. (BAC+4) étaient centralisées en France «métropolitaine». A l’indépendance, pour répondre aux besoins urgents du pays, des écoles normales étaient crées dans chaque wilaya pour la formation d’«Instructeurs du Plan de Scolarisation», avec des sections francisantes et des sections arabisantes. Elles recrutaient avec le niveau de «Fin d’études primaires» ou le niveau de 6ème, pour la préparation du B.E.G. Les programmes étaient les mêmes que ceux de l’enseignement général, avec en plus quelques matières spécifiques.
A l’issue du B.E.G, les «élèves-maîtres» suivaient une année de formation pédagogique, alliant des cours théoriques et des stages pratiques. Une fois sur le terrain, ils continuaient leur formation à distance, encadrés par leurs inspecteurs, afin d’accéder au gade d’instituteurs. Pour le cycle secondaire, la formation des enseignants était assurée dans les trois écoles normales héritées de la colonisation, devenues E.N.S.
C’est avec les quelques promotions formées dans ces établissements que l’école algérienne a démarré réellement, et les résultats étaient appréciables. Les bacheliers de l’époque pouvaient suivre sans difficultés, et parfois même avec brio, des études dans les universités et autres écoles d’ingénieurs en Europe ou ou en Amérique.
Mais ce système ne dura pas. Dès le début des années 1970, voulant mettre les bouchées doubles, on convertit les écoles normales en I.T.E. (Institut de Technologie de l’Éducation), avec un cursus écourté et des programmes spécifiques : la dégradation commençait.
Notons qu’en Europe, si le niveau de l’université semble avoir baissé avec le système LMD, les grandes écoles n’ont pas perdu de leur qualité : elles sont toujours restées très sélectives et ne sont pas astreintes à subir des réformes sans y apporter les adaptations qu’elles jugeaient adéquates. Ces établissements ont toujours joui d’une autonomie pédagogique.
Si l’on veut réellement améliorer les choses, on doit tirer de ces expériences les leçons qui s’imposent : dans l’enseignement, la formation d’une élite est inévitable. En Algérie, nous avons un certain esprit égalitariste, mais nous devons admettre que c’est l’élite qui peut se multiplier elle-même et assurer des formations à des niveaux inférieurs, et non l’inverse.
On devrait donc commencer par créer des établissements d’excellence dédiés à la formation d’une élite suffisante (à l’instar de ce qui semble être tenté pour l’informatique et certaines technologies, avec la création d’écoles supérieures spécialisées). Ces établissements fonctionneront en tenant compte de l’évolution des savoirs et savoir-faire universels et des technologies de la communication.
Il est difficile de repartir à zéro, mais tout n’est pas encore perdu. Pour démarrer, il y a encore en Algérie quelques compétences qui pourraient être mobilisées immédiatement pour la formation de formateurs, mais il y a aussi la diaspora qui pourrait constituer une ressource intéressante, comme il est possible également de recruter des cadres à l’international sur concours et sous contrat individuel (sans passer par des conventions interétatiques dont nous avons déjà fait la mauvaise expérience…) Une partie des formations pourrait se faire d’ailleurs à distance ou sous forme de séminaires périodiques.
Évidemment, cela nécessiterait des conditions attractives : offrir des salaires et des avantages sociaux intéressants. Il y a lieu de rappeler que, si jusqu’à la fin des années 1970 les enseignants étaient motivés, travaillaient avec enthousiasme pour la plupart , c’est parce que les salaires et les avantages de la profession offraient une véritable promotion sociale : pouvoir d’achat assurant un niveau de vie «moderne», droit au logement de fonction gratuit pour les enseignants du primaire, prime de logement pour ceux qui n’en avaient pas besoin, prime de zone déshéritée, etc. Pour les P.E.M. et P.E.S., les communes étaient tenues de les loger (des programmes étaient réalisés à cette fin par l’O.P.G.I.). Ainsi traités, les enseignants pouvaient jouer le rôle de modèles, de référence pour les jeunes générations.
En plus d’un confort matériel, l’enseignant — comme l’intellectuel en général — a aussi besoin d’un confort moral : une liberté au niveau de l’action pédagogique, une liberté d’exprimer son opinion, de débattre, de prendre des initiatives etc. L’université devrait jouir d’une autonomie dans la gestion pédagogique. Le savoir ne devrait pas dépendre d’une bureaucratie.
Si l’on veut donc redresser la situation et mettre un frein à (et pourquoi pas inverser) la fuite des cerveaux, il faut investir dans la ressource humaine, qui, elle seule — et non les ressources naturelles — peut assurer le développement du pays dans tous les secteurs. En somme, si l’on veut faire progresser l’Algérie, peuple et pays, il faut ré-insuffler à la jeunesse le goût des études et de l’effort (ce qui offre les vraies perspectives d’avenir), afin qu’elle soit à même de produire et non seulement de consommer, les biens matériels dont elle a besoin, mais avant tout… les idées !
Le Cercle Taleb Abderrahmane est tout un symbole. Un lieu chargé d’histoire et un espace de convivialité. Privatisé, il sera bientôt transformé en restaurant. Ali Haroun dénonce la 2e mort du martyr Taleb Abderrahmane.
Il fut un haut lieu de mémoire, un espace sobre et silencieux où l’histoire s’incarnait dans la pierre. Le Cercle Taleb Abderrahmane, sis au 2 de l’avenue Didouche-Mourad à Alger, est en passe de perdre son âme. Ce lieu symbolique, autrefois dédié au souvenir du jeune martyr guillotiné le 24 avril 1958 par les autorités coloniales françaises, s’apprête à être transformé… en restaurant.
«La deuxième mort du grand résistant Taleb Abderrahmane », écrit Ali Haroun dans sa tribune du 10 juin .
Une plaque en marbre, accrochée à la façade du bâtiment, témoigne encore du sacrifice de Taleb Abderrahmane. Né en 1930, étudiant devenu artificier de la Zone autonome d’Alger, il fut l’un des piliers de la lutte urbaine contre l’armée coloniale française. Traqué par les services du général Massu, il fut arrêté, torturé, puis exécuté. Jusqu’alors, son nom rayonnait sur ce Cercle, réhabilité en novembre 2015 par le wali d’Alger, censé être un sanctuaire de mémoire.
De lieu de recueillement à temple de la gastronomie
Mais le lieu est désormais cédé à un privé. Bientôt, au lieu d’entendre résonner l’écho d’un hymne à la liberté, on y humera les odeurs de cuisson d’un restaurant baptisé « L’Assiette Algéroise ». Une reconversion qui provoque stupeur et colère, dans un contexte où la mémoire nationale continue d’être un enjeu politique et identitaire majeur.
Dans sa tribune, l’ancien chef de la Fédération de France du FLN, Ali Haroun dénonce : « Il est indécent que ces marqueurs d’histoire servent de faire-valoir commercial».
Un effacement progressif de la mémoire
Ce n’est pas qu’une affaire de symboles. C’est la question du rapport de l’État à sa propre histoire qui est posée. Comment une nation peut-elle espérer forger un avenir apaisé si elle consent à brader les lieux de mémoire qui fondent son récit collectif ?
L’indignation est d’autant plus vive que l’effacement est méthodique. Le changement de destination n’épargne pas la plaque dédiée à une autre grande figure de la résistance, la moudjahida Fadela Dati’a. Ce qui aurait pu devenir une bibliothèque ou un espace d’éducation patriotique devient un établissement commercial, au mépris des sacrifices consentis.
Un appel à la conscience nationale
Ali Haroun lance un appel vibrant à la société et aux autorités : « Au moment où nous sommes sommés d’effacer nos souvenirs… voilà que nous voyons le nom d’un héros emblématique… bientôt caché par les fumées chargées de graisses» .
Ce lieu aurait dû être protégé, sanctuarisé, magnifié. Le silence des institutions compétentes, notamment le Haut Conseil Supérieur de la Jeunesse, est plus que préoccupant dans une période où les symboles fondateurs sont plus que jamais nécessaires.
À quand une loi pour protéger les lieux de mémoire ?
Dans les démocraties matures, les lieux porteurs de mémoire sont classés, préservés, transmis. L’Algérie indépendante, forte de l’héritage de ses martyrs, ne peut se permettre de tourner le dos à son histoire. La requalification du Cercle Taleb Abderrahmane est un enjeu bien plus large que local : c’est un test sur la capacité de l’État à protéger sa mémoire.
Taleb Abderrahmane avait lancé un message fort aux juges coloniaux : « Lorsque ma tête sera tranchée, un autre frère sortira de l’ombre à ma place. » Peut-être est-il temps, aujourd’hui, que d’autres voix s’élèvent pour lui rendre justice, et empêcher qu’à Alger, la mémoire ne soit sacrifiée sur l’autel du profit.
Le message du jeune martyr sera-t-il entendu par le ministère des Moudjahidine et susciter sa réaction pour annuler cette décision inique ?
L’Assemblée populaire nationale (APN) a adopté, ce lundi, à la majorité, une série de textes législatifs considérés comme structurants par le gouvernement, mais perçus comme problématiques par une partie de la classe politique, notamment les formations non représentées au Parlement.
Au centre de cette session législative figurait le projet de loi relatif à la mobilisation générale. Présenté comme un instrument de réponse face aux menaces majeures – catastrophes naturelles, crises sécuritaires ou conflits – le texte vise à organiser la mobilisation de l’ensemble des ressources nationales, humaines et matérielles, dans des situations exceptionnelles.
Le ministre de la Justice, Lotfi Boudjema, a salué, à l’issue du vote, un texte qu’il a qualifié d’« outil d’anticipation » permettant de « consolider les fondements de la défense nationale » et de « renforcer le lien entre la nation et son armée ». Il a également appelé les députés à œuvrer à la sensibilisation de la population, face à ce qu’il a qualifié de tentatives de désinformation.
Mais cette lecture gouvernementale est loin de faire consensus. Si les parlementaires ont validé le texte, plusieurs voix de la société civile, du monde universitaire et des partis politiques non représentés à l’APN ont exprimé des inquiétudes. Elles portent notamment sur la portée du texte, la définition des cas de mobilisation, et les potentielles atteintes aux libertés individuelles. Pour ses détracteurs, la loi aurait mérité un débat plus large et des garanties plus explicites sur son usage.
La session a également été marquée par l’adoption de trois autres lois, portant sur le règlement du budget de l’exercice 2022, la réforme du régime de retraite, et l’encadrement des activités minières. Ce dernier texte, en particulier, continue de faire l’objet de critiques acerbes, notamment de la part de partis comme le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), le Parti des travailleurs (PT) et Jil Jadid.
Dans une publication sur les réseaux sociaux, le président de Jil Jadid, Sofiane Djilali, a vivement dénoncé l’article 102 de la loi minière, relatif à la participation algérienne dans les partenariats avec des opérateurs étrangers. Il estime que même amendée, la disposition constitue « un recul préoccupant en matière de souveraineté économique », contraire, selon lui, à l’esprit de la Constitution.
Cette réaction s’inscrit dans une dynamique plus large de mise en cause des orientations économiques du gouvernement, perçues par certains comme un recentrage sur une logique d’ouverture au capital étranger, au détriment d’un contrôle public renforcé des ressources nationales.
Alors que les autorités mettent en avant la nécessité d’adapter le cadre juridique aux impératifs du moment, les critiques, elles, rappellent l’importance d’un débat démocratique plus inclusif, en particulier sur les enjeux liés à la souveraineté et à la protection des intérêts stratégiques du pays.
Les autorités judiciaires ont intensifié leurs efforts pour préserver l’intégrité des épreuves du baccalauréat, avec des opérations menées ce lundi à Annaba et M’sila, marquées par des arrestations, des mises en détention et des condamnations pour fraude et divulgation de sujets.
Ces actions s’inscrivent dans une stratégie nationale visant à garantir la crédibilité des examens et à lutter fermement contre toute tentative de tricherie.
Fuite d’épreuves à Annaba : cinq personnes poursuivies, quatre incarcérées
À Annaba, le parquet a ouvert une information judiciaire dans une affaire de fuite de réponses d’épreuves du baccalauréat. Selon un communiqué officiel, cinq individus – identifiés par leurs initiales (B.R), (B.R), (D.N), (Ch.Y) et (A.Y) – sont poursuivis pour « divulgation de sujets d’examen final à l’aide de moyens de communication à distance et en réunion ».
Les quatre premiers ont été placés en détention provisoire, tandis que la cinquième, accusée de complicité, a été placée sous contrôle judiciaire. L’affaire a été renvoyée au 22 juin 2025 par le tribunal compétent, dans le cadre d’une comparution immédiate. Ces mesures ont été prises en vertu de l’article 11 du Code de procédure pénale.
M’sila : un an de prison ferme pour deux fraudeurs
À M’sila, les services judiciaires ont traité un autre cas de tricherie impliquant la diffusion du sujet de mathématiques. Deux personnes, un frère et sa sœur, répondant aux initiales (B.A) et (B.S), ont été arrêtées pour avoir partagé le sujet de l’épreuve à travers des moyens de communication électroniques.
Présentés devant le tribunal en comparution immédiate, les deux accusés ont été reconnus coupables. Le juge a prononcé une peine d’un an de prison ferme assortie d’une amende de 100 000 dinars pour chacun. Un mandat de dépôt a été délivré à l’audience contre (B.A), désormais incarcéré.
Ces décisions témoignent certes de la volonté affichée des autorités de préserver la crédibilité du baccalauréat, présenté comme un pilier du système éducatif national. Cependant, elles mettent aussi en lumière les limites d’une réponse essentiellement répressive face à un phénomène de plus en plus ancré et techniquement sophistiqué.
Malgré la multiplication des arrestations, des condamnations exemplaires et des dispositifs de surveillance, les fuites de sujets et les cas de triche via les outils numériques continuent de surgir chaque année, preuve que la coercition judiciaire, à elle seule, ne suffit pas à enrayer durablement ce fléau. Dans un environnement numérique en constante évolution, il devient urgent d’envisager une approche plus globale, mêlant prévention, sensibilisation, encadrement technologique et réforme en profondeur du système d’évaluation.
La compagnie maritime Italienne Grandi Navi Veloci (GNV) a solennellement inauguré, lundi, une nouvelle ligne régulière entre le port de Bejaia et celui et Sète en France, coïncidant avec l’accostage du car-ferry «Excellent» qui a transporté à son bord 257 passagers et 181 véhicules.
Cette mise en service a été l’occasion de faire connaitre ce ferry long courrier qui a bénéficié ces derniers mois d’une modernisation pointue alliant une technologie d’avant-garde et des exigences adaptées aux besoins des voyageurs nationaux.
«Nous nous proposons d’offrir un confort et des prestations de l’ordre de l’excellence», a confie à l’APS le conseiller général de la GNV, Franco Fabrizio, qui s’est félicité de l’ouverture de cette escale après celle d’Alger, inaugurée le 4 juin dernier (assurée par le même navire) et des opportunités de partenariats qui s’offrent entre l’Algérie et l’Italie.
A ce titre, il a affirmé, qu’un projet similaire devant relier Bejaia au port de Gêne (Italie) est à l’étude avec l’objectif de «consolider les rapports entre les deux rives, mais aussi améliorer les prestations de services offertes aux clients grâce à l’apport d’une valeur ajoutée aux normes internationales».
Le navire, long de plus de 200 mètres, offre une capacité d’accueil de 2230 passagers et dispose de 450 cabines au confort divers, deux restaurants, une salle de jeu, un espace shopping et bien d’autres services répondant aux exigences des clients.
En 2018, les éditions bretonnes Skol Vreizh publient Une embuscade dans les Aurès, un récit autobiographique d’Anne Guillou-Riou. L’autrice y retrace la courte vie de son fiancé, Raymond Messager, sous-lieutenant de l’armée française affecté en 1960 à T’kout, dans les Aurès, en pleine guerre d’Algérie. Il n’y arrivera jamais : le 12 septembre 1960, il tombe dans une embuscade tendue par des maquisards algériens. Il avait 22 ans.
Ce livre se veut un hommage intime, porté par une émotion sincère. Il mêle souvenirs personnels, extraits de lettres, coupures de presse et rappels du contexte militaire. L’écriture est pudique, sobre, empreinte de chagrin. Mais si le deuil est légitime, l’histoire racontée, elle, reste désespérément unilatérale. En tant que lecteur algérien, et journaliste attentif aux récits de mémoire, il est difficile de ne pas ressentir un profond malaise face à cette manière de relater le conflit.
Car Une embuscade dans les Aurès s’inscrit dans une longue tradition française de récits de guerre où l’Algérien n’existe que comme menace. Il n’est ni nommé, ni décrit, ni envisagé comme sujet historique. Il est réduit à l’état d’ennemi, flou, abstrait, parfois qualifié de « rebelle », jamais comme combattant d’une guerre de libération.
Le livre ne dit rien de l’Algérie coloniale, du système de domination, des injustices structurelles, des exactions, ni de ce que représentait cette guerre pour les populations locales.
La France pleure ses soldats tombés au combat. C’est son droit. Mais que fait-elle des centaines de milliers d’Algériens tués dans cette guerre ? Des villages brûlés ? Des corps suppliciés dans les caves ? Des mémoires fracturées ? Ce livre, comme tant d’autres, perpétue une vision mutilée de l’histoire, où l’émotion privée écrase la vérité collective.
Voilà où nous en sommes : la mémoire de nos montagnes, que des milliers de moudjahidines ont gravies les armes à la main, se voit réduite au souvenir d’un sous-lieutenant français. Voilà comment on retourne les récits, comment on anesthésie une nation, comment on livre le passé au plus offrant.
Et ces montagnes — fières, blessées, indomptées — méritent qu’on les écoute dans toute leur complexité. Car elles sont plus vastes que le deuil. Plus profondes que le silence. Et bien plus vivantes que les récits figés de la mémoire officielle.
En refusant de regarder l’autre côté du drame, en continuant à figer l’Algérie dans le rôle du décor ou du danger, Anne Guillou-Riou signe un livre refermé sur lui-même, incapable de faire œuvre de vérité. C’est le chagrin d’une femme, oui — mais c’est aussi l’aveuglement d’un récit colonial qui se perpétue.
Quant à l’éditeur, Skol Vreizh, on peut regretter qu’il publie un tel témoignage sans le moindre contrepoint, sans préface critique, sans mise en contexte historique digne de ce nom. Ce choix éditorial alimente une mémoire amputée, confortable pour la France, insupportable pour les Algériens.
Mais pendant que certains pleurent et se recueillent sur un passé figé, c’est nous — les enfants de cette terre, libres et debout — que l’on tente de réduire au silence.
Les Aurès n’oublient pas. Ils grondent. Ils veillent. Et ils parleront.
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