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La pollution plastique menace la Méditerranée

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Rapport du Fonds mondial pour la nature

La pollution plastique menace la Méditerranée

La Méditerranée risque de se transformer en une « mer plastique », avec des niveaux record de pollution par les microplastiques menaçant les espèces marines et la santé humaine. C’est ce que révèle un nouveau rapport du WWF (fonds mondial pour la nature) publié le vendredi 8 juin sous le titre ” Pollution plastique en Méditerranée, sortons du piège ! ”.

Causes de la pollution

Le rapport poursuit en précisant que la Méditerranée est considérée comme la sixième plus grande zone d’accumulation de déchets marins : cette mer ne représente que 1% des eaux mondiales, mais concentre 7% de tous les micro-plastiques de la planète. Si le tourisme est un des secteurs qui pâtit de cette pollution, il est en revanche un des premiers responsables. Aujourd’hui, le plastique représente 95% des déchets flottant en Méditerranée et reposant sur ses plages. La plupart de ces plastiques sont rejetés dans la mer par la Turquie et l’Espagne, suivis par l’Italie, l’Égypte et la France.

Le bassin méditerranéen abrite 150 millions de personnes, qui font partie des plus gros producteurs de déchets urbains solides, entre 208 et 760 kg par an et par habitant et les touristes visitant la Méditerranée (plus de 200 millions de personnes chaque année), génèrent une augmentation de 40 % des déchets marins en été, ajoute le rapport qui coïncide avec la Journée mondiale des océans. La cause première de la pollution plastique réside dans les retards et les lacunes en termes de gestion des déchets plastiques dans la plupart des pays de la Méditerranée. Sur les 27 millions de tonnes de déchets plastiques produits chaque année en Europe, seul un tiers est recyclé ; la moitié des déchets plastiques en Italie, en France et en Espagne finissent dans des décharges.

Recommandations du WWF  

Le rapport du WWF, s’inquiète des conséquences dramatiques d’une utilisation excessive de plastique, d’une mauvaise gestion des déchets et du tourisme de masse dans l’une des régions les plus visitées dans le monde et présente une feuille de route détaillée des actions urgentes que les institutions, les entreprises et les citoyens doivent entreprendre pour empêcher les déchets plastiques d’atteindre la mer. Le WWF a appelé les gouvernements, les entreprises et les particuliers à adopter un certain nombre de mesures visant à réduire la pollution par les plastiques dans les environnements urbains, côtiers et marins en Méditerranée et dans le monde. Le fonds a appelé à l’adoption d’un accord international juridiquement contraignant pour éliminer les rejets de plastique dans les océans, soutenu par de solides objectifs nationaux visant à obtenir 100% de déchets plastiques recyclés et réutilisables d’ici 2030 et des interdictions nationales pour les articles en plastique à usage unique et exhorté les entreprises à investir dans l’innovation pour une utilisation plus efficace et durable du plastique. Investir dans l’innovation pour des alternatives recyclables ou composables afin de s’attaquer aux 30 % d’emballages plastiques actuellement non recyclables.

Dissocier les matières plastiques des ressources fossiles et adopter des matières premières d’origine renouvelable.

 

Auteur
Bachir Djaider

 




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Youcef Zirem raconte « la fin tragique » de Matoub Lounès

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Publication

Youcef Zirem raconte « la fin tragique » de Matoub Lounès

Le journaliste et écrivain, Youcef Zirem, vient de publier chez Fauves Editions, « Matoub Lounès, la fin tragique d’un poète ». Un constat d’emblée. C’est le seul ouvrage sorti à l’occasion des 20 ans de l’assassinat de Matoub Lounès. Car en dépit de l’immense popularité de ce chanteur et de la profusion de la littérature journaliste à son sujet, seule une poignée de livres lui sont consacrés.

Pour cela et pour d’autres raisons évidentes, le livre de Youcef Zirem est à saluer. Dans «Matoub Lounès, la fin tragique d’un poète», l’auteur a fait un choix : il y a très peu de place à l’analyse textuelle. Tout le récit est consacré à la dense et courte vie de Matoub Lounès. Parce qu’en juxtaposition à ce poète qui avait le don du verbe, la chanson volcanique et une conduite d’airain, il y avait l’homme flamboyant, un météorite qui a brûlé sa vie pour éclairer les autres. Matoub a épousé le siècle et ses nombreuses crises. Surtout celles de son peuple qu’il a porté au firmament.

«C’est avant tout le portrait de cet homme généreux, talentueux et sincère qui est ici dressé », écrit l’auteur. « Jamais il n’a triché, jamais il ne s’est laissé faire, son courage est devenu légendaire», ajoute Zirem. En effet, il y avait une dimension insaisissable chez Matoub Lounès : cette capacité physique et créatrice presque surhumaine à se surpasser.

Physique parce qu’il a échappé à la mort par deux fois. La première quand des gendarmes lui ont logé cinq balles de kalachnikov dans le corps en octobre 1988. La seconde quand un groupe armé l’a enlevé pendant une quinzaine de jours. Ensuite, il y a cette richesse unique du verbe matoubien.

Construit en chapitres succincts, agréables à lire, ce livre reprend l’essentiel du parcours de Matoub Lounès. Instructif, il nous rappelle combien l’enfant de Taourirt Moussa a été au cœur des nombreuses luttes de sa génération.

Youcef Zirem n’a éludé aucune partie du parcours de ce poète dont la création et la vie quotidienne ne faisaient qu’un. Son enfance et ce temps de l’innocence où il avait bricolé sa première guitare, son gala à l’Olympia en tenue militaire en plein printemps berbère, son agression par des gendarmes en octobre 1988, son enlèvement qui a mis la Kabylie sur le pied de guerre, son assassinat par un groupe armé qui fait montre d’un professionnalisme marqué pendant l’embuscade…

A lire ce livre, on comprend qu’il y a une dimension épique dans la personnalité de Matoub Lounès.

Auteur
Hamid Arab

 




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Matoub Lounès, une conscience amazighe en phase avec son temps

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20 ans après son assassinat

Matoub Lounès, une conscience amazighe en phase avec son temps

« L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l’artiste à ne pas s’isoler ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui, qui, souvent, a choisi son destin d’artiste parce qu’il se sentait différent, apprend bien vite qu’il ne nourrira son art, et sa différence, qu’en avouant sa ressemblance avec tous. L’artiste se forge dans cet aller retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher », Albert Camus, Discours de Suède, 10 décembre 1957.

S’inscrivant dans cette définition camusienne de l’artiste, Lounès Matoub a fait de sa vie un véritable artisanat d’idées, de poésie, de voix, d’actions, de chants, d’écriture, d’amour, de combat et  de consciences aigues capables de résister aux séismes des mensonges et de négationnisme qui ont failli emporter son identité ancestrale. Nés en pleine mer, dans les eaux troubles, à savoir une Algérie sous le régime colonial français et une Kabylie qui n’a connu de tous temps qu’oppression, servitude et déni identitaire et culturel,  il lui fallait apprendre à ramer et aider son peuple à ramer pour ne pas mourir, et vivre pour créer.

Oui, vivre pour laisser aux générations ce totem de vie, ce bel ouvrage artistique qui n’en finit pas d’émouvoir et d’émerveiller vingt ans après la disparition de l’artiste. Rien de mystérieux, c’est juste que tout est fait maison.

Les ingrédients de ses chansons sont exclusivement issus du terroir, c’est tout simplement la misère de son peuple, la soif de liberté, la négation de ses origines et l’aspiration profonde à une vie meilleure et prospère, où sa langue Amazigh prend maternellement place pour nourrir chaque sarment de son peuple  qui est savamment, poétiquement et artistiquement agencés pour en faire ce beau tableau où chacun s’y reconnaît. C’est dans ces eaux troubles menaçant constamment sa vie et celle de ses siens, ce magma instable menaçant constamment l’identité de son peuple, l’âme de son origine et la sève de sa langue amazighe que Matoub Lounès a su faire de sa vie un véritable hymne à la résistance, un chant patriotique et tout simplement une sublime œuvre d’art.

En effet, en écoutant les chansons de Matoub Lounès que ce soit les textes de jeunesse ou ceux de ses dernières années, notamment son dernier album qui est très élaboré aussi bien sur le plan artistique qu’intellectuel, on aperçoit très rapidement cet aller-retour perpétuel et permanent, dont parle Albert Camus, entre l’artiste et les autres, autrement dit son peuple, ces autres qui sont opprimés, sans voix et bâillonnés.

Il est ainsi tout le temps à mi-chemin du travail artistique, de la beauté dont il ne peut se passer et la communauté berbère à laquelle il ne peut ni veut s’arracher. Il a su ainsi conjuguer l’exigence artistique en faisant des œuvres d’art magnifiques sur le plan musicale et poétique et les souffrances et les joies des hommes de son temps,  car il sait et a compris que son art ne doit pas être une «  réjouissance solitaire » pour reprendre Camus, mais une nécessité dans le sens où il doit porter magnifiquement ces voix qui ne peuvent ou ne savent pas hurler pour dire leur souffrance.

Il faut dire ainsi que le génie, la popularité et l’aura dont bénéficie aujourd’hui le chanteur vingt ans après son assassinat le 25 juin 1998, tient à l’immersion totale de l’artiste dans le giron de son peuple et sa communauté. Il n’a jamais essayé de s’extraire ni de se dérober aux situations difficiles de son temps. Il s’en est au contraire forgé son art et a tissé sa proximité avec ces femmes et les hommes avec qui il partage les mêmes souffrances et aspirations démocratiques. Son répertoire raconte les années 80 où le pouvoir héritier du régime colonial a tout fait pour faire disparaître les origines Amazigh de l’Algérie ainsi que la langue Amazigh en utilisant toutes les méthodes de répression : arabisation à marche forcée, interdiction de parler dans leur langue maternelle aux enfants kabyles en classe et à la récréation, interdiction de toutes traces de la langue Amazigh, diabolisations des écrivains kabyles, notamment Mouloud Mammeri, falsification de l’histoire en faisant un autre roman national où la Kabylie authentique est diabolisée et discréditée politiquement auprès des régions arabophones.

Militant constant et infatigable de la revendication de l’Amazighité comme langue nationale et officielle, où il est embarqué dès son jeune âge, le verbe incisif du chantre atteint sa culminance corrosive avec la chanson interdite  « yehzen lewad Aissi » (le Oued Aissi est triste) sortie après la répression de la marche du 20 avril 1989 par le pouvoir. Maintenant toujours la même exigence artistique, le répertoire de l’artiste s’est diversifié au fil du temps et des problèmes de son époque. Il a ainsi chanté  la misère sociale de l’Algérien qui ne peut pas subvenir à ses moindres besoins élémentaires à cause du pouvoir d’achat, toujours en ruées pour s’approvisionner d’une denrée de peur d’être en raréfaction du jour au lendemain, dénoncé les manœuvres politiques mesquines du pouvoir dont la seule visée est maintenir son peuple dans la rumeur permanente, la servitude, l’intimidation, le chantage, la « hogra », la manipulation, la privation afin de se maintenir en place.

Courageux et fidèle à ses engagements, les années noires du terrorisme où la mort rodait partout dans le pays, où celui qui sort le matin ne sait pas s’il revient le soir pour paraphraser Said Mekbel,  ont renforcé la détermination de l’artiste à rester à proximité des siens au péril de sa vie, de chanter leur souffrance quotidienne et la peur de mourir à tout moment. Ses positions envers l’islamisme abject, aveugle et obscurantiste et le pouvoir central accoucheur de ce monstre de Loch Ness sont restés inchangés. C’est au contraire dans le péril de sa vie et du naufrage de son peuple qu’il puisera les ressources qui nourrira son art. Les hommages rendus aux président Mouhammed Boudiaf et Tahar Djaout lâchement assassinés  (Kenza a Yelli = Kenza ma fille), qui sont d’une beauté qui force l’admiration, témoignent autant de la maturité artistique que de la maturité politique et intellectuelle de Matoub Lounès.

Enfin, pour conclure, si  Matoub Lounès appartient toujours à la postérité, c’est qu’il était déjà en avance d’une génération par rapport à ceux qui l’ont tué,  mais aussi parce que avant tout, c’était aussi un homme qui savait s’asseoir auprès des siens en écoutant leur musique, c’est un homme qui savait entendre les palpitations douloureuses de son peuple, partager les moments de joies et de souffrance en faisant des aller –retour entre son atelier de création et les turbulences traversant le voyage de son peuple, c’est aussi un homme attachant, débordant d’humanité et du goût pour le beau, un homme en phase avec la chanson de son peuple et du devoir de son temps.

Á vrai dire, il n’a fait que mettre en musique le texte de son peuple, et c’est en ça qu’il est un grand artiste, et c’est pour ça qu’il est un artiste du peuple, qu’il est aimé, admiré, célébré et adoré par ce peuple.

Auteur
Omar Tarmelit

 




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Matoub Lounès : laissez l’étoile allumée !

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Meziane Ourad raconte

Matoub Lounès : laissez l’étoile allumée !

C’était il y a vingt ans. Que le temps passe vite ! Je rentrais d’une longue journée de travail. Un travail alimentaire exténuant. En ce temps, je faisais en plus de mes heures d’astreinte, 120 kilomètres de train aller et retour pour gagner un SMIC salutaire. L’exil est toujours une corvée ! 

Le 25 juin 1998, j’arrive au bout de ma peine d’émigré déclassé. Je toque à la porte de mon appartement où m’attendait ma femme avec laquelle je m’étais sérieusement fâché la veille. Je m’attendais donc à un accueil glacial. Bizarrement je suis reçu avec un énorme sourire. Un sourire barbouillé de larmes trop suspectes.

A l’instant, j’ai compris que quelque chose de grave, de trop grave était advenu. Mon père ou ma mère seraient-ils morts ? Un de mes enfants aurait-il été écrasé par une voiture ? Je défaille avant d’entendre les premiers mots de ma femme : « Assois toi, j’ai une nouvelle à t’annoncer. » Je m’assois et attend le séisme. Il arrive : « Ton copain est mort, il vient d’être assassiné. » 

Sur l’écran de télé branchée sur Bloomberg un texte défile : « Matoub, un célèbre chanteur algérien vient d’être abattu… »

Je perds la parole ! Je n’ai plus de voix, plus d’idée, plus de souvenirs. Je n’ai plus de famille, plus d’amis, je n’ai plus de vie. Où suis-je ? Dans quel pays ? Dans quel monde ? Suis-je mort moi même ? Suis-je vivant ? A quoi va me servir le futur ? y a t-il seulement un avenir ? 

Des amis viennent me chercher quelques heures plus tard pour m’arracher à mon coma. 

L’Association de culture berbère monte à la va-vite, en son siège, rue des Maronites, à Ménilmontant, une chapelle ardente.

Le bar d’en face, siège officieux de Matoub, « Le petit balcon » ouvre ses vannes et ses portes pour un temps infini. Indéfini. Je reste aphasique et prostré sur un tabouret pendant trois jours et trois nuits. Je me biberonne à l’avoine. Le temps remonte et revient. Ma colère se met en vacances. Qui a tué Matoub ? Pourquoi ? Ces questions torturantes qui nous ont habités depuis toujours cognent contre les parois de mon crâne.

Était-il certain que je n’allais plus son rire ? Ce grand fracas dont il avait fait une ombre qui l’accompagnait en toutes circonstances. Ses mots, toujours espiègles, quelque peu traîtres parcourent mes veines ; « Meziane, tu es de ceux qui font mûrir les figues avec les doigts  ! » 

Et ce mot assassin qu’il m’a renvoyé à la face un jour où je lui posais une question naïve : « Pourquoi, comment Lounès arrives-tu à parler kabyle mieux que ma mère ? »

La réponse est cinglante, elle me colle toujours à la peau. Aux neurones : « Tu es un âne, Meziane. Je ne parle pas kabyle mieux que ta mère. Tu ne connais tout simplement pas ta mère. « 

Matoub

C’est au cours de ce même entretien qu’il a prononcé pour la première fois la phrase qui lui a valu les vilipendes répétées des islamistes sur les réseaux sociaux : « Je ne suis pas un arabe et je ne suis pas obligé d’être musulman. » Il y a un os ? Aucun Algérien, aucun Nord-Africain n’est arabe. N’en déplaise aux héritiers de Djamel Abdenasser, le guide du panarabisme. Personne n’est obligé d’être musulman n’en déplaise à Hassan El Banna et à son violeur de petit-fils, Tarik Ramadan, fondateurs de la confrérie des « frères musulmans » et parti du terrorisme international.

D’où est venu le coup? Qui a tué mon ami. Il a essayé de riposter avec son vain AK47. 78 balles. La hargne. Plusieurs fois achevé. Plusieurs fois haï. « Un poète peut-il mourir »? Bien sûr, Tahar Djaout auquel il était venu rendre visite en ce maudit mois de juin – encore !- de 1993, alors qu’il était agonisant sur son lit de mort, à l’hôpital de Baïnem est bien parti.

Les balles des enfants de l’école algérienne ont finit par éteindre ses lumières. Nos lumières.

Avons-nous le temps et l’espace qu’il faut pour raconter les autres, tous les autres, qu’on nous a arrachés ?

Il faudrait des fleuves de son et de signes pour dessiner notre douleur.

Matoub me supplie de l’accompagner au Mac Do. Je déteste les burgers. Il aime. Il mange toujours sur le pouce. Comme tous les grands artistes. Il mange par obligation, comme on s’acquitte d’une corvée pour pouvoir avoir, ensuite, le temps de boire et de créer.

Il me revient en tête cette chambre de la clinique des Orangers où le veillait sa première épouse, aujourd’hui, décédée, Djamila. Le visage était pâle, presque exsangue. Il venait de recevoir cinq balles tirées par un gendarme sur un chemin de Kabylie où il roulait pour appeler la population à rester calme. Pour ne pas rajouter du feu au feu qui incendiait son pays.

Un séparatiste Matoub, un sectaire ? Les fake-news sont toujours le fait d’ignorants ou de oisifs provocateurs. Matoub était un immense, un vrai patriote. Ses chansons parlent pour lui. Il n’est pas Dieu. Il n’a jamais prétendu l’être et si sa mort n’arrive pas encore à être avalée par les générations qui lui ont succédé et qui l’ont écouté c’est parce que, à l’instar des grands hommes que ce monde a enfanté, il a toujours été un bâtisseur.

Matoub rentre de Tunisie où il a même été reçu par Ben Ali qui lui aurait soufflé dans l’oreille que lui-même savait qu’il était berbère. Qu’il avait conscience de l’amazighité de la Tunisie. Etonnant ! Les gouvernants maghrébins s’échinent à vous apprendre, à nous implanter dans le cerveau, l’idée que nos ancêtres sont arabes, musulmans et rien d’autres mais ils ne ratent jamais l’occasion de proclamer à la faveur de quelques rencontres folkloriques qu’ils se sentent, qu’ils se savent amazigh.

Matoub revient donc de Tunisie. Il me demande si je connais un bar à chicha dans le coin environnant le lieu où nous nous trouvions.

Je lui sors la réplique algérienne qui s’imposait à la circonstance : « Il a dormi avec des poules, il s’est réveillé en caquetant ! »

Il en rit mais il insiste. Je lui dis donc oui.  Il y a « El Djazira » un café tunisien situé rue des couronnes à 150 mètres. Il m’arrache au comptoir et à mon demi de blé bio et me scotche au bord d’une meïda face à un thé. Mortel ennui ! « Djari ya hamouda ! »

Personne ne le reconnaît dans la salle. La révolution du jasmin est encore bien loin. Les Tunisiens n’avaient encore rien à cirer de l’amazighité et de la démocratie. Je m’ennuie mais je suis avec Matoub. L’icône. Un maître poète et musicien. J’ai un an de plus que lui mais je le considère comme un aîné. L’âge se compte en mots et en actes. Pas en chiffres.

Au bout de vingt minutes, il décide de me permettre d’aller retrouver ma perfusion. Sur le seuil du café bazari qu’on s’apprêtait à quitter, il me sort une boule de papiers et me la fourre dans la main. Je regarde. C’est de l’argent. Beaucoup. Je refuse. « Arrête, Meziane, tu es dans la merde. Je ne veux pas que les gens te paient un verre. Quand on arrivera là-bas, où nous étions, je veux que ce soit toi qui commande une tournée générale. Tu vaux beaucoup plus que ce que l’exil t’offre. »

Matoub parlait comme un diadème ; un mot : la dignité. Le sens de la famille. La fidélité aux proches et aux amis. A son pays. A ses principes. A la liberté. Toutes ces valeurs qui célèbrent la vie provoquent la mort. Dans le front d’en face, le ciel est brouillé. C’est là qu’habitent ceux qui apprennent les couleurs de l’enfer aux bébés de deux ans. Ceux qui effacent les histoires d’amour et gomment les rêves naissants. Les amants de la mort. Les islamistes. Les terroristes. Les assassins.  

Matoub Lounès est parti avec une blessure béante. Il ne pouvait pas avoir d’enfants. Ils les aimaient tellement ! Il en a finalement plusieurs millions. Il n’aimait pas la propriété, il a fini par avoir des territoires entiers.

Il est parti sans laisser de clés. Un héritage quelconque.

Lounes

La presse et les réseaux sociaux ne cessent de relayer la polémique née, après sa disparition, entre Nadia, son épouse, et Malika sa sœur. Ses droits moraux sont protégés. La justice est en droit de définir à qui ils reviennent. Personne ne pourrait ni ne voudrait en faire une affaire d’Etat. J’aime ces deux femmes, je les connais et je sais plus que quiconque qu’elles ne sont animées par un projet d’enrichissement personnel. Deux lionnes qui ressemblent à l’homme qu’elles ont aimé.

Reste ce débat quasi-philosophique qui tourne autour de cette maison de Lounès devenue, de fait, le siège de la fondation créée par Malika, sa sœur, et musée dédié au poète.

Malika veut l’inscrire au patrimoine universel de l’Unesco. L’Unesco a ses règles : pour qu’un monument soit inscrit sur ses listes, il faut d’abord qu’il soit reconnu par son Etat d’origine. Reconnu et proposé. En l’espèce, il s’agit de l’Algérie. Elle en a donc fait la demande à ce pouvoir, qu’elle accuse , par ailleurs, ouvertement, d’être complice de l’assassinat de son frère.

Où et quand a fauté cette fille, cette mère. Juriste de formation qui a la tête encore et toujours sur les épaules ? 

Nadia, qui porte encore sur son corps les marques de l’ignominie assassine qui a emporté son mari, refuse que les commanditaires du crime soient sollicités pour apposer un quelconque sceau qui permettrait la sanctification de son époux.

Le débat concerne la famille, pas le public. Il ne s’agit pas l’histoire de David-Laura-Laëticia. Matoub n’est pas Johnny. Il n’a pas laissé des milliards. Pas plus que de grosses cylindrées ou de propriétés. Il n’a légué que du verbe, des leçons de vie. Quel juge pourrait faire le partage ? 

Je peux raconter une quantité incroyable d’anecdotes vécues avec mon Lounès. Un des ses meilleurs amis Rachid Metref, bistrotier à Paris, pourrait en narrer encore plus. Dilem, le taiseux qui parle trop avec ses encres , en ferait sûrement des tonnes si, un jour, il se décidait à faire revivre nos nuits parisiennes.    

Tout le monde, chaque Kabyle, chaque arabophone amoureux du châabi pourrait nous apporter un éclairage de plus sur Matoub Lounès 

On a éteint une lumière. Nous avons trouvé la panne. Nous avons réparé. Elle restera allumée.

Pour toujours.

Auteur
Meziane Ourad

 




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Lounis Aït Menguellet s’est recueilli sur la tombe de Matoub Lounès

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Hommage au « Rebelle flingué »

Lounis Aït Menguellet s’est recueilli sur la tombe de Matoub Lounès

Aït Menguellet, Malika Matoub et Hocine Haroun aujourd’hui 25 juin à Taourirt Moussa.

Lounis Aït Menguellet s’est rendu très tôt ce lundi à Taourirt Moussa en compagnie de Hocine Haroun. Arrivés au village, ils ont été accueillis par Malika Matoub, la soeur de l’artiste assassiné le 25 juin 1998. Après avoir échangé dans la demeure familiale, Malika Matoub et Lounis Aït Menguellet ont déposé une gerbe de fleurs dans la stricte intimité sur la tombe de Lounès Matoub. 

« C’est pour éviter toute éventuelle récupération ou autre calcul malsain qu’Aït Menguellet a préféré se recueillir sur la tombe de Lounès très tôt dans la journée », nous a confié un proche de l’artiste. 

En effet, dès les premières heures de la journée la tombe du « barde flingué » a été prise d’assaut par des milliers de fans pour s’y recueillir et lui rendre un hommage. Une marrée humaine de tous âges a investi ce village des Ait Douala une énième fois pour rappeler que Lounès Matoub demeure vivant dans les coeurs de ceux qui l’écoutent. 

 

Auteur
La rédaction

 




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La facture d’importation des médicaments en hausse de 7,43%

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Selon la douane

La facture d’importation des médicaments en hausse de 7,43%

 La facture d’importation des médicaments a nettement augmenté sur les cinq premiers mois de 2018 en se chiffrant à 922,54 millions de dollars contre 671,26 millions de dollars à la même période de 2017, en hausse de plus de 251 millions de dollars (+37,43%), a appris l’APS auprès des Douanes.

Pour rappel, la facture d’importation des médicaments s’est établie à 1,89 milliard de dollars en 2017 contre 2,02 milliards de dollars en 2016 (-6,4%).

Sur une demande nationale en médicaments de l’ordre de 4 milliards de dollars annuellement, l’industrie pharmaceutique nationale produit pour l’équivalent de deux milliards dollars actuellement.

Quelque 80 unités productives dans le domaine pharmaceutique sont en activité au niveau national.

Auteur
APS

 




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Quelle place et quel avenir pour nous Algériens ?

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Tribune

Quelle place et quel avenir pour nous Algériens ?

1. Quel parcours de l’Algérie depuis son accession à l’indépendance ?

Après plus d’un demi-siècle, l’Algérie indépendante n’a pas su réaliser sa prospérité économique d’ensemble, malgré toutes les richesses naturelles et les ressources humaines dont elle dispose. Elle est toujours en retard pour son industrialisation, son agriculture, son système éducatif  et son commerce. Comme si quel que soit les gouvernements, l’Algérie était rétive à une révision en profondeur de son système de gouvernance archaïque.

Or la seule raison que je vois qui soit une raison permanente est que dès le départ,  l’encadrement socialiste de l’Algérie a toujours été médiocre. L’Algérie n’a jamais eu les hommes d’Etat et les hommes d’affaires qui auraient pu l’entraîner dans la prospérité. Un socialisme forcené puis un socio-capitalisme débridé où l’omniprésence de l’Etat qui seul, pourvoit, assure, distribue, réparti, arbitre et conduit sans partage, notre pays vers sa ruine. L’idéologie a longtemps primé sur l’économie assise sur un matelas confortable de pétrodollars.

D’aucuns m’apostropheront en disant qu’il y eu beaucoup d’investissements dans les infrastructures depuis. A ceux-ci, je réplique certes !  Disposant d’une manne de plus 600 milliards de US$ quel mérite tirez vous d’avoir attribué la réalisation des marchés publics essentiellement à des entreprises étrangères, à des coûts non optimisés dans un environnement opaque ?    

Des fortunes se sont bâties,  sur des passe-droits, des relations, des avantages, des fraudes, des attributions de marchés publics, des commissions sur marchés et autres transactions mafieuses. Voici le modèle de réussite aujourd’hui gravé dans l’esprit des algériens : tous corrompus et tous voleurs !

Depuis 2000, à peine sortie de crise profonde financière et d’une guerre civile, l’Algérie ne me semble pas du tout à l’abri d’une rechute comme par malédiction.

En marge des pays occidentaux, en retrait des anciens pays du bloc communiste, en équilibre instable dans le Maghreb, dans le continent africain sans aucune africanité, l’Algérie a longtemps cherché sa place dans le monde sans jamais l’avoir réellement trouvée. Si l’Algérie n’a pas d’amis, elle a su cependant se faire beaucoup d’ennemis !

Ni industrie de base solide, ni agriculture florissante, ni services développés, ni place régionale financière, ni hub portuaire ou aéroportuaire, ni centre culturel régional rayonnant, ni destination touristique, ni centre d’excellence régional dans une discipline particulière, il est très difficile de caractériser notre pays, connu seulement comme un marché de 40 millions de consommateurs, avides de produits made in…    

Ainsi l’inadéquation de l’Algérie à la vie économique du monde est un des traits de son identité. Durant un demi siècle, nous n’avons pas encore trouvé notre place ou de solutions au marché parallèle des devises (une Banque d’Algérie en pâte à modeler), ni au marché informel initié par les porteurs de cabas.

En fait ce fut une errance dans la recherche d’une identité propre controversée entre son amazighité millénaire et son arabité idéologique, sa langue usitée un composite d’arabe et de français (daridja), sa culture populaire de plus en plus conservatrice mais tournée irrésistiblement vers l’occident , son modèle de consommation complètement à l’opposé à la production locale, des déficits structurels de nos banques et entreprises publiques, un enseignement qui passe brutalement d’un cycle à l’autre de l’arabe au français, une religion d’Etat mal enseignée et mal comprise qui de la tolérance a basculé brutalement à l’islamisme intégriste le plus barbare.

Aucune solution ou réforme profonde n’a pu être mise en place car cela aurait provoqué indéniablement l’effondrement du système en place.  

Il est aisé pour la génération de sexagénaires de constater aujourd’hui combien les algériens ont changé, les valeurs ancestrales que même la colonisation n’a pas pu gommer, se sont peu à peu émoussées.

Notre jeunesse a perdu son patriotisme, ses repères sociétaux, son identité dans le contexte historique et n’exprime comme projet de vie qu’un visa (1).

Cette mutation représente la plus grande menace pour l’Algérie et les moyens de corriger ce cap suicidaire sont à mon sens limités si on n’agit pas en profondeur et dans l’urgence. Ce signale d’alarme bien que désagréable à ouïr,  reflète bien une réalité que beaucoup de gouvernants ne veulent pas entendre, cependant à l’instar de certaines maladies qui se développent dans votre corps sans douleur ou signe apparent mais qui véhiculent en définitive, une menace fatale pour votre existence. L’actualité dans certains pays arabe est là pour nous ouvrir les yeux.   

2. La situation que vous décrivez est plus qu’inquiétante mais d’où viendra donc l’espoir ?

Comme vous, je ne crois pas aux miracles mais l’espoir est toujours permis. Plusieurs intellectuels, universitaires et journalistes tiennent des propos aussi alarmants dans les réseaux sociaux non pas pour créer une psychose mais pour éclairer l’opinion publique voire nos dirigeant s’ils peuvent encore écouter ! Chacun voulant éviter à notre pays une descente aux enfers.

L’espoir ne doit pas s’arrêter à l’évocation « Allah nous protège! ». Y a t-il une volonté de résipiscence  des décideurs d’une part et de mener des actions ésotériques qui changeront en profondeur le système de gouvernance et abattront des privilèges,  voire qui briseront les oligarchies en place ?

« L’aéronef Algérie » peut continuer son vol et trouver son cap pour atterrir dans une aire de prospérité et de développement durable mais l’image que je refuse de garder à l’esprit c’est ce vol « germanwings » (2) où le pilote enfermé dans le cockpit a provoqué un suicide collectif.

Souvenez-vous, la France après la libération, le Général de Gaulle en septembre 1944 face à un pays dévasté et sans plan Marshall, avait appelé les charbonniers français du nord au patriotisme pour une plus forte production de charbon, permettant de produire plus d’acier et donc reconstruire le pays. Ils le firent, adultes et enfants, malgré des conditions terribles de travail, une vie misérable, des morts accidentelles par centaines, des maladies respiratoires effrayantes.

Pensez-vous aujourd’hui que, si on appelait les jeunes algériens de développer l’agriculture saharienne prometteuse pour réduire notre dépendance aux importations, le patriotisme l’emporterait-il ?

Distribuer des avantages sans contrepartie aux jeunes algériens c’est d’autant plus les aliéner davantage et modifier l’ADN légendaire des travailleurs algériens émérites du bâtiment et des usines Berliet et Michelin des années 1960.

Voici les raisons de notre inquiétude : Quand l’ADL et l’ANSEJ et les subventions cesseront que feront-ils alors ?

Croyez vous que faire appel aux travailleurs dociles marocains, népalais ou chinois soit une réponse à l’absence de la main d’œuvre laborieuse algérienne ?

Je crains que le prix à payer pour ces erreurs sera certainement élevé pour notre peuple.

D’où viendra l’espoir ? Et bien non ! pas d’une remontée des cours du Brent mais d’une mutation profonde de notre société, empruntant nos valeurs à l’islam des lumières, d’une recomposition de nos principes pour construire une société algérienne moderne et ouverte à la culture, à l’ordre du mérite et l’innovation, tournée vers le développement économique, technique et social et enfin créer les conditions favorables à l’épanouissement du génie national. Eh oui, c’est une tâche bien difficile mais tout l’enjeu est là !

3. Mais alors comment emprunter un tel virage et par où commencer ?

Pour être pragmatique et concret faisons un sombre constat : l’ouverture tout azimut aux importations a laminé la production nationale, a rehaussé le niveau de corruption et permis ainsi la constitution d’immenses fortunes sans contrepartie essentiellement dans l’informel.

Il est évident que deux composantes lourdes de l’Algérie s’affrontent : d’un côté les tenants de l’import-import soutenus par la Banque Mondiale le FMI, l’Union Européenne et ses lobbies comme l’ERT (3) et le BR (4) et de l’autre côté des entreprises algériennes publiques et privées, des entrepreneurs, des agriculteurs soutenus par certains partis d’opposition et syndicats.  

Par ailleurs, un deuxième combat s’engage dans la bataille de l’énergie : le programme de SONATRACH soutenu par les multinationales américaines et européennes et en face la société civile, les régions et entreprises patriotes qui disent stop à cette « charge de cavalerie au clairon » et qui réclament d’abord une réflexion et une forte participation à cette transition énergétique (solaire photovoltaïque, gaz de schistes, etc.) qui hypothéquera longtemps notre avenir.

Enfin, une autre bataille souterraine fait rage dans notre société entre les tenants des établissements publics d’éducation et formation et ceux du secteur privé et l’informel (cours particuliers privés). L’enjeu est de taille car il conditionne la qualité et la qualification des futures générations de notre pays.

Nous pourrions aussi traiter de la santé publique en Algérie (les centres de soins et le pharmaceutique) qui trame un combat similaire.

Dans tous ces théâtres s’opèrent des mutations, des affrontements, des ruptures et des collusions dans notre société mais aussi avec nos pays ennemis puisque nous avons dit que nous n’avions pas de pays amis. Qui sont les arbitres (élus, administrations, ministères, syndicats, société civile, médias, etc.) ont-ils les données et les compétences ? Connaissent-ils les enjeux ? Qui défend nos intérêts communs ? Où nous conduisent-ils ? Le savent-ils ?

En fait nous sommes plongés dans un silence médiatique déconcertant, une presse souvent indigente à communiqués laconiques, une vie politique aphone, un cinéma de l’actualité très animé mais muet.

Par où commencer ? Eh bien par le commencement. Expliquer d’abord aux algériens ce qui se passe aujourd’hui dans tous ces théâtres,  quelles décisions sont prisent et donc ce qui va nous arriver demain !

Chacun de nous pourra alors s’y préparer, s’associer aux luttes pour sauver notre pays, contribuer à la sortie de crise, le cas échéant se chercher un plan B.

A la fin des années 88, nous ignorions presque tout et nous avons subi les durs contrecoups de la faillite du système. Trente années sont passées depuis, nous n’avons plus le droit d’ignorer.

Une mobilisation citoyenne voilà le commencement !  Savoir et s’impliquer pour veiller, prévenir, préserver, déjouer, protéger notre pays contre ses ennemis de l’intérieur et de l’extérieur qui le minent, l’exploitent, le dépossèdent, le pillent, le trahissent, l’affaiblissent pour subir plus que jamais la domination, le joug néocolonial, la division, la fragilité voire une partition. Le modus operandi de la déstabilisation est parfaitement établi et a déjà fait ses preuves dans plusieurs pays.

4. Mobiliser les Algériens pour faire quoi et agir où ?

Nous vivons un monde d’alliances et de contre-alliances, de sauvegarde des intérêts nationaux donc nous devons aussi souscrire à l’adage : Algeria First !

Ceci en tête, nous fera prendre notre destin en main dans tous ces théâtres : Transition énergétique, le système de santé, le système éducatif pour nos enfants, le couple commerce-industrie, modèle de consommation, la place de l’islam dans notre société, autosuffisance alimentaire, l’équilibre budgétaire et les subventions, le contrôle fiscal et les douanes, la politique des investissements, les marchés publics, stratégie industrielle et relance, le marché informel, lutte contre la fraude, la menace terroriste, les transports, tant de chantiers ouverts et inachevés. La passivité et le laisser-faire nous conduiront dans le mur !

L’action civique de tous les algériens c’est d’abord se poser des questions et se dirent nous sommes sur le même bateau en classe éco ou en first, si nous implosons, se sera la fin pour tous. Gardons à l’esprit le drame syrien.   

Mais le point le plus important c’est sur quel projet de société les algériens pourraient en grand nombre se mobiliser à nouveau, comme pour l’indépendance nationale, relever le deuxième plus grand défi : bâtir une authentique république, sans populisme, sans conseil national de la révolution, sans la sécurité militaire, sans islamistes salafistes, sans le pouvoir des oligarchies actuelles ou autres formes mutantes ou clonées des démons du passé. Existe-il aujourd’hui des forces démocratiques et patriotes assez mûres et fortes pour échafauder un tel projet ? Les consciences des algériens d’ici et d’ailleurs y sont-elles préparées pour un tel projet ? Je ne tiens pas les réponses à ces questions mais j’ose croire que le mouvement citoyen de 1962 «  7 années ça suffit » revienne en « 56 années ça suffit ».     

5. Comment se protéger contre la déstabilisation

5.1 La connaissance.

Je disais à un étudiant palestinien, que je désapprouvais la lutte contre l’occupation sioniste par le fanatisme, de longues listes de candidats au martyr et des actes terroristes aveugles. A mon sens, la meilleure résistance aujourd’hui serait d’éduquer les enfants palestiniens encore et encore. Bien leur apprendre leur histoire, puis faire de la connaissance une arme redoutable retourner contre l’occupant sioniste bien supérieur à vous aujourd’hui. Si vous ne maîtriser pas parfaitement les langues occidentales, si vous n’êtes pas d’excellents orateurs et érudits en sciences politiques, droit international et sciences sociales vous ne ferez pas avancer votre cause. Si un enfant israélien étudie 38h par semaine un enfant palestinien devra en faire 60h : c’est cela mon sens du « Djihad ». Par le savoir, l’éducation et la connaissance, vous vaincrez !

Pour nous algériens c’est une même leçon. Nous devons hisser les enfants de l’Algérie, aussi haut que possible dans la connaissance. C’est à notre portée aujourd’hui encore. Il faut des efforts certes, mais c’est quand même accessible. L’ignorance est notre plus grand ennemi. Malheureusement,  le pouvoir a transformé notre société en accordant peu de considération aux gens du savoir mais respecte bien plus les gens du « flous » (argent) preuve en est : combien d’étudiants algériens sont candidats à l’exil ? C’est le début de la décadence. Une jeune génération qui ne sait pas qui elle est, d’où elle vient, son histoire millénaire et révolutionnaire, sa place dans la société, sans éthique ni morale, avec une méconnaissance des vraies valeurs de l’islam, formera une pépinière des djihadistes aux groupes Al Qaïda ou Daech, ou  des candidats «Haragas» désœuvrés sans repères et capables du pire. Demain, privée des avantages accordés aujourd’hui, cette jeunesse désœuvrée mordra la main qui lui offre sa pâture.

Ce désœuvrement et perte de repères identitaires, c’est d’abord la responsabilité des parents puis du système éducatif et bien sûr de l’Etat qui poussent ainsi notre jeunesse à s’inscrire aux registres de toutes les dérives, comme le trabendo,  la délinquance, le djihad terroriste, voire l’exil .

5.2 La décentralisation :

Un autre moyen de lutte contre la déstabilisation est la décentralisation du pouvoir. Compte tenu de la taille du pays et la diversité des régions et mentalités, il est impératif à mon sens de donner aux vrais élus locaux plus de prérogatives et de moyens de gouvernance locale. Notre système de gouvernance nous a conduit à une terrible guerre civile qui a failli nous plonger dans un califat modèle «Daech».

La concentration des pouvoirs dans les mains d’un seul homme ou d’un petit groupe mène tôt ou tard vers le chao. Une transition apaisée l’Algérie peut emprunter cette voie. Responsabiliser et impliquer les populations locales et leurs élus dans la vie de leur wilaya, sur les plans de l’aménagement du territoire, des services publics, de l’environnement, des investissements, du développement économique (industrie, agriculture et services), de la culture et des échanges avec d’autres régions en Algérie et à l’international. Qui connaît mieux les problèmes qui existent et les solutions à apporter que les habitants de ces régions et aucun ministre ou premier ministre ne peut prétendre s’y substituer lors d’une visite occasionnelle médiatisée par la chaîne nationale. Bien que la colère des habitants de plusieurs régions gronde «nul n’est plus sourd que celui qui ne veut pas entendre».

Dans certains cas il serait judicieux de réunir plusieurs wilayas pour former une région avec un conseil régional élargie. De ce fait le Wali perdra alors les pleins pouvoirs actuels pour mieux gérer ses prérogatives usuelles de sécurité et souveraineté de l’Etat. Le pouvoir central devra alors composer.

5.3 Le lobbying international :

Durand la décennie noire, nous nous sommes rendus compte en fait qu’aucuns pays voisins ou éloignés ni aucune institution n’ont levé le petit doigt pour nous aider à vaincre l’islamisme intégriste. D’aucuns observaient passivement, certains nous fermaient leur portes comme des pestiférés et enfin d’autres se réjouissaient que l’Algérie sombrait vers le chao, pour ne pas citer ceux qui aidaient les groupes terroristes. Notre pays entra alors dans un autisme complet et seuls les décomptes morbides alimentaient les « 1 » des titres à l’international, accompagnés du fameux adage : Qui tue qui ?

De ces événements malheureux nous pouvons tirer au moins 4 leçons.

La première leçon est que nous n’avions nulle part « d’amis » et à ce jour encore. La deuxième est que nous n’avions pas de politique,  moyens et relais puissants de communication qui puissent attiraient un autre regard sur notre situation et à ce jour encore. La troisième est que notre diplomatie a été très médiocre. La quatrième est que nous n’avions aucun réseau de lobbying à l’international pour nous aider à surmonter une menace existentielle et à ce jour encore.

Un pays comme l’Algérie, compte tenu de sa position géographique, de sa taille, de ses richesses énergétiques ne pourra pas survivre dans la paix et la prospérité sans bâtir un solide lobbying international.

6. Selon vous, comment rétablir la confiance et rassembler les Algériens ?  

Comme je l’ai déjà écris, il n’y a aucune possibilité au changement dans la continuité, car le mal est dans   notre mode de gouvernance qui nous mène à l’impasse et à l’échec.

Plusieurs pays vivent une pareille errance, qu’ils disposent ou non de richesses naturelles. L’histoire récente de certains pays de l’Europe de l’Est m’inspire, de même que des pays comme l’Ethiopie, le Vietnam, la Malaisie ou l’Indonésie nous montrent en partie des chemins à suivre. Aucune transposition intégrale de leurs actions n’est concevable cependant le recours à des actions inédites a montré l’efficacité pratique.

Il s’agit d’abord d’engager une rupture puis proposer un projet fédérateur que j’appelle « Algeria First » autour duquel il faudra rassembler notre peuple pour sortir définitivement d’une fragilité économique systémique qui nous angoisse et nous paralyse.

A quoi consiste ce projet ?

Il serait fastidieux ici d’en faire une description complète mais en listant ci-dessous sommairement treize (13) points, des lecteurs avertis en décèleront le contenu. Toutes ces mesures et actions ne sont pas forcément nouvelles, mais bien à notre portée et assurent, si elles sont réellement appliquées, une rupture avec le système rentier et une ouverture aux entrepreneurs algériens vers une économie réelle, une voie qui mène à l’espoir et à la confiance en l’avenir.  

  • Une politique économique fondée sur le compter sur soi avec l’apport technique des autres Fusionner définitivement le commerce et l’industrie : Oui au commerce qui engendre un développement industriel (limitation de la revente en l’état et recherche systématique d’une valeur ajoutée locale). Adapter nos textes légaux et réglementaires à nos objectifs. Accompagner fermement les start-up et les PME/PMI. Encourager également les microentreprises par des micro-crédits adaptés aux artisans.

  • Une politique industrielle intégrée : Il est éminemment salutaire pour l’Algérie de s’agripper à une véritable politique industrielle intégrée visant à croître ses capacités de production, densifier la matrice des activités, accompagner la sous-traitance locale et internationale, promouvoir des produits algériens de qualité, fabriqués par notre industrie et commercialisés à l’intérieur et à l’extérieur du pays, réduisant progressivement le déséquilibre de notre balance économique.

  • Mobilisation des compétences : mobiliser les compétences nationales et attirer les non résidents. Les postes clefs des entreprises stratégiques et banques publiques ouverts à la concurrence.

  • Partenariat national : Partenariat Public Privé (PPP), Délégations d’exploitation pour les utilités (eau, électricité, gaz) et parcs industriels.

  • Partenariat international : Engager des Partenariats d’exception à long terme avec des pays comme les USA, l’UE, la RP de Chine, la Corée du sud, l’Inde, le Brésil… Adapter nos lois et nos codes pour attirer des partenaires investisseurs.

  • Investissements extérieurs : Permettre aux entreprises algériennes d’investir dans des sociétés étrangères qui disposent d’un savoir faire nécessaire à l’Algérie   

  • Zones d’activités industrielles : le long de l’autoroute Est-Ouest sur les différentes wilayas réaliser des zones industrielles aménagées par l’Etat mais en gestion déléguée privée et proposées avec grandes facilités d’installation aux investisseurs et promoteurs privés.  

  • Plan « Marshall » pour l’agriculture : Plan de relance de grandes exploitations agricoles privées dans les céréales, les oliveraies, les cultures industrielles. Mise à disposition au profit du secteur agricole +60% ressources hydriques disponibles (barrages, forages, puits albiens…) avec une modernisation de systèmes d’irrigation intensive. Encouragement des fermes d’élevage intégré (300-400 vaches de traite). Production d’aliments pour animaux d’élevage et poissons. Cultures sahariennes et intercalaires. Relever hautement le niveau technique des agriculteurs et des fermiers. Proposer des AGF (5) aux exploitants agricoles. Expansion de l’exploitation des ressources halieutiques notamment par une modernisation de la flotte, d’une formation pour les pécheurs et les éleveurs aquacoles.  

  • Délégation des pouvoirs économiques aux autorités élues régionales : Conférer aux autorités élues régionales  toutes les initiatives économiques et commerciales.    

  • Ouverture de l’enseignement supérieur aux investisseurs privés locaux et étrangers (universités) : Autoriser l’ouverture d’universités techniques privées multi linguistes.  

  • Ouverture d’établissements médicaux spécialisés (hôpitaux et cliniques) aux investisseurs privés locaux et étrangers. Réduire progressivement le recours aux soins spécialisés à l’étranger par une offre locale de soins de qualité.

  • Construction et/ou aménagement de ports orientés vers l’exportation : à l’instar de notre voisin doter notre pays d’une plateforme portuaire équipée et orientée vers le processing et l’exportation incluant tous les services administratifs.

  • Aménagement d’une plateforme d’ouverture africaine à Tamanrasset : Raccordement des ports de Annaba et Jijel par réseau autoroutier à la plateforme de Tamanrasset. Plaque tournante d’ouverture de la méditerranée vers les marchés africains (zones sous douanes, magasins centraux,  logistique, etc.)

7. En conclusion, quel est votre message aux Algériens  

Je ne souhaite pas d’autres épreuves tragiques au «bateau Algérie» voulant l’éloigner de la zone de tempête où il se trouve. Pour ce faire, j’appelle les intellectuels algériens d’ici et d’ailleurs de procéder sans complaisance à un examen très lucide, analytique et cognitif de la situation et d’exprimer leurs points de vue sur les différents segments de la vie économique et sociale tels: Education-formation, Santé, Stratégie industrielle, Modernisation de l’agriculture, Culture financière des acteurs économiques, Efficacité de l’administration, Relance & croissance des entreprises, Réduction des déséquilibres régionaux et inégalités sociales, Formation civique et politique de la jeunesse et tant d’autres domaines…

Pour vous tous où que vous soyez, observer dans un silence complice le cours de choses, est un quasi-délit : Non assistance à pays en danger.

Je crois fermement que les algériens disposent d’énormes talents et sont capables de réagir pour relever ce défi. Nous devons impérativement saisir nos valeurs et nos principes pour reconstruire une société ouverte à la culture, l’inovation et au développement économique, technique et social, conjuguant la modernité et l’émancipation par le travail et la connaissance.  

L. G.

(*) Lies Goumiri est docteur d’Etat ès-sciences de l’Institut National Polytechnique de Grenoble (France) et diplômé de Sciences Po Paris. Il a occupé d’importants postes dans l’administration centrale, CEO dans plusieurs entreprises publiques et privées et institutions internationales. Il a été associé à plusieurs missions de l’ONUDI et enfin consultant pour divers organismes et sociétés étrangères asiatiques.

Nottes

(1)  Phrase prononcée par le Président E.Macron lors de sa visite officielle à Alger face aux jeunes algériens.

(2) L’accident du vol 9525 de Germanwings, vol régulier qui reliait Barcelone (Espagne) à Düsseldorf (Allemagne), est le crash survenu le 24 mars 2015   dans les Alpes françaises, suite à un acte volontaire du co-pilote atteint mentalement.

(3)La Table ronde des Industriels européens (European Round Table, ERT) qui rassemble les 49 plus grandes entreprises européennes, situées dans 18 pays de l’UE qui représente le lobby européen le plus puissant à Bruxelles.

(4)La Business Roundtable  BR est un lobby conservateur des dirigeants des grandes entreprises américaines créé en 1972 par John Harper pour faire pression sur les politiques publiques et économiques du Gouvernement fédéral des États-Unis à l’intérieur comme à l’international.  

(5) Assurances, Garanties et Financements spécifiques au secteur agricole

 

          

 

Auteur
Llies Goumiri (*)

 




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Religion, ethnie et domination sociale

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Contre l’idéologie harkie, pour la culture libre et solidaire (14)

Religion, ethnie et domination sociale

Palestine trahie par les despotes arabes. Palestine portée par ses enfants.

Ce qui sera dit ici est essentiellement la répétition de propos écrits auparavant ; mais des commentaires de lecteurs et lectrices exigent de revenir sur les thèmes exposés, en espérant une meilleure clarté de l’exposé. Dans cette partie, nous tenterons de comprendre l’idéologie harkie (1) dans ses formes ethniques et religieuses.

Commençons par répondre à une question posée dans la presse : « Pourquoi la cause palestinienne déchaîne-t-elle autant les passions ? (2)»  Question pertinente, cependant, l’explication donnée appelle des clarifications importantes.

Certains se passionnent pour la Palestine, plus exactement pour le peuple palestinien, parce que, se considérant arabes, ils en concluent à la nécessité de se solidariser avec d’autres Arabes. Nous avons ici une solidarité d’ordre ethnique. D’autres manifestent la même passion parce que, se considérant musulmans, ils en déduisent le devoir de solidarité avec d’autres musulmans. Il s’agit de solidarité religieuse. Quoique, dans ce cas, on oublie l’existence d’une minorité non négligeable de Chrétiens et de quelques athées parmi la population et les dirigeants palestiniens (FDLP et FDLP, notamment).

Cependant, de part le monde, et depuis toujours, on a constaté les résultats funestes des luttes et guerres menées au nom de solidarité de type ethnique et/ou religieuse.

Mais il y a aussi des personnes ni arabes, ni musulmanes qui se « passionnent » pour la défense du peuple palestinien. Et parmi elles, – il est fondamental de le noter -, se trouvent des personnes de confession juive et/ou de citoyenneté israélienne. Leurs positions ne sont pas basées sur l’identité ethnique et/ou religieuse, mais sur la dénonciation de toute forme de domination sociale, y compris coloniale, ce qui est le cas de l’État israélien.

Voici les motifs de toutes ces personnes.

La Palestine est, actuellement, un des rares et derniers cas de colonialisme classique, pur et dur, et cela depuis soixante-dix ans. Ce colonialisme n’existe que grâce au soutien indéfectible de l’oligarchie hégémonique capitaliste-impérialiste états-unienne, et de ses satellites européens. Ces derniers agissent surtout comme soutien idéologique du colonialisme expansionniste israélien. Tandis le soutien direct, financier et militaire, ainsi que celui politique au sein de l’ONU (en particulier au Conseil de Sécurité) est fourni par l’oligarchie états-unienne. Sans ce dernier soutien, l’oligarchie israélienne n’aurait pas pu commettre tant de crimes contre le peuple palestinien et sa résistance armée, et aurait fini par être vaincue par cette résistance populaire, en ce sens que les droits légitimes du peuple palestinien à un État indépendant, sur la base des décisions onusiennes, auraient été reconnus et concrétisés.

En outre, ce colonialisme, comme tout autre, non seulement assassine, par son armée, des résistants armés palestiniens, mais tout autant des citoyens palestiniens manifestant pacifiquement pour leurs droits, reconnus, répétons-le, par l’O.N.U. Ajoutons à cela le blocus économique. Ajoutons encore la politique raciste d’apartheid dont est victime ce peuple palestinien.

Ajoutons encore la trahison des castes dirigeantes de la plupart des pays arabes musulmans au combat de libération national palestinien, jusqu’à la collusion avouée de ces dictateurs avec l’oligarchie colonialiste expansionniste israélienne. Ce qui prouve que la cause palestinienne n’est pas de nature d’abord ethnique et religieuse.

Ajoutons en plus que, lors de la création de l’Organisation de Libération de la Palestine, ses dirigeants, dont Yasser Arafat, avaient tout fait pour maintenir le combat palestinien dans le cadre d’un conflit colonialiste. Ce furent des dirigeants israéliens qui entreprirent de transformer ce conflit en problème religieux (Musulmans contre Juifs) et ethnique (Arabes contre Juifs). Et la plupart des dictateurs arabes et musulmans y trouvèrent leur intérêt de caste dominante. En effet, à sa naissance, l’O.L.P. promettait la constitution d’une société réellement démocratique et laïque, à l’opposé de tous les régimes arabes sans exception aucune. Ce que les dictateurs de ces États ne pouvaient accepter, par peur de voir leurs peuples respectifs suivre l’exemple palestinien.

Par conséquent, ce peuple palestinien s’est trouvé face à une coalition d’ennemis aussi large qu’hétéroclite, mais unie dans la résolution de l’empêcher de construire le projet démocratique qu’il se proposait. De là est né Hamas, l’organisation palestinienne faisant partie des Frères Musulmans. Il s’en est suivi une transformation religieuse du combat palestinien. Ce qui correspond au plan colonialiste. Il n’est pas nécessaire de fournir des preuves (3) sur le soutien de la CIA. à l’organisation des « Frères musulmans », dont Hamas est partie prenante. D’où la difficulté de comprendre les motivations réelles et fondamentales de cette organisation palestinienne dans le combat anti-colonialiste.

Par conséquent, la lutte de libération nationale du peuple palestinien focalise les enjeux majeurs de la planète. Est-ce uniquement à cause de ce qui vient d’être dit ?… Non pas.

Voici encore un fait absolument énigmatique. Comment des rescapés de l’extermination nazie (non pas tous mais certains d’entre eux) ont pu devenir des bourreaux d’un autre peuple, jusqu’à établir un État où leur « démocratie » sert une caste dominatrice, raciste, cléricale et colonialiste, sans parler de son soutien policier ou militaire aux pires dictatures africaines et latino-américaines, et du rôle de son service secret dans l’élimination de Mehdi Ben Barka ?

Arrivons à ce qui est occulté du problème palestinien.

Après la découverte du pétrole et du gaz dans les pays du Moyen-Orient, le territoire palestinien est devenu stratégiquement fondamental. Celui qui a la mainmise sur ces deux ressources naturelles s’assure une hégémonie économique et donc militaire. D’où les accords entre les oligarchies états-unienne et wahhabite consistant à échanger pétrole à bas prix contre protection militaire. Version nouvelle de harkisme.

Pour une meilleure garantie de ce contrôle des ressources naturelles moyen-orientales, l’oligarchie états-unienne a un besoin évident d’un « gendarme » dans cette zone : c’est le rôle de l’État israélien (4). En échange de ce harkisme israélien, l’oligarchie maîtresse états-unienne fournit soutien financier, militaire et politique.

D’où l’on constate que le peuple palestinien est, aujourd’hui, le peuple qui paie le prix le plus exorbitant, sur tous les plans, économique et humain, d’une domination colonialiste classique (israélienne), soutenue par la domination impérialiste hégémonique (états-unienne). Que l’on cite un autre peuple, actuellement sur la planète, qui est victime de ce genre de domination militaire.

Depuis 70 ans, le peuple palestinien a été chassé de ses terres par le terrorisme ; là où il est parqué, il est soumis à un blocus économique implacable, à un apartheid semblable à celui sud-africain, à des morts presque chaque jour, notamment parmi la population civile, ce que la législation internationale définit comme « crimes de guerre » et «crimes contre l’humanité ». Et tout cela dans la plus totale impunité des colonisateurs expansionnistes israéliens, protégés par leur mentor états-unien et ses subordonnés européens. Dès lors, par exemple, pourquoi le mouvement très important que fut le boycott économique du régime d’apartheid, alors dominant en Afrique du Sud contre le peuple africain autochtone, n’est pas répété aujourd’hui, à l’encontre du régime d’apartheid israélien (apartheid reconnu même par des citoyens israéliens réellement démocrates), avec la même puissance internationale ? Certes, le BDS (Boycott, Divestment and Sanctions) existe, mais il est encore loin d’avoir l’importance du mouvement de même nature, qui contribua à mettre fin au  régime raciste sud-africain (5).

Après tout ce qui vient d’être dit, peut-on encore poser la question « Pourquoi la cause palestinienne déchaîne-t-elle autant les passions ?»… Ne devrait-on pas, au contraire, se demander : pourquoi la cause palestinienne ne déchaîne pas davantage de passion ?

Bien entendu, soutenir le peuple palestinien sur la base d’un critère ethnique ou religieux est une grave erreur, de la part des personnes de bonne foi, et c’est une manœuvre politicienne de la part de gens appartenant à une caste dominatrice ou aspirant à dominer la composante ethnique ou religieuse dont ils se réclament.

En effet, le problème palestinien est d’abord et avant tout un problème de colonisation, donc d’exploitation économique et, pour la garantir, de domination politique.

Comme dans toute colonisation, les dominateurs disposent de harkis autochtones. Ce sont précisément ces derniers qui, suivant la stratégie coloniale, présente la résistance palestinienne comme ethnico-religieuse. En Algérie, il en fut de même : la guerre de libération nationale fut présentée par les dominateurs et leurs harkis comme un conflit entre Français («civilisés», «démocrates» et «bienfaiteurs de l’humanité») et «Arabo-musulmans» (barbares, sanguinaires, etc.), en tentant de mettre au service du colonialisme les «Berbères». Cependant, ces derniers eurent l’intelligence politique de ne pas tomber dans le piège de « diviser pour régner, et cela malgré les injustices et même crimes dont ils furent victimes de la part de leurs «frères» algériens arabophones (durant ce qu’on appelle la « crise » de 1949).

Par conséquent, présenter la résistance palestinienne comme un conflit ethnique et/ou religieux, c’est présenter des aspects secondaires comme étant principaux. À qui cette vision profite, sinon aux castes dominatrices ethniques et/ou religieuses autochtones, et aux dirigeants colonialistes israéliens, au détriment du peuple palestinien ?

En Algérie, cette défense du peuple palestinien gêne certains. Les personnes de bonne foi ne la comprennent pas parce qu’elles la mettent en comparaison avec les injustices et les crimes dont ont été et demeurent victimes nos compatriotes de Kabylie, de la part de l’État. Cependant, d’autres, pour les mêmes motifs, ignorent totalement cette résistance palestinienne, quand ils ne s’opposent pas à elle, d’une manière déclarée ou cachée. N’est-ce pas le cas des dirigeants du MAK ? (6)  

Kacem Madani, dans le même article mentionné, pose une autre question : « D’où vient cette haine viscérale que vouent ces despotes en carton aux berbères en général, aux kabyles, en particulier, quand on sait que génétiquement, jusqu’à preuve du contraire, l’écrasante majorité de nos peuplades et de ces tyrans autoproclamés partagent le même ADN nord-africain ? »

Notons que l’auteur, à propos de haine, prend justement le soin de l’attribuer aux despotes. La précision est fondamentale. Cependant, là, aussi, une clarification semble utile.

D’abord, il n’est pas nécessaire, comme l’auteur, d’en appeler à la génétique. D’une part, il suffit simplement de déclarer un principe éthique : tout être humain (7) est à respecter dans sa dignité, et ceci quelque soit ses caractéristiques de ADN, biologiques, intellectuelles, physiques, ethniques ou religieuses. D’autre part, ce n’est pas parce qu’un despote et sa victime partagent le même ADN que le premier devrait respecter la seconde. Ce qui prime chez le despote c’est l’ambition inassouvie de dominer, pour s’enrichir au détriment de son « semblable ».

Ensuite, concernant ces despotes, qu’est-ce qui prouverait que leur haine soit motivée par le fait que ses victimes sont « berbères » ?… Dès lors, comment expliquer, parmi ces despotes, un  nombre non négligeable de Kabyles ? N’a-t-on pas ici la preuve concrète que le problème en Kabylie n’est pas d’abord et essentiellement d’ordre ethnique (et/ou ou religieux), mais de nature sociale, à savoir une domination economico-politico-culturelle, présentée sous forme ethnico-religieuse, et s’appuyant sur ces deux aspects pour cacher les motifs principaux ?

Pourquoi, alors, demanderait-on cette domination s’exerce particulièrement en Kabylie ?… La réponse est claire : parce que le peuple de Kabylie est à la pointe du combat démocratique en Kabylie, donc en Algérie, et que ce combat démocratique intègre la dimension ethnico-culturelle. Pourquoi ce combat est à la pointe par rapport au reste du peuple d’Algérie ?… Parce que la domination dont ses protagonistes sont victimes est non seulement économique et politique, mais également culturelle. Ceux qui nient cette culture spécifique, laquelle contient, – aspect essentiel ! -, des éléments de démocratie villageoise, pensent ainsi dominer davantage ses détenteurs. Voilà ce qui explique la présence de Kabyles dans la caste dominante : ils en partagent la vision anti-démocratique.

Et voilà pourquoi la haine des despotes contre les Amazighes, notamment kabyles, n’a pas comme principale cause un sentiment ethnique et/ou religieux. L’enjeu véritable de cette haine vise leur position sociale démocratique, opposée à toute forme de domination servant à l’exploitation. Précisons encore que cette revendication démocratique, la majorité des Kabyles l’a voulue toujours pour l’ensemble du peuple algérien, et, au-delà, pour l’ensemble de l’humanité, ce qui est à leur honneur.

Par conséquent, considérer la haine des despotes comme étant de nature ethnique (contre les « Berbères »), c’est tomber dans leur jeu, en être victime. Et en appeler à la biologie et à l’ADN, c’est tomber dans la falsification de l’enjeu du conflit (de la haine). Au contraire, il faut en appeler aux mécanismes sociaux d’exploitation économique et de domination politico-culturelle.

Pourtant, les personnes qui mettent en avant la haine des despotes contre une ethnie, en l’occurrence amazighe, particulièrement pour les Kabyles, évoquent également les méfaits dans les domaines économique, politique et culturel. Mais pourquoi, généralement, ils ne mettent-ils pas l’économique, basé sur le politique, comme principaux et déterminants par rapport au critère ethnique (et/ou religieux) ?… Est-ce parce que l’idéologie dominante actuelle, basée sur la théorie du « choc des civilisations », est tellement puissante qu’elle laisse croire, même aux gens bien intentionnés (c’est-à-dire au service de leur peuple), à la primauté de l’ethnie (et/ou de la religion) comme cause des conflits sociaux ?… C’est alors ignorer l’essentiel de l’histoire réelle de l’espèce humaine, dont  les habitants de l’Algérie font partie.

À ce propos, qu’on ne vienne pas citer les insultes racistes d’Algérois arabophones contre des Kabyles, ni les insultes racistes de Kabyles contre des arabophones du reste de l’Algérie. Ces phénomènes déplorables prouvent simplement l’aliénation idéologique dont sont victimes ces citoyens ordinaires, victimes de la propagande des castes qui les dominent.

La haine des despotes algériens (ou nord-africains) pour les Amazighes, notamment kabyles, est identique à celle des membres de toutes les oligarchies dominantes, depuis toujours et partout, contre la composante considérée comme minoritaire dans la nation. Stigmatiser l’identité ethnique et/ou culturelle de celle-ci est simplement un moyen idéologique pour davantage l’exploiter en la dominant. Dès lors, la question nécessaire et pertinente à poser est celle-ci : Pourquoi pas suffisamment de « passion » pour la cause « amazighe », notamment kabyle ?

Parce que cette cause est présentée de manière fausse et opportuniste par deux mouvements opposés.

D’une part, les arabo-islamistes la présente, pour la condamner, comme revendication identitaire «anti-arabe» et «anti-musulmane ». D’autre part, les séparatistes kabyles la présente, pour en faire l’éloge, de la même manière : «anti-arabe » et « anti-musulmane », certains allant jusqu’à la présenter comme « anti-algériennne ».

Or, l’histoire du mouvement amazighe, notamment kabyle, prouve le contraire, notamment lors de son mouvement social le plus important et le plus significatif : celui de 2001. Contrairement aux affirmations des arabo-islamistes et des séparatistes kabyles, la revendication sociale amazighe, notamment kabyle, s’est présentée clairement (les documents le prouvent) comme revendication de démocratie sociale, non pas limitée à la seule région (ou ethnie) kabyle, mais à l’ensemble du peuple algérien. Cette revendication dénonçait clairement le système de domination politique et d’exploitation économique de l’ensemble du peuple algérien ; par conséquent, elle réclamait un système nouveau d’où soient exclus ces deux fléaux sociaux, en sachant que leur élimination abolira, par conséquence, les conflits d’ordre ethnique et religieux en Algérie.

Dès lors, devient claire la cause de l’insuffisance sinon de l’absence de « passion » pour la cause amazighe, notamment kabyle. Comment ne serait-il pas ainsi ?

En effet, et pour dire les choses autrement, d’une part, la caste dominante dans la partie arabophone du pays manipule les citoyens à croire à un conflit « ethnique-religieux ». Elle présente les Amazighes, les Kabyles en particulier comme des « mécréants » (dans le domaine religieux),  des « racistes » (anti-arabophones) et des « anti-patriotes » ( anti-algériens). D’autre part, le mouvement séparatiste kabyle veut faire croire au peuple de Kabylie que ses ennemis sont les « Arabes » ou les « Algériens », définis comme peuple, et l’Islam en tant que religion (et non pas comme interprétation opportuniste par les « islamistes »). Des Kabyles justifient ce point de vue notamment par l’absence de solidarité des citoyens arabophones lors des assassinats de jeunes en Kabylie, notamment en 2001 par la gendarmerie.

Cependant, cette absence de solidarité fut également à déplorer lors des journées d’octobre 1988, où les villes les plus touchées n’étaient pas seulement en Kabylie (Tizi Ouzou et Béjaia), mais également Alger, Annaba, Oran et Constantine. Alors, les victimes ne furent pas uniquement des Kabyles, mais également des non Kabyles, autrement dit partout des Algériens. Ils furent réprimés non pas à cause de leur identité culturelle, mais de leur identité de groupe social voulant se libérer de la domination politique. Et les sources indiquent environ 150 morts (8), quoique l’assassinat d’un seul être humain est déjà un crime contre l’humanité.

Une dernière question devrait être posée : comment peut-on soutenir une cause populaire et occulter ou s’opposer à une autre ? En l’occurrence, à moins d’être un islamiste ou un séparatiste, comment peut-on soutenir le combat anti-colonialiste palestinien, et ne pas soutenir le combat démocratique amazighe, notamment kabyle ? Et, à l’inverse, comment peut-on soutenir ce dernier et non le premier ?

Tant que les uns ne comprennent pas quelle est la racine fondamentale des conflits sociaux, quelque soit l’endroit sur cette planète, et tant que les membres des castes dominatrices (ou désirant le devenir) présentent les conflits sociaux comme causés principalement par l’identité ethnique et/ou religieuse, tout peuple, quel qu’il soit, restera une masse de manœuvre victime d’une conception fausse parce que dominatrice. Les conséquences y sont présentées comme causes principales, occultant ainsi celles réellement fondamentales : exploitation économique par la domination politique et culturelle.

L’histoire enseigne. Ce n’est qu’en dénonçant cette imposture des dominateurs de tout poil, qu’en démontrant la nécessité de tous les dominés-exploités de trouver les moyens de se solidariser, au-delà de leur identité ethnique et/ou religieuse, ce n’est qu’ainsi que les peuples sauront s’émanciper par eux-mêmes, sans « Sauveur Suprême » ni caste dirigeante « Salvatrice ». Seulement ainsi ils pourront créer une société où l’ethnie et la religion ne seront plus des causes de conflit, mais de libre et solidaire coopération, seule forme de démocratie authentique universelle.

K. N.

Email : kad-n@email.com

Notes

(1) Cette notion et son emploi seront davantage explicités dans une prochaine contribution.

(2) Titre d’un article de Kacem Madani, 21 juin 2018, https://lematindalgerie.compourquoi-la-cause-palestinienne-dechaine-t-elle-autant-les-passions

(3) Certaines sont signalées avec détails, par exemple dans ce site http://www.voltairenet.org/

(4) L’Union « soviétique » avait voté pour la création de l’État d’Israël, dans l’espoir de voir en Palestine la création d’un État socialiste, du moins socialisant, susceptible d’être un allié dans la compétition d’alors contre l’oligarchie états-unienne.

(5) Une région espagnole vient d’adopter le BDS comme politique, voir https://reseauinternational.net/une-region-espagnole-adopte-le-bds-comme-politique/

(6) Je leur ai posés publiquement la question pour obtenir des clarifications. https://lematindalgerie.comquestions-aux-dirigeants-du-mak, 14 janvier 2018.  À ma connaissance, il n’y eut aucune réaction publique.

(7) Certaines généreuses conceptions vont jusqu’à appliquer ce principe aux animaux, comme êtres vivants.

(8) Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89v%C3%A9nements_du_5_octobre_1988_en_Alg%C3%A9rie#Bilan_des_morts

Auteur
Kaddour Naïmi

 




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Recep Tayyip Erdogan célèbre sa réélection à la présidence

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Turquie

Recep Tayyip Erdogan célèbre sa réélection à la présidence

Le chef de l’Etat turc Recep Tayyip Erdogan a été réélu dès le premier tour dimanche pour un nouveau mandat aux pouvoirs renforcés, venant à bout d’une opposition pourtant revigorée lors d’élections présidentielle et législatives âprement disputées.

M. Erdogan, qui règne sur la Turquie depuis 15 ans et a été réélu pour un nouveau mandat de cinq ans, a savouré sa victoire en s’adressant dans la nuit de dimanche à lundi à des milliers de partisans réunis à Ankara devant le siège de son parti islamo-conservateur, l’AKP.

« Le vainqueur de cette élection, c’est la démocratie, la volonté nationale. Le vainqueur de cette élection, c’est chacun des 81 millions de nos concitoyens », a clamé M. Erdogan, tandis que ses supporters l’acclamaient.

Les autorités électorales turques ont indiqué tôt lundi que M. Erdogan avait obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, ce qui lui permet d’être élu dès le premier tour face à une opposition pourtant farouche, à l’image du tribun social-démocrate Muharrem Ince.

M.Erdogan s’est imposé comme le dirigeant turc le plus puissant depuis le fondateur de la République, Mustafa Kemal. Il a transformé la Turquie à coups de méga-projets d’infrastructures et en libérant l’expression religieuse, et a fait d’Ankara un acteur diplomatique clé.

Mais ses détracteurs accusent le « Reis », âgé de 64 ans, de dérive autocratique, en particulier depuis la tentative de putsch de juillet 2016, suivie de purges massives qui ont touché des opposants et des journalistes et suscité l’inquiétude de l’Europe.

Sa victoire aux élections de dimanche asseoit encore son pouvoir, car le scrutin marque le passage du système parlementaire en vigueur à un régime présidentiel où le chef de l’Etat concentre la totalité du pouvoir exécutif, aux termes d’un référendum parlementaire qui s’est tenu l’an dernier.

D’après l’agence de presse étatique Anadolu, M. Erdogan est arrivé en tête de la présidentielle avec un score de 52,5% après dépouillement de plus de 99% des urnes, et l’alliance dominée par l’AKP menait avec 53,61% dans le volet législatif du scrutin.

« Derrière Erdogan »

Son principal concurrent, le social-démocrate Muharrem Ince, arrive en deuxième position de la présidentielle avec 30,7%, et l’alliance anti-Erdogan formée par plusieurs partis d’opposition pour le volet législatif du scrutin récolte 34%, d’après les résultats partiels publiés par Anadolu.

M. Ince n’a fait aucun commentaire concernant les résultats dimanche soir, convoquant une conférence de presse pour lundi à la mi-journée à Ankara.

Plusieurs milliers de partisans de M. Erdogan se sont rassemblés dans la soirée aux abords de la résidence du président à Istanbul, chantant et brandissant des drapeaux.

« Nous savions à 100% que nous allions gagner, Erdogan est notre champion », a dit Handan Boztoy, venue avec sa fille fêter la « victoire ». « Les résultats ne changeront pas, ces 16 dernières années c’est toujours Erdogan qui a gagné. Nous sommes derrière lui en tant que nation ».

Le candidat du CHP, Muharrem Ince, qui s’est imposé comme le principal rival de M. Erdogan pour la présidentielle, glisse son bulletin. « La victoire d’Erdogan est incontestablement le signe de sa grande popularité auprès de l’électorat turc, en particulier l’électorat conservateur dans les régions rurales d’Anatolie, et le signe de sa résilience face à une opposition unie », estime Jana Jabbour, docteure associée au CERI/Sciences Po et spécialiste de la Turquie.

S’il pensait mettre toutes les chances de son côté en convoquant ces élections pendant l’état d’urgence et plus d’un an avant la date prévue, M. Erdogan a été rattrapé lors de la campagne par la dégradation de la situation économique et surpris par un sursaut de l’opposition.

Voyant dans ces élections leur dernière chance d’arrêter M. Erdogan dans sa quête d’un pouvoir incontestable, des partis aussi différents que le CHP (le parti social-démocrate de Muharrem Ince), Iyi (nationaliste) et le Saadet (islamiste) ont noué une alliance inédite pour les législatives, avec l’appui du HDP (prokurde).

M. Ince, un député combatif qui a porté les couleurs du CHP à la présidentielle, s’est imposé comme le principal rival de M. Erdogan pour la présidentielle, électrisant des foules aux quatre coins du pays et réveillant une opposition assommée par ses défaites successives.

M. Erdogan présente le nouveau système présidentiel auquel il va accéder comme nécessaire pour doter la Turquie d’un exécutif stable, mais ses détracteurs l’accusent de vouloir monopoliser le pouvoir avec cette réforme qui supprime notamment la fonction de Premier ministre et permet au président de gouverner par décrets.

La campagne a été marquée par une couverture médiatique très inéquitable en faveur du président turc, dont chaque discours a été retransmis in extenso par les télévisions.

Le candidat du parti prokurde HDP, Selahattin Demirtas, a été contraint de faire campagne depuis une cellule: accusé d’activités « terroristes », il est en détention préventive depuis 2016.

Selon les résultats partiels, M. Demirtas a obtenu près de 8% des voix et son parti à franchi le seuil de 10% au niveau national lui permettant de siéger au Parlement. Les craintes de fraudes ont été vives pendant le vote, notamment dans le sud-est à majorité kurde. Les opposants, qui avaient mobilisé une armée d’observateurs, ont dénoncé des irrégularités, notamment dans la province de Sanliurfa.

Auteur
AFP

 




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Matoub Lounès : ce Verbe irrégulier

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Hommage au « Rebelle flingué »

Matoub Lounès : ce Verbe irrégulier

« …comme les concepts universaux, les mélodies sont…un abstractum de la réalité. » Nietzsche, La naissance de la tragédie, Paris, Librairie Générale Française, 2013, p. 199.

Introduction : Le troubadour a-t-il fauté ?

Quel poème aurait-il la chance de délivrer la popularité de son isme idéologique pour redonner au peuple sa projection mythologique ?

Il y a vingt ans disparaissait le chantre de la chanson berbère, Matoub Lounès. Sa disparition marque l’entrée de l’idéologie libérale dans le champ politique. La démission des masses de l’acte politique prend des allures conservatrices et libérales. Conservatrices parce que la femme a cessé d’avoir des défenseurs en dehors des féministes techno-bourgeois(e)s. Libérales, car la poésie a cessé d’être l’émanation de la jonction du politique avec les impératifs éthiques.

A quels sens nous donnent accès les textes de Matoub Lounès ?

1- Que faire de l’appel du Ciel ?

La résistance n’a pas eu de nom conventionnel. Résister, ce serait déraper vers la dialectique pour donner au dialogisme ses assonances formelles. Matoub ne disait pas être le porte-parole du peuple, mais des militants démarqués  idéologiquement. Lutter contre les maux non désignés, ce n’est forcément tomber ni dans les fosses idéologiques immorales ni dans les grilles théoriques dites scientifiques. Dans la résistance que menait Matoub, c’étaient les réconciliations historiques des discours narratifs avec les récits historiques : le je se mue en statut par lequel les grammaires cessent d’être les instances validantes de l’acte dictif. Autrement dit, Matoub bouscule l’ordre poétique pour donner la parole aux peuples inconnus, aux peuples au statut inconnu. Le poète puise dans la conscience collective pour faire sentir aux masses un narcissisme fécond qui se sent dans les espaces temporels historiques fluorescents. Matoub fait de l’élévation spirituelle (mission essentielle de l’art) quand le peuple (moment de communion des psychés rigides) sent le devoir de se regarder dans le miroir artificiel qu’est le temps passionnel. Ce temps durcit les conditions de conscience historique pour les peuples qui se sentent en devoir de se positionner dans « l’arène des civilisations ». L’entre-guillemets est l’oxymore issu de la stylistique libérale occasionnée par les logiques droitières. À droite du combat, la gauche de la démission. La résistance, avec Matoub, signifie la jonction de l’imposition subjective avec l’aspiration historique. Être un peuple porteur du message de l’humanité ne semble plus un mythe, nous signifient les textes de Matoub. La poésie cesse d’être les larmes que verse le jour pour plaire à la nuit. Matoub écrit avec une encre magmatique, en allant au charbon au moment où toutes les démissions face au réel se font avec une arrogance étonnante. C’est par la nuit que la réalité du jour se dessine. Et Matoub écrit les souffrances pour les rendre porteuses de projets politiques. Face à ses textes, Matoub se rencontre (soi). Il est fasciné par le texte qui ne tardera pas à se muer en mélodie publique. La solitude offre à Matoub le pouvoir de prendre une distance avec l’autoritarisme exercé par l’art conventionnel. Il écrit sans penser à l’air musical qui froisserait les tons normaux des mots. Maurice Blanchot écrit, dans L’espace littéraire, ce qui suit : « Écrire, c’est entrer dans l’affirmation de la solitude où menace la fascination. » (Maurice Blanchot, L’espace littéraire, Paris, Gallimard, 1955, p. 31).

Le poète qu’était Matoub avait peur des dérives « utiles » de son Verbe. Et si notre Verbe nous trahissait ?

2- Le poète de l’espérance démocratique

« Il n’y a pas mieux qu’un poète pour dire ce qu’un observateur extérieur ne peut exprimer avec autant de clarté. » (Tassadit Yacine-Titouh, Chacal ou la ruse des dominés, Alger, Casbah, 2004, p. 161.)

Le poète qu’était Matoub témoignait de l’ère où la machine idéologique fut actionnée par un binarisme persécuteur. Comment ? D’abord, la guerre idéologique ne semblait pas se réduire aux agents politiques bourgeois. Avec Matoub, le peuple faisait de la politique propre, en ce sens que le politique élevait le peuple à son sublime stade sans se permettre que la quotidienneté soit abandonnée au narcissisme que pourrait naturellement générer l’acte politique (coupé de son élan révolutionnaire). Que peut attaquer le politique quand l’Existence sort ses griffes pour attenter à la pudeur de l’Être ? Être n’est-il pas affranchir les existences de leurs névroses hégémoniques ? Ensuite, le politique semblait avoir un horizon atteignable par l’effort sur soi. L’effort que le peuple devait consentir sur lui-même ouvrirait la voie à tous ceux qui croient en la Cité idéale. En dernier lieu, les choix politiques sont le fruit d’une conscience par laquelle se conçoit la lutte. Lutter pour prendre en mains son destin semble être une aventure de la conscience, car il ne peut s’agir que d’un compromis frileux entre l’Être collectif et ses modalités temporelles. Matoub mettait chacun devant ses responsabilités sans ne s’arroger aucun droit divin. Le prolétaire n’est pas forcément l’ouvrier. La lutte, dans les chants de Matoub, est synonyme de communion ouverte en dehors des circuits divins. Matoub lutte contre les idéologies meurtrières, non pas en les effaçant, mais en les mettant face à l’implacabilité de la vie. Il sort de la montagne un brouillard « poétique » totalitaire. C’est dans ce brouillard que l’ode-heur des textes de Matoub se fait sentir. Le poème de Matoub se construit contre la festivité du jour, somme toute trompeuse.

3- Les civilisations passivées

« Toute civilisation croit que son mode de vie est le seul bon et le seul concevable, qu’elle doit y convertir le monde ou le lui infliger… » (Cioran, Histoire et utopie, Paris, Gallimard, 1960, pp. 38-39)

Les textes de Matoub engendrent une morale dédouanée de toute territorialité pathologique. La culture est l’affaire des psychés errantes, semblent nous dire certains. Mais n’est-il pas impératif que la culture soit observée par une entité historiquement constituée ? C’est cette équation que résout Matoub en disant que toute culture est convertible à l’universalité singulière. Cette universalité élèverait les peuples opprimés au rang de peuples fournisseurs d’expériences sentimentales à projection. « L’impérialisme économique ne se conçoit pas sans domination intellectuelle et scientifique. » (Le monde diplomatique, L’impérialisme culturel, décembre 1974, p. 7. Le texte est consultable au lien suivant : https://www.monde-diplomatique.fr/1974/12/A/32831).  

En défendant la culture berbère, Matoub Lounès décentre l’enjeu sans que le rayonnement politique cesse. C’est par la voie de son peuple qu’il creuse le fossé entre le politique et le spirituel. Les affaires de la Cité ne doivent pas se confondre avec les marges existentielles essentielles. Certes, rien ne peut échapper à la vision collective, en ce sens que le projet que devrait tracer la collectivité ne pourrait se passer des attentes individuelles que recèle tout un chacun. Matoub contraint tous au compromis politique sans les forcer à l’abandon des offres existentielles que peuvent être la promesse et le bien, le second étant le fondement lexico-éthique de la première. Matoub ne stigmatise pas les conservateurs avant de les avertir contre les méfaits de leur idéologie (mortifère).

Le mal radical ! La radicalité de l’action est un devoir aux accents atténués contre le laxisme de la position. Ce serait l’inverse de la posture bourgeoise, qui tente de rigidifier les positions pour échapper à la contrainte de l’Action. Actionner, c’est l’anti-acte : actionner vs acter. L’Histoire et l’historicisation. Les textes de Matoub agissent comme une spiritualité par laquelle la vie perd ses pouvoirs aliénants. Il donne à la culture berbère la possibilité de contribuer à la civilisation humaine en dépoussiérant les psychés, en les secouant pour les mettre devant leurs responsabilités historiques. Que chacun réagisse face à l’œuvre de neutralisation de la vie et de la civilisation humaines, nous disent les textes et l’existence de Matoub. Celui-ci nous dit que les cieux sont si généreux qu’ils ne peuvent refuser aucune voie, si rebelle soit-elle.

Conclusion : Matoub, une fête politique

S’il nous arrive de faire appel aux chansons de Matoub dans notre vie quotidienne pour la rendre abordable, il n’en reste pas moins que les textes peuvent se constituer comme un bréviaire des militants de l’Action alter-idéologique. Matoub donne à ses adversaires des visages non pas pour les jeter dans l’opprobre, mais pour circonscrire l’Histoire selon une éthique « contraignante ».

Le poète qu’est Matoub signe ses textes d’une encre acide pour dire la vérité sans prétention intellectuelle. Le combat qu’il mène est antibourgeois, il met tous ses congénères (conationaux) devant leurs responsabilités. Il lit du jour la contrainte des ténèbres. La civilisation humaine reste ouverte aux singularités exprimées par les peuples contre lesquels les révoltés de salons ont une dent. Matoub est un frère que nul temps ne peut nous faire oublier. Le Dionysos politique devient, avec cet auteur inclassable, possible, sans dérapages bourgeois ni soumission aux rigidités existentielles.

    

Auteur
Abane Madi

 




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