Selon un livre à paraître d’un journaliste de « Libération », l’actuel patron du Rassemblement national faisait partie de ces assistants fictifs, payés par l’Union européenne mais employés par le parti d’extrême droite.
Il ne sera pas sur le banc des prévenus mais l’affaire le rattrape. Dans un livre à paraître le 13 septembre, le président du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, est accusé d’avoir contribué à fabriquer « de fausses preuves de travail » pour « berner la justice et justifier » son emploi comme assistant parlementaire européen. « Le jeune lepéniste était payé par l’Europe mais employé par le RN », écrit l’auteur du livre, le journaliste Tristan Berteloot, lundi 9 septembre, dans Libération, quotidien pour lequel il travaille.
Marine Le Pen est citée à comparaître à partir du 30 septembre avec 26 autres personnes et le RN (ex-FN avant de changer de nom en juin 2018), cité en tant que personne morale, pour faire la lumière sur des soupçons de détournements de fonds européens entre 2004 et 2016. Les prévenus sont poursuivis pour avoir mis en place durant cette période un système de rémunération par l’UE des assistants d’eurodéputés qui travaillaient en réalité pour le parti d’extrême droite. Marine Le Pen, qui a toujours contesté ces accusations, est visée pour détournement de fonds publics et complicité. Elle risque notamment une peine d’inéligibilité de cinq ans.
Jordan Bardella ne figure pas parmi les 12 ex-assistants parlementaires jugés dans cette affaire. Pourtant, selon le livre à paraître La Machine à gagner, son nom apparaît bien dans l’organigramme du Front national publié en février 2015 et qui a « motivé le Parlement européen à saisir la justice française ». L’actuel patron du parti y est désigné comme « chargé de mission » auprès de Florian Philippot, ancien vice-président du FN, alors qu’il est aussi « censé être l’assistant parlementaire local de l’eurodéputé Jean-François Jalkh ».
Le journal évoque des « preuves factices »
Pour cette mission de « quatre mois et demi », Jordan Bardella a « perçu un salaire de 1 200 euros net mensuel », soit un coût de « 10 444 euros » pour les instances européennes, écrit le journaliste de Libération. Selon les propos de l’ancien eurodéputé Aymeric Chauprade, brouillé avec le RN, rapportés par le quotidien, Jordan Bardella n’a pourtant jamais « rééellement [exercé] ses fonctions » d’assistant parlementaire.
Fin 2017, deux ans après l’ouverture d’une enquête par le parquet français sur cette affaire, l’équipe de l’étoile montante du RN, alors porte-parole du parti et bientôt candidat aux européennes de 2019, va « préparer un dossier de preuves factices, antidaté de la période où Jordan Bardella était employé comme assistant », avance Tristan Berteloot. Le dossier en question consiste en une revue de presse régionale « couvrant la période de contrat » comme assistant parlementaire, de février à juin 2015, censée renseigner l’eurodéputé Jean-François Jalkh des événements dans la région.
Problème, relève Libération : « la date de recherche » a été recouverte de « blanco ». Sur ces documents, Jordan Bardella « a écrit à la main les mots ‘politique locale’, ‘divers’, ‘société' », ajoute le journal. Libération cite notamment à l’appui un message d’un stagiaire travaillant pour l’avocat belge Ghislain Dubois, qui aurait déclaré lors d’un échange sur une messagerie avec d’anciens membres du parti qu’il avait « créé des faux dossiers pour des assistants qui n’ont jamais travaillé pour le Parlement européen ». Contacté par l’AFP, Ghislan Dubois n’était pas immédiatement disponible pour réagir.
Le RN dénonce des « accusations mensongères »
Dans un communiqué du RN publié lundi, « Jordan Bardella conteste formellement » ces « accusations mensongères ». Le parti se défend de ces accusations et explique qu' »alors qu’il était encore étudiant, Jordan Bardella a été employé à mi-temps, du 16 février au 30 juin 2015, pour une rémunération de 1 200 euros net (…) et a travaillé dans ce cadre, sans aucune infraction, ni irrégularité, tant au regard du règlement du Parlement européen que de la loi française ».
« Après avoir entendu Jean-François Jalkh, ni le Parlement européen, ni l’OLAF [l’Office européen de lutte anti-fraude], ni la justice française n’ont trouvé à y redire. Aucun justificatif n’a été demandé et a fortiori versé à la justice », déclare le Rassemblement national, estimant que « personne ne sera dupe de cette grossière tentative de déstabilisation » à trois semaines de l’ouverture du procès. Le Parlement européen a évalué en 2018 son préjudice à 6,8 millions d’euros.
Francetvinfo