7 mai 2024
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Penser l’après-coronavirus ?

OPINION

Penser l’après-coronavirus ?

Scène de vie d’une famille à une poignée de km d’Alger-Centre.

Avant d’être militaire ou civil, despotique ou démocratique, le pouvoir est avant tout matériel, il se mesure traditionnellement par le Produit Intérieur Brut, par les dépenses militaires, la taille de sa population, le  système éducatif et de formation continue et le niveau technologique, autant de leviers dont l’Etat dispose en toute priorité pour asseoir son autorité. 

Parce qu’ils ont la maîtrise de ces outils, les Etats riches et puissants peuvent faire face à tous les défis et à toutes les menaces y compris sanitaires. 

Qu’en est-il de notre pays ? Le coronavirus, plus que le Hirak, est un révélateur de la ruine de l’Algérie et un accélérateur de sa faillite. Le PIB, déjà en chute libre par la gestion désastreuse de vingt années de règne de Bouteflika, est encore tombé à plus de 5%, la croissance économique ralentie et engloutie par des prédateurs gloutons et voraces, est au seuil négatif (0,7%), la balance courante  s’effondre à plus de 18%, la technologie existante et importée, est à peine maîtrisée; le système éducatif et la formation continue ne produisent plus de talents, la population est “innombrable et misérable”, le chômage explose…

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En ces temps de catastrophe économique, il faut rendre hommage à notre agriculture, un métier d’avenir, et à notre armée, grâce à ses acquisitions et à son professionnalisme, même si elle compte en son sein des éléments néfastes et malfaisants. Ni le Hirak, ni cette envahissante enzyme, ni ce faible pouvoir matériel, n’ont mis à genoux l’Etat, il est toujours debout. Faut-il le déplorer ou s’en réjouir ?

Le peuple du Hirak, frustré de sa victoire possible, s’est rangé dans l’immobilisme du confinement. Certains souffrent le martyr dans leurs cellules, d’autres continuent la protestation sur les réseaux sociaux. Nombre d’entre nous rêvent peut-être d’un retour à la normale et de la poursuite de la protestation.

Sauf que la situation n’est plus la même qu’avant le coronavirus. Les Algériens vont devoir pleurer leurs morts, soigner leurs blessures, muscler leurs neurones éprouvés par un confinement régressif; se relever du traumatisme vécu, de cette réclusion, cet enfermement, cette effraction psychologique insupportable; compenser leurs pertes financières, retrouver une santé et le sourire pour pouvoir marcher à nouveau. Ils doivent aussi répondre aux menaces restées en suspens mais apparues aux tout derniers vendredis. L’islamisme politique et le berbérisme séparatiste, deux fléaux, pires que le coronavirus, qui risquent d’emporter peuple et nation. Leurs porte-paroles, Zitout en premier, tous bien cachés sous des cieux plus cléments, n’ont-ils pas appelé les Algériens à poursuivre les marches alors que l’hécatombe épidémique faisait rage et même osé dire que quelques morts méritaient le sacrifice? ’

Tous ces appels à la reprise du Hirak, à supposer qu’ils soient entendu, ne suffiront désormais plus car il faut compter avec une situation économique des plus difficiles à supporter. Le prix du pétrole poursuit sa chute, les réserves de change s’amenuisent en ces temps de dépenses publiques incontournables, l’activité économique prendra un temps long à se relancer, la famine nous guette et la mort surprendra chacun bien plus que le coronavirus qui se sera installé pour longtemps. 

L’attente du peuple est énorme et va encore exploser, les capacités d’y répondre sont extrêmement faibles. Et en ces temps d’impuissance du monde entier, nous ne pouvons exiger de l’Etat une quelconque obligation de résultats. Il fait ce qu’il peut au regard de l’héritage empoisonné laissé et encore entretenu par la “Issaba”. En revanche, il peut prendre le chemin de la sagesse en libérant les prisonniers pour délits d’opinion et de manifestation, accompagner les algériens dans leur soif d’entreprendre et de se relever, réduire dans certains secteurs, plus qu’il ne l’a déjà fait, les dépenses de fonctionnement notamment en fermant les portes des Chambres basses et hautes. L’Etat peut aussi bien gérer cette  situation exceptionnelle par ordonnances (sans avoir besoin de ces “parlants-votants”) en attendant un débat public sur la nouvelle constitution et la mise en oeuvre, une fois adoptée par le peuple, de nouvelles élections. 

Faut-il pour autant faire de nécessité vertu? D’une certaine manière, oui. 

C’est le début d’une décrispation entre le nouveau Président et le peuple. Ce dernier peut aussi bien gagner en confiance au regard des décisions prises dans la gestion de cette épidémie et en  comparant notre situation avec une situation pire que nous ne sommes pas à plaindre pour n’être pas plus affecté. L’Iran, un grand pays que nous ne pouvons pas ignorer, ayant constaté son incapacité à gérer en même temps une épidémie paralysante et une économie précaire aggravée par la chute du prix du pétrole et les mesures coercitives des Etats-Unis, s’en remet à la bourse au détriment de la vie.

L’Inde, une immense nation, vit la désespérance de ses millions de pauvres confinés et l’impossible distanciation sociale. L’Equateur, un petit pays, est submergé de cadavres enveloppés dans des plastiques noirs et entassés dans les rues et les trottoirs. D’autres exemples de pays moins lotis que nous, nous rendent plus troublés, plus bouleversés, plus touchés.

Par ailleurs, nous constatons une vraie inflexion du chef de l’Etat lors de sa sortie d’inspection à Alger. Nous y avons tous vu une sincère ouverture affichée sur le champs de l’économique et du social. Il s’est montré plus proche des gens en prenant des mesures allant dans le sens d’un apaisement du coeur et de l’esprit. Ces mesures fortes accordées aux professionnels de la santé et celles destinées à réduire les inégalités créées par le confinement le rapproche aussi de plus en plus du peuple.

Le Hirak n’est pas seulement un corps accoutumé aux processions des vendredis et mardis mais il est aussi un esprit, le langage des mots et le débat d’idées. Il est enfin une force d’âme avec sa “silmiya” rafraîchie en “Sihya”. Toutes ces qualités survivront à la double malédiction épidémique et économique. 

Dans l’état actuel des choses, l’Etat n’est pas l’ennemi. Si les Algériens ne se rendent pas à l’évidence que notre seul et unique ennemi, cette bacille à mille mutations, il sera impossible de nous en sortir de quelques manières que ce soit. S’ils continuent dans le déni et s’ils ne s’arment pas de sagesse et de patience, ils ne se relèveront jamais de la pauvreté extrême qui s’en suivra. Les charlatans, les gens aux poussées suicidaires, les complotistes et autres figures de l’empressement, nous mènent à l’abîme. Ne soyons pas les cobayes de leurs manigances.

 

Auteur
 Chadli Dahmane

 




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