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vendredi 19 septembre 2025
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Lubrifiants : quand la présidence se substitue à Naftal pour répondre à El Watan

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Présidence
La présidence se mêle de tout.

La levée ou pas  du monopole de Naftal sur l’importation des lubrifiants a suscité une vive controverse. Non pas tant sur le fond de la décision économique que sur la manière dont l’information a été démentie : non par l’entreprise publique concernée, mais par la présidence de la République. Une intervention inhabituelle qui soulève des interrogations sur la liberté de la presse et le rapport de force entre pouvoir et médias.

Si ce n’est pas la verticale du pouvoir ça y ressemble. Dans son édition du 27 août 2025, El Watan rend compte de la décision des pouvoirs publics de mettre fin au monopole confié, à peine trois mois plus tôt, à Naftal sur l’importation des lubrifiants.

La mesure, décidée en mai lors d’un Conseil des ministres, avait rapidement provoqué des tensions sur le marché, les industriels dénonçant des difficultés d’approvisionnement.

Le ministère du Commerce rétropédale donc et assouplit la réglementation, permettant désormais aux opérateurs privés d’importer six types d’huiles et lubrifiants, à usage strictement professionnel. Six ! On en est aux comptes d’apothicaires. Mais le plus lamentable allait arriver.

Dans un communiqué publié sur la page Facebook officielle de la présidence de la République, la Direction générale de la communication de cette institution a démenti, le même jour, l’information publiée par le quotidien El Watan. Le communiqué officiel, fondé sur une « vérification auprès de l’autorité compétente », rappelle que la Société nationale de distribution des carburants demeure « l’unique instance habilitée » à importer huiles moteurs et pneus, et que la décision du Conseil des ministres du 7 mai 2025 n’a connu aucune révision.

Le choix de cette démarche inhabituelle soulève deux questions :

El Watan a-t-il réellement failli dans son traitement au point que le Palais d’El Mouradia juge nécessaire d’intervenir directement ?

Ou bien s’agit-il d’un signal politique adressé à un journal qui, déjà fragilisé financièrement, vit sous pression constante ?

Le démenti présidentiel, au lieu d’apaiser, laisse planer un malaise : pourquoi l’exécutif s’arroge-t-il la tâche de rectifier une information qui relevait du ressort d’une société nationale comme Naftal ? Une situation pour le moins bizarre qui en dit long sur la fébrilité qui s’est emparée de l’exécutif depuis le drame de Oued El Harrach, lequel a suscité des interrogations sur l’absence du chef de l’État.

Dans un fonctionnement institutionnel normal, un simple démenti de la part de Naftal directement concernée aurait suffi à rétablir les faits. Or, c’est la Présidence qui s’est emparée de l’affaire, conférant à ce démenti une dimension politique et symbolique. Ce choix place El Watan au centre d’un dispositif de mise en cause publique rarement observé dans les relations entre pouvoirs publics et médias.

La réaction en chaîne qui a suivi a renforcé cette impression. De nombreux médias, largement dépendants de la manne publicitaire de l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP), ont repris le démenti présidentiel sans procéder à la moindre vérification indépendante. Cette unanimité a donné l’image d’une presse alignée, plus prompte à relayer la parole officielle qu’à enquêter sur le fond de l’information initiale.

Derrière l’épisode technique sur les règles d’importation se dessine ainsi un autre enjeu : celui de la liberté de la presse et de l’indépendance éditoriale.

Plusieurs observateurs estiment que ce démenti présidentiel, au-delà de la rectification des faits, prépare le terrain à un possible durcissement vis-à-vis d’El Watan. Eu égard aux mœurs vengeresses instaurées par Tebboune et ses affidés, il est à craindre que ce quotidien d'information subisse une énième estocade.

L’hypothèse d’un ciblage politique est d’autant plus crédible que le quotidien a déjà payé le prix fort de son indépendance.

La suspension de la publicité publique distribuée par l’ANEP a plongé le journal dans un déséquilibre financier chronique, fragilisant ses capacités de fonctionnement et réduisant son assise sur le marché. En marginalisant financièrement un média, le pouvoir s’est doté d’un levier efficace pour en contenir l’influence.

Ainsi, l’affaire du « faux pas » supposé sur Naftal dépasse largement le registre de la précision factuelle : elle s’inscrit dans une stratégie de long terme où les instruments politiques et économiques se conjuguent pour affaiblir une presse indépendante déjà mise à rude épreuve.

Les arrière-pensées de la présidence

Il est à noter qu’El Watan s’est fondé sur une note officielle du ministère du Commerce extérieur, datée du 25 août et signée par le secrétaire général, pour publier son information sur la levée du monopole. L’authenticité de cette base documentaire exclut l’idée d’un traitement approximatif ou léger.
En définitive, la controverse dépasse la question technique des lubrifiants : elle illustre surtout la volonté du pouvoir de garder la main sur le récit économique et politique. Que la présidence se substitue à Naftal pour démentir un article adossé à une note ministérielle n’a rien d’anodin. Cela ressemble moins à une mise au point qu’à une démonstration d’autorité, ciblant un journal et l'ensemble du champ médiatique national.
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Tamanrasset, une aventure du lointain !

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L'ahaggar
L'ahaggar. Image par Djamel RAMDANI de Pixabay

J’ai lu dans la presse que la compagnie Domestic Airlines inaugurait son premier vol vers Tamanrasset. Et subitement, je veux dire même instinctivement, me revient à l’esprit Charles de Foucauld. Jeunes enfants, nous avions été subjugués par les textes des récits de voyage de nombreux explorateurs et aventuriers des frontières inaccessibles. 

Dans ces récits d’aventures lointaines dans le désert nous connaîtrons plus tard plusieurs auteurs comme Saint-Exupéry, Théodore Monod, Paul Bowles et bien d’autres. C’est que Tamanrasset ne résonnait pas dans notre petite tête comme une ville d’Algérie mais comme une image lointaine, imaginaire et fantasmée du bout du monde.

Déjà, lorsque nous allions à Tlemcen ou à Saϊda avec nos parents, nous avions l’impression de s’aventurer dans un périple qu’on sentait ne jamais avoir de fin. En comparaison, le désert de Charles de Foucaud nous semblait être plongé dans le froid des zones arctiques.

On nous racontait que la route pour Tamanrasset traversait le désert infini et qu’on en venait à bout qu’au prix d’une quantité d’heures invraisemblables. À l’écoute de ces récits, même Annaba devenait pour nous la distance avec le quartier mitoyen. Vous vous rendez compte ce qu’était cette aventure avec cette pauvre 4L qui pétaradait comme le dernier souffle de l’agonisant.

Tamanrasset était pour nous l’évocation de la frontière, le mirage de l’esprit et la terre promise au prix d’un péage exorbitant. Nous découvrions dans des photos qu’il y avait une autre mer que notre Méditerranée, bien plus gigantesque, celle des dunes de sable à la couleur ocre que le vent caressait en leur sommet.

Ces images nous rappelaient que les chameaux étaient au désert ce qu’était notre brave âne des campagnes et des villes côtières. Infatigable, sans jamais sembler assoiffé et ondulant de son élégance imperturbable. C’était pour nous Tintin au Sahara et l’inoubliable épuisement dans ce désert perdu au milieu de nulle part et assommé de chaleur.

Mais nous découvrions également avec nos yeux de gamins et de notre esprit en évasion les magnifiques sculptures des montagnes. Elles étaient identiques à celles des films de cowboys. C’était gigantesque et d’une beauté insolente.

Plus tard, à l’âge de vingt-deux ans, collé au hublot de l’avion, j’attendais avec fébrilité qu’apparaisse ce fameux désert qu’on appelait le désert de la mort. Nous venions de sortir des nuages vaporeux de la chaleur et étions en phase d’atterrissage. Enfin, j’allais le voir, enfin il sera sous mes yeux et je saurai ce qu’ont été les périples des voyageurs du lointain en Algérie. C’était aux Etats-Unis que ce jeune homme Algérien allait découvrir la partie la plus inconnue de son pays, probablement la plus belle.

Voilà où cet avion de Domestic Airlines m’a mené dans mes pensées. Il était encore immobilisé sur l’aéroport et ce n’est pas des jerricanes d’eau qu’on lui déversait dans ses soutes mais du kérosène. Celui-là même qui est dérivé de la richesse de cette région.

En ce jour d’inauguration, le chameau du désert n’emmènera pas ses voyageurs vers l’inconnu mais vers ce qui nous paraissait irréel à cette époque. Les voyages intérieurs d’aujourd’hui n’ont  plus ce ressenti du lointain et de la route vers l’infini. Ils voyagent tout simplement en avion comme s’ils allaient à Alger ou à Constantine.

Cet avion a brisé l’imaginaire du jeune enfant avec les photos de son livre mais a rendu à cette ville de beauté sa réalité. Elle est devenue pour lui une ville de son pays, pas un roman fantasmé. Le prix élevé des billets d’avion nous ramène souvent à la réalité, celle qui a les pieds sur terre et non dans les nuages des hauteurs (une petite allusion perverse). 

Ils sont loin, Charles de Foucaud et Tintin.

Boumediene Sid Lakhdar

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Un vaste réseau de blanchiment d’argent démantelé : 9 personnes placées en détention provisoire

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Justice

Le pôle national pénal économique et financier a ordonné, ce mardi, la mise sous mandat de dépôt de neuf personnes impliquées dans une vaste affaire de blanchiment d’argent. Deux autres suspects restent activement recherchés.

Selon un communiqué du parquet près la Cour d’Alger, l’affaire remonte au 12 août dernier, lorsque les services de sécurité de la wilaya de Mostaganem ont intercepté un véhicule utilitaire de type Master. À son bord, les enquêteurs ont découvert plusieurs sacs et colis remplis de fortes sommes d’argent.

L’enquête préliminaire, confiée à la section régionale de lutte contre le crime organisé à Oran, sous la supervision du parquet spécialisé, a mis au jour l’existence d’un réseau criminel structuré opérant dans le blanchiment d’argent.

Les saisies réalisées sont d’une ampleur inédite : 1,239 milliard de dinars algériens (près de 124 milliards de centimes), 1,08 million d’euros, 94.400 dollars américains, 4.300 riyals saoudiens, 500 dirhams émiratis et 200 francs suisses. Quatorze véhicules de tourisme ont également été confisqués.

Parmi les mis en cause figurent quatre fonctionnaires identifiés par leurs initiales (B.H.J., B.H.S., B.M. et B.S.) ainsi que cinq opérateurs économiques (B.J.A., B.R., B.F.B., S.M. et M.M.). Deux autres individus, S.S. et M.D.H., sont en fuite.

Les personnes arrêtées sont poursuivies pour des faits de blanchiment d’argent dans le cadre d’une organisation criminelle, d’acceptation d’avantages indus, d’abus de fonction et d’octroi d’indus privilèges grâce aux facilités de leurs postes.

La rédaction

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Tebboune ou le théâtre de l’improvisation nationale !

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Tebboune
Tebboune

Quinze jours. Quinze longs jours d’absence, de silence bruyant, rempli par des ministres notoirement incompétents, de spéculations fiévreuses sur la santé, la direction du pays, ou même la localisation précise d’Abdelmadjid Tebboune.

Puis soudain, tel un deus ex machina fatigué, revoilà aammou Tebboune ! Surgi de nulle part, ou plutôt d’un hors-champ présidentiel soigneusement cultivé, il s’assied, impassible, au cœur d’une réunion restreinte avec quelques hiérarques proches et les hauts gradés de l’armée — parce qu’au fond, qui d’autre pour tenir encore debout les décors branlants de ce théâtre d’ombres qu’est devenue l’Algérie officielle ? Lui seul pardi ! Nous rétorquent ses affidés.

Le plus inquiétant dans tout cela, ce n’est pas l’absence. On s’y est presque habitués, entre ses retraites médicales, ses silences diplomatiques  (à quand remonte sa dernière déclaration publique sur la guerre à Gaza, lui qui avait fanfaronné aux Algériens que la question palestinienne était son affaire ?) et ses apparitions à contretemps.

Non, le plus vertigineux, c’est le retour. Et surtout ce qu’on en fait. Car dès sa réapparition, Tebboune, fidèle à lui-même, enfile sa veste d’improvisateur en chef, décide, tranche, et commente d’un ton docte l’évidence qu’il découvre comme une révélation : il manque des pièces détachées, le secteur des transports part à la dérive, et tout semble – surprise ! – mal géré. Ah bon ?

D’un claquement de doigt, le chef de l’Etat semble croire qu’il peut régler ce que des décennies de désorganisation, de corruption structurelle et de clientélisme méthodique ont pourri jusqu’à l’os. Il « instruira » donc — comme on plante des slogans dans un désert administratif — pour que les pièces détachées soient produites localement.

Ce réflexe magique d’un pouvoir qui croit qu’on peut faire pousser des industries par décret, en ignorant que la mécanique ne se plie pas à la rhétorique. N’a-t-il pas décidé en plein conseil des ministres du prix de la pomme de terre ? Pathétique.

Mais après tout, l’improvisation est la marque de fabrique de ce régime : gouverner le doigt mouillé, non pas selon un cap ou une vision stratégique, mais à la godille, selon le vent des urgences, la peur de la rue, ou la pression de crises internes à l’Etat profond. Ce conseil restreint est digne d’un huis clos théâtral, où l’on joue à décider pendant que le pays, lui, improvise la survie : une pièce pour la voiture, une place dans un bus fantôme, un visa, un job, un avenir.

Tebboune ne gouverne pas, il réagit. À la manière d’un chef d’orchestre qui ne sait pas lire la partition mais agite frénétiquement la baguette en espérant que l’harmonie naîtra du chaos. Et pendant ce temps, le petit public  — c’est-à-dire nous ceux d’en bas qui tirent chaque jour le diable par la queue— regarde cette scène absurde, un peu consterné, un peu résigné, entre éclats de rire jaune et soupirs amers.

Improvisation, toujours. Direction, jamais,… jusqu’à la prochaine station avec son lot de passagers qui rejoindront le quai.

Yacine K.

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Baisse des effectifs dans les consulats de France en Algérie :  moins de visas pour les Algériens 

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Visas pour les Algériens

La dégradation des relations entre la France et l’Algérie connaît un nouvel épisode concret, cette fois-ci dans le domaine consulaire. Dans un communiqué rendu public ce 26 août, l’ambassade de France à Alger a annoncé une réduction significative de ses effectifs et de ceux de ses trois consulats généraux à compter du 1er septembre prochain.

Cette baisse des effectifs, estimée à un tiers, découle du refus du ministère algérien des Affaires étrangères de délivrer la majorité des visas d’accréditation sollicités pour les nouveaux agents expatriés.

Habituellement, ces derniers prennent le relais de leurs prédécesseurs à la fin de l’été. Faute de renouvellement, les postes d’Alger, Oran et Annaba se retrouveront sous-dotés dès la rentrée.

Au-delà du symbole diplomatique, la décision aura des effets immédiats pour les usagers. Les consulats français disposeront désormais d’une capacité limitée à instruire les demandes de visas. « Tant que durera cette situation, le nombre de rendez-vous disponibles auprès de notre prestataire Capago devra être réduit », précise le communiqué, qui insiste néanmoins sur la volonté de maintenir des délais de traitement « aussi raisonnables que possible ».

Dans ce contexte contraint, les autorités consulaires entendent réorganiser leurs services en accordant la priorité aux ressortissants français, aux renouvellements de visas et aux demandes d’étudiants souhaitant poursuivre leur cursus en France. Les autres catégories de demandeurs risquent en revanche de subir de longs délais ou de voir leur accès aux rendez-vous fortement restreint.

Cet épisode s’inscrit dans une séquence de tensions récurrentes entre Paris et Alger, où les dossiers migratoires et de circulation des personnes tiennent une place centrale. Après les réductions temporaires de visas décidées par la France en 2021 puis l’assouplissement progressif en 2022 et 2023, la situation actuelle marque un retour en arrière qui illustre la fragilité des équilibres entre les deux pays.

La rédaction

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Ramdane At Mansour Ouahès : voix de la science et de la mémoire amazighe

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Ramdane At Mansour Ouahès
Ramdane At Mansour Ouahès

Ramdane At Mansour Ouahès, figure à la fois scientifique, pédagogique et littéraire, est né à Tizi Hibel, village natal de l’écrivain Mouloud Feraoun et de l’écrivaine Fadhma Aït Mansour Amrouche. Situé en Kabylie, ce village fait partie de la commune d’Aït Mahmoud, dans la daïra d’At Douala, au sein de la wilaya de Tizi Ouzou en Algérie. Tizi Hibel est limité au nord-ouest par le village de Taguemount Azouz, au nord par le village de Taourirt Moussa, et à l’est par le village d’Agouni Arous.

Dès ses premières années de formation, il manifeste une grande rigueur intellectuelle, poursuivant ses études secondaires au collège de Tizi Ouzou avant d’intégrer l’École normale de Bouzaréa. Il poursuit ensuite ses études supérieures au lycée Chaptal à Paris, puis à l’École normale supérieure de Saint-Cloud, où il obtient une agrégation en chimie, suivie d’un doctorat d’État, autant d’étapes qui témoignent de son excellence académique.

Agrégé de l’université, Docteur ès Sciences, Ramdane At Mansour Ouahès a occupé des fonctions universitaires prestigieuses. Professeur de chimie à l’Université d’Alger de 1965 à 1983, il y assume des responsabilités majeures, notamment comme directeur de département et responsable du Laboratoire de chimie solaire. Par la suite, il devient Directeur de recherche associé au CNRS, à l’Université Paris VI. Ses travaux de recherche portent principalement sur la chimie physique, l’énergie solaire et les sciences de l’énergie, domaines dans lesquels il publie de nombreuses études scientifiques. Son expertise lui permet d’occuper des postes importants au niveau régional et international, notamment en tant que directeur de la recherche scientifique et conseiller en ressources humaines ou énergétiques au sein d’institutions arabes. Il est également l’un des membres fondateurs de l’Académie islamique des sciences, contribuant ainsi à la structuration et à la valorisation de la recherche scientifique dans le monde musulman. Il a reçu un hommage du Haut-Commissariat à l’Amazighité (Alger, avril 2008), ce qui témoigne de la reconnaissance officielle de son engagement culturel.

Parallèlement à cette carrière scientifique brillante, Ramdane At Mansour Ouahès a su construire une œuvre littéraire majeure qui témoigne de son profond attachement à la langue tamazight, et plus particulièrement à la variante kabyle. Cette production littéraire constitue une contribution essentielle à la reconnaissance et à la diffusion de la culture amazighe, longtemps marginalisée dans les sphères académiques et éditoriales. Son recueil Tiɣri (1996, publié chez L’Harmattan à Paris) inaugure cette série d’œuvres où la poésie devient un vecteur privilégié d’expression identitaire et culturelle. Ce premier recueil explore des thèmes variés, mêlant mémoire, paysage, et expériences personnelles, tout en utilisant la richesse et la musicalité intrinsèques de la langue kabyle. L’écriture y est à la fois traditionnelle et contemporaine, témoignant d’un dialogue constant entre héritage et modernité.

Son ouvrage Isefra n at zik (1998), initialement auto-édité à Paris, a connu plusieurs rééditions, notamment en 2010 et en 2014 grâce au soutien du Haut Commissariat à l’Amazighité d’Alger. Cette œuvre est particulièrement notable pour sa mise à disposition en libre accès sur Internet via la plateforme Ayamun, ce qui en fait un outil précieux pour l’apprentissage et la diffusion du tamazight auprès d’un large public. Isefra n at zik est une anthologie de poèmes kabyles d’antan, offrant un précieux lien avec la tradition orale et la mémoire collective de la Kabylie, tout en la rendant accessible aux nouvelles générations. 

En 2004, Ramdane At Mansour Ouahès publie Agani (Zyriab, Alger), un autre recueil poétique qui approfondit sa démarche esthétique et linguistique. 

Agani se distingue par sa richesse thématique et par la profondeur de ses méditations sur l’identité, la langue, la nature et le temps. Ce recueil renforce l’idée que la poésie en tamazight n’est pas seulement un art de l’expression, mais aussi un outil de résistance culturelle face aux pressions de marginalisation.

Au-delà de la poésie, Ramdane At Mansour Ouahès a également contribué à la lexicographie et à la codification de la langue kabyle avec des ouvrages comme Amawal n yinzan n teqbaylit (2010), un dictionnaire des proverbes kabyles publié initialement par R. Achab à Alger, puis enrichi et réédité en 2014 chez Zyriab. Ce dictionnaire constitue une ressource précieuse pour comprendre et transmettre la sagesse populaire, la pensée et la culture kabyle, transmise par des proverbes soigneusement collectés et expliqués. Ce travail lexicographique participe à la standardisation de la langue, ce qui est crucial pour son enseignement et sa reconnaissance. 

Leqwran s tmaziɣt (2006, Zyriab, Alger), également disponible en libre accès, illustre la volonté de Ramdane At Mansour Ouahès de rendre la langue accessible et vivante. Ce livre, qui peut être perçu comme un manuel ou une initiation à la langue tamazight, contribue à la diffusion de cette langue auprès d’un public plus large, incluant les locuteurs natifs mais aussi les apprenants ou curieux. La mise en libre accès est un geste fort qui favorise la démocratisation du savoir linguistique et culturel.

Cette œuvre foisonnante trouve un écho particulier dans Témoignages autour de la science et de la culture (Éditions Scolie, 2021), un livre hors normes qui fait l’objet d’une préface remarquable de Youssef Nacib. Celui-ci souligne d’abord la singularité de l’ouvrage, qui échappe à toute catégorisation traditionnelle (roman, essai, florilège, etc.) en raison de son originalité où se mêlent science, culture et littérature — ce qui le rend inclassable. Youssef Nacib compare l’écriture de Ramdane At Mansour Ouahès à une alchimie : comme si, grâce à la pierre philosophale, un minéral vulgaire se transmutait en or — une métamorphose maîtrisée tant au niveau de la matière que de l’esprit.

Youssef Nacib s’émerveille de voir l’« homme du microscope » devenir à la fois anthropologue brillant et poète inspiré. Il met ensuite en lumière la richesse du contenu : Ramdane At Mansour Ouahès dresse d’abord un état de la recherche scientifique en Algérie, marqué par des tâtonnements institutionnels, et s’efforce de rapprocher science et développement national. En tant que chercheur, il invente, dépose des brevets, tout en vulgarisant la science dans un style clair — expliquant, par exemple, des phénomènes comme le feu ou la lumière à un public élargi.

À mesure que le livre avance, l’agrégé et docteur en chimie devient ethnologue, offrant une dizaine d’études pertinentes sur la culture traditionnelle amazighe, notamment la poésie spontanée du Djurdjura, qu’il aborde à la fois en chercheur et en aède (poète conteur).

Ensuite, Ramdane At Mansour Ouahès nous captive par des récits liés à son village natal, Tizi Hibel — décrivant la vie traditionnelle, les bouleversements de la colonisation, des événements merveilleux, et les figures remarquables nées dans ce hameau, tout en envisageant son avenir.

Enfin, la préface évoque deux formes littéraires qui viennent clore le livre : une nouvelle délicate et pleine de fraîcheur évoquant une idylle villageoise (à la limite de la fiction ou de la réalité vécue), ainsi qu’une pièce de théâtre centrée sur la lutte pour la libération nationale et les sacrifices des villageois.

Dans un registre plus pédagogique, il signe une série d’ouvrages de chimie à destination des étudiants : Exercices et Problèmes de Chimie (Masson, Paris, 1968 ; plusieurs rééditions), Chimie Générale (SNED, Alger, 1974, et autres éditions), Radiocristallographie (OPU, Alger, 1984), Chimie Physique (Ellipses, Paris, 1995), Annales corrigées de Chimie (Khawarysm, Alger). Il explore aussi des jeux de lettres et d’énigmes avec Jeux de lettres, jeux de mots (Marabout, Belgique, 1996) et Mille et une astuces, énigmes et devinettes (Mon Petit Éditeur, Paris, 2014), ainsi que des réflexions plus personnelles dans Témoignages autour de la science et de la culture (Zyriab, Alger, 2014), seconde édition publiée à Alger par Scolie en 2021. Son dernier ouvrage est Casse-têtes logiques et jeux mathématiques (Ellipses, Paris, novembre 2020) : un recueil de plus de 1 000 questions destinées à entraîner l’esprit.

L’impact de l’œuvre de Ramdane At Mansour Ouahès se manifeste à travers deux dimensions complémentaires et tout aussi essentielles. D’une part, sur le plan scientifique, il a profondément enrichi l’enseignement de la chimie en proposant des manuels d’une grande rigueur, adaptés aux besoins des étudiants francophones. Ces ouvrages, conçus avec un souci pédagogique constant, offrent une clarté exemplaire, facilitant la compréhension de concepts parfois complexes. Par leurs contenus actualisés et leur approche méthodique, ils ont permis à de nombreuses générations d’étudiants de se former efficacement, contribuant ainsi à renforcer la qualité de la formation scientifique dans les pays francophones, notamment en Algérie. Ce travail dépasse la simple transmission de savoirs. Il s’inscrit dans une dynamique d’ouverture, encourageant la curiosité intellectuelle et le développement d’une pensée critique rigoureuse chez les apprenants.

Ramdane At Mansour Ouahès s’est engagé avec la même intensité dans la valorisation de la langue kabyle et de la culture amazighe, souvent marginalisées dans les sphères officielles et académiques. En produisant des œuvres littéraires en tamazight — que ce soit sous forme de poésie, de dictionnaires, ou d’ouvrages lexicographiques — il a donné une voix nouvelle à cette culture, jusque-là peu représentée dans les milieux universitaires francophones. Sa démarche se distingue par son accessibilité : ses textes sont conçus pour toucher un large public, qu’il s’agisse de locuteurs natifs ou d’apprenants, et sont souvent diffusés en libre accès, permettant ainsi une large diffusion et un partage démocratique du patrimoine amazigh. Par cette action, il ne se contente pas de préserver une langue et une culture ; il participe activement à leur renaissance et à leur inscription dans le champ littéraire et intellectuel contemporain.

Ainsi, en conjuguant ces deux engagements, Ramdane At Mansour Ouahès fait œuvre de pont entre des univers parfois perçus comme opposés — la science rigoureuse et la culture traditionnelle — et démontre que l’on peut être à la fois un intellectuel de haut niveau et un défenseur passionné de son héritage culturel. Ce double impact témoigne de la richesse et de la complexité de son apport, qui dépasse les frontières disciplinaires pour s’inscrire dans un projet plus vaste de transmission et de valorisation des savoirs sous toutes leurs formes.

Ramdane At Mansour Ouahès incarne une rare synthèse entre rigueur scientifique et engagement culturel. Ce double visage, à la fois ancré dans l’univers exigeant des sciences exactes et profondément investi dans la valorisation de la culture berbère, confère à son parcours une singularité remarquable. Dans un contexte où l’on a longtemps opposé savoir scientifique et expression culturelle, Ramdane At Mansour Ouahès a su démontrer, par son exemple, que ces deux sphères ne sont pas incompatibles, bien au contraire : elles peuvent s’enrichir mutuellement. Son engagement dans la recherche et l’enseignement de la chimie, rigoureux et reconnu à l’échelle nationale et internationale, n’a jamais freiné son attachement à la langue kabyle, qu’il a choisie comme vecteur de poésie, de réflexion et de transmission populaire. Il a contribué à faire entrer le tamazight, souvent relégué aux marges, dans le champ du livre, de la pensée structurée et de la création littéraire.

En produisant à la fois des manuels scientifiques de référence et des œuvres poétiques ou linguistiques en kabyle, il a jeté un pont entre deux mondes que l’on pourrait croire éloignés : celui de la rationalité académique et celui de la sensibilité identitaire. Ce pont n’est pas qu’une image : il est tangible, nourri d’années d’écriture, de recherches, de publications et de volonté de partager. Ramdane At Mansour Ouahès ne s’est pas contenté de transmettre des savoirs figés ; il a participé activement à la construction d’une pensée plurielle, où la rigueur intellectuelle cohabite avec l’ancrage culturel. Cette dualité maîtrisée fait de lui une figure pionnière, un exemple rare de ce que peut être un intellectuel complet, à la fois scientifique, poète, enseignant, et militant discret d’une culture longtemps silencieuse.

Ramdane At Mansour Ouahès laisse derrière lui un héritage d’une richesse exceptionnelle, à la fois multiple et profondément cohérent. Son apport ne se limite pas à un seul domaine : il embrasse l’univers scientifique avec la même passion qu’il investit dans la défense et la promotion de la langue et de la culture amazighes. D’un côté, il a participé à la transmission du savoir scientifique à travers une série d’ouvrages pédagogiques clairs, accessibles et rigoureux, qui ont formé plusieurs générations d’étudiants. Ces travaux témoignent d’un esprit structuré, d’un souci permanent de clarté, mais aussi d’une véritable vocation d’enseignant : rendre le savoir vivant, intelligible et stimulant.

D’un autre côté, il s’est engagé avec autant de sérieux dans la revitalisation littéraire de la langue kabyle, un champ où il a su mêler sensibilité poétique, rigueur lexicale et respect de la tradition orale. Il a écrit non seulement pour exprimer, mais aussi pour préserver une mémoire collective menacée d’effacement. En cela, son œuvre littéraire en tamazight est bien plus qu’un simple acte d’écriture : c’est un geste de résistance culturelle, un travail de fond pour inscrire une langue longtemps marginalisée dans les circuits du savoir et de la reconnaissance.

Homme de sciences et homme de lettres, Ramdane At Mansour Ouahès incarne la possibilité d’un dialogue fécond entre deux formes d’intelligence : celle de la logique, de l’analyse et de l’expérimentation, et celle de l’imaginaire, de la langue et de la mémoire. Son parcours démontre que la rigueur scientifique et la poésie peuvent non seulement coexister, mais s’enrichir mutuellement. 

À travers lui, la mémoire culturelle ne s’écrit pas seulement dans les livres d’histoire ou les recueils de contes, mais aussi dans les laboratoires, les manuels scolaires.

À la croisée de la rigueur scientifique et de l’engagement culturel, Ramdane At Mansour Ouahès incarne une figure intellectuelle majeure de l’Algérie contemporaine. À travers cet entretien, il revient sur son parcours, ses motivations, et les enjeux de son œuvre multiforme.

Le Matin d’Algérie : Votre parcours mêle rigueur scientifique et engagement culturel. Comment avez-vous réussi à concilier ces deux dimensions dans votre vie professionnelle et personnelle ?

Ramdane At Mansour Ouahès : La rigueur scientifique est le fruit d’un apprentissage. Elle découle de la formation. C’est une culture que l’on peut vivre au quotidien.

L’engagement culturel, par contre, est inné même s’il évolue et s’adapte à l’environnement. Il a alors besoin de rigueur scientifique.

J’ai œuvré à concilier les deux visions dans ma quête de la renaissance de la civilisation kabyle.

Le Matin d’Algérie : Vous avez largement contribué à l’enseignement de la chimie dans le monde francophone. Quel regard portez-vous sur l’évolution de la pédagogie scientifique en Algérie depuis vos débuts ?

Ramdane At Mansour Ouahès : La question délicate de l’enseignement supérieur, quelle que soit la discipline, mérite une analyse approfondie. Je l’ai fait dans mon livre « Témoignages ». L’Algérie a beaucoup tâtonné. J’ai fait des suggestions pour remédier aux graves lacunes rencontrées.

Le Matin d’Algérie : La langue kabyle est au cœur de votre œuvre littéraire. Quelles sont, selon vous, les principales difficultés à surmonter pour sa reconnaissance et sa diffusion aujourd’hui ?

Ramdane At Mansour Ouahès : La langue kabyle – variante des langues amazighes – est toujours vivante alors que les autres langues anciennes de la Méditerranée ont disparu.

Cantonnée à l’oralité, elle risquait de se voir marginalisée par la modernité. Miraculeusement c’est l’inverse qui s’est produit. Grâce à la science et la technologie on a découvert, dans cette langue, une remarquable civilisation préservée par les traditions.

La société kabyle était constituée de villages autonomes, autogérés, qui échappent aux contraintes d’un pouvoir central. L’arrivée de l’islam n’a pas bouleversé les traditions. Elle a généré des religieux, les marabouts, un peu partout mais ceux-ci font preuve de discrétion et de retenue en matière de prosélytisme respectant la liberté religieuse millénaire des Kabyles. Pratiquant l’isolement, les marabouts vivent souvent dans leurs propres villages se mariant entre eux et maintenant leurs femmes au foyer. On les aide, on les respecte, on rend visite à leurs sanctuaires lors des fêtes mais, en général, on ne les associe pas à la gestion du village.

La richesse de la langue kabyle a été révélée par des savants occidentaux. Un chercheur allemand, Frobenius, a récolté un grand nombre de contes édités en 4 volumes à partir d’une seule région kabyle. Des universitaires français ont œuvré de même dans d’autres régions kabyles et dans plusieurs domaines de la culture, rendant hommage à l’organisation de la société kabyle, à la richesse de la poésie populaire, à la pertinence des proverbes kabyles, etc.

La langue kabyle n’a pas fini de recevoir des lauriers : récemment un chercheur kabyle l’a retrouvée dans le vocabulaire non élucidé de la civilisation pharaonique !

Le Matin d’Algérie : Dans votre recueil de poésie Tiɣri (1996), comment exprimez-vous la culture kabyle et son identité à travers vos vers ?

Ramdane At Mansour Ouahès : C’était mon premier ouvrage et je souhaitais qu’il soit marquant, qu’il soit un soutien de l’amazighité.

Symboliquement j’ai utilisé l’écriture kabyle (amazighe), en lettres tifinaghes, persuadé que sa réhabilitation viendra tôt ou tard.

J’ai travaillé le texte pour élaborer de la poésie de qualité par la richesse du vocabulaire et des références culturelles ancestrales bien connues.

J’ai décoré à mon goût, les pages et la couverture. L’éditeur n’a pas pris de risque : tirage : 300 exemplaires ; l’auteur (moi) obligé d’en acheter 30.

Les poèmes relatent l’ambiance pessimiste de l’époque comme par exemple ce constat d’une mort programmée du tifinagh (page 21). J’en donne la traduction :

Ton nom est gravé sur des pierres.

Interroge-les, ô savant !

Tu es connu dans les nations.

Tu n’as fait que passer.

Arbre, j’éprouve tant de pitié

De te voir, cendres, devenu !

Ce poème a inspiré une grande potière kabyle Mme Ouiza Bacha. Elle a réalisé une belle œuvre gravant le texte en tifinagh dans un environnement saharien, œuvre qu’elle m’a offert et pour laquelle je lui suis très reconnaissant.

Le Matin d’Algérie : Isefra n at zik (1998), réimprimé à plusieurs reprises, aborde des thématiques profondes : quelles sont celles qui vous paraissent les plus universelles ou spécifiques à la Kabylie, et pourquoi touchent-elles un public aussi large ?

Ramdane At Mansour Ouahès : Les premiers écrits concernant la Kabylie sont essentiellement des poèmes. On a découvert, en effet, que la langue kabyle fourmille de poésies. Les ouvrages consacrés à la Kabylie rapportent des recueils de poèmes en grande partie anonymes. Il s’agit souvent de poèmes de 6 vers (sizains) ou de 9 vers (neuvains) de conception originale.

La tradition orale a fait que c’est la poésie déclamée ou chantée qui sera le porte-parole de la société, le révélateur de sa culture.

Des poètes célèbres comme Youssef Oukaci ou Si Mouh u Mhend, ont témoigné de la vie quotidienne et des luttes contre l’oppression à travers des œuvres marquantes. Mais ils ne sont que la partie visible de l’iceberg que sont les poèmes anonymes. Ces derniers, salués brillamment par Jean Amrouche, sont un trésor vivant, irremplaçable de la civilisation kabyle.

Ayant eu le privilège d’en récolter un grand nombre, j’ai pris l’initiative de les rassembler et de les éditer à compte d’auteur.

Ils témoignent des souffrances subies mais aussi de la philosophie de la vie, de croyances religieuses naïves, d’événements historiques marquants, etc

Le Matin d’Algérie : Avec Agani (2004), vous mêlez tradition et modernité ; comment ce mélange se manifeste-t-il dans votre poésie, et quel impact pensez-vous que cela ait eu sur la littérature amazighe contemporaine ?

Ramdane At Mansour Ouahès : Agani est le prolongement de « Tighri » avec l’avantage d’une édition algérienne (Zyriab) doublée de l’excellente préface du professeur Youssef Nacib. J’ai voulu continuer d’enrichir le style poétique en puisant dans les traditions, le vocabulaire et les expressions. Un lexique et des notes aident le lecteur en cas de besoin.

Usant de poèmes, j’ai rendu hommage à Lounès Matoub, à Mouloud Mammeri, à Mouloud Feraoun, à Ahmed Oumerri, à mon frère Salem et à des anonymes.

J’ai simplifié l’écriture privilégiant la ponctuation à la pléthore de tirets qu’on trouve répandue dans certains livres de littérature kabyle.

Le Matin d’Algérie : Dans votre dictionnaire de proverbes Amawal n yinzan teqbaylit (2010), quelle importance accordez-vous aux proverbes kabyles dans la transmission des valeurs et de la sagesse populaire aujourd’hui ?

Ramdane At Mansour Ouahès : La société kabyle possède une multitude de proverbes. Dans le quotidien, elle les utilise à bon escient pour argumenter, complimenter, caractériser, etc. Ils contribuent beaucoup à son charme et à sa richesse. Is se retrouvent souvent dans les poèmes.

Il y a plusieurs manières de les classer selon l’objectif recherché. Nous avons choisi une méthode originale, le dictionnaire : à chaque mot on associe les proverbes qui le contiennent. Un tel choix facilite la tâche du lecteur qui veut illustrer un propos, un texte, un discours par des adages appropriés.

Le Matin d’Algérie : Jeux de lettres, jeux de mots (1996) explore la vitalité de la langue kabyle par le jeu linguistique : selon vous, quel rôle ces jeux ont-ils dans le maintien et l’animation de la langue ?

Ramdane At Mansour Ouahès : Publié en français, ce livre s’adapte aisément au kabyle. Je l’ai ainsi expérimenté en Algérie sur la chaîne 2 de la radio dans une émission de Rachid Alliche.

Je suis convaincu que par le jeu, la langue kabyle peut retrouver sa vigueur.

Le Matin d’Algérie : Mille et une astuces, énigmes et devinettes (2014) rassemble des formes traditionnelles orales mises par écrit. Qu’est-ce qui vous a poussé à publier ce recueil, et quel effet espérez-vous pour cette transmission orale à travers l’écrit ?

Ramdane At Mansour Ouahès : En tant qu’universitaire je suis appelé à la découverte. J’ai ainsi participé à 3 brevets d’invention. J’ai encore des projets sous le coude.

Ce type d’activité se manifeste aussi hors du laboratoire, dans la vie quotidienne. C’est ainsi que j’ai exploité en français, consciemment ou inconsciemment, la grande variété du patrimoine culturel de la civilisation kabyle.

Le Matin d’Algérie : La traduction du Coran en tamazight, Leqwran s tmaziɣt, est un projet d’une portée considérable, tant sur le plan linguistique que théologique. Qu’est-ce qui vous a motivé à entreprendre cette œuvre, et quelles ont été les principales difficultés rencontrées ? En quoi cette traduction vous semble-t-elle essentielle pour les locuteurs berbères aujourd’hui ?

Ramdane At Mansour Ouahès : Cette approche de la religion est longtemps restée un sujet tabou. Lors d’une interview à la radio kabyle (chaîne 2), j’ai argumenté en faveur de cette traduction en expliquant que la valeur d’une langue se mesure à l’importance de ses publications. Seize années plus tard, après un séjour en Arabie d’où j’ai ramené de la documentation, j’ai entrepris de briser le tabou.

J’ai eu la chance de trouver un éditeur dévoué, Zyriab, qui, après une longue démarche auprès du ministère des cultes, a obtenu l’autorisation de publication. J’ai utilisé simultanément le tifinagh et l’écriture latine, j’ai associé un CD audio à l’ouvrage pour favoriser l’apprentissage aussi bien de la langue que des écritures. Malgré un bon tirage commandé par ce même ministère, le livre n’est pas toujours disponible sur le marché. Fort heureusement on peut le consulter sur Internet.

Le Matin d’Algérie : Témoignages autour de la science et de la culture, réussit- il à concilier rigueur scientifique et sensibilité littéraire, au point de devenir une œuvre inclassable ? Et comment l’approche pluridisciplinaire adoptée dans cet ouvrage contribue-t-elle à repenser les liens entre science, culture et identité ?

Ramdane At Mansour Ouahès : Cet ouvrage, publié en Algérie par Scolie Editions, résume et précise mes actions en faveur de notre culture. Il rappelle mes conférences, relate des événements, raconte des anecdotes, usant du style simple de la nouvelle ou de la pièce de théâtre. Il répond en détail aux interrogations de cet entretien. Il montre, si besoin est, que la science et la culture se fécondent l’une l’autre en se complétant.

Le Matin d’Algérie : En quoi la préface de Youssef Nacib éclaire-t-elle la singularité de l’ouvrage Témoignages autour de la science et de la culture, et comment contribue-t-elle à en valoriser la richesse littéraire, scientifique et humaine ?

Ramdane At Mansour Ouahès : Je laisse au lecteur le soin d’apprécier mes publications sous cette approche. Je ne me suis pas posé cette question.

J’apprécie beaucoup l’analyse fouillée du professeur Youssef Nacib dont l’action est, à bien des égards, semblable à la mienne. 

Le Matin d’Algérie : Votre dernier ouvrage, Casse-têtes logiques et jeux mathématiques, vise à stimuler l’esprit à travers des énigmes. En quoi ces jeux peuvent-ils renforcer la pensée critique, notamment chez les jeunes ?

Ramdane At Mansour Ouahès : C’est encore un livre en français. Être publié par un grand éditeur français est déjà une bonne étape. Je garde l’espoir de voir les médias exploiter mes découvertes en particulier « les jeux mathématiques ».

Le Matin d’Algérie : En tant que figure intellectuelle engagée, comment percevez-vous le rôle des sciences dans le développement et la modernisation des pays d’Afrique du Nord ?

Ramdane At Mansour Ouahès : C’est une question éminemment politique. Elle est universelle. L’UNESCO lui a accordé une attention majeure. Malheureusement les hommes d’Etat en Afrique du Nord restent sourds aux recommandations et aux conseils en matière de politique scientifique. J’en ai fait l’amère expérience dans les années 80. 

Le retour de Boudiaf a fait naître un grand espoir, vite anéanti par des forces obscures ; Je ne verrai émerger une politique d’encouragement de la recherche scientifique lorsque les décideurs seront plus jeunes, plus entreprenants, libérés de la dépendance technologique.

Le Matin d’Algérie : Un mot sur Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, et leur héritage : Quel regard portez-vous aujourd’hui sur leurs œuvres respectives, mais aussi sur leur engagement intellectuel et politique dans un contexte colonial, puis post-colonial ? Selon vous, en quoi leur héritage reste-t-il vivant et essentiel pour les jeunes générations, tant sur le plan littéraire que dans la transmission de la mémoire et de la dignité amazighe ?

Ramdane At Mansour Ouahès : J’ai eu le bonheur de connaître et de fréquenter ces deux grands hommes. Je me souviens de Mouloud Feraoun fréquentant les sages du village à l’assemblée (tajmaât), à chacune de ses vacances. Je connaissais son dévouement exemplaire pour ses élèves allant jusqu’à faire travailler les plus avancés pendant les jours de repos.

J’ai séjourné chez lui en pleine guerre d’indépendance et il m’a montré comment il rédigeait discrètement son « Journal » dans des cahiers d’écolier. Ses livres dressent un tableau remarquable de la société kabyle dans l’environnement colonial.

J’ai collaboré avec Mouloud Mammeri dans le cadre de la recherche scientifique universitaire. Nos relations ont été fructueuses. J’en fais état dans mon livre « Témoignages ». Ses écrits sont souvent engagés avec subtilité dans le combat en faveur de notre culture.

Le Matin d’Algérie : Quel message aimeriez-vous transmettre aux jeunes chercheurs ou écrivains amazighs d’aujourd’hui ?

Ramdane At Mansour Ouahès: Aux écrivains et chercheurs, je dis « bon courage ! » car le chemin de l’écriture à l’édition est jonché d’épines.

Suivons l’exemple de nos ancêtres, hommes et femmes, qui ont pérennisé notre culture par un travail acharné et un dévouement sans faille.

Multipliez les contacts avec les lecteurs par des conférences, des rencontres, des échanges via les réseaux sociaux car le message oral est irremplaçable dans notre société.

Entretien réalisé par Brahim Saci

Ouvrages en kabyle, en libre accès 

http://ayamun.com/

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Emmanuel Macron exhorte Netanyahu à sortir de sa «fuite en avant meurtrière» à Gaza

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Macron

Emmanuel Macron estime que les « accusations d’inaction » portées par Benyamin Netanyahu envers la France en matière de lutte contre l’antisémitisme constituent une « offense » pour le pays « tout entier ».

Le torchon brûle entre Emmanuel Macron et Benyamin Netanyahou qui ne rate aucune occasion pour détourner le regard de ses basses œuvres et ses massacres de civils palestiniens à Gaza.

Le président français appelle le Premier ministre israélien à sortir de sa « fuite en avant meurtrière » à Gaza et à « cesser l’illégale et injustifiable recolonisation de la Cisjordanie », dans une lettre rendue publique mardi 26 août par le quotidien Le Monde.

Le 19 août, la présidence française avait déjà dénoncé comme « erronée, abjecte » l’accusation de Benyamin Netanyahu, affirmant qu’Emmanuel Macron en avait pris connaissance par voie de presse et y répondrait par courrier.

Le chef de l’État français souligne dans sa réponse qu’il « demeure et demeurera garant de l’impérieuse nécessité de combattre cette abomination, partout et toujours ». « Les antisémitismes de notre pays viennent de loin, ont longtemps été nourris par l’extrême droite, sont aujourd’hui aussi alimentés par l’extrême gauche qui essentialise la communauté juive et soutient la haine contre cette dernière », pointe-t-il encore.

« L’État palestinien doit constituer la fin du Hamas »

Emmanuel Macron estime que son initiative diplomatique pour une reconnaissance de l’État de Palestine est une « main tendue » à Israël pour une « paix durable » dans la région et rejette aussi toute accusation de soutien, à travers ce processus, au mouvement islamiste palestinien Hamas.

« Je vous appelle solennellement à sortir de la fuite en avant meurtrière et illégale d’une guerre permanente à Gaza qui expose votre pays à l’indignité et votre peuple à une impasse, à cesser l’illégale et injustifiable recolonisation de la Cisjordanie et à saisir la main tendue des partenaires internationaux disposés à travailler à un avenir de paix, de sécurité et de prospérité pour Israël et la région », poursuit-il.

Selon lui, « l’État palestinien doit constituer la fin du Hamas ». « C’est aujourd’hui la seule manière d’éradiquer réellement le Hamas et d’éviter à la jeunesse israélienne de se consumer dans une guerre permanente, dévastatrice pour les Palestiniens de Gaza, mais également pour Israël et la région tout entière », précise-t-il encore.

L’ambassadeur américain en France, Charles Kushner, père du gendre de Donald Trump, Jared Kushner, s’est aussi fendu d’une lettre similaire au président Macron, qui lui a valu une convocation lundi au ministère français des Affaires étrangères. Mais c’est le chargé d’affaires qui s’est déplacé.

Après avoir affiché sa solidarité avec Israël, frappé par des attaques sans précédent du Hamas le 7 octobre 2023, qui ont entraîné le déclenchement de la guerre à Gaza, Emmanuel Macron a depuis multiplié les critiques à l’égard de la stratégie du gouvernement israélien dans ce conflit.

Avec RFI

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Tebboune convoque une réunion spéciale sur le transport : des décisions et des non-dits 

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Conseil resteint
Conseil restreint autour de Tebboune

Plusieurs jours après le drame d’Oued El Harrach, Abdelmadjid Tebboune a finalement convoqué, ce mardi, une réunion extraordinaire consacrée exclusivement au secteur des transports.

Au menu de cette réunion inattendue : importation immédiate de 10 000 bus neufs, nouvelles lois sur le permis de conduire, contrôles renforcés pour les chauffeurs et élargissement inédit de la responsabilité civile aux gestionnaires de routes, auto-écoles et centres de contrôle technique. Encore une fois, le chef de l’Etat fait plus de réaction impromptue.

Mais l’essentiel n’est peut-être pas dans les décisions prises au pied levé. Ce qui interpelle, c’est la forme choisie : non pas un Conseil des ministres, ni un Conseil du gouvernement, mais une rencontre spéciale, à laquelle ont pris part de hauts responsables sécuritaires et militaires aux côtés des ministres de certains secteurs.

Une configuration inhabituelle, qui ressemble à un conseil de crise plus qu’à une réunion sectorielle classique. Les images diffusées sont à ce propos dépourvues du son. Ce qui ajoute une couche de mystère à cette réunion.

Ce choix intervient après un silence présidentiel qui a nourri les interrogations sur l’absence de réaction immédiate au drame. En contournant les formats institutionnels habituels, le chef de l’État semble vouloir afficher une reprise en main directe, quitte à laisser dans l’ombre le rôle du gouvernement.

Une réunion qui soulève donc autant de questions qu’elle n’apporte de réponses, et qui révèle, en creux, les tensions et les non-dits de la gouvernance actuelle.

Sofiane Ayache

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Décès de Khaled Louma : l’indignation de Mohamed Ali Allalou face à l’oubli institutionnel

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Khaled Louma
Khaled Louma

Le décès de Khaled Louma, artiste polyvalent, musicien et voix familière de la radio ( Chaîne3), laisse un vide immense dans le paysage culturel algérien. Son inhumation, ce mardi, a donné lieu à des hommages empreints d’émotion, mais aussi à une colère sourde, exprimée publiquement par son ami et ancien collègue, Mohamed Ali Allalou, ex-animateur de l’émission culte Sans pitié sur la Chaîne 3.

Dans une vidéo diffusée sur Facebook, Allalou est revenu non pas sur les souvenirs joyeux qu’il partageait avec Louma, mais sur les blessures d’un parcours professionnel marqué par l’injustice. « Aujourd’hui, je ne vais pas raconter d’anecdotes, je suis très en colère », a-t-il déclaré, visiblement bouleversé.

Un pionnier de la scène et de la radio

Khaled Louma s’était imposé comme une figure singulière de la culture algérienne. Leader du groupe T34, il avait marqué la scène musicale par des compositions audacieuses, mêlant esprit contestataire et ouverture artistique. À la radio, sa voix, son professionnalisme et sa créativité en avaient fait l’un des animateurs les plus respectés de la Chaîne 3, une institution qu’il avait servie avec passion et constance.

Pourtant, derrière cette carrière se cachait une réalité beaucoup plus amère. « C’était un roi de la radio qui a été invisibilisé par la direction », dénonce Allalou, rappelant que son ami, après un retour précipité de France, avait repris son travail à la Chaîne 3 avant d’en être écarté dans des conditions humiliantes.

Une précarité indigne

Le témoignage de Mohamed Ali Allalou met en lumière une situation profondément choquante : « Malgré tout ce qu’il a donné et toutes ses productions radiophoniques, Khaled n’a jamais été déclaré à la Caisse nationale de retraite (CNR). » Un constat qui illustre la fragilité des artistes et hommes de culture, souvent laissés sans protection sociale malgré des années de service au public.

Et ce cas, précise-t-il, n’est pas isolé : « Il n’est pas le seul. Beaucoup qui, comme lui, se sont engagés pour la radio ont subi le même sort. »

Un malaise plus profond

Au-delà du cas de Khaled Louma, c’est toute une génération de créateurs, journalistes, animateurs et musiciens qui se trouvent confrontés à un même déni de reconnaissance. L’absence de statut clair, le manque de droits sociaux et la marginalisation institutionnelle laissent planer une ombre sur l’avenir de la culture en Algérie.

Le cri de colère de Mohamed Ali Allalou, au lendemain de la disparition de son ami, résonne comme un appel à repenser le rapport de l’État et de ses institutions à ceux qui, par leurs voix et leurs créations, ont façonné l’imaginaire collectif.

Khaled Louma, salué aujourd’hui pour son œuvre et son charisme, incarne malheureusement cette contradiction : célébré par ses pairs et son public, mais laissé pour compte par les structures qu’il a servies toute sa vie.

La rédaction

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Transport aérien : lancement du vol inaugural de Domestic Airlines à destination de Tamanrasset

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Air Algérie

Le vol commercial inaugural de la compagnie aérienne Domestic Airlines sur la ligne régulière Alger-Tamanrasset a été lancé lundi. La cérémonie de lancement de ce vol opéré par un Boeing 737-800 s’est déroulée en présence du ministre des Transports, M. Saïd Sayoud, du PDG d’Air Algérie, M. Hamza Benhamouda, du directeur général de Domestic Airlines, M. Abdessamad Ourihane ainsi que du PDG de la Société de gestion des services et infrastructures aéroportuaires d’Alger (SGSIA), M. Mokhtar Mediouni.

En marge de l’événement qui s’est déroulé à l’Aéroport international Houari-Boumediene, M. Sayoud a rappelé que Domestic Airlines, dont la flotte est composée d’avions d’Air Algérie et de Tassili Airlines (anciennement), a été créée conformément aux instructions du président de
la République, M. Abdelmadjid Tebboune, précisant que toutes les procédures administratives et juridiques pour la création de cette compagnie avaient été finalisées.

«S’inscrivant dans une mission de service public à dimension stratégique, ce vol régulier Alger-Tamanrasset vient répondre aux besoins de mobilité des citoyens et renforcer les liaisons aériennes entre les différentes régions du pays, appuyant ainsi l’intégration nationale et contribuant aux efforts de l’Etat en faveur du développement du système national de transport aérien», avait souligné la compagnie dans un communiqué.

Domestic Airlines a été créée pour renforcer l’offre de transport aérien entre les différentes wilayas du pays et soutenir le développement socioéconomique, après le transfert de propriété de Tassili Airlines à Air Algérie, finalisé mi-août.

APS

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