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mardi 1 juillet 2025
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Lune des fraises, tête en l’air !

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Constellations

On ne peut tout connaître et tout maîtriser, c’est certain. Cependant, pour les phénomènes physiques qui nous passionnent il est inévitable de ressentir un profond regret de ne pas y avoir mis plus d’acharnement qu’en toute autre chose pour les comprendre. 

Le lecteur s’est peut-être souvent posé cette question pour un nombre important de situations équivalentes. Quoi de plus disponible dans son esprit que son propre vécu ? Un phénomène donné en spectacle dans le ciel ce mercredi 12 juin permet de trouver opportunité pour réfléchir sur l’ignorance, particulièrement la mienne.

Pour développer ma chronique à ce sujet, il me faut poser la question de son titre car deux sens sont possibles pour l’expliquer. La tête en l’air dans son sens réel est la conséquence de ma passion pour le ciel et l’espace. Dans son sens figuré, avoir la tête en l’air signifie oublier par distraction de l’esprit.

L’oubli par la tête en l’air concerne un spectacle d’une extrême beauté pour l’humanité que je n’ai pas eu le réflexe de partager avec vous dans une chronique immédiate. Faute avouée… Vous connaissez le dicton.

Pour le nom de Lune des fraises, appelée plus simplement Lune rose, heureusement qu’un très petit niveau de connaissances suffit à en expliquer la couleur. Elle a été nommée ainsi par une ancienne peuplade (laquelle ? Encore une ignorance). Ce jour-là la lune est basse dans le ciel et dans cet angle, la lumière traverse l’épaisseur importante de l’atmosphère. Elle apparait ainsi dans une couleur rose.

Je serai incapable de répondre à une autre question, pourquoi dans les autres positions de la lune le phénomène n’apparait pas alors que cette même lumière traverse aussi la couche de l’atmosphère ? C’est pour cela que je parlais d’ignorance sans excuse pour ce qui est d’une passion. 

Le phénomène ne se produit qu’une fois dans une période de douze mois mais pas à la même date ou très rarement. Comme pour toute honte, les êtres humains essaient de la camoufler par l’excuse de ne pas avoir eu les capacités cognitives de comprendre un phénomène complexe ou qu’on n’en n’a pas eu l’enseignement. C’est vrai que cette explication semblerait plus pardonnable. 

Pardonnable pour moi ? En vérité, pas du tout. Car faute n’est pas de la société et de l’école de m’avoir donné toutes les opportunités de comprendre. À l’internat de Bouisseville, près d’Oran s’est passé le premier cours sur le ciel par un professeur du collège. Les lecteurs non Oranais sont dévoilés eux aussi dans leur ignorance, ils n’ont aucune excuse de ne pas connaitre le lieu.

Par une soirée d’un ciel magnifique, le noir du ciel permettait d’apercevoir une multitude impressionnante d’étoiles qui brillaient comme les lumières d’un arbre de Noël ou, par malice méchante, autant que la brillance des pellicules sur les épaules d’un de nos camarades (le pauvre, même plus d’un demi-siècle après, il devra supporter notre plaisanterie douteuse).

Et ce jour-là, j’ai eu mon premier doute sur la possibilité de mes capacités à être plus tard un expert en astrologie. Il a eu beau nous montrer les constellations, de la Grande ourse, du Sagittaire ou du Capricorne, je ne voyais que les pellicules de notre camarade dans le ciel, ce n’est bien entendu qu’une image sur mon ignorance. Vous connaissez aussi le très célèbre proverbe chinois, lorsque le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt. Cette fois-ci ce n’est pas seulement une image.

L’être humain trouve également une autre excuse classique pour dissimuler sa honte ou son embarras, celle de prétendre qu’à cette époque lointaine, nous n’avions pas les mêmes conditions d’apprentissage. À l’idiotie se rajoute un mensonge grossier, Bouisseville n’avait pas tant de lumière pour voiler le ciel à cette époque. L’endroit était assez isolé des maisons qui, elles aussi, n’étant vraiment pas nombreuses. De plus, à Bouisseville comme dans le monde, la pollution n’était pas l’écran qu’il est maintenant.

Ah non, les jeunes, vous ne vous en sortirez pas aussi facilement avec cette excuse pour me blâmer. Moi je n’avais pas Internet et d’autres possibilités pour éviter mon ignorance. Encore une piètre excuse des hommes pris en flagrant de délit d’ignorance, je persiste dans le mensonge ! 

En conclusion générale, contrairement à ce que le laisse supposer ma chronique, l’être humain n’est paradoxalement jamais blâmable pour son ignorance mais pour son manque dc curiosité et de passion pour les magnifiques choses de ce monde. Et là, on aura du mal à me prendre à défaut, au risque de la prétention.

Je m’en suis bien sorti ? 

Boumediene Sid Lakhdar

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La finance mondiale au service des guerres sans fin

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Palestinien destruction

Et si la guerre n’était plus seulement l’échec de la diplomatie, mais aussi la réussite silencieuse des marchés financiers ? Dans un monde où les conflits ne sont plus des accidents, mais des variables intégrées aux modèles financiers, il devient urgent de comprendre comment la logique spéculative façonne les dynamiques de sécurité globale.

Ce n’est pas une dénonciation, mais une mise en lumière : celle d’un capitalisme contemporain où la paix semble coûter plus cher que la guerre, où les armes ne sont plus seulement des instruments de dissuasion mais des actifs financiers à part entière, et où la géopolitique dialogue en permanence avec les stratégies d’investissement. Dans un monde façonné par les flux de capitaux, les arbitrages budgétaires et les réseaux d’influence, une question s’impose : jusqu’où la finance internationale contribue-t-elle à entretenir la logique des guerres sans fin ?

Défendre sans agresser : les dilemmes stratégiques

Certes, dans un monde où la souveraineté des nations peut être menacée par des agressions extérieures, développer une capacité autonome de production d’armements revêt une importance stratégique majeure. Ce n’est pas une fuite en avant militariste, mais un impératif moral, politique et économique : assurer la sécurité de ses citoyens, défendre les principes de liberté, protéger l’intégrité territoriale, dissuader toute velléité d’invasion et favoriser le développement économique. Lorsqu’une guerre est imposée, la capacité à se défendre avec efficacité devient une condition de survie nationale, mais aussi un acte de responsabilité à l’égard de l’ordre international. Dans ce contexte, produire des armes, c’est refuser la dépendance et affirmer que la paix, parfois, se construit aussi par la force de la dissuasion.

Le capitalisme de guerre : une mécanique bien huilée

Mais cette logique défensive ne saurait en aucun cas justifier que l’on déclenche ou prolonge des guerres à des fins lucratives. Faire de la guerre un simple vecteur de profit, une variable d’ajustement pour les dividendes, une mesure de relance pour l’économie, relève d’un cynisme insoutenable. Aucune courbe boursière, aucun rendement financier ne saurait compenser le chaos, les destructions massives, les vies humaines perdues ou les traumatismes durables que laisse derrière elle toute guerre inutile. Entre défense légitime et commerce de la mort, la frontière est fine, mais essentielle. Il est du devoir des États, des entreprises et des investisseurs de ne jamais la franchir.

Et pourtant, cette frontière est aujourd’hui largement brouillée. Depuis 2001 quand les bombes explosent, certaines courbes boursières montent. Dans le silence feutré des salles de marché la guerre est perçue comme une opportunité. Car derrière les discours sur la paix et la diplomatie, un capitalisme de la guerre s’organise, porté par les plus puissants fonds d’investissement du monde qui constituent les plus importants actionnaires des géants de l’armement. Une collusion d’intérêts se dessine : celle entre les stratégies d’allocation des grands fonds, la rémunération des dividendes et la perpétuation des conflits.

Trump face au complexe militaro-industriel

En septembre 2024, lors d’un rassemblement dans le Wisconsin, le candidat à la présidentielle Trump a vivement dénoncé cette collusion :

« Je vais expulser les va-t-en-guerre. Nous avons des gens qui veulent faire la guerre tout le temps. Vous savez pourquoi ? Les missiles coûtent 2 millions de dollars pièce. Voilà pourquoi. Ils adorent larguer des missiles partout. Moi, je n’ai lancé aucune guerre… Je vais expulser les va-t-en-guerre de notre appareil sécuritaire national et mener un grand nettoyage du complexe militaro-industriel pour mettre fin au profit de guerre et toujours faire passer l’Amérique d’abord. Nous mettons l’Amérique d’abord. Nous allons mettre un terme à ces guerres sans fin. Des guerres sans fin, ça ne s’arrête jamais ».

Si la campagne affichait une volonté de rupture, les décisions budgétaires prises une fois au pouvoir ont témoigné d’une continuité stratégique inattendue.

Trump devenu président a annoncé le mois dernier (mai 2025) un budget de la défense flirtant avec le seuil symbolique des 1 000 milliards de dollars (!), ce qui a suscité une avalanche de réactions et de critiques au sein de son propre camp au Congrès, au sein des milieux stratégiques et de la presse spécialisée.

Malgré ce budget faramineux, Roger Wicker, président républicain de la commission des forces armées du Sénat, a dénoncé une proposition qui risque, selon lui, « d’anéantir les capacités militaires américaines et le soutien à nos troupes ». Mike Rogers, son homologue à la Chambre, a fustigé une « trajectoire budgétaire irréaliste ». Susan Collins et Mitch McConnell, figures modérées et influentes, ont exprimé leurs réserves quant à l’usage d’« artifices comptables » pour faire illusion, prévenant que le Congrès ne saurait être « dupé par une ingénierie financière aussi instable ».

Les consultants en défense mènent depuis un mois une campagne auprès des élus, expliquant que « la crédibilité de la puissance américaine est à ce prix ».

Dans les médias et les publications proches du lobby militaire, les tribunes se multiplient pour alerter sur le « décrochage capacitaire » des États-Unis face à la Chine, à la Russie ou même à l’Iran. La Foundation for Defense of Democracies, fortement financée par l’industrie de l’armement, s’indigne : « On ne peut pas faire la paix par la force avec un modeste budget de paix ». Ce refrain trouve un écho jusque dans les réseaux sociaux, où certains influents vétérans n’hésitent pas à qualifier ce budget de « trahison envers nos troupes ».

Enfin, la réaction la plus révélatrice est le « silence » des marchés financiers. À l’annonce du budget, les titres de la défense ont peu réagi, signe que les investisseurs savent déjà que, quel que soit le chiffre affiché, les arbitrages réels se jouent ailleurs. Dans les commissions. Dans les comités restreints. Et dans ce triangle d’influence où la guerre est moins une nécessité qu’un modèle économique.

La guerre, ultime valeur refuge des fonds d’investissement ?

Le silence des marchés face à la montée en puissance des dépenses militaires révèle moins une indifférence qu’un ajustement structurel : celui d’un capitalisme qui intègre la guerre comme levier stable, mais économiquement questionnable. L’industrie de la défense, hautement concentrée et protégée par des contrats publics, opère en marge des logiques de marché, échappant à la concurrence et à l’allocation efficiente des ressources. Sa production, orientée vers la dissuasion, ne contribue que marginalement à l’innovation ou à la croissance civile.

Ce déséquilibre s’accompagne d’un arbitrage budgétaire risqué : en canalisant des ressources considérables vers des secteurs à faible rendement sociétal, il fragilise à terme l’investissement dans les infrastructures fondamentales de l’économie réelle. Cette logique, désormais renforcée par les flux de capitaux institutionnels orientés vers un secteur jugé résilient, accentue la tension entre impératif stratégique immédiat et soutenabilité économique de long terme.

Financiarisation stratégique du complexe militaro-industriel

Les fonds d’investissement sont les plus importants actionnaires de toutes les grandes entreprises de défense : Lockheed Martin, Raytheon, General Dynamics, …. Leur poids est tel qu’ils votent les orientations stratégiques, influencent les politiques ESG (Environnementales, Sociales et de Gouvernance), et orientent les flux de capitaux vers les secteurs jugés « résilients ».

Ces fonds n’investissent pas par idéologie, mais par logique : la guerre, c’est du rendement prévisible. Les contrats publics sont massifs, récurrents, indexés sur l’inflation. Les marges sont solides. Et les besoins, depuis 2001, sont devenus structurels. Difficile de trouver un secteur plus protégé du cycle économique.

Dividendes record, morts invisibles

En 2023, Lockheed Martin a distribué environ 9,1 milliards de dollars en dividendes et rachats d’actions, Raytheon Technologies environ 3,24 milliards de dollars exclusivement en dividendes, et General Dynamics environ 1,35 milliard de dollars ; en 2024, les montants versés s’élèvent à environ 3,13 milliards de dollars pour Raytheon et 1,43 milliard de dollars pour General Dynamics, tandis que Lockheed Martin n’a pas encore publié de total annuel consolidé.

Mais au-delà des chiffres et des bilans financiers, un autre bilan s’impose : celui du coût réel des guerres.

Depuis 2001, les guerres en Afghanistan, en Irak, en Syrie, au Yémen, au Pakistan, en Ukraine et au-delà ont engendré un coût global estimé à plus de 9 000 milliards de dollars. Ce fardeau colossal, majoritairement financé par la dette publique, représente non seulement une charge budgétaire intergénérationnelle, mais alimente aussi les dividendes d’un complexe militaro-industriel devenu structurellement dépendant de la guerre. 

Mais le coût humain est encore plus vertigineux. Selon le Watson Institute, ces conflits ont causé entre 4,5 et 4,7 millions de morts, dont près d’un million directement sur les champs de bataille, et plus de 3,6 millions de morts indirects liés aux déplacements forcés, aux famines, aux effondrements sanitaires. Ces chiffres dévoilent un paradoxe glaçant : alors que la guerre est devenue un levier budgétaire et un actif spéculatif pour les marchés, elle demeure un gouffre humanitaire aux conséquences irréparables.

Ce paradoxe est d’autant plus alarmant qu’il ne relève pas du hasard : il est entretenu, nourri et diffusé par un écosystème d’influence où les intérêts économiques dictent les récits stratégiques.

Think tanks et narratifs : une guerre des idées financée

Une analyse approfondie du Quincy Institute met en lumière une mécanique troublante au cœur du débat stratégique américain : la majorité des think tanks qui commentent les guerres sont financés par des fabricants d’armes ou leurs sous-traitants. Sur 27 institutions analysées, 21 reçoivent des fonds du complexe militaro-industriel, et 100 % des dix plus citées dans les médias entretiennent des liens financiers directs avec des acteurs de l’armement. Ce biais se traduit dans l’espace médiatique par une surreprésentation systématique : 85 % des citations d’experts dans la presse proviennent de ces think tanks, dont les analyses s’alignent majoritairement sur les intérêts économiques de l’industrie de la défense. Dans ce système, le financement privé façonne discrètement le discours public, tandis que près d’un tiers de ces institutions refusent même de divulguer leurs bailleurs de fonds.

Ce réseau d’influence tisse une alliance implicite entre les fonds d’investissement, les entreprises d’armement, les producteurs d’idées et les politiques. Il crée une symbiose singulière où la guerre devient une variable de croissance, et la paix, un risque pour les dividendes. Les experts relayés ne sont pas neutres : ils sont souvent liés aux intérêts financiers qui bénéficient du prolongement des conflits. 

Trois géants détenus majoritairement par les fonds d’investissement

A titre d’exemple et pour ne citer que celles-ci, les trois grandes entreprises américaines d’armement Lockheed Martin, Raytheon Technologies et General Dynamics sont cotées à Wall Street, sur le New York Stock Exchange (NYSE)-la bourse de New York, l’une des plus grandes bourses au monde. Elles font toutes partie de l’indice S&P 500 (les 500 plus grandes capitalisations boursières), ce qui signifie qu’elles sont largement présentes dans les portefeuilles institutionnels et fonds indiciels – Exchange Traded Fund (ETF) qui répliquent la performance de cet indice boursier.

Lockheed Martin, symbole de la puissance militaro-industrielle américaine, est un géant incontournable dans le domaine de l’armement avancé et des technologies de défense. Son cœur d’activité gravite autour de l’aéronautique militaire avec des fleurons comme le chasseur furtif F-35 Lightning II, le F-22 Raptor ou encore les célèbres F-16 Fighting Falcon et le transport militaire C-130 Hercules.

Mais Lockheed ne s’arrête pas là : il conçoit également des missiles de haute précision et à longue portée, à l’image du Trident II D5 (missile balistique intercontinental lancé par sous-marin), de l’AGM-158 JASSM (missile de croisière furtif) ou du PAC-3 MSE, intercepteur emblématique intégré au système Patriot. L’entreprise excelle aussi dans les systèmes de défense antimissile, les satellites militaires et les dispositifs de guerre électronique.

Au capital de Lockheed Martin, on retrouve une constellation des plus grandes institutions financières mondiales. State Street Corporation figure en première ligne, suivi de près par The Vanguard Group et BlackRock. 

D’autres acteurs majeurs comme Charles Schwab Investment Management, Geode Capital, Morgan Stanley et Capital World Investors composent également l’architecture actionnariale, illustrant le poids massif de la finance passive et de la gestion institutionnelle dans l’industrie de guerre.

Raytheon se positionne comme un maître d’œuvre global dans les systèmes d’armement de précision, avec une expertise reconnue dans les missiles, les radars, la défense aérienne, les capteurs avancés et la guerre électronique.

Parmi ses créations les plus redoutées figurent les systèmes de missiles sol-air, les radars phasés, les solutions de contre-mesures électroniques embarquées, ainsi que des plateformes de détection sophistiquées utilisées dans les théâtres d’opérations les plus complexes.

Raytheon est souvent au cœur de l’architecture de défense aérienne intégrée de nombreux pays de l’OTAN et alliés des États-Unis.

Son actionnariat repose sur les piliers institutionnels de la finance mondiale. Vanguard et State Street, véritables mastodontes de la gestion passive, détiennent une part substantielle de l’entreprise, suivis par BlackRock, Capital Research, Dodge & Cox, ainsi que Merrill Lynch International. Cette présence dense des grands gestionnaires dans le capital de Raytheon témoigne de la rentabilité structurelle de la guerre dans les portefeuilles long terme.

General Dynamics se distingue par une capacité rare à couvrir l’ensemble du spectre de la guerre conventionnelle. Ses spécialités vont des systèmes terrestres — notamment les chars Abrams, les blindés Stryker et d’autres véhicules de combat — à la construction navale avec des sous-marins nucléaires et des destroyers pour la marine américaine. L’entreprise est également active dans la fourniture de munitions, de pièces d’artillerie et de systèmes d’information et de cybersécurité destinés à l’armée et aux agences de renseignement.

Le capital de General Dynamics est dominé par Longview Asset Management, suivi de près par The Vanguard Group et BlackRock. Newport Trust Company et State Street Corporation complètent ce noyau actionnarial. Cette composition reflète, là encore, une alliance solide entre le capital institutionnel et l’économie de défense, où la rentabilité s’appuie sur des contrats publics de longue durée, une demande stable, et une position stratégique dans l’appareil militaire américain.

Quand l’instabilité devient une stratégie d’investissement

Derrière les équilibres actionnariaux, c’est une architecture financière sophistiquée qui se déploie, où l’instabilité géopolitique cesse d’être une menace pour devenir une source anticipée de rendement. Dans ce paradigme inversé, la guerre n’est plus un choc mais un scénario intégré, valorisé pour sa prévisibilité budgétaire, ses marges garanties et sa capacité à structurer durablement les flux de capitaux.

La paix, quant à elle, devient un actif incertain, moins lisible pour les algorithmes de gestion. Désormais, les tensions mondiales alimentent les matrices d’allocation, transformant la guerre en variable stratégique — non pas subie, mais modélisée, arbitrée, et parfois implicitement souhaitée. Ce déplacement moral du capital appelle une reconfiguration urgente des critères d’investissement et des finalités géoéconomiques.

Ainsi se dessine, au croisement de la géopolitique et de la finance, une mécanique redoutablement rationnelle où la guerre, jadis tragédie, devient opportunité ; où la paix, hier horizon de progrès, se voit reléguée au rang d’anomalie risquée. Loin d’un simple dysfonctionnement moral, c’est l’architecture même du capitalisme contemporain qui est interpellée, dans sa capacité à distinguer création de valeur et destruction de sens.

Face à la financiarisation croissante des guerres, il devient urgent de repenser les grilles d’évaluation, redéfinir les finalités de l’investissement, et restaurer l’exigence d’un rendement aligné non sur l’effondrement des nations, mais sur leur stabilité, leur dignité et leur avenir. Car si les marchés peuvent tout anticiper — y compris la guerre — il appartient aux sociétés humaines de choisir, lucidement, ce qu’elles veulent valoriser.

Ould Amar Yahya, économiste, banquier et financier

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Attaques israéliennes contre l’Iran : le chef des Gardiens de la Révolution tué

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Attaques israéliennes de l'Iran

Plusieurs fortes explosions ont été entendues dans la nuit du jeudi 12 au vendredi 13 juin en Iran, notamment dans la capitale Téhéran. Dans la foulée, une source militaire israélienne a indiqué que l’État hébreu avait pris pour cible plusieurs installations du programme nucléaire iranien.

Soupçonnant Téhéran de vouloir se doter de l’arme atomique, Israël a annoncé dans la nuit du jeudi 12 au vendredi 13 juin avoir mené une première série de « frappes préventives » contre des cibles militaires et nucléaires iraniennes. Selon une source militaire israélienne, l’État hébreu a mené « des dizaines » de frappes à travers toute la République islamique. Des explosions ont notamment été entendues dans la capitale ainsi que sur le site d’enrichissement d’uranium de Natanz, dans le centre de l’Iran.

Téhéran riposte. « L’Iran a lancé environ 100 drones en direction du territoire israélien que nous nous efforçons d’intercepter », a déclaré le général de brigade Effi Defrin à la télévision, vendredi 13 juin, quelques heures après plusieurs frappes israéliennes contre des sites militaires et nucléaires en Iran. La diplomatie iranienne a déclaré avoir le « droit légitime » de répondre à cette attaque.

Le Premier ministre britannique Keir Starmer appelle au « retour de la diplomatie »

« Les informations sur ces frappes sont préoccupantes, et nous exhortons toutes les parties à faire un pas en arrière et à réduire d’urgence les tensions. L’escalade ne sert personne dans la région », a déclaré le Premier ministre travailliste dans un communiqué. « La stabilité au Moyen-Orient doit être la priorité. C’est le moment de faire preuve de retenue, de calme et de revenir à la diplomatie », a-t-il ajouté.

La Jordanie annonce fermer son espace aérien

L’autorité de l’aviation jordanienne a annoncé la fermeture de son espace aérien et l’immobilisation de tous les avions après le lancement de frappes israéliennes contre l’Iran. « L’espace aérien du royaume est temporairement fermé et le trafic aérien est suspendu pour tous les avions (…) par mesure de précaution face aux risques potentiels résultant de l’escalade régionale », a indiqué cette instance dans un communiqué. La Jordanie a par ailleurs précisé qu’elle n’autorisera aucune violation de son espace aérien dans le cadre d’un quelconque conflit.

L’Arabie saoudite condamne « l’agression israélienne » contre l’Iran

L’Arabie saoudite a condamné ce vendredi les frappes israéliennes meurtrières contre l’Iran, les qualifiant « d’agressions flagrantes » contre un « pays frère ». Le royaume « exprime sa ferme condamnation et sa dénonciation des agressions israéliennes flagrantes contre la République islamique d’Iran, pays frère, qui portent atteinte à sa souveraineté et à sa sécurité et constituent une violation flagrante des lois et des normes internationales », a affirmé le ministère saoudien des Affaires Étrangères dans un communiqué.

Donald Trump a affirmé à Fox News avoir été mis au courant de l’attaque

Le président américain Donald Trump a dit à Fox News avoir eu connaissance qu’Israël allait conduire des frappes en Iran, et déclaré que Téhéran ne devait pas obtenir l’arme nucléaire. « L’Iran ne peut pas pas avoir la bombe nucléaire et nous espérons revenir à la table des négociations. Nous verrons », a déclaré M. Trump, cité vendredi par la chaîne de télévision américaine. Des négociations entre Washington et Téhéran sont censées se tenir à partir de dimanche à Oman.

Avec Rfi/AFP

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Ali Ghediri quitte la prison de Koléa

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Ali Ghediri
Ali Ghediri, général-major à la retraite et ancien candidat à la présidentielle

L’ancien candidat à la présidentielle, le général à la retraite, Ali Ghediri, a quitté ce jeudi la prison de Koléa après avoir purgé la totalité de la peine de 6 ans prononcée arbitrairement contre sa personne.

Ne rigolez pas, Ali Ghediri, grand patriote devant l’éternel et général à la retraite, a été jeté en prison pour le fallacieux chef d’inculpation d’« atteinte au moral de l’armée en temps de paix ». Condamné en mai 2023, il avait vu sa peine alourdie à un mois de sa libération initialement prévue, ce qui a prolongé son incarcération jusqu’à ce jour.

Cette libération d’Ali Ghediri intervient dans un contexte politique particulièrement tendu, marqué par la répression des voix dissidentes et les rumeurs d’arrestations et de purges. L’ancien candidat retrouvera l’Algérie pire que dans l’état où il l’avait laissée il y a six ans.

Ali Ghediri, en tant qu’ancien haut responsable militaire, avait osé défier le système en place en appelant à l’arrêt du projet de cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, ce qui lui a valu son arrestation en juin 2019. Sa fameuse lettre aux aînés (*) a jeté la panique au sein des décideurs.

Sa condamnation a été perçue par de nombreux observateurs comme une tentative de museler toute opposition politique et de maintenir un statu quo autoritaire. Elle est aussi une espèce de punition de cet enfant de l’armée qui avait pour projet de réformer le pays. La prolongation de sa détention a renforcé cette perception, alimentant les critiques sur l’indépendance de la justice et le respect des droits fondamentaux en Algérie.

La libération d’Ali Ghediri après avoir purgé sa peine, n’est pas un cadeau pour cet ex-bagnard. Il a payé lourdement son indépendance d’esprit. Il demeure à observer quelle sera la position de ses geôliers et leurs intentions.

La sortie de prison d’Ali Ghediri est un événement symbolique fort, non pas pour le régime qui a consenti à le libérer, mais bien pour l’ex-détenu d’opinion. Cette sortie de prison après une première aggravation de sa peine ne doit pas occulter les défis persistants auxquels l’Algérie est confrontée. Il reste encore près de 250 prisonniers d’opinion. Et un nombre indéterminé de citoyen.nes sous Interdiction de quitter le territoire national.

Seul l’avenir dira si cette libération marque le début de quelque chose ou si elle reste un épisode isolé dans un système politique encore largement verrouillé avec l’arbitraire et la paranoïa obsidionale comme ADN.

Yacine K.

(*) Beaucoup de médias en ligne ont mystérieusement supprimé cette lettre de leurs archives.

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Tebboune : 6 ans de promesses brisées et d’espoirs trahis

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Tebboune
Tebboune

Il y a cinq ans, Abdelmadjid Tebboune était installé par le général-major Ahmed Gaïd Salah à la tête d’une Algérie en dissidence avec ses dirigeants. Le pari était risqué. La rue régnait en majesté. L’espoir était permis. Aujourd’hui, « réélu », nous assure-t-on avec un score soviétique de 84,3% qui insulte l’intelligence des Algériens, le chef de l’Etat peut-il encore regarder ses concitoyens dans les yeux sans rougir ?

L' »Algérie nouvelle » : le grand mensonge

Pendant que le monde vacille sous nos pieds, le régime s’enferre chaque jour un peu plus dans le mensonge et le ridicule. Parlons franchement : où est donc passée cette fameuse « Algérie nouvelle » brandie comme un étendard pendant la campagne de 2019 ? Cinq ans plus tard, l’Algérie ressemble davantage à un navire qui fait du sur-place qu’à un pays en marche vers la modernité. Comme l’a si justement observé Jeune Afrique, « pour le pouvoir, l’Algérie nouvelle est sur la bonne voie. Pour une partie des Algériens, le pays est muselé. »

Le constat est implacable : les mêmes réseaux de pouvoir, les mêmes pratiques opaques, les mêmes promesses creuses. Tebboune n’a fait que repeindre la façade d’un système vermoulu sans jamais s’attaquer aux fondations pourries.

Le Hirak trahis, la démocratie enterrée

Quelle gifle pour tous ceux qui ont cru aux promesses démocratiques ! Le traitement réservé au Hirak révèle la véritable nature du régime Tebboune. Quand le chef de l’Etat déclare en juin 2021 : « Je n’utilise plus ce mot (Hirak) parce que les choses ont changé », ne reconnaissant que le Hirak « authentique et béni », il révèle son mépris pour le mouvement populaire qui l’a pourtant porté au pouvoir.

Les militants emprisonnés, les manifestations réprimées, les voix dissidentes étouffées : voilà la réalité de la « démocratie » version Tebboune. La Constitution de 2020 ? Un hochet pour endormir les naïfs, une vitrine pour les observateurs internationaux.

Une économie aux abois malgré la manne gazière

Cinq ans après, l’Algérie reste désespérément accrochée aux jupes de ses hydrocarbures comme un enfant à sa mère. Plus de 95% des exportations dépendent encore du pétrole et du gaz ! Où sont les promesses de diversification ? Où sont les réformes structurelles ?

Pendant que les cours du gaz s’envolaient avec la guerre en Ukraine, offrant une aubaine inespérée au régime, qu’a fait Tebboune ? Il a distribué quelques miettes sociales – augmentation du SNMG, allocations diverses – comme on jette des pièces à la foule pour acheter la paix sociale et double le budget de l’armée. Pendant ce temps, le chômage des jeunes explose et la classe moyenne s’appauvrit inexorablement.

« La nouvelle Algérie » de Tebboune est un sacré pied de nez à la liberté. Parlons de liberté de presse sous Tebboune : elle se résume à une mascarade. Nous macérons chaque jour dans la schizophrénie du régime. D’un côté, on emprisonne les journalistes indépendants ; de l’autre, on se gargarise de « dialogue » avec la presse.

Près de 250 détenus d’opinion croupissent dans les prisons. Si l’ancien candidat à la président Ali Ghediri a quitté ce soir la prison après avoir purgé une peine arbitraire de 6 ans de prison, il reste encore Boualem Sansal (80 ans) et des dizaines d’Algériennes et d’Algériens embastillés pour avoir dit ce qu’ils pensent.

Une diplomatie brouillonne et inefficace

Sur la scène internationale, Tebboune navigue à vue. Les relations avec la France oscillent entre réchauffement de façade et tensions diplomatiques. Avec le Maroc, c’est la guerre froide permanente. Et que dire de cette diplomatie du « ni-ni » qui consiste à ménager tout le monde sans jamais prendre position ?

L’Algérie, jadis respectée pour ses positions de principe, est devenue un acteur marginal sur la scène internationale, incapable d’influencer les grands dossiers régionaux. La meilleure preuve ? Les échecs dans la défense de la cause sahraouie, les tensions avec presque tout le voisinage et son absence lamentable dans les grands rendez-vous internationaux.

Le score de la honte

Comment ne pas évoquer cette réélection grotesque de septembre 2024 ? 84,3% des voix ! Même les plus fervents partisans du régime ont dû grimacer devant ce score digne des « démocraties » populaires d’antan. Comme l’a justement souligné The Conversation, ce résultat est tout simplement « irréaliste ».

Cette mascarade électorale insulte l’intelligence du peuple algérien et révèle le mépris profond du régime pour la démocratie. Avec une telle disproportion, Tebboune signe l’acte de décès de sa légitimité démocratique.

Six ans après son arrivée au pouvoir, Tebboune laisse derrière lui un pays plus divisé, plus appauvri intellectuellement, plus replié sur lui-même. Les jeunes continuent de fuir en masse vers l’Europe, les cerveaux s’expatrient. L’absence de quelque espoir de changement structurel a fini par décourager les plus patriotes et les investisseurs les plus nationalistes.

L’heure du réveil

Il n’y a ni présent ni avenir avec ceux qui dirigent le pays actuellement. Il est temps que les Algériens ouvrent les yeux sur la réalité de ce énième quinquennat raté. Derrière les discours lénifiants et les promesses en trompe-l’œil se cache un pouvoir fossilisé, incapable de se réformer et de porter le pays vers l’avenir.

L’Algérie mérite mieux que cette médiocrité institutionnalisée. Elle mérite des dirigeants à la hauteur de ses défis, capables de vision et de courage. Pas un président qui se contente de gérer l’immobilisme en le parant des atours du changement.

Le réveil sera douloureux, mais il est nécessaire. Car l’Algérie de demain ne se construira pas sur les ruines des promesses brisées de Tebboune.

Sofiane Ayache

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Basma Omrani : « L’écriture nous confronte à la solitude »

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Besma Omrani

Du silence naissent des voix qui portent en elles ses tremblements. Celle de Basma Omrani en est une, profonde et fragile. Dans Sursis à volonté, son premier roman, elle fait vibrer la vie de Sobhi, un homme en déséquilibre, errant dans une société sourde, entre mémoire fracturée, solitude nue, et vertige d’exister. Son écriture, dense et rythmée, révèle le délitement intime, l’exil intérieur, la quête obstinée d’une lumière — aussi ténue soit-elle. Ce livre ne se contente pas de raconter ; il crée un refuge où s’entendent enfin ceux que l’on tait.

Basma Omrani a accepté de se livrer avec la même intensité qui traverse ses pages : sincérité, pudeur et un regard aigu posé sur le réel, porté par une exigence littéraire rare. Rencontre.

Le Matin d’Algérie : Votre roman s’intitule Sursis à volonté. Pouvez-vous nous parler de ce choix de titre, à la fois paradoxal et poétique ?

Bessma Omrani : Sursis à volonté n’était pas mon premier choix de titre. Mais au fil de l’écriture, il s’est imposé presque naturellement. Le personnage principal évolue dans une sorte de labyrinthe intérieur, dont il ne parvient pas à s’extraire. Il avance dans un équilibre précaire, qu’il doit reconstruire à chaque instant. Il se sent en permanence incompris, écrasé, exclu de la vie, et de sa propre vie. Il aurait pu connaître d’autres possibles, dignes d’une vie humaine, mais rien ne se présente à lui.

Le Matin d’Algérie : Sobhi, votre personnage principal, traverse une forme de précarité existentielle. Est-il inspiré d’une personne réelle ou est-il une somme de figures croisées, imaginées, pressenties ?

Bessma Omrani : Lorsque je me promène dans les rues de Tunisie ou de Paris, je suis frappée par les visages vides, les corps fantomatiques, chacun absorbé par son smartphone, coupé du monde extérieur. Je crois profondément que la littérature est un lieu d’empathie entre les êtres.

J’ai voulu écrire et décrire cette perte d’épaisseur humaine dans nos sociétés contemporaines. Chaque jour, on assiste à des scènes glaciales d’indifférence, qui blessent. Sobhi est toutes ces personnes que j’ai croisées. Sobhi incarne cette tentative de comprendre autrui. Je suis attirée par les écritures qui donnent une voix aux solitaires, aux aliénés, aux fous, aux amoureux, aux marginalisés. Oui, donner la parole à ceux qui ne l’ont pas.

Le Matin d’Algérie : Le roman donne une voix à ceux qu’on n’entend pas. Écriviez-vous avec une forme de mission ou de devoir éthique ?

Basma Omrani : Lorsque j’ai entamé l’écriture de cette histoire, je ne savais pas où elle allait me mener. Je voulais dénoncer les ravages de la solitude, de la pauvreté, du vide existentiel que traversent tant de gens. Je voulais aussi démystifier l’image idéalisée de l’Europe : arrêter de croire qu’elle offre des solutions à tous les problèmes, et évoquer ces immigrés qui se sentent marginalisés, stigmatisés, souvent confrontés à des conditions de vie très précaires.

Le Matin d’Algérie : Votre langue est à la fois sobre et très travaillée, poétique sans ostentation. Quelle est votre relation au style ? Est-ce un acte de résistance face à la banalité ?

Basma Omrani : Tout au long du processus d’écriture, j’ai écouté beaucoup de musiques très différentes. Cela a été pour moi une véritable source d’inspiration. La musique a ses propres battements, ses rythmes, et je pense que cela a influencé mon style. J’ai opté pour des phrases courtes, pour créer un rythme saccadé qui pousse le lecteur à avancer. Je voulais que l’écriture soit presque cinématographique, comme si une caméra suivait Sobhi, en gros plan, captant son visage, sa mémoire, et la réalité qui l’environne.

Le Matin d’Algérie : On sent chez Sobhi une quête de sens, un besoin de respirer autrement. Est-ce que cette quête est aussi la vôtre, en tant qu’écrivaine et femme ?

Basma Omrani : En écrivant ce roman, j’ai goûté à une liberté nouvelle, et il m’était impossible de revenir en arrière. Il y a un avant et un après l’écriture. Écrire, pour moi, c’est à la fois un besoin et un tourment.

Le Matin d’Algérie : L’espace urbain semble peser sur les personnages. Quelle importance accordez-vous à la ville dans votre roman ? Est-elle un personnage à part entière ?

Basma Omrani : Dans ce roman, l’espace finit par envahir le personnage : sa mémoire, son intimité. Sobhi se sent agressé par tout ce qui l’entoure : les immeubles, l’architecture sans âme, les trottoirs, les lieux de vie… Ce n’est qu’à la fin du roman, lorsqu’il change d’environnement, qu’il parvient enfin à faire la paix avec lui-même.

Le Matin d’Algérie : La solitude traverse tout le texte. Est-elle une condition moderne selon vous, ou un symptôme d’une société plus largement malade ?

Basma Omrani : L’écriture nous confronte à la solitude, une solitude nécessaire. Pour écrire, pour descendre en soi et atteindre ce qui est enfoui, il faut être seul. Pour moi, cette solitude est un rempart, une condition essentielle pour se détacher du superficiel et aller vers l’essentiel.

Le Matin d’Algérie : Quel rôle jouent les femmes dans l’univers de Sobhi ? Sont-elles absentes par choix, par fragilité, ou par lucidité ?

Basma Omrani : Sobhi a une relation complexe avec les femmes. Il les perçoit comme une menace pour son indépendance émotionnelle. S’engager, pour lui, c’est s’exposer, risquer d’être abandonné. Seule la sexualité devient un refuge. Le chapitre avec la prostituée illustre bien cette dynamique : Sobhi cherche à dominer, à contrôler. Cette agressivité est une manière de se protéger de l’amour, en ne laissant place qu’au désir brut, sans tendresse. Le lecteur comprendra les racines de ce comportement en avançant dans le roman.

Le Matin d’Algérie : Vous êtes née à Sfax et avez étudié à la Sorbonne. Comment ces deux univers, tunisien et français, nourrissent-ils votre écriture ?

Basma Omrani : Cette double appartenance à deux pays m’a permis de voir les choses autrement. Elle me permet aussi d’éprouver des émotions complexes, de prendre du recul, de mieux comprendre certaines situations. C’est une richesse, mais aussi parfois un tiraillement.

Le Matin d’Algérie : On parle souvent de « premier roman » comme d’un rite de passage. Sursis à volonté est-il pour vous un point de départ ou une fin de cycle ?

Basma Omrani : L’écriture d’un premier roman est une aventure à la fois vertigineuse et exaltante. On s’y engage sans savoir si l’on sera publié, sans savoir où cela nous mènera. Ce fut pour moi une expérience bouleversante. C’est un moment de bascule dans ma vie. Plus j’écris, plus je trouve du temps pour le faire, et plus je m’en libère. L’écriture m’ouvre des espaces de respiration intérieure. C’est un travail de recherche, d’introspection, un véritable plongeon dans l’inconnu.

Le Matin d’Algérie : Quels auteurs ou autrices vous accompagnent dans votre parcours d’écriture ? Y a-t-il des lectures fondatrices ?

Basma Omrani : Je suis profondément marquée par Dostoïevski, pour son exploration saisissante de la psychologie humaine. Ses personnages sont tourmentés, profonds. Il pose des questions existentielles sans jamais offrir de réponses faciles. J’admire aussi Kafka, Zweig, McCullers, Calvino, Hemingway… et tant d’autres. J’aime les récits qui poussent les personnages à l’extrême, et qui montrent comment, sous la pression de leurs désirs, de leurs peurs ou de la société, ils basculent… et parfois se réinventent.

Le Matin d’Algérie : Ce roman est publié à la fois en Tunisie et en France. Avez-vous reçu des échos différents selon les lecteurs des deux rives ?

Basma Omrani : J’ai reçu de très beaux retours en Tunisie, ce qui m’a profondément touchée. En France, le roman vient tout juste de paraître, et j’ai reçu quelques retours encourageants de la part de mes amis proches.

Le Matin d’Algérie : Si vous deviez choisir un tableau, une chanson ou un film qui résume l’état d’âme de Sobhi, lequel choisiriez-vous — et pourquoi ?

Basma Omrani : Mi par d’udir ancora d’Enrico Caruso. Je suis incapable d’expliquer précisément le choix de cette musique, mais elle m’a habitée tout au long de l’écriture. Elle est restée en moi comme une empreinte sonore, une sorte de fil invisible.

Entretien par Djamal Guettala  

Publié aux éditions Zayneb en Tunisie et L’Harmattan en France, Sursis à volonté est un éclat poétique dans la grisaille du monde, un appel vibrant à ne jamais renoncer à la quête du sens et de la liberté.

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« Ben Barka – La disparition » : une bande dessinée pour rouvrir les plaies d’un crime d’État

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"Ben Barka – La disparition" : une bande dessinée pour rouvrir les plaies d’un crime d’État

Le 29 octobre 1965, Mehdi Ben Barka, l’un des leaders emblématiques du nationalisme marocain et figure de la lutte anticoloniale, disparaît à Paris dans des circonstances toujours non élucidées. Opposant au roi Hassan II, Mehdi Ben Barka inquiétait beaucoup le palais royal.

La bande dessinée Ben Barka – La disparition, parue aux éditions Futuropolis, revient sur ce crime d’État, mêlant enquête et reconstitution graphique pour éclairer une affaire emblématique des années 1960 et des complicités entre services secrets marocains et français.

Ce jour-là, Mehdi Ben Barka est attendu pour un rendez-vous devant la brasserie Lipp, boulevard Saint-Germain. Il porte alors un projet de film sur les luttes du Tiers-Monde, écrit par Marguerite Duras, réalisé par Georges Franju, avec Fidel Castro, Che Guevara, Nasser, Mao et Ho Chi Minh à l’affiche. Mais à la place d’un producteur, ce sont de faux policiers qui l’interpellent. Il est embarqué dans une voiture. On ne le reverra jamais.

Dans Ben Barka – La disparition, le journaliste David Servenay et le dessinateur Jacques Raynal rassemblent les pièces d’un puzzle resté longtemps verrouillé. Le récit s’appuie sur des archives judiciaires, des témoignages et des documents restés classés secret-défense pendant des décennies. Il met en scène des figures-clés de cette affaire : Georges Figon, intermédiaire trouble et ancien voyou reconverti, qui servit de lien entre le projet de film et les commanditaires du piège ; Philippe Bernier, journaliste proche de Ben Barka, et Maurice Buttin, avocat opiniâtre de la famille, confronté à une justice paralysée par la raison d’État.

Graphiquement, le dessin en noir et blanc de Jacques Raynal plonge le lecteur dans l’atmosphère pesante d’un polar politique. Loin des effets de style, le trait rugueux donne au récit une densité dramatique et une sobriété glaçante. Tout y est : filatures, manipulations, faux-semblants, silences… L’arrière-plan ? Une France encore engluée dans ses réflexes coloniaux, un Maroc monarchique obsédé par son opposant exilé, et des barbouzes naviguant entre deux rives, avec la complicité d’hommes d’influence.

Car l’affaire Ben Barka, au-delà de sa dimension tragique, révèle les mécanismes d’un monde bipolaire où les indépendances postcoloniales se construisent sous haute surveillance. Un monde où les alliances diplomatiques masquent des opérations clandestines. Un monde où l’engagement pour le Tiers-Monde peut valoir une condamnation à mort.

Soixante ans plus tard, le corps de Mehdi Ben Barka n’a jamais été retrouvé. Aucun responsable n’a été jugé. Le silence d’État reste la norme. Cette bande dessinée ne prétend pas résoudre l’affaire, mais elle documente, avec rigueur et précision, ce que les archives ouvertes permettent aujourd’hui de dire. Elle éclaire aussi ce que les archives fermées continuent de cacher.

Ben Barka – La disparition n’est pas seulement un exercice de mémoire. C’est un acte journalistique, une œuvre d’histoire dessinée, et un cri contre l’oubli. Elle rappelle que les disparitions politiques ne relèvent pas uniquement du passé. Elles interrogent notre présent démocratique et la capacité des États à affronter leurs zones d’ombre.

Djamal Guettala  

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Crash d’un avion d’Air India : 242 victimes

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crash d'un avion d'Air India

Un avion de la compagnie Air India s’est écrasé ce jeudi à proximité d’Ahmedabad, grande ville de l’ouest de l’Inde. L’appareil, qui assurait une liaison entre l’Inde et Londres, transportait 242 personnes au moment du drame.

Selon un communiqué d’Air India, parmi les passagers figuraient 169 ressortissants indiens, 53 Britanniques, sept Portugais et un Canadien. On ignore pour l’heure les circonstances exactes de l’accident, ainsi que le nombre de victimes.

Les secours ont été rapidement mobilisés sur la zone du crash. Des équipes de l’armée et des services civils d’urgence sont actuellement à pied d’œuvre pour sécuriser le périmètre et tenter de retrouver d’éventuels survivants.

Le gouvernement indien a annoncé l’ouverture d’une enquête. La direction d’Air India, quant à elle, a exprimé sa « profonde tristesse » et a promis de « tout mettre en œuvre pour soutenir les familles des passagers ».

L’avion devait rejoindre Londres dans le cadre d’un vol commercial régulier. Cet accident remet une fois encore en lumière les enjeux liés à la sécurité aérienne dans la région Asie-Pacifique.

Djamal Guettala  

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L’AAPI menace les investisseurs défaillants

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l’Agence Algérienne de Promotion des Investissements (AAPI

Dans un communiqué officiel diffusé récemment, l’Agence Algérienne de Promotion des Investissements (AAPI) a annoncé une mesure radicale à l’encontre des investisseurs n’ayant pas respecté les délais de concrétisation de leurs projets.

Les décisions temporaires d’octroi d’assiettes foncières relevant du domaine privé de l’État, attribuées à ces porteurs de projets à titre provisoire, sont désormais annulées. Ces terrains seront réorientés au profit d’investisseurs jugés plus sérieux et prêts à s’engager dans la mise en œuvre effective de leurs projets.

Une mise en garde devenue action

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n°22-18 relative à l’investissement, l’AAPI a multiplié les appels à la régularisation des situations administratives, notamment en ce qui concerne l’immatriculation définitive des biens affectés. Malgré ces rappels à l’ordre, un nombre important de bénéficiaires temporaires n’ont pas donné suite, laissant planer le doute sur leur volonté réelle de concrétiser leurs engagements.

Face à cette inertie, l’AAPI estime avoir « épuisé toutes les méthodes » de relance. Le retrait des décisions s’inscrit donc comme une mesure de dernier recours, marquant un tournant dans la politique de rigueur de l’Agence vis-à-vis des porteurs de projets peu réactifs.

Une réorientation stratégique des biens fonciers

Ce durcissement vise clairement à désencombrer le portefeuille foncier national des projets fictifs ou dormants, afin de libérer des assiettes foncières stratégiques pour des investisseurs jugés plus crédibles. Il s’agit là d’un signal fort envoyé au monde économique : seules les démarches sérieuses et structurées bénéficieront de l’appui de l’État.

L’AAPI rappelle par ailleurs aux investisseurs concernés qu’ils disposent d’un ultime délai de huit jours, à compter de la date de publication de l’avis, pour régulariser leur situation via la plateforme numérique dédiée. La liste des personnes et entités concernées est accessible sur le site officiel de l’agence.

Un tournant dans la gestion de l’investissement public

Ce geste de fermeté peut être interprété comme une volonté de restaurer la crédibilité du dispositif national de promotion de l’investissement. On veut bien le croire eu égard à l’ambiance clinique de l’investissement et de l’environnement économique du pays. Trop souvent décriée pour sa lourdeur administrative et son manque d’efficacité, la gestion du foncier économique semble amorcer une nouvelle phase, marquée par la transparence, l’exigence et la performance.

En définitive, cette décision de l’AAPI s’inscrit dans une volonté de mieux encadrer l’utilisation du foncier économique et d’encourager davantage de rigueur chez les porteurs de projets, dans un souci d’efficacité et de bonne gestion des ressources disponibles. Cependant, il y a loin de la coupe aux lèvres. Attendons de voir.

La rédaction

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Le gouvernement valide la création d’une banque postale

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Larbaoui

Sous la présidence du Premier ministre Nadir Larbaoui, le gouvernement a tenu ce mercredi une réunion consacrée à l’évaluation de plusieurs dossiers jugés stratégiques liés au développement économique et social du pays. L’annonce phare de cette rencontre est l’adoption d’un projet de création d’une banque postale, qui prendra la forme d’une filiale d’Algérie Poste.

Ce nouveau dispositif vise à rapprocher les services bancaires des citoyens, notamment dans les zones mal desservies par les établissements financiers traditionnels. Il s’agit aussi de mobiliser l’épargne nationale, d’élargir l’inclusion financière et de proposer une gamme complète et diversifiée de services adaptés aux besoins des particuliers et des petites entreprises. Le projet s’inscrit dans une dynamique plus large de modernisation du secteur bancaire et de digitalisation des services publics.

Agriculture stratégique et sécurité alimentaire

La réunion gouvernementale a également porté sur l’état d’avancement des grands projets agricoles à vocation stratégique. Un exposé a mis en lumière le lien entre ces investissements et le réseau électrique national, en insistant sur la nécessité de lever les contraintes logistiques pour assurer leur réussite. À ce titre, le gouvernement entend recourir à des technologies innovantes pour garantir un approvisionnement énergétique adapté aux besoins croissants des zones agricoles ciblées. Cette approche s’intègre pleinement dans le programme présidentiel de sécurité alimentaire, qui repose sur la mise en valeur des potentialités agricoles nationales.

Développement local et réduction des inégalités régionales

Le gouvernement a par ailleurs évalué les progrès enregistrés dans la mise en œuvre des programmes complémentaires au profit de plusieurs wilayas. Ces actions s’inscrivent dans la stratégie du président de la République visant à réduire les disparités territoriales et à stimuler le développement économique et social dans les régions les moins favorisées.

Vers une nouvelle stratégie nationale de gestion des déchets

Autre dossier abordé : le projet de stratégie nationale de gestion et de traitement des déchets pour la période 2025-2029. Ce plan vise à instaurer un système intégré fondé sur la réduction à la source, le tri, la valorisation et la promotion de l’économie circulaire. Il ambitionne également de créer des emplois verts et de renforcer l’implication des collectivités locales pour améliorer la qualité de l’environnement.

Évaluation du BEM 2025

Enfin, le gouvernement a pris connaissance d’une première évaluation de l’organisation de  l’examen du Brevet d’Enseignement Moyen ( BEM), qui s’est déroulé du 1er au 3 juin dans des conditions jugées satisfaisantes. 

Samia Naït Iqbal

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